Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur France Info le 18 janvier 2006, sur les nouveaux contrats de travail à destination des jeunes et des seniors et sur le projet de loi intitulé "Pacte national pour le logement".

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Média : France Info

Texte intégral

Q- Il y a quelques mois, ici même, je vous avais posé une question que vous aviez balayée du revers de la main ; je vous avais demandé s'il était possible de lutter réellement contre le chômage sans toucher au droit du travail. Finalement, lundi, D. de Villepin a répondu à votre place, avec le contrat "nouvelles embauches", le contrat "première embauche". Est-ce un grand coup de canif donné au droit du travail ?
R- Non. La question posée est la suivante : on en a assez que l'on dise aux jeunes de moins de 26 ans : "vous n'avez pas d'expérience, allez donc faire des stages, de l'intérim, des CDD, et revenez nous voir beaucoup plus tard". Cette situation qui est assez unique en Europe, puisque nous sommes quasiment les seuls à avoir un taux de chômage de 23 % des jeunes, et 80 % d'entre eux sont en précarité totale pendant les huit premières années. Eh bien il faut essayer de s'attaquer à ce sujet pour leur trouver un système qui leur permette à la fois d'avoir un contrat de travail, certes, souple au début, parce que pour l'entreprise, il est tout à fait clair que quelqu'un qui arrive sans expérience n'a pas la même intégration que quelqu'un qui a dix ans d'expérience, c'est une évidence ; il faut plusieurs trimestres pour cela. Et en même temps donner à ce jeune, à la fois des garanties pour trouver un logement, c'est ce que l'on met en place avec ce contrat "première embauche", parce que c'est aussi un contrat de logement d'une certaine manière, en tous les cas de garantie de logement. Et puis si l'expérience n'est pas concluante, qu'il y ait de véritables indemnités, des primes et un droit à la formation acquis dès le premier mois. C'est une spécificité française... Moi, j'en ai plein le dos : dans ce pays, les seniors, pour un certain nombre de raisons, nous avons le plus mauvais taux d'emploi en Europe. Et, contrairement à ce que l'on dit - vous pourriez me dire la
même chose sur le contrat de travail -, avec les partenaires sociaux, encore, hier matin, on négociait un contrat adapté aux seniors et un contrat de première expérience pour les jeunes pour sortir de cette fatalité de la précarité des jeunes.
Q- Parlons justement des partenaires sociaux : la méthode est quand même curieuse, vous touchez au droit du travail sans concertation avec les syndicats.
R- Avec G. Larcher, on a des rapports constants. La réunion d'hier matin, c'était quoi ? C'était la concertation sur ce que l'on appelle le CDD senior, parce qu'il est clair qu'à partir d'un certain âge, quand il manque quelques trimestres d'activités pour arriver à la retraite et qu'on a un talent encore fou et que l'on est très en forme - parce qu'on est très en forme quand on est un senior aujourd'hui -, il faut un contrat de travail qui soit adapté, ce que les partenaires sociaux comprennent parfaitement, et nous concertons sur cela. Donc, arrêtons d'opposer les structures aux structures, des fiefs aux fiefs, des régions contre l'Etat, les villes contre les régions, les départements contre les deux réunis. La société française a beaucoup de légitimités différentes, personne n'est propriétaire de rien, il faut que l'on travaille tous ensemble.
Q- Etes-vous parfaitement en phase avec D. de Villepin ?
R- Parfaitement en phase avec D. de Villepin sur ce point.
Q- Parlons du projet de loi que vous présentez à l'Assemblée nationale cet après-midi ?
R- Attendez... Pourrait-on dire un mot sur l'emploi et le chômage ?
Q- Oui, si vous voulez, mais on a beaucoup dit que l'emploi avait baissé... je voudrais que l'on parle du logement, parce que l'heure tourne.
R- Oui, un mot : depuis que l'ANPE existe, depuis un petit moment quand même, l'année historique d'offres d'emplois, et notamment de CDI, c'est cette année et le mois historique, depuis que l'ANPE existe : 340.000 offres d'emploi déposées à l'ANPE. Je dis cela pour que les demandeurs d'emploi, qui, maintenant, sont reçus individuellement tous les mois par le même référent, reprennent un peu confiance en eux, car c'est difficile d'être demandeur d'emploi, et qu'ils aillent vraiment à l'ANPE le plus vite possible.
Q- Peut-on parler de l'immobilier maintenant ? Vous présentez un projet de loi ; votre but, c'est d'aider les Français à devenir propriétaires. Comment allez-vous faire ? Voulez-vous casser le marché de l'immobilier pour faire baisser les prix ?
R- Manifestement, vous n'avez pas lu le projet !
Q- Expliquez-moi...
R- Vous savez qu'il y a une terrible crise de l'immobilier en France, du logement, d'ailleurs, plus que de l'immobilier ; c'est scandaleux. Dans la décennie qui vient de s'écouler, 270.000 étaient produits en France, dont 40 à 50.000 logements sociaux. Comme c'est très insuffisant, la crise a été terrible. Depuis trois ans, nous nous sommes collés à ce problème. Cette année, nous mettons en chantier 402.000 logements et nous avons doublé le financement des logements sociaux. Je tiens à remercier l'ensemble des partenaires HLM et partenaires sociaux qui nous ont aidé dans cette action. Il faut aller plus loin, notamment en île de- France. D'abord, il faut maintenir cet exploit : cela fait vingt-sept ans que l'on n'a pas autant construit dans ce pays ! C'est énorme !Donc, il faut maintenir cela pour l'année qui vient. On avait des besoins complémentaires : premièrement faire baisser la TVA à 5,5 pour l'accession sociale à la propriété dans les quartiers de rénovation urbaine, pour que l'on puisse construire ces petites maisons à 100.000 euros qu'on a déjà lancées ; deuxièmement, mettre à disposition du foncier, que les villes aient un intérêt objectif à construire. Donc il y a un certain nombre de mesures de financement différentes : par exemple, lorsqu'une décision administrative d'une ville fait que votre terrain, qui valait 100 francs - sic -, par cette simple décision de constructibilité, cela vaut 1.000 francs. Eh bien un petit quelque chose revient à la ville, parce que c'est grâce à elle que vous vous êtes enrichis. On était le seul pays où, quand une décision administrative modifie la fonction de votre terrain, c'était uniquement pour le propriétaire privé. Donc, une dizaine de dispositions comme ça, qui [consistent] à mettre du foncier à disposition, accélérer encore la construction de logement dans notre pays.