Texte intégral
Monsieur le préfet, Madame, Monsieur le député, Messieurs les présidents, Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi sans préambule de dire combien je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous à Beauvais, dans ce département de l'Oise où je viens pour la première fois depuis mon arrivée dans le gouvernement conduit par Lionel Jospin.
Ce projet, né dans l'agitation enfumée de Seattle il y a un an, a mûri un peu avant l'été lors d'un déplacement dans les pays de l'est. J'avais en effet souhaité associer Béatrice Marre à ces deux voyages pour la qualité de son travail et sa compétence d'experte sur les thèmes de la mondialisation et de la construction européenne, en particulier dans leur volet agricole.
Ce n'est pas bien sûr pas un hasard si j'ai choisi ces deux thèmes, mondialisation de l'économie et de la construction européenne. Ils concentrent actuellement une grande partie de l'attention et de l'énergie du gouvernent, des autorités politiques. Ils cristallisent également les inquiétudes des acteurs économiques et de la société civile comme en témoigne le contre-sommet ouvert à Nice par les anti-mondialistes à la veille de la conférence inter-gouvernementale.
I " La mondialisation régulée peut être positive "
Ces manifestations sont l'expression du scepticisme que nos concitoyens continuent d'éprouver à l'égard du phénomène de la mondialisation. Les Français, mais plus largement l'ensemble des peuples, doutent de plus en plus des bienfaits d'un monde qui leur échappe, d'un monde qui à l'image d'une folle toupie, tournerait sur lui même par la seule énergie des marchés. Je comprends naturellement ces angoisses. La conviction du gouvernement et de la majorité qui le soutient est pourtant de faire partager le sentiment profond que la France, les Français, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, ont plus à gagner qu'à perdre à l'ouverture au monde. A condition toutefois que cette ouverture soit négociée dans la transparence, ce qui est une exigence plus que légitime en démocratie. A condition aussi que cette ouverture soit progressive et encadrée par des règles décidées par leurs représentants des peuples et non imposées dans la précipitation et le secret. C'est le point sur lequel j'insisterai cet après midi à l'institut supérieur d'agriculture de Beauvais, dans le cadre d'une conférence sur le thème " mondialisation, agriculture et progrès ".
J'en veux pour preuve la bonne orientation de la conjoncture internationale en dépit de la hausse des produits pétroliers. L'OMC vient d'annoncer une progression du volume des échanges de 14 % sur les 9 premiers mois de cette année. Les perspectives de la croissance mondiale sont les meilleures de la décennie, à près de 4,75 % pour l'année 2000. Pour l'Europe, qui concentre les 2/3 des exportations françaises, les experts du FMI sont optimistes, qui annoncent dans leur dernier rapport une croissance de 3,5 % cette année et de 3,4 % pour 2001.
II- " L'Europe, l'élargissement et la création d'une espace de stabilité, de croissance d'emploi et d'innovation "
Dans ce contexte, la conférence intergouvernementale qui s'ouvrira à Nice demain sera, je crois, un moment crucial. J'attendrai encore un peu pour qualifier ce sommet d'historique. Une chose est sûre : il marquera une étape importante dans la construction d'un territoire porteur de stabilité, de croissance, d'emploi et d'innovation. Il scellera les valeurs de référence d'une région du monde au service d'un nouveau modèle de société. Mais nous avons encore d'immenses progrès à faire au sein même de l'Union.
Je n'aurai pas la prétention de brosser un grand tableau du devenir de l'Europe. D'autres s'en chargent en ce moment même à Nice. Je veux juste prendre un exemple qui souligne ce besoin de plus d'Europe.
La crise de la vache folle démontre l'absolue nécessité d'une meilleure coordination entre partenaires européens. Il est paradoxal et injuste que la France ait subi de plein fouet la crise de confiance des consommateurs européens, alors même que nous avions pris, avant les autres, les mesures les plus strictes. Nous avons constaté une chute brutale de nos exportations de viande vers nos partenaires européens souvent moins avancés que nous en matière de détection de la maladie. La concertation a fini par l'emporter puisque un moratoire sur les farines animales a finalement été décrété sur tout le territoire de l'Union.
Cet exemple d'actualité, comme beaucoup d'autres, souligne l'importance d'une régulation concertée des échanges commerciaux et le rôle déterminant de la coordination européenne.
III- La politique régionale du commerce extérieur
A Lisbonne, puis à Feira, demain à Nice, l'Europe confirme ses priorités en faveur de la croissance, de l'emploi et de l'innovation. Ces priorités, qui sont celles du gouvernement de Lionel Jospin, sont déclinées à travers la politique régionale du commerce extérieur en faveur des PME.
Beauvais marque une nouvelle étape, importante, de cette politique.
La Picardie est tout simplement la deuxième région de France en termes d'emplois industriels. S'agissant du commerce extérieur, avec 65 milliards de francs, la région se place au 11ème rang en France pour les exportations. Je note quelques traits saillants :
la concentration des exportations sur l'Union européenne : plus des du total, ce qui est supérieur à la moyenne nationale.
l'importance des importations de produits métalliques, qui s'explique par la vigueur des PME picardes du secteur de la mécanique.
Ce secteur de la mécanique me permet de revenir à la logique même de cette politique. Quel en est l'objectif ?
Il s'agit d'augmenter le nombre de PME-PMI primo-exportatrices et de renforcer la place sur les marchés mondiaux des entreprises régionales déjà rodées à l'export.
Nous avons décidé de privilégier les secteurs à fort effet de levier sur l'emploi et la croissance et d'optimiser les moyens techniques et financiers de l'ensemble des partenaires concernés, publics et privés.
En Picardie, les secteurs de la mécanique et de la plasturgie font justement partie de ces industries de main d'uvre.
S'agissant du secteur de la mécanique, il compte à lui seul, en Picardie, à peine moins de 30 000 salariés et représente le quart des emplois industriels. Ce sont près de 400 établissements, dont une majorité de PMI. Déjà présentes sur le marché européen élargi, elles peuvent s'y renforcer, mais doivent se faire également connaître et faire apprécier leur capacité d'innovation sur les marchés plus lointains: Etats-Unis, Canada, Chine, Taiwan, etc.
En Picardie, je dois signaler d'emblée que cette politique a trouvé des conditions extrêmement favorables. Nous nous sommes en quelque sorte greffés, si vous m'autorisez l'expression, sur le contrat de filière mécanique mis en place par la DRIRE.
Un programme d'action, actuellement en cours d'élaboration, concrétisera cette mobilisation de tous les acteurs en région. Je veux naturellement profiter de notre rencontre pour féliciter de leur engagement aux côtés de nos entreprises tous les acteurs de leur développement international :
- réseaux consulaires
- filières professionnelles
- collectivités territoriales
- et, bien entendu, services déconcentrés de l'Etat, sous votre autorité, Monsieur le préfet.
Cette nécessaire cristallisation de toutes les compétences et de toutes les énergies autour d'un objectif partagé, j'ai voulu en faire l'axe fort de notre politique. A la lecture de l'avis sur " le commerce extérieur en Picardie " du 15 novembre dernier, je constate que cette ambition est largement partagée.
En effet, la première recommandation du Conseil économique et social régional est justement, je cite, de " renforcer la communication entre les acteurs du soutien à l'export, [] permettre une bonne synergie entre les acteurs publics, parapublics et privés. " Le travail mené en commun autour de ce contrat de filière en est l'illustration. Et je tiens à cet égard à souligner les synergies bénéfiques qui ont surgi entre ces différents services : DRIRE, DREE, DRAEF et les organismes du commerce extérieur, CFCE, CFME-ACTIM.
Je pourrais sans hésitation reprendre à mon compte cette autre conclusion du Conseil : " Sensibiliser les élèves aux enjeux du commerce extérieur. "
C'est en effet un aspect dans lequel je me suis beaucoup investi.
- J'ai récemment inauguré avec mes collègues Hubert Védrine et Charles Josselin, le Centre d'information sur le volontariat international. Dispositif nouveau qui doit progressivement se substituer aux anciens coopérants du service national.
- J'ai inauguré une série de rencontres avec la société civile sur le thème de la mondialisation. Je crois en effet qu'une large part des angoisses exprimées par nos concitoyens à l'égard de la mondialisation tient au déficit de débat. On redoute ce que l'on ne maîtrise pas et que l'on connaît mal.
Portons le débat sur la place publique. Ayons le courage de dire à nos concitoyens : oui, la mondialisation est porteuse de grandes espérances. Oui, l'accélération des échanges est synonyme de croissance robuste et d'emplois nouveaux.
C'est en tout cas le discours que j'ai tenu aux étudiants de Toulouse et de Limoges. C'est celui que je vais tenir cette après-midi aux étudiants de l'Institut supérieur d'agriculture.
Que vous soyez chefs d'entreprises, élus ou agents de l'Etat, vous êtes chaque jour confrontés à ces questions sur la mondialisation et l'insertion de nos entreprises dans les réseaux de l'économie globalisée. Votre expérience, vos réflexions en la matière, me seront précieuses. Je souhaiterais les partager au cours de notre déjeuner.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 19 février 2001)