Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'action du ministère des affaires étrangères dans la prévention et la lutte contre l'immigration clandestine, Paris le 17 janvier 2006.

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Circonstance : Audition de Philippe Douste-Blazy par la commission d'enquête parlementaire du Sénat sur l'immigration clandestine : propos liminaires, à Paris le 17 janvier 2006

Texte intégral

Je suis heureux d'avoir l'occasion de pouvoir m'exprimer devant vous sur un thème où il me semble que l'action de mon ministère est insuffisamment connue et mise en valeur. Je dis cela, car je pense très sincèrement que les différents services du ministère des Affaires étrangères, tout particulièrement nos consulats sur le terrain, sont en première ligne de l'action du gouvernement pour prévenir l'immigration illégale, mais aussi pour accompagner dans les meilleures conditions possibles la venue en France de ceux que nous souhaitons accueillir.
La maîtrise de l'immigration est l'une des priorités du gouvernement. Celle-ci a été récemment réaffirmée par le Premier ministre qui, à l'issue du Comité interministériel de contrôle de l'immigration le 29 novembre dernier, a souligné que, pour être efficace, une politique de l'immigration devait être globale et choisie.
Le contexte dans lequel s'inscrit notre action rend celle-ci particulièrement complexe. La mondialisation qui caractérise la vie internationale est toujours plus active et implique de multiples mouvements, non seulement de biens et de capitaux, mais aussi de personnes. Or nous sommes confrontés à une double exigence : d'une part, assurer la maîtrise de l'accès à notre territoire, ce qui suppose une action énergique pour prévenir les entrées frauduleuses ; d'autre part, concourir à l'attractivité de la France pour les personnes que nous souhaitons voir venir étudier ou travailler en France, mais aussi, tout simplement, pour les millions de visiteurs qui font de notre pays une des destinations majeures du tourisme mondial.
Une telle politique suppose nécessairement l'implication de l'ensemble du gouvernement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Comité Interministériel de contrôle de l'immigration a été créé en juin dernier.
Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères est pleinement mobilisé dans la mise en oeuvre de plusieurs aspects, parmi les plus fondamentaux, de cette politique.
Je souhaiterais donc évoquer plus particulièrement cinq thèmes qui sont au c?ur des attributions du ministère des

Affaires étrangères :

  • la politique des visas,
  • l'éloignement des étrangers en situation irrégulière,
  • la lutte contre la fraude et le contrôle des mariages à l'étranger,
  • la politique de l'asile,
  • la définition d'une politique européenne et la promotion du dialogue sur les migrations.

Evoquons tout d'abord la politique des visas.
A travers la mise en oeuvre de la politique des visas, notre réseau diplomatique et consulaire est, par définition, aux avants postes de notre politique migratoire. Il faut rappeler une règle simple et fondamentale : pour un nombre significatif de nationalités, la délivrance des visas constitue toujours la voie d'entrée normale des étrangers en France. C'est pourquoi il est essentiel de s'assurer de l'identité et de la qualité des demandeurs de visas.
La délivrance des visas est un instrument important de notre politique étrangère. Les postes consulaires ont instruction de faciliter la venue des ressortissants étrangers qui concourent à la vitalité des relations bilatérales de leur pays avec la France ou ont des attaches fortes avec notre pays. Ainsi, dans le cadre de notre politique d'attractivité, le nombre de visas délivrés à des étudiants étrangers a augmenté de plus de 10 % de 2001 à 2004. De nouvelles mesures viennent d'être arrêtées par le Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) pour favoriser la venue en France d'un plus grand nombre d'étudiants de haut niveau.
Notre réseau consulaire joue aussi, en amont, un rôle majeur dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Nos postes se montrent particulièrement vigilants dans l'instruction des demandes de visas. Le nombre des visas délivrés par nos services est globalement stable depuis trois ou quatre ans. La baisse du taux de refus de visas, aujourd'hui de l'ordre de 15 %, est la conséquence de l'introduction au 1er janvier 2003 de la mesure de paiement préalable des frais de dossier, qui s'est traduite par une baisse de la demande de visas.
En 2005 comme en 2004, dans plus de 200 postes diplomatiques et consulaires français, plus de 750 agents ont instruit quelque 2 400 000 demandes et délivré quelque 2 000 000 de visas, soit environ 20 % du total des visas délivrés par l'ensemble des partenaires Schengen.
S'agissant de la politique de délivrance des visas, deux sujets me semblent devoir être mentionnés : la biométrie d'une part, l'attractivité de la France et la mise en place des CEF (centres d'études en France), d'autre part.
La généralisation de la biométrie, d'abord.
L'introduction de la biométrie dans la délivrance des visas repose sur la loi du 26 novembre 2003, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Elle préfigure la création d'une base de données européenne sur les visas, dénommée VIS, qui permettra, à partir de 2008, l'échange d'informations en temps réel sur les délivrances ou les refus de visas dans l'ensemble des postes des pays partenaires.
Une expérimentation a été lancée en mars 2005 sous le nom de BIODEV. Elle est pilotée conjointement par le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur. Devant le succès de cette dernière, mais aussi afin de prendre en compte l'urgence de pouvoir disposer d'un système sécurisé, permettant notamment à terme d'établir une traçabilité dans le franchissement de nos frontières, j'ai décidé en juillet dernier que cette expérience, en cours dans cinq consulats (Bamako, Colombo, Minsk, San Francisco, et Annaba), serait généralisée à l'ensemble de nos postes dès 2008.
Dans cet esprit, le CICI du 27 juillet 2005 a décidé que l'expérimentation serait, dès 2006, étendue à une trentaine de consulats supplémentaires, en fonction des moyens budgétaires qui seront alloués cette année au ministère des Affaires étrangères.
Deuxième sujet à noter, l'attractivité de la France et les centres pour les études en France (CEF).
Si un meilleur contrôle de l'immigration est indispensable, nous nous devons, en même temps, de développer l'attractivité de notre pays, notamment à destination d'étudiants de haut niveau, dans un contexte de compétition internationale accrue en matière d'offre de formation.
A cet effet, le ministère des Affaires étrangères a mis en place en 2005 dans cinq pays (les trois pays du Maghreb, le Vietnam et le Sénégal) des Centres pour les études en France (CEF). Il s'agit d'une plate-forme de services qui vise à rapprocher deux processus : la délivrance du visa étudiant et la pré-inscription dans un établissement d'enseignement supérieur français. Ces CEF s'inspirent du centre d'évaluation linguistique et académique, le CELA, créé, dès 2003 en Chine, dont le succès avait été salué par la Cour des Comptes. Le CICI du 29 novembre dernier a donc décidé l'extension des CEF à une douzaine de pays en 2006. A terme, c'est plus de 70 % des étudiants étrangers demandeurs de visas qui seront concernés, avant une éventuelle généralisation du dispositif.
Les CEF, là où ils sont mis en place, sont le point de passage obligé des étudiants étrangers qui souhaitent venir se perfectionner dans notre pays. Ils fournissent une base de données extrêmement précieuse pour une promotion ciblée de nos formations supérieures et pour un suivi des étudiants étrangers. Ils sont un outil essentiel pour préserver les prérogatives de l'université en matière d'inscription des étudiants.
Le développement des CEF s'accompagne de mesures facilitant l'installation en France des étudiants de haut niveau. Le CICI a ainsi décidé de faciliter le séjour des étudiants passés par les CEF : ceux-ci obtiendront désormais un visa de long séjour pour études, les dispensant de se rendre en préfecture pour obtenir leur titre de séjour l'année de leur arrivée dans notre pays.
Je souhaiterais enfin, s'agissant de la délivrance des visas, nuancer très fortement une assertion que j'entends parfois, et qui consiste à affirmer qu'une majorité d'étrangers en situation irrégulière est entrée en France avec un visa délivré par nos postes consulaires. Si un lien entre la délivrance de visas consulaires et l'immigration irrégulière peut exister, il est en réalité assez ténu.
Plusieurs faits confirment cette analyse. Tout d'abord, la France ne délivre que 20 % des visas Schengen et il est donc possible pour les 80 % d'étrangers obtenant un visa d'un autre Etat Schengen d'avoir accès à notre territoire, l'espace Schengen étant par nature ouvert. Ensuite, les statistiques de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) montrent que moins de 15 % des demandeurs d'asile sont entrés sur notre territoire munis d'un visa. Enfin, quarante-trois nationalités ne sont pas soumises à l'obligation de visa pour venir en France, mais plusieurs d'entre elles occasionnent de réelles difficultés en matière d'asile et d'immigration. C'est pourquoi j'ai demandé qu'une enquête soit effectuée auprès de nos postes dans une quinzaine de pays sensibles. Celle-ci a démontré récemment que 21 % seulement des personnes éloignées de notre territoire s'étaient vu accorder un visa par nos consulats. Dans ce domaine, des progrès restent à faire, l'extension puis la généralisation de l'utilisation de la biométrie permettront de renforcer les contrôles dès le traitement de la demande de visa, sans décourager pour autant les demandeurs de bonne foi.
Il faut également poser le problème du contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne et de l'espace Schengen. L'évolution du contexte international doit nous conduire à privilégier, pour les années à venir, le renforcement de la coopération entre pays européens ainsi que la mutualisation de nos moyens là où cela paraît possible. A terme, l'objectif doit être la création de consulats européens, chargés de délivrer les visas pour l'ensemble des partenaires Schengen. Compte tenu des contraintes de nature juridique, la mise en place de tels consulats ne pourra se faire que progressivement, la France et l'Allemagne donnant l'exemple chaque fois que possible.
Aborder à présent la lutte contre la fraude et les détournements de procédure.
La plupart de nos compatriotes ignorent qu'en 2005, le mariage avec un Français est devenu, avant même le regroupement familial, la première source d'immigration légale dans notre pays. Ce fait n'est pas choquant en soi, mais l'évolution très rapide des chiffres (+ 100 % depuis 1996), doit nous pousser à la plus grande vigilance. Là encore, nos consuls sont en première ligne pour détecter les fraudes. La fraude au mariage et, par voie de conséquence, à la nationalité française constitue un élément essentiel du phénomène de pression migratoire auquel notre réseau diplomatique et consulaire est confronté au tout premier chef.
Cette fraude recouvre une double réalité : les mariages de complaisance mais aussi les mariages forcés où l'un des époux se trouve privé de sa liberté de choisir. Ce phénomène est en très forte augmentation. Au total, les mariages mixtes ? entre Français et étrangers- célébrés à l'étranger représentent 28 % des mariages célébrés ou transcrits dans notre état civil. Cette évolution est encore plus marquée si l'on considère les pays à partir desquels s'exerce une forte pression migratoire : les pays du Maghreb (+ 487 %) et la Turquie (+ 656%).
Ce phénomène de masse s'est traduit par 90 000 mariages entre Français et ressortissants étrangers en 2003, dont environ la moitié en France et l'autre moitié à l'étranger. Le lien matrimonial avec un conjoint français donne droit à un titre de séjour, mais aussi, avec un effet quasi automatique dans 95 % des cas, à l'acquisition de la nationalité française, libérant de ce fait le conjoint étranger des obligations en matière de séjour.
Devant les difficultés auxquelles sont confrontés nos consuls face à cette situation, faute d'instruments juridiques pour parer à ce qui, dans de nombreux cas, s'apparente à de véritables trafics, j'ai fait au garde des Sceaux une proposition qui permet de s'assurer de la sincérité des intentions matrimoniales avant même la célébration du mariage par l'autorité étrangère puis lors de la demande de transcription dans les registres de l'état civil français. Dans ce nouveau dispositif, la transcription en France des actes de mariages conclus à l'étranger ne sera plus automatique : elle sera subordonnée à des contrôles de l'autorité consulaire et éventuellement des autorités judiciaires françaises et ne vaudra plus mécaniquement titre de séjour. Cette réforme figure au nombre des mesures adoptées par le Comité interministériel de contrôle de l'immigration du 29 novembre dernier ; celui-ci a également décidé de resserrer le dispositif actuel d'accès, quasi-automatique, à la nationalité par déclaration, en allongeant de deux ans la durée minimale de communauté de vie. Un autre dispositif, plus radical, consisterait, à l'instar de la plupart des pays européens, à mettre en place au bénéfice des conjoints de Français une procédure spécifique de naturalisation par décret, tout en respectant leur vocation à devenir français. Cette voie n'a pas été retenue, en tout cas à ce stade, par le CICI.
La fraude à l'état civil constatée dans de nombreux pays étrangers constitue par ailleurs un enjeu majeur du contrôle des flux migratoires, ce que l'on appelle la fraude documentaire.
A l'appui d'une demande de visa, de regroupement familial ou de certificat de nationalité française, sont souvent produits des actes d'état civil falsifiés ou frauduleux, délivrés avec la complicité des autorités locales compétentes, ainsi que des jugements supplétifs ou rectificatifs concernant des naissances ou des filiations fictives et des reconnaissances mensongères d'enfants. Dans certaines zones géographiques, en Afrique notamment, l'ampleur du phénomène est sans précédent : le taux d'actes faux ou frauduleux peut même dépasser 90 % des actes présentés à nos consulats. En donnant accès indûment à des procédures légales de séjour ou en permettant une usurpation de la nationalité française, ce phénomène alimente la pression migratoire.
Face à un tel développement de la fraude documentaire, nous avons pensé qu'une réponse efficace devait passer par une nouvelle réforme du dispositif de l'article 47 du code civil relatif à la validité des actes d'état civil étrangers. Tel qu'il résultait de la loi du 26 novembre 2003, cet article n'avait pu en effet réellement fonctionner. Un nouveau schéma a donc été retenu par le CICI du 29 novembre : donner à l'administration un délai de 8 mois pour statuer et, en cas de refus, laisser au demandeur, concurremment avec l'administration, le soin de produire les éléments de nature à forger la conviction du juge.
Il s'agit là d'une première réponse qui n'exclut pas, au plan normatif, que soit engagée une réflexion sur la possibilité de recourir aux tests ADN, comme dans d'autres pays européens, en cas de doute sur les filiations invoquées. Toutefois, la véritable réponse au phénomène de fraude documentaire réside dans la mise en place dans les pays concernés d'un état civil digne de ce nom. Nous devons, par notre politique d'aide au développement, soutenir l'effort de ces pays.
J'en viens maintenant à la mise en oeuvre des retours forcés.
Le choix d'une politique globale de l'immigration suppose également le renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière et, par voie de conséquence, une politique de retours forcés qui soit humaine mais déterminée.
Selon des chiffres rendus publics par le Premier ministre l'été dernier, la France compterait entre 200 000 et 400 000 clandestins. Près de 20 000 reconduites à la frontière ont été réalisées en 2005, depuis la métropole, alors que la France avait expulsé 16 000 étrangers en situation illégale sur son territoire en 2004. L'objectif du gouvernement est d'atteindre 25 000 reconduites en 2006.
Il reste que l'éloignement des étrangers en situation irrégulière demeure une opération toujours complexe. Les procédures de reconduite ne sont pas toujours couronnées de succès car le droit français est, en Europe, l'un des plus protecteurs pour les étrangers. Tout au long de la procédure d'expulsion, la personne interpellée peut saisir le juge pour demander l'annulation de la décision prise à son encontre par l'autorité préfectorale, et les délais de la rétention administrative sont en France parmi les plus courts d'Europe, soit 32 jours au maximum.
Un étranger sur le point d'être expulsé refuse en général de coopérer, explique la plupart du temps qu'il a perdu son passeport et, souvent, n'hésite pas à mentir sur sa nationalité. Pour la police, il n'est pas facile de distinguer un Marocain d'un Algérien, un Malien d'un Sénégalais ou un Afghan d'un Pakistanais. C'est pourquoi la collaboration des ambassades et des consulats étrangers est indispensable pour qu'ils reconnaissent leurs ressortissants et délivrent un "laissez-passer consulaire" qui servira de document de voyage à l'étranger expulsé, lui-même dépourvu de passeport.
Or l'absence de coopération de certains pays qui refusent de reconnaître leurs nationaux est l'une des principales causes d'échec à l'exécution des mesures d'éloignement. C'est la raison pour laquelle le Comité interministériel de contrôle de l'immigration a décidé, le 27 juillet dernier, de notifier à ces pays un préavis de trois mois avant la mise en oeuvre de mesures restrictives dans la délivrance des visas.
Dans cette perspective, j'ai adressé des lettres à plusieurs de mes homologues. Douze pays ont été ainsi placés sous surveillance : Egypte, Guinée, Géorgie, Serbie Monténégro, Soudan, Tunisie, Maroc, Biélorussie, Inde, Pakistan, Cameroun et Mauritanie. Ces pays ont fait l'objet entre septembre et décembre dernier de plusieurs démarches diplomatiques ; ils sont désormais dûment informés de nos préoccupations. Je note d'ailleurs avec satisfaction que plusieurs d'entre eux ont fait preuve d'une grande réactivité et délivrent plus facilement ces laissez-passer consulaires.
Je disposerai dans les prochains jours d'un bilan, établi pays par pays, sur le taux de délivrance des laissez-passer consulaires pour les derniers mois de l'année 2005. Pour les pays les moins coopératifs, des mesures nouvelles seront proposées au Premier ministre. Je n'exclus pas de demander, si cela devenait vraiment nécessaire, le rappel de certains fonctionnaires consulaires ou diplomatiques étrangers qui persisteraient à traiter cette question avec désinvolture, voire avec la volonté délibérée de faire échec à ces mesures de reconduite à la frontière.
Je souhaite à présent évoquer la réforme de l'asile.
La politique de l'asile, en tant que telle, ne relève pas du contrôle des migrations. La réforme de l'asile en France, mise en oeuvre par la loi du 10 décembre 2003 portant réforme de l'asile, est entrée en vigueur le 1er janvier 2004 ; elle est globalement un succès. Le nombre des demandeurs d'asile est en effet aujourd'hui en baisse. Quelques adaptations réglementaires sont cependant encore nécessaires et je souhaiterais vous les exposer.
Le recul est aujourd'hui suffisant pour affirmer que la loi a permis de traiter les demandes d'asile dans des délais beaucoup plus courts, tout en apportant aux demandeurs des garanties dont ils ne bénéficiaient pas auparavant.
La première garantie, c'est que la France apporte désormais, dans le cadre de la Convention de Genève, une protection contre les persécutions et les menaces qui émanent d'autorités ou de groupes non étatiques.
La deuxième garantie c'est que des personnes qui encourent des risques graves tels que la peine de mort, des traitements inhumains ou dégradants ou qui sont menacées lors de conflits, peuvent être protégées au titre de la protection subsidiaire même si elles ne sont pas reconnues comme réfugiées en application de la Convention de Genève.
Ces garanties sont fondamentales. Leur introduction a été une avancée majeure pour le droit d'asile en France.
L'ambition de la loi était aussi de rendre les procédures plus efficaces. C'est chose faite. La procédure a été simplifiée. Les délais de traitement des dossiers ont été réduits dans des proportions importantes. Le délai total de traitement des demandes d'asile, qui était supérieur à dix huit mois avant la réforme, est actuellement inférieur à huit mois.
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est devenu le "guichet unique" pour les demandeurs d'asile. Auparavant, en effet, le demandeur pouvait s'adresser conjointement ou successivement à l'OFPRA et au ministère de l'Intérieur, responsable de la procédure d'asile territorial aujourd'hui remplacée par la protection subsidiaire. La Commission des recours des réfugiés est la seule juridiction compétente pour traiter des recours contre les décisions de l'OFPRA ; les tribunaux administratifs étaient compétents auparavant, si le ministère de l'Intérieur avait été saisi.
D'importants moyens financiers et humains ont été mis en oeuvre afin d'atteindre l'objectif de traitement des demandes d'asile en six mois, fixé par le gouvernement.
La subvention annuelle de fonctionnement de l'ensemble OFPRA-CRR a été portée de 34,5 millions d'euros en 2003, à 42,2 millions d'euros en 2004 et à 52,1 millions d'euros en 2005. En 2006, elle sera ramenée à 49 millions d'euros, pour tenir compte de la baisse de la pression en matière d'asile.
Les effectifs de la CRR sont passés de 140 à près de 400 entre 2002 et 2005. L'essentiel des recrutements a concerné 125 agents contractuels, embauchés pour un an entre le 1er novembre 2004 et le 1er novembre 2005, afin de gérer le stock de demandes d'asile qui s'était accumulé au cours des années récentes.
Alors que le nombre de recours déposés en 2005 s'est élevé à 37 786, la juridiction a ainsi pu rendre 62 262 jugements dans l'année. En conséquence, le stock de dossiers en instance est passé de 45 000 fin 2004 à environ 22 000 au 31 décembre 2005.
Bien que nous continuions à être le premier pays d'accueil des demandeurs d'asile parmi les Etats industrialisés, les demandes d'asile baissent chez nous dans les mêmes proportions que chez nos principaux partenaires.
Toutes demandes d'asile confondues, il y avait 90 000 demandeurs en 2003. Il n'y en avait plus que 65 600 en 2004. Il y a donc eu une baisse de 27 % entre 2003 et 2004. Cette diminution est en phase avec celle constatée dans l'ensemble des pays industrialisés et qui est de l'ordre de 22 % sur la même période.
La baisse s'est poursuivie en 2005. Selon les données provisoires actuellement disponibles, l'OFPRA a reçu 59 455 demandes l'an passé, soit 9,4 % de moins qu'en 2004. En laissant de côté les 9 340 demandes de réexamen qui correspondent à des affaires déjà traitées, pour ne considérer que les premières demandes nouvelles qui sont au nombre de 43 100, cette baisse est de 14,7 %.
La composition de la demande s'est sensiblement modifiée en 2005. Les ressortissants d'Haïti figurent en tête de la demande avec une augmentation du nombre de dossiers déposés de 76 % Ils remplacent les demandeurs en provenance de Turquie qui étaient les plus nombreux depuis 2001. Aujourd'hui, les cinq nationalités les plus représentées sont les Haïtiens (5 145 demandes), les Turcs (3 571), les Chinois (2 657), les ressortissants de Serbie-et-Monténégro (2 597) et de République démocratique du Congo (2 566).
Pour faire face à l'augmentation de la demande d'asile haïtienne (+ 76% en 2005), l'OFPRA a ouvert une antenne permanente en Guadeloupe au tout début de cette année ; la Commission des recours des réfugiés organisera, pour sa part, en 2006 des audiences dans ce département d'outre-mer. La demande haïtienne devrait être ainsi traitée avec le maximum d'efficacité possible.
La réforme de l'asile est donc un succès, rendu possible par les efforts d'adaptation fournis par l'OFPRA et la CRR sous l'impulsion du ministère des Affaires étrangères.
Il faut ajouter aux dispositions contenues dans la loi elle-même des adaptations de nature non législative qui permettent d'améliorer les procédures. J'en donnerai deux exemples.
L'application de la notion de pays d'origine sûr, introduite dans le droit français par la loi du 10 décembre 2003, est l'exemple d'une réponse efficace à l'afflux de certaines demandes d'asile. Sur la base d'une enquête auprès de nos ambassades et d'un travail des services de mon ministère, le conseil d'administration de l'OFPRA, compétent en la matière, a retenu en juin dernier douze pays formant la liste provisoire des pays d'origine sûrs. Depuis lors, les demandes des ressortissants de ces douze pays, traitées désormais prioritairement, sont en diminution de 62 %.
Par ailleurs, dans le cadre du CICI, j'ai été chargé de ramener, par voie réglementaire, le délai imparti pour contester les décisions de l'OFPRA devant la CRR d'un mois à quinze jours. Cette mesure est née du constat qu'il existe une différence entre notre pratique et celle de nos principaux partenaires européens : ainsi le Royaume Uni, l'Allemagne et l'Autriche ont des délais de 10 à 15 jours.
Dernier thème, la contribution de la France au débat international sur les migrations et leurs enjeux.
L'ampleur des phénomènes d'immigration auxquels nous sommes confrontés nécessite une réponse qui implique également les pays d'origine et de transit des migrants. La France s'efforce, en particulier depuis les évènements de Ceuta et Melilla, d'être en ce domaine une force de proposition et d'initiative, au niveau européen comme mondial, pour favoriser la mise en oeuvre d'une véritable stratégie sur les migrations. Le ministère des Affaires étrangères coordonne la définition de cette politique par la promotion d'un dialogue global, en particulier avec les pays d'Afrique sub-saharienne, et la mise en avant de projets concrets de coopération avec un certain nombre de pays cibles.
La politique de coopération conduite par notre pays vise à exercer une réelle influence sur les phénomènes d'immigration. Il s'agit également, dans ce domaine, de concilier la logique de l'attractivité et celle du développement.
Je dois rappeler que, de ce point de vue, l'effort de la France est important. L'Aide publique au développement est en constante augmentation. Cette aide, qui s'établissait à 5 milliards d'euros en 2001, s'élève à 8,2 milliards d'euros dans le projet de loi de Finance pour 2006. Comme vous le savez, le président de la République a pris l'engagement de porter cette aide à 0,5 % du revenu national brut en 2007 et à 0,7 % en 2012.
La politique conduite en matière d'aide au développement doit davantage tenir compte de la nécessité de développer nos relations avec les pays d'origine et de transit de l'immigration illégale. Il faut, pour cela, développer une approche incitative, prévoyant des contreparties pour nos partenaires. Cette approche est partagée par tous nos partenaires européens qui ont refusé, lors du Sommet de Séville, de n'envisager l'immigration clandestine que sous l'angle des sanctions.
J'ai retiré la conviction personnelle des déplacements que j'ai effectués dans ces pays partenaires de la France qu'il faut concentrer davantage notre aide sur les projets susceptibles de retenir les populations sur place et sur les régions dont sont originaires les candidats à l'émigration.
A cet égard, je voudrais souligner l'importance des initiatives prises à l'issue du récent sommet Afrique-France de Bamako. Elles comprennent quatre projets dont l'un a déjà été adopté par le Fonds de Solidarité Prioritaire. Il s'agit d'une action portant sur les diasporas scientifiques, techniques et économiques. Sa mise en oeuvre aura valeur de test puisqu'il prévoit une conditionnalité entre les bourses que nous offrons et l'engagement de retour des bénéficiaires dans leurs pays. Il est, en effet, souhaitable que les formations des étudiants des pays en développement puissent bénéficier en fin de compte aux pays dont ils sont originaires.
Le co-développement peut constituer un élément essentiel de cette stratégie. C'est pourquoi j'ai décidé d'en faire une priorité de l'action de mon ministère en 2006. L'objectif vise à inciter les migrants venant en France à participer à des actions d'aide au développement en faveur de leurs pays d'origine, qu'ils soient disposés à y investir pour promouvoir des activités productives ou des projets sociaux, ou qu'ils souhaitent les faire profiter de leurs compétences ou de leurs réseaux de relations. Les enjeux sont bien réels, dans la mesure où les migrants rapatrient des sommes importantes dans leur pays d'origine, d'un montant total supérieur à l'Aide publique au développement, et ont souvent atteint un niveau de qualification élevé dans des domaines où leur pays souffre de manques graves.
Au-delà, notre pays s'efforce d'être une force de proposition et d'initiative au niveau européen pour favoriser la mise en oeuvre d'une véritable stratégie sur les migrations en provenance d'Afrique. C'est dans cette perspective que j'ai réuni à l'automne dernier, à Toulouse, mes collègues des pays européens du nord de la Méditerranée pour examiner le dossier de l'immigration. Par ailleurs, la France a accueilli également au mois de novembre dernier, la Conférence ministérielle du dialogue 5 + 5 pour évoquer les migrations en Méditerranée occidentale. Enfin, notre pays a contribué, avec l'Espagne et le Maroc, à la relance du volet consacré à l'immigration au sein du Processus de Barcelone, à l'occasion du 10ème anniversaire du partenariat euro-méditerranéen fin novembre 2005. C'est dans ce contexte que la France soutient le projet de conférence euro-africaine sur les migrations qui devrait permettre, cette année, à l'ensemble des pays concernés de mener une réflexion commune sur ces problèmes.
Telles sont donc les principales actions menées par mon ministère pour contribuer à la maîtrise des phénomènes de l'immigration.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2006