Texte intégral
PATRICK POIVRE D'ARVOR - On a donc entendu le Magistrat instructeur, Fabrice Burgaud. On a entendu là un Avocat général, on arrive maintenant au sommet de la hiérarchie et c'est vous, Pascal Clément, Garde des Sceaux. Tout le monde vous regarde, vous attend. Est-ce que des mesures vont être prises après cette audition ? D'abord comment l'avez-vous trouvé le Juge Burgaud et ensuite quelles mesures comptez-vous prendre sur le rôle du Juge d'instruction ? Faut-il le garder ? Faut-il scinder son rôle ou lui adjoindre d'autres juges ?
PASCAL CLEMENT - D'abord ce qui s'est passé n'est jamais arrivé. Une erreur judiciaire avec une répercussion nationale, une Commission d'enquête parlementaire télévisée, il n'y a pas de précédent. L'émotion était formidable. On a tous regardé, on a tous été profondément ému et on s'est tous posé une question, et je crois que c'est ça le fond du débat pour l'opinion publique : « Et si c'était moi ? ».
Et parce qu'on a tous conclu que ça pouvait être nous, cette Affaire d'Outreau est devenue notre affaire. C'est la première observation.
La deuxième observation c'est que le Juge a été invité à venir expliquer ce qui s'était passé. La Commission d'enquête, je vous le rappelle, ne juge pas le Juge. Il est chargé d'expliquer ce qui s'est passé. Il avait sur lui, sur ses épaules, une énorme pression, on se met tous à sa place. Il a expliqué qu'il avait pris conscience de ce qui s'était passé pour les victimes et puis ensuite il a défendu sa procédure. Ce n'est pas mon rôle, ni celui de l'Assemblée, de juger s'il a été un bon ou un mauvais Juge d'instruction mais maintenant - c'est la question que vous me posez - la question du Juge d'instruction se pose.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - On se dit un jeune homme ? on le voit en l'occurrence - son premier poste donc première grosse affaire, est-ce que c'est bien sain de lui confier une affaire comme ça à lui tout seul ?
PASCAL CLEMENT - Lui répond « Non » et ça m'a frappé.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - On se dit que ça peut nous arriver à tous.
PASCAL CLEMENT - Lui il répond « Non ». Parmi les pistes de travail que j'ai déjà lancées, je pense qu'un pôle de l'instruction par département, si nous gardons le Juge d'instruction, est une chose intéressante avec fatalement des plus anciens et des plus jeunes. Mais pour faire simple et synthétique le système français c'est l'enquête financée par l'Etat à travers le Juge d'instruction. L'avantage c'est que c'est très égalitaire, ce n'est pas coûteux. L'inconvénient c'est que les droits de la défense ne sont pas toujours garantis. Le deuxième système opposé, le système anglo-saxon, c'est la défense et l'accusation qui sont à égalité?
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Et l'enquête faite par la Police.
PASCAL CLEMENT - L'enquête est faite par la Police, chacun amène ses preuves, ça demande beaucoup d'argent et ça c'est peu égalitaire, c'est coûteux. Il y a aussi des erreurs judiciaires et même beaucoup d'erreurs judiciaires dans le système anglo-saxon.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Donc si je vous comprends bien, vous n'avez pas envie de supprimer le Juge d'instruction ?
PASCAL CLEMENT - Je n'en suis pas là. Je finis.
Troisième piste de réflexion que va étudier l'Assemblée nationale : le système mixte. C'est-à-dire un peu d'accusatoire, un peu d'inquisitoire, donner plus de pouvoir à la défense, le droit de la défense c'est bien, avec un juge plus arbitre voir si ça peut fonctionner. C'est un système qui n'est pas français, qui n'existe pas dans beaucoup de pays. D'ailleurs c'est peut-être l'Italie le plus proche et il paraît en plus que c'est difficile à faire fonctionner. De toute façon, ce que je veux vous dire ce soir, c'est qu'après cet évènement extraordinaire où tous les français, pas simplement les spécialistes, vont réfléchir à la réforme de la procédure pénale, il faut que ce soit la réforme de toute la France, de tous les Français, donc je me garderai bien de dire ce soir ce que nous ferons. J'ai donné les pistes de réflexion. Il y a un vrai problème dans chaque choix qui pourra être fait parce qu'il n'y a pas que des solutions favorables à chaque choix, il y a à chaque fois des problèmes, eh bien nous le ferons tous ensemble mais je crois que l'Affaire Outreau nous permettra, pour la première fois, de populariser un débat qui était un débat de spécialistes.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Je vous remercie Pascal Clément.Source http://www.justice.gouv.fr, le 20 février 2006
PASCAL CLEMENT - D'abord ce qui s'est passé n'est jamais arrivé. Une erreur judiciaire avec une répercussion nationale, une Commission d'enquête parlementaire télévisée, il n'y a pas de précédent. L'émotion était formidable. On a tous regardé, on a tous été profondément ému et on s'est tous posé une question, et je crois que c'est ça le fond du débat pour l'opinion publique : « Et si c'était moi ? ».
Et parce qu'on a tous conclu que ça pouvait être nous, cette Affaire d'Outreau est devenue notre affaire. C'est la première observation.
La deuxième observation c'est que le Juge a été invité à venir expliquer ce qui s'était passé. La Commission d'enquête, je vous le rappelle, ne juge pas le Juge. Il est chargé d'expliquer ce qui s'est passé. Il avait sur lui, sur ses épaules, une énorme pression, on se met tous à sa place. Il a expliqué qu'il avait pris conscience de ce qui s'était passé pour les victimes et puis ensuite il a défendu sa procédure. Ce n'est pas mon rôle, ni celui de l'Assemblée, de juger s'il a été un bon ou un mauvais Juge d'instruction mais maintenant - c'est la question que vous me posez - la question du Juge d'instruction se pose.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - On se dit un jeune homme ? on le voit en l'occurrence - son premier poste donc première grosse affaire, est-ce que c'est bien sain de lui confier une affaire comme ça à lui tout seul ?
PASCAL CLEMENT - Lui répond « Non » et ça m'a frappé.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - On se dit que ça peut nous arriver à tous.
PASCAL CLEMENT - Lui il répond « Non ». Parmi les pistes de travail que j'ai déjà lancées, je pense qu'un pôle de l'instruction par département, si nous gardons le Juge d'instruction, est une chose intéressante avec fatalement des plus anciens et des plus jeunes. Mais pour faire simple et synthétique le système français c'est l'enquête financée par l'Etat à travers le Juge d'instruction. L'avantage c'est que c'est très égalitaire, ce n'est pas coûteux. L'inconvénient c'est que les droits de la défense ne sont pas toujours garantis. Le deuxième système opposé, le système anglo-saxon, c'est la défense et l'accusation qui sont à égalité?
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Et l'enquête faite par la Police.
PASCAL CLEMENT - L'enquête est faite par la Police, chacun amène ses preuves, ça demande beaucoup d'argent et ça c'est peu égalitaire, c'est coûteux. Il y a aussi des erreurs judiciaires et même beaucoup d'erreurs judiciaires dans le système anglo-saxon.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Donc si je vous comprends bien, vous n'avez pas envie de supprimer le Juge d'instruction ?
PASCAL CLEMENT - Je n'en suis pas là. Je finis.
Troisième piste de réflexion que va étudier l'Assemblée nationale : le système mixte. C'est-à-dire un peu d'accusatoire, un peu d'inquisitoire, donner plus de pouvoir à la défense, le droit de la défense c'est bien, avec un juge plus arbitre voir si ça peut fonctionner. C'est un système qui n'est pas français, qui n'existe pas dans beaucoup de pays. D'ailleurs c'est peut-être l'Italie le plus proche et il paraît en plus que c'est difficile à faire fonctionner. De toute façon, ce que je veux vous dire ce soir, c'est qu'après cet évènement extraordinaire où tous les français, pas simplement les spécialistes, vont réfléchir à la réforme de la procédure pénale, il faut que ce soit la réforme de toute la France, de tous les Français, donc je me garderai bien de dire ce soir ce que nous ferons. J'ai donné les pistes de réflexion. Il y a un vrai problème dans chaque choix qui pourra être fait parce qu'il n'y a pas que des solutions favorables à chaque choix, il y a à chaque fois des problèmes, eh bien nous le ferons tous ensemble mais je crois que l'Affaire Outreau nous permettra, pour la première fois, de populariser un débat qui était un débat de spécialistes.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Je vous remercie Pascal Clément.Source http://www.justice.gouv.fr, le 20 février 2006