Déclaration de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur le défense de la propriété intellectuelle, la promotion de l'innovation, la lutte contre la contrefaçon et sur le renforcement du cadre législatif par la déposition d'un projet de loi, Paris le 21 mars 2006.

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Circonstance : 11ème Forum européen de la propriété intellectuelle, à Paris le 21 mars 2006

Texte intégral

C'est un grand plaisir pour moi d'ouvrir ce 11ème forum européen de la propriété intellectuelle consacré au thème « propriété intellectuelle et contrefaçon : entre acquis et devenir ».
Je veux d'emblée féliciter l'Union des Fabricants qui est à l'origine de ce « rendez-vous » annuel. C'est la marque de son engagement, depuis longtemps déjà (1872), pour que la propriété intellectuelle et artistique soit protégée et défendue tant au niveau national qu'international.
Défense de la propriété intellectuelle et promotion de l'innovation sont, en réalité, deux objectifs indissociables.
L'innovation est aujourd'hui plus que jamais la clé pour répondre aux enjeux de la compétition internationale et pour que nos économies puissent connaître une croissance durable.
1/ C'est pourquoi le Gouvernement a arrêté toute une série de mesures pour créer un environnement favorable à l'innovation
Trois nouvelles agences de moyens, répondant de façon ciblée aux besoins des différents acteurs de l'innovation, ont été créées : OSEO, l'Agence Nationale de la Recherche, l'Agence de l'innovation industrielle.
Dans la loi de programme pour la recherche, divers dispositifs, par exemple la mise en place du label Carnot, amélioreront la capacité de nos établissements publics de recherche à réaliser des innovations technologiques et à travailler en partenariat avec des entreprises, notamment avec des PME innovantes.
Dans la loi de finances pour 2006, des mesures fiscales incitent les entreprises à accroître leur effort de recherche, tout en améliorant leur structure financière. Le crédit d'impôt recherche a été considérablement renforcé, par l'élargissement de sa base de calcul et par le rehaussement du plafond des dépenses désormais confiées à d'autres entités, afin d'aider les PME innovantes.
Nous avons aussi abaissé la taxation des redevances de brevet. Un statut de jeune entreprise innovante a été créé, qui permet à une PME en phase de création de financer son innovation, par des allégements substantiels de charges sociales sur les emplois de chercheurs, et des exonérations fiscales importantes.
Nous avons mis en place les pôles de compétitivité, élément stratégique de la mise en réseau des acteurs de l'économie industrielle de demain et que l'Etat accompagnera.
J'ai lancé tout récemment, à Lyon, les forums du financement de l'innovation et de la compétitivité qui permettront aux entreprises, tout particulièrement les PME, de se familiariser avec les outils qui sont à leur disposition pour leur propre développement.
2/ Mais cette politique de l'innovation serait vaine si elle ne s'accompagnait d'une lutte déterminée pour faire reculer le fléau de la contrefaçon
Les symptômes sont convenus de vous. Je me bornerai à quelques rappels :
- Le commerce des produits contrefaits représente aujourd'hui 10% du commerce mondial contre 5% en 2000.
- 103 millions de produits contrefaits et piratés ont été saisis dans l'Union européenne, en 2004, soit une augmentation de plus de 12 % par rapport à 2003 et de 1 000 % par rapport à 1998.
- Pour la France, les saisies douanières sont passées de 300 000 articles en 1995 à 5,6 millions en 2005.
La contrefaçon détruit l'emploi et porte atteinte aux capacités de création de notre économie. Elle est aussi devenue une source de revenus pour des réseaux criminels ou de terrorisme.
Cette menace bien réelle pour l'ordre public s'exprime également à travers les atteintes portées à la législation du travail, à la législation fiscale et aux législations en matière de sécurité des produits.
3/ Pour tous ces motifs, nous avons engagé, dans le cadre du plan arrêté en juin 2004, une action globale en matière de lutte contre la contrefaçon
Cette action se déploie sur plusieurs fronts : renforcement du cadre législatif et réglementaire ; mobilisation sans cesse renouvelée de nos services ; développement des coopérations avec nos partenaires étrangers et de nos actions au sein des institutions européennes et internationales. Je souhaite ce matin vous indiquer les prochaines étapes de cette mobilisation des pouvoirs publics.
- D'abord, le lancement de la campagne nationale de communication contre la contrefaçon
Cette campagne est attendue de vous. Avec Jean-François COPE et Bernard BROCHAND, nous la lancerons à Bercy le 3 avril. Le CNAC sera réuni à cette occasion.
Cette campagne témoigne de l'engagement résolu des pouvoirs publics pour faire reculer le fléau de la contrefaçon. Le MINEFI et l'INPI ont mobilisé un budget de 5 M? à hauteur de cette ambition. Il était naturel que le CNAC et son président Bernard BROCHAND en soient les maîtres d'oeuvre. Un énorme travail a été accompli et je veux remercier Bernard BROCHAND d'avoir déployer, avec le soutien de l'INPI et des services du MINEFI, son énergie habituelle et tout son talent au service de ce projet. Je veux aussi saluer la contribution très active de l'Union des Fabricants et des industriels pour préparer cette campagne.
Notre objectif est clair : responsabiliser le citoyen consommateur en lui faisant prendre conscience des conséquences néfastes de la contrefaçon. En clair, nous ne voulons pas culpabiliser mais faire passer le message à un large public que la lutte contre la contrefaçon c'est l'intérêt de tous mais aussi l'affaire de chacun.
Avec cette campagne, nous souhaitons délivrer des messages très simples à nos compatriotes :
- ne mettez pas en cause votre santé, votre sécurité et celles de vos enfants ;
- ne contribuez pas à détruire l'emploi et à favoriser l'exploitation des personnes par le travail illicite ;
- n'encouragez pas le financement des organisations mafieuses et du terrorisme ;
- ne soyez pas complices d'un fléau qui porte atteinte aux capacités d'innovation et à la compétitivité de nos entreprises ;
Nous avons donc, avec cet outil de communication, une formidable opportunité de souligner à la fois l'ampleur du phénomène de la contrefaçon et la gravité de ses conséquences. J'attends naturellement des entreprises et de leurs fédérations qu'elles restent entièrement mobilisées à nos côtés pour que les messages de cette campagne nationale aient le plus large écho.
- L'autre étape également très attendue des industriels, c'est le renforcement du cadre législatif national
Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon est un élément essentiel du plan d'action gouvernemental. Il permettra de :
-transposer dans le droit national la directive du 29 avril 2004 sur le respect des droits de propriété intellectuelle,
- prendre en compte le nouveau règlement communautaire douanier, afin notamment d'améliorer l'information des entreprises et aligner les procédures de retenues douanières de marchandises contrefaisantes,
- renforcer les moyens juridiques des services.
Je veux m'arrêter un instant sur la transposition de la directive du 29 avril 2004 qui vise à doter l'ensemble des Etats membres d'un niveau élevé de protection des droits de propriété intellectuelle. Permettez-moi de souligner que cette directive a pour premier intérêt de couvrir l'ensemble des droits de propriété intellectuelle. C'est évidemment un atout majeur pour assurer une protection efficace des innovations et créations des entreprises.
L'autre intérêt de ce texte, c'est que sa transposition assurera l'harmonisation au sein de l'Union européenne des règles relatives à la production et à la conservation des preuves : l'efficacité des procédures engagées par les titulaires de droit de Propriété Intellectuelle en sera renforcée. La directive permettra notamment d'introduire, dans les Etats membres de l'Union européenne qui ne la connaissent pas, la procédure française de saisie-contrefaçon.
Inversement, la transposition de cette directive conduira à introduire dans notre cadre législatif interne un droit nouveau : le droit à l'information. Cette disposition, reprise des législations de certains Etats membres (Allemagne notamment), a pour but de permettre au titulaire de droits d'obtenir les informations nécessaires au démantèlement de l'ensemble du réseau de contrefaçon notamment les fournisseurs et les clients.
Je veux aussi souligner qu'en transposant ce texte communautaire, nous allons enfin harmoniser et renforcer la réparation du préjudice né de la contrefaçon. Actuellement, le droit commun de la responsabilité civile ne permet pas de calculer le montant des dommages et intérêts en prenant en considération les bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur ; il ne permet pas non plus au juge de fixer un montant forfaitaire de dommages et intérêts, donc détaché du préjudice réellement subi.
La transposition va permettre de calculer les dommages et intérêts : soit sur la base de tous les facteurs pertinents, de nature économique (manque à gagner pour la victime, bénéfices réalisés par le contrefacteur) ou morale (préjudice moral subi par la victime) ; soit de manière forfaitaire en tenant compte notamment du montant des redevances qui auraient été perçues si le contrefacteur avait obtenu l'autorisation du titulaire des droits.
Le renforcement du cadre européen de lutte contre la contrefaçon passe aussi par l'adoption de mesures pénales communes aux Etats membres
Le 12 juillet 2005, la Commission européenne a transmis aux Etats membres deux textes importants : une proposition de directive relative aux mesures pénales visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle et une proposition de décision cadre visant au renforcement du cadre pénal pour la répression des atteintes aux droits de propriété intellectuelle.
Cet ensemble de textes envisage de sanctionner toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation communautaire et/ou la législation nationale. Ils obligeront les Etats membres à qualifier d'infraction pénale toute atteinte intentionnelle à un droit de propriété intellectuelle dès lors que celle-ci est commise à une échelle commerciale.
Dans ce cadre, un arsenal pénal assez complet est prévu : emprisonnement, amendes, confiscation des biens, destruction de marchandises, fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire, de l'établissement ayant principalement servi à commettre l'atteinte.
Les discussions entre les Etats membres viennent de débuter au sein du Conseil de l'Union, sous la présidence de l'Autriche. Je puis vous assurer que le Gouvernement français entend déployer des efforts importants au cours de l'année 2006 dans la négociation et l'élaboration de ces textes de nature pénale afin que l'Europe puisse disposer d'un ensemble complet de mesures civiles et pénales nécessaires au respect des droits de Propriété Intellectuelle.
Voilà ce que je voulais vous dire en introduction des débats qui vont vous occuper pendant ces deux journées. Comme vous pouvez le constater, les pouvoirs publics sont mobilisés pour faire reculer ce phénomène néfaste de la contrefaçon.
Dans ce combat, nous devons veiller en permanence à confronter les expériences et à examiner les voies d'action. C'est tout l'intérêt de vos travaux.
Je vous remercie. Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 mars 2006