Texte intégral
PARTIE 1
Bonjour Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver pour cette conférence de presse organisée à l'occasion de la remise par Michel Pébereau des conclusions du Rapport que je lui avais confié.
Il y a 6 mois, lors de la conférence de presse que je donnais ici même à Bercy devant vous, je vous annonçais que j'avais confié à Michel Pébereau le soin de mener à bien une mission sur l'endettement de la France. Après 6 mois de travail, Michel Pébereau m'a remis son rapport ce matin : il va vous le présenter. Je voudrais au préalable, d'abord le remercier lui et les membres éminents qui ont accepté de prendre sur leur temps de travail pour participer à la réflexion sur un sujet qui me semble capital ; ensuite vous dire quelques mots sur les conclusions de ce travail remarquable.
1. La dette, parlons en !
Si j'ai voulu cette Mission c'est bien que, dès mon arrivée à Bercy, j'ai pu mesurer à quel point notre budget, notre croissance et donc notre capacité à créer des emplois, étaient contraints par le niveau d'endettement auquel nous ont conduit 25 ans de déficit accumulés. Je ne disais pas autre chose, lorsque je déclarais en juin dernier que « La France vit au dessus de ses moyens ».
On me dit que parler de la dette serait anxiogène. C'est précisément de ne pas en parler qui remet en cause notre confiance dans l'avenir ! La reprendre en main, en stopper la progression et la réduire redonnera confiance aux Français et créera les conditions favorables à la croissance. Si nos compatriotes comprennent mieux le mécanisme de cet endettement, ils comprendront mieux les solutions à mettre en oeuvre. Je voudrais les convaincre que ce n'est pas une question idéologique !
C'était bien là l'objet de la Mission confiée à Michel PEBEREAU que d'éclairer les Françaises et les Français, de manière transparente, indépendante et non partisane, sur la dette et ses conséquences, d'en expliquer l'origine et de fournir les orientations qui permettront à notre pays, de continuer à honorer ses engagements et de mener une politique de croissance sociale.
2. Pourquoi réduire la dette ?
A partir du moment où l'on accepte de regarder la dette en face, et c'est ce qu'a fait la Mission Pébereau , force est de reconnaître qu'elle est aujourd'hui trop élevée.
Je vais laisser à Michel le soin de rappeler les chiffres retenus par la Commission mais les ordres de grandeur sont vous le savez considérables. Avec 1117 Mds d'euros fin 2005, 66 % du PIB, la seule dette financière de la France n'a été que croissant depuis 25 ans. De ce point de vue, vous savez qu'en économie, les tendances sont souvent plus importantes que les niveaux en valeur absolue.
A cet égard je constate que la tendance récente de nos partenaires a été de réduire leur endettement, notamment pendant la période de croissance exceptionnelle qu'a connu la zone Euro dans les années 97-2002, de 10 à 20 % pour des pays comme la Grande Bretagne , les Pays Bas, l'Espagne ...alors que nous arrivions à peine à le stabiliser. Si la moyenne européenne à 64 % n'est que de peu inférieure à l'endettement de la France , c'est du fait des endettements considérables de l'Italie (106 %) ou de la Belgique (96 %). Cet endettement croissant, c'est une dérive par rapport à nos engagements et nos partenaires européens. Nous sommes tous aujourd'hui dans le même bateau de l'Euro : nous dépendons tous de la bonne gestion financière des uns et des autres. Construire l'Europe, c'est aussi jouer le jeu de la coopération entre pays membres !
- Mais cette dette, c'est aussi une contrainte budgétaire forte : je l'ai déjà dit, le seul paiement des intérêts de la dette de l'ensemble des administrations publiques, soit environ 45 milliards d'euros, engloutit chaque année pratiquement le produit de l'impôt sur le revenu. Sans ces charges, qui représentent près de 3 % du PIB, nous serions l'an prochain presque à l'équilibre des comptes publics ! Elles créent évidemment des effets d'éviction des « bonnes » dépenses! Qui pourrait nier aujourd'hui que nous aurions bien besoin de ces marges de manoeuvre pour préparer l'avenir, notamment inciter à l'investissement et à la R &D ou encore pour combattre le chômage ?
- Notre dette c'est enfin et surtout un crédit sur les générations futures : l'argent a été dépensé ; la croissance n'a pas toujours été au rendez-vous. Le résultat est là : l'impôt sur le revenu, normalement perçu par nos compatriotes comme leur contribution à la collectivité pour le présent et l'avenir, est maintenant intégralement absorbé pour payer le passé. Il nous faut donc nous endetter pour financer le présent. Une partie de la solidarité intergénérationnelle a été cassée : nos enfants financeront nos retraites demain ; mais sans le savoir, ils financent notre train de vie de plus en plus aujourd'hui.
Ce constat là me préoccupe sur le plan politique et démocratique. La démocratie a toujours reposé notamment sur le consentement à l'impôt et sur le choix éclairé du citoyen sur les dépenses qu'il doit financer. Actuellement, nous avons fait des choix généreux par le passé pour notre bien-être, mais ceux qui les financeront ne votent pas encore et n'ont pas eu leur mot à dire. Jusqu'à un certain point, c'est une règle normale de la vie en société ; mais jusqu'à un certain point seulement !
Je laisse la parole à Michel PEBEREAU.
PARTIE 2
Je voudrais remercier Michel pour cette présentation extrêmement claire et fouillée, à l'image du remarquable travail accompli par la Commission dont les propositions constituent un ensemble d'une remarquable homogénéité.
Je considère donc pour ma part que ce niveau n'est pas soutenable au regard des choix économiques et sociaux qui sont les nôtres, au-delà d'ailleurs des clivages partisans : pour préserver notre modèle social il nous faut amorcer le plus rapidement possible le désendettement. C'est possible, je vais y revenir !
3. D'où vient cette dette? Quelles erreurs à éviter pour la suite?
Je voudrais revenir un instant sur la genèse de cette dette et bien sûr remarquer comment les mécanismes de régulation de la dépense publique n'ont pas fonctionné de manière suffisante.
Mais au-delà, les travaux de la Commission éclairent les décideurs comme les citoyens sur la portée considérable de nombre de décisions de politiques publiques dont les effets financiers se font parfois sentir à très long terme.
De ce point de vue, la dette publique est un peu comme une coupe « géologique » !
Elle révèle le coût de certains choix dans nos politiques publiques dont les conséquences ont été pas ou mal évaluées.
Elle montre à quel point la croissance économique est au coeur de notre capacité à financer dans la durée, sans prélèvement obligatoire asphyxiant ce modèle social et ces solidarités auxquelles nous tenons.
Elle nous apprend aussi que dans le monde concurrentiel qui est le notre, un choix économique inadapté peut se payer très cher et pendant très longtemps.
Même si l'inspiration est souvent généreuse, toute mesure à contresens des tendances lourdes de notre économie ou de l'économie mondiale pénalise toujours in fine notre croissance, nos finances et se retrouve quelque part dans la dette. Le risque est grand dans ces cas là d'être généreux à crédit !
Je prendrais comme exemple, l'absence de réforme de l'Etat à grande échelle dans les 25 dernières années. Le résultat, c'est qu'on a recruté près de 300.000 fonctionnaires supplémentaires de 1981 à 2002 alors que la plupart des autres pays s'efforçaient de redimensionner leurs administrations. Sur 25 ans, cette charge est une part importante du déficit actuel et cela représente aujourd'hui des sommes considérables.
[Mais je pourrais évoquer plus longuement le choix de la retraite à 60 ans alors que depuis trente ans, l'espérance de vie gagne trois mois par an. Ou encore, la baisse du temps de travail alors que tous nos partenaires sont aujourd'hui dans une logique inverse.]
Comme disent nos amis américains, il n'y a pas de "free lunch" dans le domaine économique, et la géologie de la dette permet de mieux le comprendre... ou de s'en convaincre pour ceux qui en doutaient encore !
4. Le temps de l'action a déjà commencé
Le problème est posé et bien posé ; grâce au travail de la Mission Pébereau, chacun peut aujourd'hui comprendre sans polémique ni esprit partisan les enjeux et les solutions pour la France d'aujourd'hui comme pour celle de demain.
A son niveau actuel, la dette de la Nation a déjà une forte inertie. On ne la réduit pas en un claquement de doigt ! Mais précisément parce que la reconquête de nos marges de manoeuvre prendra quelques années, il ne fallait pas perdre de temps.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes, le Premier ministre et moi, décidés à agir. Nous avons souvent évoqué ce sujet ensemble et il précisera dès ce soir ses nouvelles orientations dans ce domaine essentiel.
Je me contenterai donc cet après midi de vous rappeler que nous avons déjà largement repris en main ce sujet depuis 2002 et vous donner quelques convictions alimentées notamment par les conclusions de la Mission Pébereau.
4.1 2002-2005 : remettre la France dans la bonne direction
S'il est possible aujourd'hui, comme je vais vous le montrer, de se fixer des objectifs ambitieux de désendettement, permettez moi de vous rappeler que c'est aussi parce que depuis 2002 un énorme effort a été réalisé par le Gouvernement de JP Raffarin.
D'une part, il a bien fallu corriger certaines erreurs du passé. C'est ainsi que les 35 heures ont du être assouplies pour, tout simplement, permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus.
Mais surtout, en 2002, la première urgence, c'était de mettre enfin en ?uvre les réformes de structure vitales pour nos finances publiques et pourtant si longtemps repoussées.
Ces réformes de structure, c'est d'abord bien sûr la réforme des retraites qui a sauvé notre système de retraite par répartition auquel nous sommes tous particulièrement attachés.
Ces réformes de structure, c'est ensuite la réforme de l'assurance maladie qui permet un ralentissement substantiel des dépenses de santé et une réduction franche du déficit de l'assurance maladie dès cette année. Mais cette réforme de l'assurance maladie, c'est surtout une modification pérenne des comportements de consommation des produits et des services de santé dans notre pays.
4.2 Sur cette base solide, nous nous sommes attachés, dès l'installation de Dominique de VILLEPIN il y a 6 mois, à mettre en oeuvre une véritable stratégie de désendettement. Dans son discours d'investiture, le Premier ministre a d'ailleurs souligné, je vous le rappelle, la nécessité de "reconquérir pas à pas" les marges de manoeuvre budgétaires.
Il n'y a que trois voies de réduction de la dette :
- d'abord la croissance, et l'emploi bien sûr . Le retour d'une croissance soutenue et la baisse durable du chômage renforcent nos rentrées fiscales et sociales et diminuent le poids de la dette dans notre économie. C'est la préoccupation constante du Ministre de l'Economie que je suis ;
- ensuite la maîtrise de la dépense publique, la dépense de tous les acteurs publics. En la matière, l'Etat se doit de montrer l'exemple. C'est ainsi que, pour la 3 ème année consécutive, l'Etat ne dépensera pas en 2005 1 euro de plus que le montant autorisé par le Parlement. Cet effort de maîtrise de la dépense de l'Etat sera poursuivi et amplifié l'année prochaine. Le Projet de Loi de Finances pour 2006 prévoit ainsi que, pour la 4 ème année consécutive, le « pouvoir de dépense » de l'Etat sera stabilisé, c'est-à-dire que les dépenses budgétaires ne progresseront pas plus vite que l'inflation.
L'exemplarité de l'Etat en matière de dépense passe aussi par l'introduction d'outils novateurs de gestion publique. C'est bien sûr l'objet de la LOLF , entrant en vigueur au 1 er janvier 2006. L'année prochaine verra donc notamment chacun des indicateurs de performance de l'Etat mesuré et des gisements d'économies potentielles identifiés. Avec Jean-François COPE, nous avons par ailleurs souhaité la mise en place d'audits systématiques de l'Etat, tous les 2 ou 3 mois dans chacun des Ministères. La première vague de 17 audits a été lancée en octobre ; la 2 ème vague aura lieu dès le début d'année. Les rapports d'audits seront intégralement publics.
- Enfin, la cession d'actifs non stratégiques de l'Etat : les concessions autoroutières en sont une illustration ; l'immobilier de l'Etat est aussi un enjeu décisif que JF Copé a d'ailleurs totalement repris en mains.
Les premiers résultats sont là : l'endettement public sera stabilisé en 2006. Il faut maintenant aller plus loin et plus vite !
5. Se fixer des objectifs ambitieux mais réalisables.
Je reprends volontiers à mon compte la plupart des conclusions de la Mission Pébereau. Mais je suis en particulier convaincu qu'il est possible, si on s'en donne les moyens, de ramener en quelques années la dette à moins de 60 % de la richesse créée. Et j'aimerais en convaincre nos concitoyens.
Ce niveau conforme aux exigences du pacte européen de stabilité et de croissance, nous pouvons l'atteindre dès la fin de la décennie et au plus tard fin 2012. Pourquoi ces délais ? Parce que le rythme de réduction de la dette est bien sûr tributaire du rythme de la croissance économique (cf. graphique). Avec une croissance moyenne annuelle de 3 % par exemple, et sous des hypothèses de maîtrise des dépenses, on aboutit à un solde des comptes publics équilibré dès 2009 (en 2010 avec 2,25 % et en 2012 avec 1,5 %).
En affectant les marges de man?uvre dégagées au désendettement, on enclenche une baisse régulière de la dette qui devrait même permettre de la faire passer en dessous de 50 % en une dizaine d'années, soit à l'horizon 2015-2017. Cette perspective remettra pleinement la France dans la course et lui redonnera confiance.
6. Les moyens, il faut se les donner
Les moyens pour aller plus vite dans notre stratégie de désendettement, on les voit bien :
- sur la croissance d'abord : la reprise est là (+0,7 % au troisième trimestre) ; cela confirme que nous serons bien l'an prochain dans ma fourchette de croissance entre 2 et 2,5 %, après une année 2005 à plus de 1,5 %. Je ne m'en contente pas, vous le savez ; la France doit pouvoir croître à 3 % et plus dans les prochaines années. D'abord ? nous ne le martèlerons jamais assez ? l'emploi est la priorité numéro 1 du Gouvernement avec le Plan d'urgence mis en place dès cet été, avec le succès que l'on connaît : plus de 200 000 contrats nouvelles embauches déjà signés notamment. Ensuite, ce Gouvernement a pris toute la mesure du rôle central de la recherche et développement pour la croissance de demain ; il a ainsi doté l'Agence de l'Innovation industrielle, l'Agence nationale pour la Recherche ou encore les Pôles de compétitivité des moyens nécessaires à nos ambitions en matière d'innovation. Enfin, la réforme fiscale 2006-2007 renforcera notre potentiel de croissance en faisant en sorte que le travail paye plus que l'inactivité et que notre territoire regagne de la compétitivité.
- sur la maîtrise des finances publiques : les solutions ne sont pas hors de portée loin de là. C'est bien ce que montre le rapport Pébereau qui, à travers notamment des préconisations précises, couvre largement le champ des possibles. Depuis ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de transmettre au Premier Ministre de premières propositions en ce sens dans les dernières semaines. Nous les enrichirons je le souhaite, grâce au débat qui va s'ouvrir à partir des propositions du rapport. Je laisse bien évidement au Premier Ministre, sur un sujet d'ampleur réellement gouvernementale qui concerne l'ensemble des comptes publics, le soin de vous indiquer les orientations qu'il entend prendre.
Je me contenterais à ce stade de vous dire notre détermination et de rebondir sur quelques unes des préconisations du Rapport Pébereau :
- D'abord, si l'Etat s'est montré exemplaire dans la gestion de sa dépense ces dernières années, c'est certainement encore à lui de montrer le chemin. Nous avons besoin d'organiser une maîtrise durable et surtout politiquement plus contraignante devant l'opinion de la dépense de l'Etat . Sans précipitation, sans brutalité, nous devons nous donner quelques règles exigeantes, claires et transparentes.
- accentuer nos efforts sur la dépense budgétaire en visant, en quelques étapes par exemple, une stabilisation en euros courants, c'est-à-dire ne pas dépenser plus d'une année sur l'autre. Ceci revient simplement à ambitionner de fournir aux Français un meilleur service public au même prix.
- il faut aussi changer nos pratiques qui sédimentent la dépense année après année. Grâce à la LOLF nous pourrons à partir de 2006 mieux redéployer nos marges de manoeuvre. Il faut se donner comme discipline de chercher à gager toute nouvelle dépense par une économie d'un montant équivalent.
- Ensuite, une bonne gouvernance de l'ensemble des comptes publics exige la mobilisation de l'ensemble des acteurs publics. Etat, Administrations de sécurité sociale, Collectivités locales, doivent se tenir à quelques règles de comportement budgétaires simples, transparentes et vertueuses. Dans cet objectif, nous pensons, Jean-François et moi, à institutionnaliser une Conférence nationale des finances publiques, rassemblant chaque année tous ces partenaires. Cela permettrait de mieux mettre en cohérence l'ensemble des comptes de la nation, le budget de l'Etat bien sûr mais aussi ceux des collectivités locales, de la Sécurité sociale et même de l'Unedic.
Car on ne le rappelle jamais assez : les finances publiques ne concernent pas le seul budget de l'Etat dont j'ai, avec le Ministre délégué au budget et à la Réforme de l'Etat, la responsabilité. Les partenaires sociaux et les élus locaux doivent aussi s'engager. La Conférence se réunirait tous les ans et ferait des recommandations pour que les finances publiques restent dans les clous.
Un mot pour conclure : briser la spirale de l'endettement, ce n'est pas faire preuve de rigueur mais de vertu. Donnons nous les moyens d'un comportement vertueux : c'est la condition pour que la France puisse enclencher une nouvelle dynamique, pour la croissance et pour l'emploi.
Je vous remercie.
Source : http://www.minefi.gouv.fr, le 15 décembre 2005
Bonjour Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver pour cette conférence de presse organisée à l'occasion de la remise par Michel Pébereau des conclusions du Rapport que je lui avais confié.
Il y a 6 mois, lors de la conférence de presse que je donnais ici même à Bercy devant vous, je vous annonçais que j'avais confié à Michel Pébereau le soin de mener à bien une mission sur l'endettement de la France. Après 6 mois de travail, Michel Pébereau m'a remis son rapport ce matin : il va vous le présenter. Je voudrais au préalable, d'abord le remercier lui et les membres éminents qui ont accepté de prendre sur leur temps de travail pour participer à la réflexion sur un sujet qui me semble capital ; ensuite vous dire quelques mots sur les conclusions de ce travail remarquable.
1. La dette, parlons en !
Si j'ai voulu cette Mission c'est bien que, dès mon arrivée à Bercy, j'ai pu mesurer à quel point notre budget, notre croissance et donc notre capacité à créer des emplois, étaient contraints par le niveau d'endettement auquel nous ont conduit 25 ans de déficit accumulés. Je ne disais pas autre chose, lorsque je déclarais en juin dernier que « La France vit au dessus de ses moyens ».
On me dit que parler de la dette serait anxiogène. C'est précisément de ne pas en parler qui remet en cause notre confiance dans l'avenir ! La reprendre en main, en stopper la progression et la réduire redonnera confiance aux Français et créera les conditions favorables à la croissance. Si nos compatriotes comprennent mieux le mécanisme de cet endettement, ils comprendront mieux les solutions à mettre en oeuvre. Je voudrais les convaincre que ce n'est pas une question idéologique !
C'était bien là l'objet de la Mission confiée à Michel PEBEREAU que d'éclairer les Françaises et les Français, de manière transparente, indépendante et non partisane, sur la dette et ses conséquences, d'en expliquer l'origine et de fournir les orientations qui permettront à notre pays, de continuer à honorer ses engagements et de mener une politique de croissance sociale.
2. Pourquoi réduire la dette ?
A partir du moment où l'on accepte de regarder la dette en face, et c'est ce qu'a fait la Mission Pébereau , force est de reconnaître qu'elle est aujourd'hui trop élevée.
Je vais laisser à Michel le soin de rappeler les chiffres retenus par la Commission mais les ordres de grandeur sont vous le savez considérables. Avec 1117 Mds d'euros fin 2005, 66 % du PIB, la seule dette financière de la France n'a été que croissant depuis 25 ans. De ce point de vue, vous savez qu'en économie, les tendances sont souvent plus importantes que les niveaux en valeur absolue.
A cet égard je constate que la tendance récente de nos partenaires a été de réduire leur endettement, notamment pendant la période de croissance exceptionnelle qu'a connu la zone Euro dans les années 97-2002, de 10 à 20 % pour des pays comme la Grande Bretagne , les Pays Bas, l'Espagne ...alors que nous arrivions à peine à le stabiliser. Si la moyenne européenne à 64 % n'est que de peu inférieure à l'endettement de la France , c'est du fait des endettements considérables de l'Italie (106 %) ou de la Belgique (96 %). Cet endettement croissant, c'est une dérive par rapport à nos engagements et nos partenaires européens. Nous sommes tous aujourd'hui dans le même bateau de l'Euro : nous dépendons tous de la bonne gestion financière des uns et des autres. Construire l'Europe, c'est aussi jouer le jeu de la coopération entre pays membres !
- Mais cette dette, c'est aussi une contrainte budgétaire forte : je l'ai déjà dit, le seul paiement des intérêts de la dette de l'ensemble des administrations publiques, soit environ 45 milliards d'euros, engloutit chaque année pratiquement le produit de l'impôt sur le revenu. Sans ces charges, qui représentent près de 3 % du PIB, nous serions l'an prochain presque à l'équilibre des comptes publics ! Elles créent évidemment des effets d'éviction des « bonnes » dépenses! Qui pourrait nier aujourd'hui que nous aurions bien besoin de ces marges de manoeuvre pour préparer l'avenir, notamment inciter à l'investissement et à la R &D ou encore pour combattre le chômage ?
- Notre dette c'est enfin et surtout un crédit sur les générations futures : l'argent a été dépensé ; la croissance n'a pas toujours été au rendez-vous. Le résultat est là : l'impôt sur le revenu, normalement perçu par nos compatriotes comme leur contribution à la collectivité pour le présent et l'avenir, est maintenant intégralement absorbé pour payer le passé. Il nous faut donc nous endetter pour financer le présent. Une partie de la solidarité intergénérationnelle a été cassée : nos enfants financeront nos retraites demain ; mais sans le savoir, ils financent notre train de vie de plus en plus aujourd'hui.
Ce constat là me préoccupe sur le plan politique et démocratique. La démocratie a toujours reposé notamment sur le consentement à l'impôt et sur le choix éclairé du citoyen sur les dépenses qu'il doit financer. Actuellement, nous avons fait des choix généreux par le passé pour notre bien-être, mais ceux qui les financeront ne votent pas encore et n'ont pas eu leur mot à dire. Jusqu'à un certain point, c'est une règle normale de la vie en société ; mais jusqu'à un certain point seulement !
Je laisse la parole à Michel PEBEREAU.
PARTIE 2
Je voudrais remercier Michel pour cette présentation extrêmement claire et fouillée, à l'image du remarquable travail accompli par la Commission dont les propositions constituent un ensemble d'une remarquable homogénéité.
Je considère donc pour ma part que ce niveau n'est pas soutenable au regard des choix économiques et sociaux qui sont les nôtres, au-delà d'ailleurs des clivages partisans : pour préserver notre modèle social il nous faut amorcer le plus rapidement possible le désendettement. C'est possible, je vais y revenir !
3. D'où vient cette dette? Quelles erreurs à éviter pour la suite?
Je voudrais revenir un instant sur la genèse de cette dette et bien sûr remarquer comment les mécanismes de régulation de la dépense publique n'ont pas fonctionné de manière suffisante.
Mais au-delà, les travaux de la Commission éclairent les décideurs comme les citoyens sur la portée considérable de nombre de décisions de politiques publiques dont les effets financiers se font parfois sentir à très long terme.
De ce point de vue, la dette publique est un peu comme une coupe « géologique » !
Elle révèle le coût de certains choix dans nos politiques publiques dont les conséquences ont été pas ou mal évaluées.
Elle montre à quel point la croissance économique est au coeur de notre capacité à financer dans la durée, sans prélèvement obligatoire asphyxiant ce modèle social et ces solidarités auxquelles nous tenons.
Elle nous apprend aussi que dans le monde concurrentiel qui est le notre, un choix économique inadapté peut se payer très cher et pendant très longtemps.
Même si l'inspiration est souvent généreuse, toute mesure à contresens des tendances lourdes de notre économie ou de l'économie mondiale pénalise toujours in fine notre croissance, nos finances et se retrouve quelque part dans la dette. Le risque est grand dans ces cas là d'être généreux à crédit !
Je prendrais comme exemple, l'absence de réforme de l'Etat à grande échelle dans les 25 dernières années. Le résultat, c'est qu'on a recruté près de 300.000 fonctionnaires supplémentaires de 1981 à 2002 alors que la plupart des autres pays s'efforçaient de redimensionner leurs administrations. Sur 25 ans, cette charge est une part importante du déficit actuel et cela représente aujourd'hui des sommes considérables.
[Mais je pourrais évoquer plus longuement le choix de la retraite à 60 ans alors que depuis trente ans, l'espérance de vie gagne trois mois par an. Ou encore, la baisse du temps de travail alors que tous nos partenaires sont aujourd'hui dans une logique inverse.]
Comme disent nos amis américains, il n'y a pas de "free lunch" dans le domaine économique, et la géologie de la dette permet de mieux le comprendre... ou de s'en convaincre pour ceux qui en doutaient encore !
4. Le temps de l'action a déjà commencé
Le problème est posé et bien posé ; grâce au travail de la Mission Pébereau, chacun peut aujourd'hui comprendre sans polémique ni esprit partisan les enjeux et les solutions pour la France d'aujourd'hui comme pour celle de demain.
A son niveau actuel, la dette de la Nation a déjà une forte inertie. On ne la réduit pas en un claquement de doigt ! Mais précisément parce que la reconquête de nos marges de manoeuvre prendra quelques années, il ne fallait pas perdre de temps.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes, le Premier ministre et moi, décidés à agir. Nous avons souvent évoqué ce sujet ensemble et il précisera dès ce soir ses nouvelles orientations dans ce domaine essentiel.
Je me contenterai donc cet après midi de vous rappeler que nous avons déjà largement repris en main ce sujet depuis 2002 et vous donner quelques convictions alimentées notamment par les conclusions de la Mission Pébereau.
4.1 2002-2005 : remettre la France dans la bonne direction
S'il est possible aujourd'hui, comme je vais vous le montrer, de se fixer des objectifs ambitieux de désendettement, permettez moi de vous rappeler que c'est aussi parce que depuis 2002 un énorme effort a été réalisé par le Gouvernement de JP Raffarin.
D'une part, il a bien fallu corriger certaines erreurs du passé. C'est ainsi que les 35 heures ont du être assouplies pour, tout simplement, permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus.
Mais surtout, en 2002, la première urgence, c'était de mettre enfin en ?uvre les réformes de structure vitales pour nos finances publiques et pourtant si longtemps repoussées.
Ces réformes de structure, c'est d'abord bien sûr la réforme des retraites qui a sauvé notre système de retraite par répartition auquel nous sommes tous particulièrement attachés.
Ces réformes de structure, c'est ensuite la réforme de l'assurance maladie qui permet un ralentissement substantiel des dépenses de santé et une réduction franche du déficit de l'assurance maladie dès cette année. Mais cette réforme de l'assurance maladie, c'est surtout une modification pérenne des comportements de consommation des produits et des services de santé dans notre pays.
4.2 Sur cette base solide, nous nous sommes attachés, dès l'installation de Dominique de VILLEPIN il y a 6 mois, à mettre en oeuvre une véritable stratégie de désendettement. Dans son discours d'investiture, le Premier ministre a d'ailleurs souligné, je vous le rappelle, la nécessité de "reconquérir pas à pas" les marges de manoeuvre budgétaires.
Il n'y a que trois voies de réduction de la dette :
- d'abord la croissance, et l'emploi bien sûr . Le retour d'une croissance soutenue et la baisse durable du chômage renforcent nos rentrées fiscales et sociales et diminuent le poids de la dette dans notre économie. C'est la préoccupation constante du Ministre de l'Economie que je suis ;
- ensuite la maîtrise de la dépense publique, la dépense de tous les acteurs publics. En la matière, l'Etat se doit de montrer l'exemple. C'est ainsi que, pour la 3 ème année consécutive, l'Etat ne dépensera pas en 2005 1 euro de plus que le montant autorisé par le Parlement. Cet effort de maîtrise de la dépense de l'Etat sera poursuivi et amplifié l'année prochaine. Le Projet de Loi de Finances pour 2006 prévoit ainsi que, pour la 4 ème année consécutive, le « pouvoir de dépense » de l'Etat sera stabilisé, c'est-à-dire que les dépenses budgétaires ne progresseront pas plus vite que l'inflation.
L'exemplarité de l'Etat en matière de dépense passe aussi par l'introduction d'outils novateurs de gestion publique. C'est bien sûr l'objet de la LOLF , entrant en vigueur au 1 er janvier 2006. L'année prochaine verra donc notamment chacun des indicateurs de performance de l'Etat mesuré et des gisements d'économies potentielles identifiés. Avec Jean-François COPE, nous avons par ailleurs souhaité la mise en place d'audits systématiques de l'Etat, tous les 2 ou 3 mois dans chacun des Ministères. La première vague de 17 audits a été lancée en octobre ; la 2 ème vague aura lieu dès le début d'année. Les rapports d'audits seront intégralement publics.
- Enfin, la cession d'actifs non stratégiques de l'Etat : les concessions autoroutières en sont une illustration ; l'immobilier de l'Etat est aussi un enjeu décisif que JF Copé a d'ailleurs totalement repris en mains.
Les premiers résultats sont là : l'endettement public sera stabilisé en 2006. Il faut maintenant aller plus loin et plus vite !
5. Se fixer des objectifs ambitieux mais réalisables.
Je reprends volontiers à mon compte la plupart des conclusions de la Mission Pébereau. Mais je suis en particulier convaincu qu'il est possible, si on s'en donne les moyens, de ramener en quelques années la dette à moins de 60 % de la richesse créée. Et j'aimerais en convaincre nos concitoyens.
Ce niveau conforme aux exigences du pacte européen de stabilité et de croissance, nous pouvons l'atteindre dès la fin de la décennie et au plus tard fin 2012. Pourquoi ces délais ? Parce que le rythme de réduction de la dette est bien sûr tributaire du rythme de la croissance économique (cf. graphique). Avec une croissance moyenne annuelle de 3 % par exemple, et sous des hypothèses de maîtrise des dépenses, on aboutit à un solde des comptes publics équilibré dès 2009 (en 2010 avec 2,25 % et en 2012 avec 1,5 %).
En affectant les marges de man?uvre dégagées au désendettement, on enclenche une baisse régulière de la dette qui devrait même permettre de la faire passer en dessous de 50 % en une dizaine d'années, soit à l'horizon 2015-2017. Cette perspective remettra pleinement la France dans la course et lui redonnera confiance.
6. Les moyens, il faut se les donner
Les moyens pour aller plus vite dans notre stratégie de désendettement, on les voit bien :
- sur la croissance d'abord : la reprise est là (+0,7 % au troisième trimestre) ; cela confirme que nous serons bien l'an prochain dans ma fourchette de croissance entre 2 et 2,5 %, après une année 2005 à plus de 1,5 %. Je ne m'en contente pas, vous le savez ; la France doit pouvoir croître à 3 % et plus dans les prochaines années. D'abord ? nous ne le martèlerons jamais assez ? l'emploi est la priorité numéro 1 du Gouvernement avec le Plan d'urgence mis en place dès cet été, avec le succès que l'on connaît : plus de 200 000 contrats nouvelles embauches déjà signés notamment. Ensuite, ce Gouvernement a pris toute la mesure du rôle central de la recherche et développement pour la croissance de demain ; il a ainsi doté l'Agence de l'Innovation industrielle, l'Agence nationale pour la Recherche ou encore les Pôles de compétitivité des moyens nécessaires à nos ambitions en matière d'innovation. Enfin, la réforme fiscale 2006-2007 renforcera notre potentiel de croissance en faisant en sorte que le travail paye plus que l'inactivité et que notre territoire regagne de la compétitivité.
- sur la maîtrise des finances publiques : les solutions ne sont pas hors de portée loin de là. C'est bien ce que montre le rapport Pébereau qui, à travers notamment des préconisations précises, couvre largement le champ des possibles. Depuis ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de transmettre au Premier Ministre de premières propositions en ce sens dans les dernières semaines. Nous les enrichirons je le souhaite, grâce au débat qui va s'ouvrir à partir des propositions du rapport. Je laisse bien évidement au Premier Ministre, sur un sujet d'ampleur réellement gouvernementale qui concerne l'ensemble des comptes publics, le soin de vous indiquer les orientations qu'il entend prendre.
Je me contenterais à ce stade de vous dire notre détermination et de rebondir sur quelques unes des préconisations du Rapport Pébereau :
- D'abord, si l'Etat s'est montré exemplaire dans la gestion de sa dépense ces dernières années, c'est certainement encore à lui de montrer le chemin. Nous avons besoin d'organiser une maîtrise durable et surtout politiquement plus contraignante devant l'opinion de la dépense de l'Etat . Sans précipitation, sans brutalité, nous devons nous donner quelques règles exigeantes, claires et transparentes.
- accentuer nos efforts sur la dépense budgétaire en visant, en quelques étapes par exemple, une stabilisation en euros courants, c'est-à-dire ne pas dépenser plus d'une année sur l'autre. Ceci revient simplement à ambitionner de fournir aux Français un meilleur service public au même prix.
- il faut aussi changer nos pratiques qui sédimentent la dépense année après année. Grâce à la LOLF nous pourrons à partir de 2006 mieux redéployer nos marges de manoeuvre. Il faut se donner comme discipline de chercher à gager toute nouvelle dépense par une économie d'un montant équivalent.
- Ensuite, une bonne gouvernance de l'ensemble des comptes publics exige la mobilisation de l'ensemble des acteurs publics. Etat, Administrations de sécurité sociale, Collectivités locales, doivent se tenir à quelques règles de comportement budgétaires simples, transparentes et vertueuses. Dans cet objectif, nous pensons, Jean-François et moi, à institutionnaliser une Conférence nationale des finances publiques, rassemblant chaque année tous ces partenaires. Cela permettrait de mieux mettre en cohérence l'ensemble des comptes de la nation, le budget de l'Etat bien sûr mais aussi ceux des collectivités locales, de la Sécurité sociale et même de l'Unedic.
Car on ne le rappelle jamais assez : les finances publiques ne concernent pas le seul budget de l'Etat dont j'ai, avec le Ministre délégué au budget et à la Réforme de l'Etat, la responsabilité. Les partenaires sociaux et les élus locaux doivent aussi s'engager. La Conférence se réunirait tous les ans et ferait des recommandations pour que les finances publiques restent dans les clous.
Un mot pour conclure : briser la spirale de l'endettement, ce n'est pas faire preuve de rigueur mais de vertu. Donnons nous les moyens d'un comportement vertueux : c'est la condition pour que la France puisse enclencher une nouvelle dynamique, pour la croissance et pour l'emploi.
Je vous remercie.
Source : http://www.minefi.gouv.fr, le 15 décembre 2005