Texte intégral
Q- L'Insee vient de dire qu'il croit maintenant, pour 2006, à une croissance de 2 %. Et vous ?
R- Oui, je le dis depuis un certain temps puisque, effectivement, nous avons bâti un budget 2006 sur une croissance entre 2 et 2,5. Donc l'Insee confirme effectivement que l'on devrait être l'année prochaine au dessus de 2. C'est ce que disent maintenant tous les instituts de conjoncture. Donc oui, il y a un retournement de conjoncture ; oui, la croissance revient en France ; oui, la France fait partie maintenant des pays d'Europe qui bénéficient le plus de la croissance, puisque je rappelle qu'au troisième trimestre, nous étions le premier en tête des plus grands pays européens, en terme de croissance. Donc cela va continuer l'année prochaine, c'est une très bonne nouvelle.
Q- Et sur ce rythme, pour 2007, que peut-on pressentir ?
R- Si on fait effectivement cet objectif, c'est-à-dire, entre 2 et 2,5 l'année prochaine, on aura "un acquis de croissance", comme on dit, pour 2007, qui devrait très bien se présenter. Du reste, nous ressentons avec l'ensemble de mes collègues, ministres européens, un vrai retournement de conjoncture en Europe.
Q- Après le rapport Pébereau, vous expliquiez hier, qu'avec une croissance de 3,% par an, on pourrait aboutir à des finances équilibrées vers 2010. Avec 1,5 % de croissance, ce serait autour de
2012.
R- Oui.
Q- Pourquoi ne pas commencer tout de suite ?
R- D'abord, il faut savoir que cette dette, on ne va pas l'effacer en un claquement de doigts. Il faut vraiment que, d'un point de vue national, tout le monde comprenne que cette dette est notre affaire à tous. Ce n'est pas une dette de droite ou de gauche, c'est la dette de la France. Alors, certes, il y a des responsabilités, on peut en parler...
Q- Quelquefois il y a plus de droite, quelquefois il y a plus de gauche...
R- On pourra en parler. Il y a eu beaucoup d'erreurs économiques qui ont contribué à cette dette. Mais au-delà de cela, pour pouvoir prendre le problème de la dette à bras-le-corps et en parler encore une fois librement, sans polémique, il y a des solutions. Je le dis très clairement ce matin : cette dette est une dette très importante, trop importante pour nous tous. Elle obère nos marges de man?uvres pour l'avenir, mais il y a des solutions. C'est ce que dit le rapport Pébereau, c'est ce nous voyons, nous, à Bercy, depuis plusieurs mois. Si jamais on s'en donne les moyens, c'est exact, le Premier ministre l'a dit hier soir, en moins de cinq ans, effectivement, on peut revenir à l'équilibre. C'est faisable.
Q- D'accord. Mais pour 2006, le Premier ministre a annoncé hier sur France 2 des conférences, des réunions de premières décisions et il promet qu'en 2007, le Gouvernement entamera la diminution de la dépense publique. Mais qui garantit que vous serez là, et qu'il sera là, lui, en 2007 ?
R- Non, mais d'abord, les préconisations. La réunion d'une conférence des Finances publiques avec tous les acteurs, parce qu'il n'y a pas que l'Etat qui contribue à la dette ; il y a aussi les acteurs du système de santé, il y a aussi les collectivités locales. Donc ce sont tous les acteurs qui doivent se mettre autour d'une table et prendre un engagement. On ne plus durer comme cela ! Deuxièmement, à partir du moment où cet engagement est pris, le Premier ministre l'a dit : au mois de juin, nous nous engagerons devant le Parlement, c'est-à-dire, devant la nation, sur un programme pluriannuel...
Q- D'accord...
R- C'est la réponse à votre question, une seconde...
Q- Qu'est-ce que serait l'engagement...
R- J'apporte ma réponse à votre question : un engagement devant la nation. Et je l'espère donc, sur tous les rangs de l'Assemblée, car cela concerne tout le monde, d'une réduction programmée, comme tous les grands pays l'ont fait - le Canada l'a fait, tous les grands pays qui étaient dans cette situation l'ont fait...
Q- Avec beaucoup de douleur et beaucoup de larmes...
R- Non, pas beaucoup de douleur, ce n'est pas vrai !
Q- Regardez la Suède et regardez le Canada !
R- Non, beaucoup de vertu, pas beaucoup de douleur ! Dégager des marges de man?uvres pour l'avenir. Sur cinq ans effectivement, cela commencera en 2007. Pourquoi ? Parce que l'année prochaine, on construit le budget 2007. Mais on veut précisément un engagement pluriannuel et on y arrivera.
Q- 2007 est une année électorale. Chaque corporatisme réclame des sous, vous le savez ! Chaque candidat promet et arrose ! L'année 2007, année présidentielle, est-ce le moment le plus favorable pour devenir économe ?
R- C'est peut-être pour cela qu'il n'est pas inutile, tout de suite, et c'est ce que nous avons souhaité avec D. de Villepin, en 2005 pas en 2007, parce que le Gouvernement continue à travailler, poser le problème aujourd'hui, pas à trois mois des élections. Parce que vous avez raison, à quelques mois des élections, généralement, on voit fleurir tout un tas de projets. Ces projets, il faut maintenant que les Français comment ils seront financés. Parce que quand on a parlé de la retraite à 60 ans, il faut savoir que cela a pesé. C'est une idée généreuse, mais à contresens historique par rapport à l'allongement de la durée de vie. Il faut savoir que cette décision, qui a été prise unilatéralement, pèse très lourdement aujourd'hui dans la dette que nous avons à supporter. Quand on a décidé de mettre en place, de façon unilatérale, les 35 heures, autre idée généreuse, à contresens de l'Histoire, il faut savoir que ceci pèse très lourdement dans la dette d'aujourd'hui...
Q- Et quand on baisse les impôts ?
R- Alors, les impôts, parlons-en ! J'entends F. Hollande. La dette de la France - je veux vraiment que l'on soit très précis -, c'est 1.117 milliards d'euros à la fin 2005. F. Hollande dit - écoutez, ce n'est pas sérieux ! - qu'il a trouvé la solution, qu'il y a les baisses d'impôts qui ont été programmées, qui vont coûter 3,5 milliards l'année prochaine à la France et qu'il veut les supprimer ! 3,5 milliards ?! C'est cela, la solution par rapport aux 1.117 milliards ? Ce n'est pas sérieux ! D'autant que je rappelle, la France ne vit pas dans une bulle : nous avons des concurrents, nous avons aujourd'hui le système de prélèvements obligatoires qui est le plus élevé au monde. Alors quoi ? On veut continuer à les augmenter, pour que tout le monde nous quitte ? Absolument pas, on a besoin de tous solidaires et pas d'ostracisme !
Q- En 25 ans, la dette est passée de 20 % du PIB à 66 %, avec une baisse à l'époque Jospin ...
R- Non, pas une baisse, tout le monde a monté...
Q- ... soutenue par la croissance mondiale...
R- Non, non ! Sous Jospin, cela a monté de 160 milliards d'euros, alors qu'on avait la plus grande croissance depuis 30 ans en Europe ! C'est faux ! Ce rapport, encore une fois, il est fait par des gens de droite, des gens de gauche, des gens du Centre...
Q- Et il a été accepté à l'unanimité...
R- Qu'il soit lu ! Sous Jospin, cela a monté de 160 milliards ! 160 milliards, alors que tous les autres pays européens baissaient de 10 à 20 % leur dette ! Ce n'est pas normal cela, c'était en 1997 qu'il fallait lancer le débat de la dette, pas en 2005 !
Q- Et en dix ans, sous votre majorité, cela a entraîné une augmentation de 18 %.
R- Mais une dette, c'est une boule de neige. Quand nous revenons aux affaires en 2002, il faut savoir - et je veux vraiment le dire sans esprit de polémique, parce c'est la vérité -, que rien que les charges accumulées de la dette que nous trouvons en 2002, cela va représenter sur le quinquennat 200 milliards d'intérêts à payer, plus l'impact des 35 heures, où il a fallu, pour ne pas que les entreprises explosent dans leur compétitivité, faire des allégements de charges - 300 milliards ! Avant de démarrer, nous avions un héritage de 300 milliards d'accroissement de la dette !
Q- Donc quand on dit le chiraquisme a augmenté en dix ans la dette, vous dites que c'est parce que vous avez payé l'addition de la gauche ?
R- Je le dis : une dette, c'est un livre économique. Il suffit de regarder, c'est comme la géologie : quand vous regardez les couches et les stratifiés, vous voyez ce qui s'est passé à tel instant sur la planète. Dans la dette, c'est la même chose : il faut regarder ce qui s'est passé. Les trois grandes erreurs qui ont contribué massivement à faire en sorte que là où d'autres sont aujourd'hui à 40 %, nous sommes à 66 %, je le répète, : la retraite à 60 ans, de façon unilatérale, un contresens historique ; les 35 heures pour tout le monde, sans discuter avec les entreprises, à contresens de l'Histoire ; et puis aussi, il faut le dire, à une embauche entre 1981 et 2002 - écoutez-moi bien ! - de plus de 330.000 fonctionnaires, alors que tous les autres pays adaptaient leur administration ! Dans la dette, il n'y a pas de miracle, tout se paye un jour !
Q- Mais suffit-il de dénoncer le mal et de ne pas donner le remède ? Vous parlez de 330.000 fonctionnaires, vous savez qu'il y en a trop. Pourquoi ne pas prendre des mesures fortes pour réduire le nombre de fonctionnaires, s'il y a sureffectif ?
R- Quand J.-P. Raffarin est arrivé aux affaires, pendant trois ans, il a remis la voiture France dans la bonne direction. Car on a fait croire à nos compatriotes que la pierre angulaire, la modernité, c'était de travailler moins dans un monde qui est de plus en plus compétitif et là où la durée de vie s'allonge, il a fallu trois ans, avec beaucoup de courage, de détermination, pour faire en sorte que la loi sur les retraites passe, pour faire en sorte qu'on modifie la loi sur les 35 heures, sans ostracisme...
Q- D'accord, on ne réécrit pas ...
R- Mais c'est très important ! Et l'assurance maladie... Mais il a fallu le faire avec les Français et pas contre eux. Alors aujourd'hui, effectivement, on peut accélérer...
Q- La Commission de Bruxelles prévoit qu'en 2006, la France sera en faute : elle atteindra 3,5 %, au lieu de 3 %, du Pacte de stabilité européen. Est-ce que c'est vrai ?
R- Objection, si vous le permettez. C'était avant qu'on se rencontre avec monsieur Almunia. Maintenant que l'on s'est rencontré, il a compris effectivement que l'objectif de la France est de 2,9 % l'année prochaine. On a décidé de se revoir à la mi-janvier pour faire le point, mais je crois vraiment l'avoir convaincu.
Q- On voit bien que le Premier ministre monte en première ligne ces deniers jours, mais il ne cite ni le président de la République ni vous, son ministre, dans ses interventions, comme hier sur France 2. Est-ce pour montrer qu'il prend seul cette affaire de la dette en main ?
R- D'abord, je l'ai entendu me citer deux fois hier, mais on n'est pas là en train de compter, de mettre des cases...
Q- Mais la preuve : vous savez qu'il vous a cité deux fois ! Mais si vous étiez J. Chirac, vous remarqueriez qu'il ne vous a pas cité du tout !
R- Le Premier ministre parle de l'exécutif et c'est bien son rôle que de parler de l'exécutif...
Q- Conséquence de ce qui est en train de se passer, de ce qu'a dit M. Pébereau et de ce que vous annoncez, la gauche nous dit que c'est Dame Austérité qui est en train d'arriver...
R- Je crois que là-dessus, il faut être sérieux. Ce sujet concerne tous les Français. Il faut se donner les moyens, ils sont là. Ce n'est pas Dame Austérité, c'est tout simplement, comme tous les grands pays l'ont fait, un peu plus de vertu budgétaire.
Q- Et comme le dit M. Pébereau, "une bonne gestion"... Augmenterez-vous les impôts - ou vos successeurs vont-ils augmenter les impôts - après 2007 ?
R- Tout d'abord, il faudra demander à mes successeurs. Ce que je sais, c'est que aujourd'hui, nous avons enfin remis notre système fiscal de façon compétitive par rapport aux autres pays européens. Enfin ! Il fallait le faire. Donc, il n'y a plus aucune raison, aujourd'hui, de la changer. Il fallait le faire, il fallait avoir le courage de le faire. C'est ce qu'a fait ce Gouvernement.
Q- Gèlerez-vous les baisses d'impôts ?
R- Je crois que globalement, il faut en rester là au niveau des prélèvements obligatoires et effectivement ne plus les monter ni ne plus les baisser pendant cette période.
Q- Est-ce que vous demanderez l'équilibre des budgets sociaux ?
R- C'est une priorité. Il faut vraiment qu'on se donne les moyens de la faire, parce qu'il n'est pas normal de faire payer nos soins d'aujourd'hui, la consommation de nos médicaments, par nos enfants demain.
Q- Réclamerez-vous aux administrations des gains de productivité et peut-être de réduire les sureffectifs ?
R- On le fait dès aujourd'hui. Il faut le poursuivre. C'est précisément l'application de la loi organique de finances, la LOLF, qui nous donne enfin les outils. On va démarrer - parce qu'on vient de la voter - dès le 1er janvier avec J.-F. Copé. On est au travail pour le faire dans toutes les administrations françaises.
Q- Avez-vous envie de réduire, comme le dit F. Hollande et le Parti socialiste, les crédits de la Défense ?
R- Aujourd'hui, il n'est pas nécessaire de réduire les crédits de la Défense, si jamais on fait les efforts - il faut vraiment qu'on le fasse - dans toutes les administrations qui n'ont peut-être pas encore utilisé la modernisation des technologies pour travailler mieux en dépensant moins.
Q- Vous avez dit que la France vivait "au-dessus de ses moyens", la phrase a marqué ! Hier, D. de Villepin reprochait que la France dépense "trop et trop mal". Quand on nous dit que la faillite n'est pas loin, est-ce vrai ?
R- Non, je crois que c'est faux. Il est faux de parler de faillite de l'Etat. Par contre, ce qui est vrai, c'est qu'on ne peut plus continuer comme cela. Parce qu'en ne traitant pas ce problème de façon dépassionnée, on crée une anxiété dans le pays qui, elle-même, n'est pas facteur de confiance. Or vous savez, la croissance, c'est avant tout la confiance. Il faut avoir le courage de parler de ces sujets-là et on trouvera la solution. Et je la souhaite collectivement...
Q- Tous ensemble... Le Conseil européen commence aujourd'hui, on voit bien que le trio Merkel-Chirac-Blair et peut-être même T. Blair-J. Chirac, c'est pour eux le choc ou l'heure de vérité. Mais il y a la TVA, qui s'est invitée au sommet. La TV sur le bâtiment sera probablement reconduite. Mais si la TVA sur la restauration était refusée, que se passerait-il ?
R- On continuera à se battre, on l'a dit et redit. J'ai de nouveau programmé une réunion le 21 janvier, dans le cadre des ministres de l'Eurogroupe et de l'Ecofin. Ce sera, à ce moment-là, la présidence autrichienne. Le ministre des Finances autrichien qui assurera cette présidence a confirmé, il y a quinze jours, à Bruxelles, qu'il mettrait ce sujet, s'il n'était pas traité aujourd'hui et demain, comme sujet en tête de liste de ce que nous aurons à traiter collectivement.
Q- C'est-à-dire qu'il peut ne pas y avoir d'accord sur la restauration, mais que la bataille continue ?
R- Soit il y a un accord global, soit on continuera à le traiter...
Q- Demanderez-vous cette fois à monsieur Daguin et à ses restaurateurs, qui ont déjà été subventionnés à 1 milliard d'euros, de vraies contreparties ?
R- Monsieur Daguin sait très bien qu'à partir du moment où l'on obtiendrait cette TVA à 5,5 %, des discussions s'engageront de façon à ce que chacun prenne des engagements, et des engagements importants, pour effectivement avoir les contreparties par rapport à ce qui serait obtenu. C'est une évidence et tout le monde le sait.
Q- Merci d'être venu vous battre pour défendre la réduction de cette catastrophique dette ! Non, pour parler, pour parler tout simplement et faire en sorte que les Français comprennent la situation. S'ils la comprennent, on trouvera la solution.
R- Eux, ils ont compris ! Il faut que les gouvernements comprennent...(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 décembre 2005)
R- Oui, je le dis depuis un certain temps puisque, effectivement, nous avons bâti un budget 2006 sur une croissance entre 2 et 2,5. Donc l'Insee confirme effectivement que l'on devrait être l'année prochaine au dessus de 2. C'est ce que disent maintenant tous les instituts de conjoncture. Donc oui, il y a un retournement de conjoncture ; oui, la croissance revient en France ; oui, la France fait partie maintenant des pays d'Europe qui bénéficient le plus de la croissance, puisque je rappelle qu'au troisième trimestre, nous étions le premier en tête des plus grands pays européens, en terme de croissance. Donc cela va continuer l'année prochaine, c'est une très bonne nouvelle.
Q- Et sur ce rythme, pour 2007, que peut-on pressentir ?
R- Si on fait effectivement cet objectif, c'est-à-dire, entre 2 et 2,5 l'année prochaine, on aura "un acquis de croissance", comme on dit, pour 2007, qui devrait très bien se présenter. Du reste, nous ressentons avec l'ensemble de mes collègues, ministres européens, un vrai retournement de conjoncture en Europe.
Q- Après le rapport Pébereau, vous expliquiez hier, qu'avec une croissance de 3,% par an, on pourrait aboutir à des finances équilibrées vers 2010. Avec 1,5 % de croissance, ce serait autour de
2012.
R- Oui.
Q- Pourquoi ne pas commencer tout de suite ?
R- D'abord, il faut savoir que cette dette, on ne va pas l'effacer en un claquement de doigts. Il faut vraiment que, d'un point de vue national, tout le monde comprenne que cette dette est notre affaire à tous. Ce n'est pas une dette de droite ou de gauche, c'est la dette de la France. Alors, certes, il y a des responsabilités, on peut en parler...
Q- Quelquefois il y a plus de droite, quelquefois il y a plus de gauche...
R- On pourra en parler. Il y a eu beaucoup d'erreurs économiques qui ont contribué à cette dette. Mais au-delà de cela, pour pouvoir prendre le problème de la dette à bras-le-corps et en parler encore une fois librement, sans polémique, il y a des solutions. Je le dis très clairement ce matin : cette dette est une dette très importante, trop importante pour nous tous. Elle obère nos marges de man?uvres pour l'avenir, mais il y a des solutions. C'est ce que dit le rapport Pébereau, c'est ce nous voyons, nous, à Bercy, depuis plusieurs mois. Si jamais on s'en donne les moyens, c'est exact, le Premier ministre l'a dit hier soir, en moins de cinq ans, effectivement, on peut revenir à l'équilibre. C'est faisable.
Q- D'accord. Mais pour 2006, le Premier ministre a annoncé hier sur France 2 des conférences, des réunions de premières décisions et il promet qu'en 2007, le Gouvernement entamera la diminution de la dépense publique. Mais qui garantit que vous serez là, et qu'il sera là, lui, en 2007 ?
R- Non, mais d'abord, les préconisations. La réunion d'une conférence des Finances publiques avec tous les acteurs, parce qu'il n'y a pas que l'Etat qui contribue à la dette ; il y a aussi les acteurs du système de santé, il y a aussi les collectivités locales. Donc ce sont tous les acteurs qui doivent se mettre autour d'une table et prendre un engagement. On ne plus durer comme cela ! Deuxièmement, à partir du moment où cet engagement est pris, le Premier ministre l'a dit : au mois de juin, nous nous engagerons devant le Parlement, c'est-à-dire, devant la nation, sur un programme pluriannuel...
Q- D'accord...
R- C'est la réponse à votre question, une seconde...
Q- Qu'est-ce que serait l'engagement...
R- J'apporte ma réponse à votre question : un engagement devant la nation. Et je l'espère donc, sur tous les rangs de l'Assemblée, car cela concerne tout le monde, d'une réduction programmée, comme tous les grands pays l'ont fait - le Canada l'a fait, tous les grands pays qui étaient dans cette situation l'ont fait...
Q- Avec beaucoup de douleur et beaucoup de larmes...
R- Non, pas beaucoup de douleur, ce n'est pas vrai !
Q- Regardez la Suède et regardez le Canada !
R- Non, beaucoup de vertu, pas beaucoup de douleur ! Dégager des marges de man?uvres pour l'avenir. Sur cinq ans effectivement, cela commencera en 2007. Pourquoi ? Parce que l'année prochaine, on construit le budget 2007. Mais on veut précisément un engagement pluriannuel et on y arrivera.
Q- 2007 est une année électorale. Chaque corporatisme réclame des sous, vous le savez ! Chaque candidat promet et arrose ! L'année 2007, année présidentielle, est-ce le moment le plus favorable pour devenir économe ?
R- C'est peut-être pour cela qu'il n'est pas inutile, tout de suite, et c'est ce que nous avons souhaité avec D. de Villepin, en 2005 pas en 2007, parce que le Gouvernement continue à travailler, poser le problème aujourd'hui, pas à trois mois des élections. Parce que vous avez raison, à quelques mois des élections, généralement, on voit fleurir tout un tas de projets. Ces projets, il faut maintenant que les Français comment ils seront financés. Parce que quand on a parlé de la retraite à 60 ans, il faut savoir que cela a pesé. C'est une idée généreuse, mais à contresens historique par rapport à l'allongement de la durée de vie. Il faut savoir que cette décision, qui a été prise unilatéralement, pèse très lourdement aujourd'hui dans la dette que nous avons à supporter. Quand on a décidé de mettre en place, de façon unilatérale, les 35 heures, autre idée généreuse, à contresens de l'Histoire, il faut savoir que ceci pèse très lourdement dans la dette d'aujourd'hui...
Q- Et quand on baisse les impôts ?
R- Alors, les impôts, parlons-en ! J'entends F. Hollande. La dette de la France - je veux vraiment que l'on soit très précis -, c'est 1.117 milliards d'euros à la fin 2005. F. Hollande dit - écoutez, ce n'est pas sérieux ! - qu'il a trouvé la solution, qu'il y a les baisses d'impôts qui ont été programmées, qui vont coûter 3,5 milliards l'année prochaine à la France et qu'il veut les supprimer ! 3,5 milliards ?! C'est cela, la solution par rapport aux 1.117 milliards ? Ce n'est pas sérieux ! D'autant que je rappelle, la France ne vit pas dans une bulle : nous avons des concurrents, nous avons aujourd'hui le système de prélèvements obligatoires qui est le plus élevé au monde. Alors quoi ? On veut continuer à les augmenter, pour que tout le monde nous quitte ? Absolument pas, on a besoin de tous solidaires et pas d'ostracisme !
Q- En 25 ans, la dette est passée de 20 % du PIB à 66 %, avec une baisse à l'époque Jospin ...
R- Non, pas une baisse, tout le monde a monté...
Q- ... soutenue par la croissance mondiale...
R- Non, non ! Sous Jospin, cela a monté de 160 milliards d'euros, alors qu'on avait la plus grande croissance depuis 30 ans en Europe ! C'est faux ! Ce rapport, encore une fois, il est fait par des gens de droite, des gens de gauche, des gens du Centre...
Q- Et il a été accepté à l'unanimité...
R- Qu'il soit lu ! Sous Jospin, cela a monté de 160 milliards ! 160 milliards, alors que tous les autres pays européens baissaient de 10 à 20 % leur dette ! Ce n'est pas normal cela, c'était en 1997 qu'il fallait lancer le débat de la dette, pas en 2005 !
Q- Et en dix ans, sous votre majorité, cela a entraîné une augmentation de 18 %.
R- Mais une dette, c'est une boule de neige. Quand nous revenons aux affaires en 2002, il faut savoir - et je veux vraiment le dire sans esprit de polémique, parce c'est la vérité -, que rien que les charges accumulées de la dette que nous trouvons en 2002, cela va représenter sur le quinquennat 200 milliards d'intérêts à payer, plus l'impact des 35 heures, où il a fallu, pour ne pas que les entreprises explosent dans leur compétitivité, faire des allégements de charges - 300 milliards ! Avant de démarrer, nous avions un héritage de 300 milliards d'accroissement de la dette !
Q- Donc quand on dit le chiraquisme a augmenté en dix ans la dette, vous dites que c'est parce que vous avez payé l'addition de la gauche ?
R- Je le dis : une dette, c'est un livre économique. Il suffit de regarder, c'est comme la géologie : quand vous regardez les couches et les stratifiés, vous voyez ce qui s'est passé à tel instant sur la planète. Dans la dette, c'est la même chose : il faut regarder ce qui s'est passé. Les trois grandes erreurs qui ont contribué massivement à faire en sorte que là où d'autres sont aujourd'hui à 40 %, nous sommes à 66 %, je le répète, : la retraite à 60 ans, de façon unilatérale, un contresens historique ; les 35 heures pour tout le monde, sans discuter avec les entreprises, à contresens de l'Histoire ; et puis aussi, il faut le dire, à une embauche entre 1981 et 2002 - écoutez-moi bien ! - de plus de 330.000 fonctionnaires, alors que tous les autres pays adaptaient leur administration ! Dans la dette, il n'y a pas de miracle, tout se paye un jour !
Q- Mais suffit-il de dénoncer le mal et de ne pas donner le remède ? Vous parlez de 330.000 fonctionnaires, vous savez qu'il y en a trop. Pourquoi ne pas prendre des mesures fortes pour réduire le nombre de fonctionnaires, s'il y a sureffectif ?
R- Quand J.-P. Raffarin est arrivé aux affaires, pendant trois ans, il a remis la voiture France dans la bonne direction. Car on a fait croire à nos compatriotes que la pierre angulaire, la modernité, c'était de travailler moins dans un monde qui est de plus en plus compétitif et là où la durée de vie s'allonge, il a fallu trois ans, avec beaucoup de courage, de détermination, pour faire en sorte que la loi sur les retraites passe, pour faire en sorte qu'on modifie la loi sur les 35 heures, sans ostracisme...
Q- D'accord, on ne réécrit pas ...
R- Mais c'est très important ! Et l'assurance maladie... Mais il a fallu le faire avec les Français et pas contre eux. Alors aujourd'hui, effectivement, on peut accélérer...
Q- La Commission de Bruxelles prévoit qu'en 2006, la France sera en faute : elle atteindra 3,5 %, au lieu de 3 %, du Pacte de stabilité européen. Est-ce que c'est vrai ?
R- Objection, si vous le permettez. C'était avant qu'on se rencontre avec monsieur Almunia. Maintenant que l'on s'est rencontré, il a compris effectivement que l'objectif de la France est de 2,9 % l'année prochaine. On a décidé de se revoir à la mi-janvier pour faire le point, mais je crois vraiment l'avoir convaincu.
Q- On voit bien que le Premier ministre monte en première ligne ces deniers jours, mais il ne cite ni le président de la République ni vous, son ministre, dans ses interventions, comme hier sur France 2. Est-ce pour montrer qu'il prend seul cette affaire de la dette en main ?
R- D'abord, je l'ai entendu me citer deux fois hier, mais on n'est pas là en train de compter, de mettre des cases...
Q- Mais la preuve : vous savez qu'il vous a cité deux fois ! Mais si vous étiez J. Chirac, vous remarqueriez qu'il ne vous a pas cité du tout !
R- Le Premier ministre parle de l'exécutif et c'est bien son rôle que de parler de l'exécutif...
Q- Conséquence de ce qui est en train de se passer, de ce qu'a dit M. Pébereau et de ce que vous annoncez, la gauche nous dit que c'est Dame Austérité qui est en train d'arriver...
R- Je crois que là-dessus, il faut être sérieux. Ce sujet concerne tous les Français. Il faut se donner les moyens, ils sont là. Ce n'est pas Dame Austérité, c'est tout simplement, comme tous les grands pays l'ont fait, un peu plus de vertu budgétaire.
Q- Et comme le dit M. Pébereau, "une bonne gestion"... Augmenterez-vous les impôts - ou vos successeurs vont-ils augmenter les impôts - après 2007 ?
R- Tout d'abord, il faudra demander à mes successeurs. Ce que je sais, c'est que aujourd'hui, nous avons enfin remis notre système fiscal de façon compétitive par rapport aux autres pays européens. Enfin ! Il fallait le faire. Donc, il n'y a plus aucune raison, aujourd'hui, de la changer. Il fallait le faire, il fallait avoir le courage de le faire. C'est ce qu'a fait ce Gouvernement.
Q- Gèlerez-vous les baisses d'impôts ?
R- Je crois que globalement, il faut en rester là au niveau des prélèvements obligatoires et effectivement ne plus les monter ni ne plus les baisser pendant cette période.
Q- Est-ce que vous demanderez l'équilibre des budgets sociaux ?
R- C'est une priorité. Il faut vraiment qu'on se donne les moyens de la faire, parce qu'il n'est pas normal de faire payer nos soins d'aujourd'hui, la consommation de nos médicaments, par nos enfants demain.
Q- Réclamerez-vous aux administrations des gains de productivité et peut-être de réduire les sureffectifs ?
R- On le fait dès aujourd'hui. Il faut le poursuivre. C'est précisément l'application de la loi organique de finances, la LOLF, qui nous donne enfin les outils. On va démarrer - parce qu'on vient de la voter - dès le 1er janvier avec J.-F. Copé. On est au travail pour le faire dans toutes les administrations françaises.
Q- Avez-vous envie de réduire, comme le dit F. Hollande et le Parti socialiste, les crédits de la Défense ?
R- Aujourd'hui, il n'est pas nécessaire de réduire les crédits de la Défense, si jamais on fait les efforts - il faut vraiment qu'on le fasse - dans toutes les administrations qui n'ont peut-être pas encore utilisé la modernisation des technologies pour travailler mieux en dépensant moins.
Q- Vous avez dit que la France vivait "au-dessus de ses moyens", la phrase a marqué ! Hier, D. de Villepin reprochait que la France dépense "trop et trop mal". Quand on nous dit que la faillite n'est pas loin, est-ce vrai ?
R- Non, je crois que c'est faux. Il est faux de parler de faillite de l'Etat. Par contre, ce qui est vrai, c'est qu'on ne peut plus continuer comme cela. Parce qu'en ne traitant pas ce problème de façon dépassionnée, on crée une anxiété dans le pays qui, elle-même, n'est pas facteur de confiance. Or vous savez, la croissance, c'est avant tout la confiance. Il faut avoir le courage de parler de ces sujets-là et on trouvera la solution. Et je la souhaite collectivement...
Q- Tous ensemble... Le Conseil européen commence aujourd'hui, on voit bien que le trio Merkel-Chirac-Blair et peut-être même T. Blair-J. Chirac, c'est pour eux le choc ou l'heure de vérité. Mais il y a la TVA, qui s'est invitée au sommet. La TV sur le bâtiment sera probablement reconduite. Mais si la TVA sur la restauration était refusée, que se passerait-il ?
R- On continuera à se battre, on l'a dit et redit. J'ai de nouveau programmé une réunion le 21 janvier, dans le cadre des ministres de l'Eurogroupe et de l'Ecofin. Ce sera, à ce moment-là, la présidence autrichienne. Le ministre des Finances autrichien qui assurera cette présidence a confirmé, il y a quinze jours, à Bruxelles, qu'il mettrait ce sujet, s'il n'était pas traité aujourd'hui et demain, comme sujet en tête de liste de ce que nous aurons à traiter collectivement.
Q- C'est-à-dire qu'il peut ne pas y avoir d'accord sur la restauration, mais que la bataille continue ?
R- Soit il y a un accord global, soit on continuera à le traiter...
Q- Demanderez-vous cette fois à monsieur Daguin et à ses restaurateurs, qui ont déjà été subventionnés à 1 milliard d'euros, de vraies contreparties ?
R- Monsieur Daguin sait très bien qu'à partir du moment où l'on obtiendrait cette TVA à 5,5 %, des discussions s'engageront de façon à ce que chacun prenne des engagements, et des engagements importants, pour effectivement avoir les contreparties par rapport à ce qui serait obtenu. C'est une évidence et tout le monde le sait.
Q- Merci d'être venu vous battre pour défendre la réduction de cette catastrophique dette ! Non, pour parler, pour parler tout simplement et faire en sorte que les Français comprennent la situation. S'ils la comprennent, on trouvera la solution.
R- Eux, ils ont compris ! Il faut que les gouvernements comprennent...(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 décembre 2005)