Déclaration de M. François Loos, ministre délégué de l'industrie, sur l'aide gouvernementale aux entreprises visant à encourager l'innovation, notamment par l'aide à l'investissement dans la recherche-développement, Paris le 1er février 2006.

Prononcé le 1er février 2006

Intervenant(s) : 

Circonstance : Salon des entrepreneurs à Paris, le 1er février 2006

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Parmi les idées reçues, le Français n'est pas un entrepreneur, il n'a pas le goût du risque. On voit bien que c'est faux : les excellents chiffres de créations d'entreprises sont là pour le prouver. Les Français ont l'esprit d'entreprise et le goût de risque. Car c'est bien un risque, et lorsqu'il se matérialise, les conséquences sont lourdes :
- 90% des dépôts de bilan s'achèvent en liquidation judiciaire
- 150 000 suppressions d'emplois /an
- 60% des défaillances concernent les entreprises de moins de 10 salariés.
Comment remédier à ce "gâchis économique et social ? "
Je vais laisser aux orateurs suivants la tâche d'exposer les erreurs à ne pas commettre. Le rôle du Ministre de l'Industrie est plutôt ici de vous délivrer un message : c'est important de ne pas commettre d'erreurs, ça l'est tout autant de faire ce qu'il faut pour réussir : innovez, différenciez vos produits. Nous sommes à vos côtés pour financer cette innovation, et Bercy est aussi à vos côtés dans les difficultés.
I - Il faut investir dans la R&D pour innover ou monter en gamme
Il est clair que le différentiel de coût du travail avec les pays en développement est encore tel que nous ne pouvons pas compter sur le différentiel de productivité pour maintenir une compétitivité-coût sur les produits à forte intensité de main d'oeuvre.
Mais les pays en développement nous concurrencent aussi sur les produits plus élaborés. Ils ne sont plus uniquement cantonnés dans les exportations de produits de base et de produits manufacturiers intensifs en travail. Les secteurs qui apparaissent les plus dynamiques dans le commerce mondial (ordinateurs, équipements de télécommunication, chimie et pharmacie, aéronautique, instruments de précision) ont un contenu technologique élevé et comptent parmi les postes d'exportation les plus dynamiques des pays en développement. La Chine a réduit sa spécialisation dans les produits primaires ; elle demeure une base d'exportation de produits intensifs en main d'oeuvre, mais elle évolue vers des produits à plus forte intensité technologique.
Mais l'innovation, ça n'est pas nécessairement une grande rupture technologique ; l'effort de R&D est un investissement dans l'immatériel, qui peut se traduire par une montée en gamme, qui a toute sa valeur et permet à l'entreprise de gagner des parts de marché. L'important, c'est de différencier sa production de celle des entreprises des pays émergents.
II - Nous vous aidons à financer votre innovation et à renforcer votre bilan
Au cours des derniers mois, le gouvernement a mis en place des agences de moyens, au service de chaque catégorie d'acteurs de l'innovation : Oséo pour les PME, l'Agence Nationale de la Recherche pour les laboratoires, et l'Agence de l'Innovation Industrielle pour orienter davantage l'industrie vers les secteurs à haute valeur ajoutée. La recherche est une source majeure d'innovation, aussi la coopération entre recherche publique et privée constitue-t-elle l'un des objectifs du « Pacte pour la recherche » et du projet de loi de programme pour la recherche. Les pôles de compétitivité ont également été mis en place pour inciter les différents acteurs de l'innovation à travailler ensemble : entreprises, laboratoires publics et établissements d'enseignement supérieur. Le gouvernement a enfin utilisé la fiscalité pour ménager un environnement favorable à l'innovation, tant pour inciter directement à l'innovation, par exemple avec le crédit d'impôt recherche ou le statut de jeune entreprise innovante, qu'en favorisant l'apport de ressources stables aux entreprises, qui leur permettent d'investir sur l'avenir.
Pour susciter des occasions supplémentaires de rencontres et d'échanges entre les acteurs de l'innovation et leurs financeurs potentiels et présenter un état des lieux et des perspectives sur les principales mesures d'appui à l'innovation, j'ai lancé les Forums du financement de l'innovation et de la compétitivité.
Ces Forums prendront la forme de sept événements, programmés entre mars 2006 et février 2007, qui se dérouleront autour des pôles de compétitivité à Lyon, Marseille, Grenoble, Paris, Toulouse, Rennes et Strasbourg. Outre des tables rondes et ateliers sur les instruments d'appui à l'innovation, les Forums, résolument tournés vers les entreprises, comporteront des rencontres d'affaires entre PME innovantes, grands entreprises ainsi que grands comptes et investisseurs privés, en vue de nouer des partenariats, lever des fonds ou signer des contrats.
III - Et si malgré tout cela se passe quand même mal, nous sommes à vos côtés
A- La loi de "sauvegarde des entreprises" du 26 juillet 2005, applicable depuis le 1° janvier 2006, a réformé les procédures collectives dans une approche véritablement économique.
1) Pour le chef d'entreprise : anticiper la crise et rendre les procédures plus pragmatiques
- La nouvelle procédure de sauvegarde "(inspirée du "Chapter Eleven" américain) permet de passer de la logique du dépôt de bilan à la logique de "protection judiciaire" et ce, afin de prendre des mesures urgentes et rigoureuses avant de se trouver en cessation des paiements.
- Les sanctions sont allégées et réaménagées afin de distinguer le chef d'entreprise malchanceux du chef d'entreprise malhonnête. L'absence de droit à l'erreur était un frein à la prise de risque.
2) Pour les créanciers : restaurer la confiance entre les différents partenaires de l'entreprise pour ne pas dissuader le financement des PME
La loi de sauvegarde comporte plusieurs mesures très puissantes :
- le privilège de l'argent frais ou "new money" pour les créanciers qui auront apporté leur concours en trésorerie alors que l'entreprise est en situation difficile auront leurs créances garanties ;
- la limitation du risque de "soutien abusif" : les banquiers ne pourront être tenus responsables des préjudices résultant des crédits consentis (sauf cas de fraude ou immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur).
- le Trésor public pourra accepter de remettre l'ensemble des impôts directs et indirects dus par le débiteur (tout ou partie du principal de la créance pour les impôts directs, intérêts et majorations de retard pour les impôts indirects) et ce "concomitamment à l'effort consenti par les autres créanciers".
B- Le MINEFI pôle d'anticipation et d'accompagnement des difficultés :
- au niveau national : le CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle) est compétent pour examiner les difficultés des entreprises de plus de 400 salariés dans tous les secteurs.
- au niveau régional : les DRIRE sont particulièrement concernées, leurs missions étant de connaître le tissu industriel régional afin d'anticiper les évolutions par secteur d'activité et bassin d'emplois
- au niveau départemental : deux instances sont particulièrement concernées :
- le CODEFI présidé par le Préfet, ayant pour vice-président le TPG, rassemble les compétences financières sociales et fiscales du département, notamment des DRIRE, qui sont concernées au premier chef par les difficultés et leur anticipation.
- la CCSF (commission des chefs de service financiers) présidée par le TPG du département, a compétence pour examiner les demandes de délais de paiement et accorder des moratoires jusqu'à 24 mois.
Une campagne de sensibilisation des chefs d'entreprise sera menée par mon ministère, en partenariat avec RECREER. Elle sera lancée à Paris, dans le cadre d'un colloque organisé le 27 mars prochain au Sénat et sera ensuite déclinée dans les régions, en partenariat avec les institutions et principaux acteurs économiques qui concourent à la sauvegarde des emplois : tribunaux de commerce, DRIRE, CCI, CIP (Centres d'information et de prévention).
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 février 2006