Texte intégral
Prenant la parole pour la seconde fois, je voudrais vous exprimer toute ma reconnaissance pour la qualité, la sincérité et parfois même l'intensité de nos échanges.
Je veux aussi vous dire ma joie et ma fierté de vous avoir réunis, ici à Besançon, un peu comme en famille, pour nouer ce dialogue franc et direct mais toujours serein.
Tout au long de cette matinée de débats, nous avons su faire fi de nos chapelles pour aborder, sans tabous ni complaisance, un sujet essentiel, mais délicat : « l'intercommunalité de demain ».
C'est aussi cela la méthode sénatoriale ! Écouter, discuter, échanger, dans le respect de l'autre, pour mieux se comprendre et pour mieux légiférer.
Je veux donc « tirer mon chapeau » aux élus locaux, ces « nouveaux Hussards de la République », qui incarnent, chaque jour, avec courage, abnégation et détermination, la devise inscrite au fronton de nos mairies.
Mesdames et messieurs les élus locaux, sans revenir, rassurez-vous, sur l'ensemble des questions évoquées ce matin, je voudrais, en conclusion de nos travaux, vous livrer mes réflexions et vous faire partager ma conception exigeante de l'intercommunalité.
D'emblée, je voudrais démentir avec force les faux-semblants véhiculés ici ou là.
- NON, l'intercommunalité ne sonne pas le glas des communes !
Premier échelon de proximité, la commune est et restera ce « refuge », ce « point d'ancrage », ce « port » auquel nos concitoyens sont viscéralement attachés. Les récents événements l'ont encore largement démontré. Je n'y reviens pas !
- NON, l'intercommunalité ne doit pas être assimilée à une contrainte, mais à un véritable « projet de territoire ».
L'intercommunalité doit être vécue comme une chance.
C'est à l'aune de ces principes que le Sénat a veillé, dans le cadre de la loi du 13 août 2004, au renforcement des intercommunalités en leur permettant d'exercer les compétences des départements ou des régions, au même titre que les communes.
Comme en 1999, le Sénat a souhaité contribuer à cette reconnaissance de l'intercommunalité. Elle nous apparaissait essentielle à double titre.
- D'une part, l'intercommunalité a profondément transformé, en l'espace de quelques années, notre paysage institutionnel dans le respect de l'identité communale.
A mon sens, la dynamique intercommunale corrige les effets de l'atomisation de notre territoire entre quelque 36.000 communes.
- D'autre part, l'intercommunalité est devenue, au fil du temps, un véritable catalyseur de projets, un espace de solidarité et un instrument de péréquation efficace.
En charge de responsabilités structurantes, l'intercommunalité est désormais une réalité concrète pour le quotidien de nos concitoyens.
Elle l'est d'abord par son indispensable rôle en matière de développement économique. Elle l'est ensuite par son irremplaçable mission « d'aménageur de territoires ». Elle l'est enfin par son inestimable action en faveur du maintien du lien social.
Réalité concrète pour nos concitoyens, l'intercommunalité ne saurait se résumer à une ligne de plus (une ligne de trop ?) sur leur avis d'imposition et, encore moins, à un niveau supplémentaire d'administration locale !
L'intercommunalité devrait, au contraire, permettre de réduire, par le jeu d'économies d'échelle, certaines dépenses de fonctionnement.
Ce matin, nous avons longuement débattu de vos difficultés ou de vos interrogations. Je n'y reviens pas.
Au total, le succès de l'intercommunalité renforce notre responsabilité, celle de tracer, ensemble, un nouveau chemin.
A mon sens, l'avenir de l'intercommunalité se conjugue en deux temps : le futur immédiat et l'horizon plus lointain.
- Dans l'immédiat, la pleine consécration de l'intercommunalité passe par le respect de quatre exigences.
- Première exigence : interdire les intégrations forcées. L'intercommunalité doit procéder d'une volonté conjointe des communes concernées.
Comme vous, je considère que cette exigence ne constitue pas un frein à la dynamique intercommunale. Au contraire, l'adhésion volontaire garantit le partage d'un projet commun.
En effet, comment entreprendre à plusieurs ce que l'on ne peut réaliser seul, comment s'unir durablement sans un consentement mutuel clairement établi ?
Je le dis haut et fort, en matière d'intercommunalité non plus, il ne peut pas y avoir de « mariage forcé » ! Il s'agit là d'une « impérieuse nécessité » !
- Deuxième exigence : définir des périmètres clairs et cohérents.
Ne nous voilons pas la face ! Certaines difficultés subsistent. Il nous faut y remédier. La délimitation des périmètres doit reposer sur des critères simples, précis et objectifs.
Ainsi, des critères économiques et géographiques pourraient être privilégiés, sans pour autant être exclusifs.
Des instructions ont récemment été données aux préfets à ce sujet. Qu'il en soit fait une bonne application !
- Troisième exigence : définir clairement l'« intérêt communautaire ».
Comme vous, j'estime qu'il s'agit d'une notion fondamentale afin de mieux répartir les compétences.
Cette « ligne de partage » contribue, en effet, à asseoir l'intercommunalité sur de véritables projets communautaires, articulés autour de compétences structurantes.
C'est essentiel pour éviter l'écueil mortel pour elle, d'une simple « intercommunalité de papier » !
- Quatrième exigence : garantir un financement pérenne.
Cette exigence dépasse, bien sûr, le seul cadre intercommunal.
Il convient, en effet, de confier aux élus locaux des moyens budgétaires suffisants et adaptés à « l'organisation décentralisée de la République ». A la fois des impôts locaux justes, modernes et évolutifs et des concours financiers de l'État rénovés, dynamiques et équitablement répartis entre collectivités territoriales.
Un mot d'abord sur la fiscalité locale pour vous dire que je suis personnellement très attaché au régime de la taxe professionnelle unique.
Ce mode de financement intégré est un atout formidable ! Car il permet de neutraliser certains égoïsmes fiscaux en favorisant un développement économique plus harmonieux et plus solidaire.
J'ai donc été particulièrement attentif à vos propos sur ce sujet. J'ai bien entendu vos craintes sur la réforme de la taxe professionnelle adoptée en loi de finances pour 2006.
Je vous le dis clairement : pour moi, le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5% de la valeur ajoutée n'est pas de nature à remettre en cause l'équilibre du mode de financement de l'intercommunalité.
En effet, le Sénat s'est battu et a obtenu, lors de l'examen de la réforme, un réaménagement plus favorable aux collectivités locales des modalités de compensation.
Les intercommunalités à taxe professionnelle unique pourront bénéficier du même dispositif que les communes.
Au final, cette réforme devrait pouvoir maintenir l'équilibre entre une imposition mesurée des entreprises et l'attribution aux collectivités locales d'une ressource dynamique.
Au-delà de la taxe professionnelle, c'est l'ensemble de la fiscalité locale qu'il revient de remettre à plat, et au premier rang la taxe d'habitation. Je suis de ceux qui considèrent cet impôt comme particulièrement injuste.
Sa réforme constitue aujourd'hui une « ardente obligation » si l'on veut véritablement réduire les inégalités entre contribuables.
Un petit mot, ensuite, sur les concours financiers de l'État. Je comprends votre souhait d'une dotation d'intercommunalité clairement identifiée. Mais une telle perspective me semble encore prématurée. La dotation d'intercommunalité doit demeurer encore au sein de la dotation globale de fonctionnement des communes, tout juste réformée.
En revanche, je partage votre perception positive de la dotation de solidarité communautaire. Elle contribue efficacement à réduire les inégalités territoriales.
- J'en viens maintenant à l'horizon plus lointain de l'intercommunalité. Je veux parler de la place de l'intercommunalité dans notre architecture institutionnelle.
Comme vous le savez, l'octroi du label « collectivité territoriale » de plein exercice procède de la combinaison de trois critères : un - l'exercice de compétences, deux- le pouvoir de lever l'impôt, trois- l'élection des représentants au suffrage universel direct.
Manifestement, les deux premières conditions sont d'ores et déjà remplies. Reste donc la troisième !
Une majorité (69 %) d'entre vous reste opposée à l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires.
Je vais vous faire une confidence. Pour l'heure, vous avez raison ! Mais pourra-t-on éternellement faire l'impasse sur l'évolution de leur mode de représentation ? A titre personnel, je ne le pense pas.
L'accroissement des compétences exercées au niveau intercommunal et le renforcement de l'autonomie financière de ces structures confèrent déjà aux EPCI une certaine légitimité. Celle-ci devrait nous inciter à réfléchir, à terme, aux voies et moyens d'une consécration démocratique.
Mesdames et messieurs les élus locaux, vous l'avez compris, les enjeux sont de taille ! Je sais pouvoir compter sur vous. Vous pouvez compter sur nous.
En conclusion, je voudrais vous redire ma foi en « l'intercommunalité de projet » et ma conviction qu'il nous revient de conforter les fondements de la France décentralisée, de notre « République des territoires ».
Comme les précédents, ces États généraux des élus locaux des Franche-Comté, incarnation de la méthode sénatoriale, ne resteront pas lettre morte. Ils permettront d'alimenter notre réflexion et d'enrichir les débats qui ne manqueront pas de se poursuivre, avec passion, dans les mois à venir.
Ensemble, tournons-nous résolument vers l'avenir pour démontrer toute l'énergie, toute la vivacité et toute la vitalité de nos territoires, au service d'une France moderne, d'une France humaine, d'une France solidaire.Source http://www.senat.fr, le 1 février 2006
Je veux aussi vous dire ma joie et ma fierté de vous avoir réunis, ici à Besançon, un peu comme en famille, pour nouer ce dialogue franc et direct mais toujours serein.
Tout au long de cette matinée de débats, nous avons su faire fi de nos chapelles pour aborder, sans tabous ni complaisance, un sujet essentiel, mais délicat : « l'intercommunalité de demain ».
C'est aussi cela la méthode sénatoriale ! Écouter, discuter, échanger, dans le respect de l'autre, pour mieux se comprendre et pour mieux légiférer.
Je veux donc « tirer mon chapeau » aux élus locaux, ces « nouveaux Hussards de la République », qui incarnent, chaque jour, avec courage, abnégation et détermination, la devise inscrite au fronton de nos mairies.
Mesdames et messieurs les élus locaux, sans revenir, rassurez-vous, sur l'ensemble des questions évoquées ce matin, je voudrais, en conclusion de nos travaux, vous livrer mes réflexions et vous faire partager ma conception exigeante de l'intercommunalité.
D'emblée, je voudrais démentir avec force les faux-semblants véhiculés ici ou là.
- NON, l'intercommunalité ne sonne pas le glas des communes !
Premier échelon de proximité, la commune est et restera ce « refuge », ce « point d'ancrage », ce « port » auquel nos concitoyens sont viscéralement attachés. Les récents événements l'ont encore largement démontré. Je n'y reviens pas !
- NON, l'intercommunalité ne doit pas être assimilée à une contrainte, mais à un véritable « projet de territoire ».
L'intercommunalité doit être vécue comme une chance.
C'est à l'aune de ces principes que le Sénat a veillé, dans le cadre de la loi du 13 août 2004, au renforcement des intercommunalités en leur permettant d'exercer les compétences des départements ou des régions, au même titre que les communes.
Comme en 1999, le Sénat a souhaité contribuer à cette reconnaissance de l'intercommunalité. Elle nous apparaissait essentielle à double titre.
- D'une part, l'intercommunalité a profondément transformé, en l'espace de quelques années, notre paysage institutionnel dans le respect de l'identité communale.
A mon sens, la dynamique intercommunale corrige les effets de l'atomisation de notre territoire entre quelque 36.000 communes.
- D'autre part, l'intercommunalité est devenue, au fil du temps, un véritable catalyseur de projets, un espace de solidarité et un instrument de péréquation efficace.
En charge de responsabilités structurantes, l'intercommunalité est désormais une réalité concrète pour le quotidien de nos concitoyens.
Elle l'est d'abord par son indispensable rôle en matière de développement économique. Elle l'est ensuite par son irremplaçable mission « d'aménageur de territoires ». Elle l'est enfin par son inestimable action en faveur du maintien du lien social.
Réalité concrète pour nos concitoyens, l'intercommunalité ne saurait se résumer à une ligne de plus (une ligne de trop ?) sur leur avis d'imposition et, encore moins, à un niveau supplémentaire d'administration locale !
L'intercommunalité devrait, au contraire, permettre de réduire, par le jeu d'économies d'échelle, certaines dépenses de fonctionnement.
Ce matin, nous avons longuement débattu de vos difficultés ou de vos interrogations. Je n'y reviens pas.
Au total, le succès de l'intercommunalité renforce notre responsabilité, celle de tracer, ensemble, un nouveau chemin.
A mon sens, l'avenir de l'intercommunalité se conjugue en deux temps : le futur immédiat et l'horizon plus lointain.
- Dans l'immédiat, la pleine consécration de l'intercommunalité passe par le respect de quatre exigences.
- Première exigence : interdire les intégrations forcées. L'intercommunalité doit procéder d'une volonté conjointe des communes concernées.
Comme vous, je considère que cette exigence ne constitue pas un frein à la dynamique intercommunale. Au contraire, l'adhésion volontaire garantit le partage d'un projet commun.
En effet, comment entreprendre à plusieurs ce que l'on ne peut réaliser seul, comment s'unir durablement sans un consentement mutuel clairement établi ?
Je le dis haut et fort, en matière d'intercommunalité non plus, il ne peut pas y avoir de « mariage forcé » ! Il s'agit là d'une « impérieuse nécessité » !
- Deuxième exigence : définir des périmètres clairs et cohérents.
Ne nous voilons pas la face ! Certaines difficultés subsistent. Il nous faut y remédier. La délimitation des périmètres doit reposer sur des critères simples, précis et objectifs.
Ainsi, des critères économiques et géographiques pourraient être privilégiés, sans pour autant être exclusifs.
Des instructions ont récemment été données aux préfets à ce sujet. Qu'il en soit fait une bonne application !
- Troisième exigence : définir clairement l'« intérêt communautaire ».
Comme vous, j'estime qu'il s'agit d'une notion fondamentale afin de mieux répartir les compétences.
Cette « ligne de partage » contribue, en effet, à asseoir l'intercommunalité sur de véritables projets communautaires, articulés autour de compétences structurantes.
C'est essentiel pour éviter l'écueil mortel pour elle, d'une simple « intercommunalité de papier » !
- Quatrième exigence : garantir un financement pérenne.
Cette exigence dépasse, bien sûr, le seul cadre intercommunal.
Il convient, en effet, de confier aux élus locaux des moyens budgétaires suffisants et adaptés à « l'organisation décentralisée de la République ». A la fois des impôts locaux justes, modernes et évolutifs et des concours financiers de l'État rénovés, dynamiques et équitablement répartis entre collectivités territoriales.
Un mot d'abord sur la fiscalité locale pour vous dire que je suis personnellement très attaché au régime de la taxe professionnelle unique.
Ce mode de financement intégré est un atout formidable ! Car il permet de neutraliser certains égoïsmes fiscaux en favorisant un développement économique plus harmonieux et plus solidaire.
J'ai donc été particulièrement attentif à vos propos sur ce sujet. J'ai bien entendu vos craintes sur la réforme de la taxe professionnelle adoptée en loi de finances pour 2006.
Je vous le dis clairement : pour moi, le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5% de la valeur ajoutée n'est pas de nature à remettre en cause l'équilibre du mode de financement de l'intercommunalité.
En effet, le Sénat s'est battu et a obtenu, lors de l'examen de la réforme, un réaménagement plus favorable aux collectivités locales des modalités de compensation.
Les intercommunalités à taxe professionnelle unique pourront bénéficier du même dispositif que les communes.
Au final, cette réforme devrait pouvoir maintenir l'équilibre entre une imposition mesurée des entreprises et l'attribution aux collectivités locales d'une ressource dynamique.
Au-delà de la taxe professionnelle, c'est l'ensemble de la fiscalité locale qu'il revient de remettre à plat, et au premier rang la taxe d'habitation. Je suis de ceux qui considèrent cet impôt comme particulièrement injuste.
Sa réforme constitue aujourd'hui une « ardente obligation » si l'on veut véritablement réduire les inégalités entre contribuables.
Un petit mot, ensuite, sur les concours financiers de l'État. Je comprends votre souhait d'une dotation d'intercommunalité clairement identifiée. Mais une telle perspective me semble encore prématurée. La dotation d'intercommunalité doit demeurer encore au sein de la dotation globale de fonctionnement des communes, tout juste réformée.
En revanche, je partage votre perception positive de la dotation de solidarité communautaire. Elle contribue efficacement à réduire les inégalités territoriales.
- J'en viens maintenant à l'horizon plus lointain de l'intercommunalité. Je veux parler de la place de l'intercommunalité dans notre architecture institutionnelle.
Comme vous le savez, l'octroi du label « collectivité territoriale » de plein exercice procède de la combinaison de trois critères : un - l'exercice de compétences, deux- le pouvoir de lever l'impôt, trois- l'élection des représentants au suffrage universel direct.
Manifestement, les deux premières conditions sont d'ores et déjà remplies. Reste donc la troisième !
Une majorité (69 %) d'entre vous reste opposée à l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires.
Je vais vous faire une confidence. Pour l'heure, vous avez raison ! Mais pourra-t-on éternellement faire l'impasse sur l'évolution de leur mode de représentation ? A titre personnel, je ne le pense pas.
L'accroissement des compétences exercées au niveau intercommunal et le renforcement de l'autonomie financière de ces structures confèrent déjà aux EPCI une certaine légitimité. Celle-ci devrait nous inciter à réfléchir, à terme, aux voies et moyens d'une consécration démocratique.
Mesdames et messieurs les élus locaux, vous l'avez compris, les enjeux sont de taille ! Je sais pouvoir compter sur vous. Vous pouvez compter sur nous.
En conclusion, je voudrais vous redire ma foi en « l'intercommunalité de projet » et ma conviction qu'il nous revient de conforter les fondements de la France décentralisée, de notre « République des territoires ».
Comme les précédents, ces États généraux des élus locaux des Franche-Comté, incarnation de la méthode sénatoriale, ne resteront pas lettre morte. Ils permettront d'alimenter notre réflexion et d'enrichir les débats qui ne manqueront pas de se poursuivre, avec passion, dans les mois à venir.
Ensemble, tournons-nous résolument vers l'avenir pour démontrer toute l'énergie, toute la vivacité et toute la vitalité de nos territoires, au service d'une France moderne, d'une France humaine, d'une France solidaire.Source http://www.senat.fr, le 1 février 2006