Texte intégral
J.-J. Bourdin - Notre invité ce matin, J.-F. Copé, porte-parole du Gouvernement, ministre délégué au Budget, bonjour !
R - Bonjour !
Q - Merci d'être avec nous. Alors " Promis, j'arrête la langue de bois " : c'est le titre [de votre livre]. Vous y arrivez vraiment ?
R - Oui, mais enfin dans le livre il n'y a pas que le titre, il y a aussi la manière dont on vit la vie gouvernementale, un peu dans les coulisses. Je pense que pour les Français, ce n'est pas mal de voir un peu comment cela se passe.
Q - Ça c'est sûr, mais est-ce que vous arrivez, vous arrivez à arrêter la langue de bois ?
R - Eh bien ! Vous savez, il y a un clin d'oeil derrière ça, qui est de dire, si les Français se désintéressent parfois de la politique, c'est parce qu'il y a beaucoup d'hommes politiques, dont je peux être parfois, d'ailleurs, tournent autour du pot, ne répondent pas toujours directement aux questions.
Q - Cela vous arrive ?
R - Bien sûr. Par exemple, je raconte qu'il y a le dialogue de la langue de bois, inévitable, dans les questions par exemple diplomatiques, ou quand nous avons des compatriotes français qui sont retenus en otages. Eh bien, il y a des choses que vous ne pouvez pas dire, malgré les questions insistantes des journalistes. Alors, vous tournez autour du pot. Par contre, il y a la langue de bois insupportable, c'est sur les questions telles que les questions de sécurité, de chômage, les difficultés gouvernementales par exemple où il faut essayer de les assumer et surtout d'expliquer pourquoi on en est là.
Q - Donc, la langue de bois, vous ne la pratiquez pas.
R - Eh bien voilà. L'idée qui est derrière, vous le voyez bien, c'est de dire que le débat politique, eh bien il faut aussi assumer qu'il y a des fois où on ne peut pas répondre.
Q - Alors vous ne la pratiquez pas, vous ne la pratiquez plus, alors que vous l'avez pratiquée.
R - C'est ça. Et puis j'ai fait un peu d'auto dérision, vous l'imaginez, parce que depuis que je suis porte-parole, très souvent on me dit : eh bien alors là, vous faites de la langue de bois ou pas ? Et c'est vrai que derrière ça, il y a, et c'est ça que je raconte dans mon livre, l'idée de raconter, par exemple, comment on a vécu un certain nombre de crises. Et je raconte les retraites. Vous savez, les retraites, c'était deux millions de personnes dans la rue à l'époque, on l'a oublié maintenant, on est tous sur le souvenir du CPE. Mais il y a trois ans, on avait déjà eu beaucoup de monde dans la rue. Alors, je raconte la canicule, la difficulté pour un gouvernement de voir la tension perceptible au moment où les personnes décédaient.
Q - Le Gouvernement n'a pas failli ?
R - Je raconte justement dans mon livre les failles du système, comment, en plein été, moi en tant que porte-parole, j'avais du mal à trouver, par exemple, dans l'Administration des gens pour me donner des infos, parce qu'on était en plein mois d'août et que voilà... Tout cela a été réorganisé depuis ! Je raconte la crise des banlieues. Comme en plus je suis maire de Meaux, je raconte à la fois comment on l'a vécue depuis Matignon et puis du ministère de l'Intérieur avec D. de Villepin et N. Sarkozy au moment où il y a eu les émeutes très violentes, comment tout cela était géré, l'état d'urgence et puis en même temps je raconte à Meaux, comment cela se passait. Vous voyez, j'essaye de rentrer un peu dans les coulisses de ce que l'on vit tous les jours.
Q - On va voir si vous ne pratiquez pas la langue de bois, J.-F. Copé, ce matin. D'abord, la question que vous avez envie de poser aux auditeurs de RMC ?
R - Je voudrais poser une question qui a trait au métier de ministre du Budget et donc à l'intérêt du contribuable. Est-ce qu'on peut faire un meilleur service public en dépensant moins, ou en dépensant mieux ? Voilà, et ça, souvent les gens ils disent : "eh bien, l'Education nationale, c'est souvent un problème de moyens, mettons plus de moyens". Et c'est vrai, dans beaucoup de domaines, on pense que si l'on rajoute plus d'argent, cela fonctionne mieux. Je pense l'inverse et je l'ai vu en direct, comme on dit à RMC, en lançant des audits, en examinant concrètement comment on peut améliorer la productivité dans les services publics. Par exemple, je lance un audit sur les achats. Aujourd'hui, l'Etat dépense pratiquement 13 milliards d'euros pour tous ses achats : les crayons, l'informatique, les matériels. Eh bien, sur les 13 milliards de dépenses, je pense que l'on peut faire 10 % d'économies en réorganisant la procédure des achats. Pareil, on a fait un audit sur la télédéclaration des impôts sur le revenu. On peut dégager des moyens supplémentaires avec moins d'effectifs. Pareil sur l'organisation des examens à l'Education nationale, etc. Donc je pense que l'on peut faire un meilleur service public, moins cher pour le contribuable et je voudrais avoir l'avis des auditeurs là-dessus.
Q - Eh bien, on va le leur demander... Balayons l'actualité. Le chômage ! Les chiffres sont bons, est-ce qu'ils vont continuer à être bons, J.-F. Copé ?
R - Je le souhaite.
Q - C'est quoi, c'est l'effet CNE ?
R - Eh bien d'abord, il y a deux choses : il y a le fait que dans une période où la croissance est de retour, en Europe et particulièrement en France, les mesures qu'on a prises permettent d'aller chercher la croissance, parce que cela ne tombe pas du ciel et cela permet de la conforter. Donc, il y a deux catégories de mesures qui expliquent la baisse très significative du chômage depuis un an. Vous avez, d'un côté, les contrats aidés dans le secteur public, qui permettent d'attendre dans les périodes difficiles, et puis vous avez le CNE, effectivement, dans les entreprises, le contrat "nouvelles embauches", puisqu'il y a maintenant, pratiquement 420.000 CNE qui ont été signés dans les entreprises.
Q - Donc vous n'allez pas revenir sur le CNE ?
R - Eh bien non. Vous vous rendez compte le succès ... ?
Q - Vous n'allez pas céder sur le CNE, comme vous avez cédé sur le CPE ?
R - D'abord c'est un peut différent quand même ! Le CPE cela a donné lieu...
Q - Vous avez cédé sur le CPE ?
R - Le problème du CPE, vous l'avez bien vu, le problème c'est que...
Q - Est-ce que vous avez cédé sur le CPE ?
R - Eh bien le CPE, il n'est pas applicable à ma connaissance. Donc voilà.
Q - Donc vous avez cédé ?
R - On n'avait pas tellement le choix. Vous avez vu la tension que nous avions eue ?
Q - Difficile à dire quand même ...
R - Qu'est-ce que vous voulez que je dise ?
Q - "J'ai cédé, on a cédé, le Gouvernement a cédé".
R - Non, mais attendez, ou vous faites les questions et les réponses ou je réagis à vos questions, c'est ça l'intérêt.
Q - Allez-y !
R - Je suis en train justement de vous dire que sur la question du CPE, la tension avait pris un tour tellement important que les risques de blocage étaient devenus absolument majeurs et les violences étaient extrêmement fortes. C'est d'ailleurs un des drames français, on le sait bien et moi je le raconte souvent dans mon livre, c'est dès que l'on fait bouger les lignes, dès que l'on propose quelque chose de nouveau, immédiatement, on en revient aux vieilles lunes de l'idéologie et tous les mots sortent : et la "précarité" et "l'ultra libéralisme", toutes ces choses qui sont d'un autre temps. Le CPE, c'était comme le CNE, une réponse à la précarité d'aujourd'hui. Cela a donné lieu à des tensions majeures. Je voudrais simplement que les Français, puisque c'est au lendemain de cette crise, songent que le CNE, qui est très proche du CPE, a déjà permis plus de 420.00 contrats signés.
Q - [Venons-en aux] impôts. Nous sommes en train de recevoir - enfin pas tout le monde, mais beaucoup de Français, notamment les salariés -, ces déclarations pré remplies. Pourquoi avoir mis en place ces déclarations d'impôts pré remplies ?
R - Tout simplement pour faire gagner du temps au contribuable et pour moderniser l'Etat. Vous savez quand on veut moderniser l'Etat - je suis en charge et du ministère du Budget et de la réforme de l'Etat, ce qui est très nouveau - quand on veut moderniser l'Etat, il faut toujours se dire que pour que cela marche, il faut que cela soit utile au contribuable, il faut qu'il en ait pour ses impôts, il faut que cela soit utile à l'usager dans sa relation avec l'Administration, donc il faut essayer d'aller vers le meilleur service public, le zéro défaut comme on dit dans les entreprises. Et puis, en même temps, aux fonctionnaires, parce que les fonctionnaires ils portent la réforme de l'Etat et que quelque part, il faut qu'ils bénéficient de plus de considération. La déclaration pré remplie, c'est une révolution majeure, c'est près de 100 millions d'informations sur les revenus des Français qui sont introduites dans l'ordinateur, grâce à Internet, de l'employeur jusqu'à l'Administration fiscale et ensuite de l'Administration fiscale jusqu'au contribuable et qui arrive dans les boîtes aux lettres.
Q - " Langue de bois "
R - Et pourquoi ?
Q - Je vais vous expliquer pourquoi. Parce que le premier avantage de la déclaration de revenus pré remplie vous permet de prendre moins de temps à vérifier les déclarations. Cela vous permet de supprimer, potentiellement, 750 postes dans votre Administration. C'est vrai ou c'est faux ?
R - Aïe, aïe, J.-J. Bourdin, quand vous commencez...
Q - C'est vrai ou c'est faux ?
R - Quand vous commencez à prendre le déguisement de M.-O. Fogiel ou T. Ardisson, vous faiblissez.
Q - Non, non, je vous pose la question.
R - Mais vous faiblissez là, vous jouez avec jingle. C'est sympathique, c'est séduisant et j'imagine qu'à RMC on doit rigoler. Mais je voudrais vous dire...
Q - Eh bien oui, moi je rigole !
R - Eh bien oui, mais le problème c'est que pour rigoler, il faut être sûr de l'info. Vous dites "750 emplois d'économie". Vous avez raison, mais ce n'est pas sur la déclaration pré remplie, c'est sur la télédéclaration.
Q - Et sur la déclaration pré remplie, sur les deux.
R - C'est vous le ministre ou c'est moi ? Vous êtes génial, vous ! Si vous voulez faire le truc à ma place, il y a zéro problème, mais ce n'est pas ça l'histoire, je vais dans le détail. Sans doute, pris dans votre élan - et vous aviez sans doute préparé votre question avant ma réponse - vous êtes parti sur votre truc. Mais je voudrais vous dire une chose...
Q - Parce que je connaissais votre réponse.
R - Quand j'ai dit que les contribuables doivent en avoir pour leurs impôts, cela veut bien dire qu'on doit faire des gains de productivité, je n'ai aucune hésitation à vous le dire. Donc il y a zéro langue de bois là-dessus... Attendez ! Je vais jusqu'au bout. C'est sur la télédéclaration d'impôt sur le revenu que l'on peut avoir un gain de 750 emplois, comme nous en avons eu également plusieurs centaines grâce à la réforme audiovisuelle.
Q - Uniquement donc sur la télédéclaration ?
R - Voilà oui.
Q - La déclaration pré remplie ne vous fait faire aucune économie ?
R - Mais si, mais je ne peux pas vous dire encore de combien, puisque l'objectif, c'est d'ailleurs ce que j'ai dit quand j'ai présenté la réforme il y a deux jours aux journalistes et que je leur ai dit : je mets en place la réforme, c'est une énorme réforme, c'est 85 % des foyers fiscaux qui vont recevoir au moins un revenu pré rempli. Et quand on aura terminé l'opération, la campagne de déclaration, c'est-à-dire dans deux mois, on va à ce moment-là lancer un audit, comme on l'a fait pour la télédéclaration, pour savoir combien cela représente en gain de productivité. Mais ne vous faites pas d'illusion là-dessus. Je vous dirai avec la même transparence combien on peut réaliser d'économies. Donc je répète, parce que si vous avez pensé que j'ai fait de la langue de bois, alors vraiment je n'ai aucun état d'âme pour vous le refaire en direct. Un, cela fait des économies pour le contribuable, parce que cela fait un service public plus efficace, je vous dirai de combien à l'euro près quand je le saurai. Deuxièmement, c'est un meilleur service pour l'usager qui gagne un temps fou grâce à cela, puisqu'il n'a juste qu'à vérifier, compléter le cas échéant et signer en bas. Et, troisièmement, pour les fonctionnaires, qui par ailleurs sont directement intéressés à cette réforme, c'est une valorisation formidable.
Q - J.-F. Copé, une expérience a été conduite en Ille-et-Vilaine.
R - Oui, absolument !
Q - Combien d'erreurs ?
R - Eh bien, un taux d'erreur qui était assez faible, inférieur à 10%. En réalité, pour l'essentiel, ce n'était pas des erreurs...
Q - Ce n'est pas ce que dit le SNUIP qui parle de 80 ou 90 % d'erreurs.
R - Non, non...
Q - C'est ce qu'ils disent eux.
R - Je ne suis pas sûr qu'ils le disent non plus. Mettons que c'est 10 % d'erreurs, et dans ces erreurs, c'est souvent des problèmes de recoupements. Par exemple, quand un employeur a tardé à envoyer l'information, eh bien elle n'arrive pas tout de suite et on n'a pas le temps de la mettre dans la déclaration pré remplie.
Q - ...En pré rempli c'est 15 % d'erreurs. Imaginez qu'il y ait aujourd'hui entre 10 et 15 % d'erreurs sur ces déclarations pré remplies, que se passe t-il ?
R - On envoie alors une relance amiable.
Q - Qui envoie la relance ?
R - C'est l'Administration fiscale, naturellement.
Q - C'est-à-dire que le contribuable est obligé de vérifier si une erreur a été commise ou pas, c'est bien cela ? Ce n'est plus l'Administration.
R - Non, non, J.-J. Bourdin. Vous êtes vous-même aussi, et c'est normal, chacun fait la sienne dans la langue de bois.
Q - Mais pas du tout, pourquoi ?
R - Regardez comme tout de suite cela vous énerve !
Q - Mais non je ne m'énerve pas, je vous demande.
R - Je vous explique. Pourquoi je vous dis ça ? Vous savez quelle est la langue de bois des journalistes ? Cela consiste, systématiquement, quand ils reçoivent un responsable politique, à commencer par les regarder à quel niveau le verre est à moitié vide ? Eh bien, moi je vais vous dire. D'abord, je voudrais faire une première remarque, vous pourriez éventuellement noter, ne pas le dire pour ne pas qu'après, on dise "oh, là, là, lui il est complaisant" que même 15 % ou 10 % d'erreurs, cela fait dire 85 ou 90 % de déclarations justes. Sur une première année, c'est énorme, premièrement. Et, deuxièmement, les erreurs...
Q - Que va t-il se passer pour ceux qui sont victimes d'une erreur ?
R - Ils recevront une relance à l'amiable, car généralement cela vient de revenus qui n'ont pas été déclarés dans les temps par l'entreprise, premièrement. Si c'est au détriment du contribuable, bien entendu, à ce moment là, il sera immédiatement dégrevé, le cas échéant.
Q - Dans quel délai ?
R - Dans l'année.
Q - Avant la fin de l'année ?
R - Bien sûr.
Q - Vous vous engagez ?
R - Sauf que si, par hasard l'erreur est constatée au 20 décembre, le temps que cela soit mandaté, mais cela va très très vite.
Q - Mais on ne va pas attendre le 20 décembre pour constater l'erreur !
R - Cela peut arriver. Imaginez qu'un contribuable le découvre un an après, il peut quand même pouvoir être dégrevé. Donc, immédiatement, on le rembourse.
Q - Vous voulez multiplier la mensualisation du paiement de l'impôt, le prélèvement à l'échéance ou le paiement par Internet ?
R - Bien sûr. On y gagne du temps et si on a déclaré par Internet et payé de manière électronique, on a 20 euros de réduction sur l'impôt.
Q - 20 euros, est-ce qu'on aura toujours 20 euros de réduction ?
R - Je n'en sais rien. Vous savez, comme disait Keynes, à long terme, on sera tous morts... Pour cette année, c'est encore bon.
Q - Est-il vrai que vous pensez à réserver cet avantage aux contribuables qui déclarent leurs revenus par Internet pour la première fois ?
R - Cette année, c'est pour tous ceux qui déclarent...
Q - Cette année, mais dans les années qui viennent ?
R - Eh bien, on verra bien.
Q - Vous ne serez plus là !
R - Eh bien, on verra bien. Vous êtes gentil, vous. On verra bien !
Q - Mais je vous pose la question.
R - Mais moi je pensais que vous souhaitiez que je sois là. C'est sympathique d'avoir un ministre du Budget qui vous dit des trucs...
Q - Mais sérieusement, je vous pose la question : est-ce que oui ou non, vous pensez à réserver cet avantage aux contribuables qui déclarent leurs revenus par Internet pour la première fois, oui ou non ?
R - Je vais vous dire, franchement, je ne sais pas, cela dépendra... Pourquoi je vous dis ça ? Pourquoi je ne sais pas ? Si cela marche, très bien, on verra ce que cela donne. Le produit des 20 euros, il a été fait pour inciter les gens à télédéclarer. Cela a été un énorme succès l'année dernière, on a eu 3.700.000 télédéclarants. Là, on a ouvert le portail, parce qu'il y avait beaucoup d'embouteillages l'année dernière. Du coup, j'ai décidé que le portail d'accès pouvait être ouvert à 10 millions de télédéclarants, on n'en aura pas 10 millions, mais ainsi pour que les gens attendent moins.
Q - [Il est] 8H46. Espérons que cela se passe mieux que l'année dernière.
R - C'est pour cela que j'ai élargi à 10 millions, parce que vous savez que les coups de pied au derrière cela fait avancer ? L'année dernière, je me suis pas mal bataillé pour qu'on élargisse. Il y a eu des embouteillages, les gens ont attendu longtemps, donc on a amélioré le système.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 avril 2006
R - Bonjour !
Q - Merci d'être avec nous. Alors " Promis, j'arrête la langue de bois " : c'est le titre [de votre livre]. Vous y arrivez vraiment ?
R - Oui, mais enfin dans le livre il n'y a pas que le titre, il y a aussi la manière dont on vit la vie gouvernementale, un peu dans les coulisses. Je pense que pour les Français, ce n'est pas mal de voir un peu comment cela se passe.
Q - Ça c'est sûr, mais est-ce que vous arrivez, vous arrivez à arrêter la langue de bois ?
R - Eh bien ! Vous savez, il y a un clin d'oeil derrière ça, qui est de dire, si les Français se désintéressent parfois de la politique, c'est parce qu'il y a beaucoup d'hommes politiques, dont je peux être parfois, d'ailleurs, tournent autour du pot, ne répondent pas toujours directement aux questions.
Q - Cela vous arrive ?
R - Bien sûr. Par exemple, je raconte qu'il y a le dialogue de la langue de bois, inévitable, dans les questions par exemple diplomatiques, ou quand nous avons des compatriotes français qui sont retenus en otages. Eh bien, il y a des choses que vous ne pouvez pas dire, malgré les questions insistantes des journalistes. Alors, vous tournez autour du pot. Par contre, il y a la langue de bois insupportable, c'est sur les questions telles que les questions de sécurité, de chômage, les difficultés gouvernementales par exemple où il faut essayer de les assumer et surtout d'expliquer pourquoi on en est là.
Q - Donc, la langue de bois, vous ne la pratiquez pas.
R - Eh bien voilà. L'idée qui est derrière, vous le voyez bien, c'est de dire que le débat politique, eh bien il faut aussi assumer qu'il y a des fois où on ne peut pas répondre.
Q - Alors vous ne la pratiquez pas, vous ne la pratiquez plus, alors que vous l'avez pratiquée.
R - C'est ça. Et puis j'ai fait un peu d'auto dérision, vous l'imaginez, parce que depuis que je suis porte-parole, très souvent on me dit : eh bien alors là, vous faites de la langue de bois ou pas ? Et c'est vrai que derrière ça, il y a, et c'est ça que je raconte dans mon livre, l'idée de raconter, par exemple, comment on a vécu un certain nombre de crises. Et je raconte les retraites. Vous savez, les retraites, c'était deux millions de personnes dans la rue à l'époque, on l'a oublié maintenant, on est tous sur le souvenir du CPE. Mais il y a trois ans, on avait déjà eu beaucoup de monde dans la rue. Alors, je raconte la canicule, la difficulté pour un gouvernement de voir la tension perceptible au moment où les personnes décédaient.
Q - Le Gouvernement n'a pas failli ?
R - Je raconte justement dans mon livre les failles du système, comment, en plein été, moi en tant que porte-parole, j'avais du mal à trouver, par exemple, dans l'Administration des gens pour me donner des infos, parce qu'on était en plein mois d'août et que voilà... Tout cela a été réorganisé depuis ! Je raconte la crise des banlieues. Comme en plus je suis maire de Meaux, je raconte à la fois comment on l'a vécue depuis Matignon et puis du ministère de l'Intérieur avec D. de Villepin et N. Sarkozy au moment où il y a eu les émeutes très violentes, comment tout cela était géré, l'état d'urgence et puis en même temps je raconte à Meaux, comment cela se passait. Vous voyez, j'essaye de rentrer un peu dans les coulisses de ce que l'on vit tous les jours.
Q - On va voir si vous ne pratiquez pas la langue de bois, J.-F. Copé, ce matin. D'abord, la question que vous avez envie de poser aux auditeurs de RMC ?
R - Je voudrais poser une question qui a trait au métier de ministre du Budget et donc à l'intérêt du contribuable. Est-ce qu'on peut faire un meilleur service public en dépensant moins, ou en dépensant mieux ? Voilà, et ça, souvent les gens ils disent : "eh bien, l'Education nationale, c'est souvent un problème de moyens, mettons plus de moyens". Et c'est vrai, dans beaucoup de domaines, on pense que si l'on rajoute plus d'argent, cela fonctionne mieux. Je pense l'inverse et je l'ai vu en direct, comme on dit à RMC, en lançant des audits, en examinant concrètement comment on peut améliorer la productivité dans les services publics. Par exemple, je lance un audit sur les achats. Aujourd'hui, l'Etat dépense pratiquement 13 milliards d'euros pour tous ses achats : les crayons, l'informatique, les matériels. Eh bien, sur les 13 milliards de dépenses, je pense que l'on peut faire 10 % d'économies en réorganisant la procédure des achats. Pareil, on a fait un audit sur la télédéclaration des impôts sur le revenu. On peut dégager des moyens supplémentaires avec moins d'effectifs. Pareil sur l'organisation des examens à l'Education nationale, etc. Donc je pense que l'on peut faire un meilleur service public, moins cher pour le contribuable et je voudrais avoir l'avis des auditeurs là-dessus.
Q - Eh bien, on va le leur demander... Balayons l'actualité. Le chômage ! Les chiffres sont bons, est-ce qu'ils vont continuer à être bons, J.-F. Copé ?
R - Je le souhaite.
Q - C'est quoi, c'est l'effet CNE ?
R - Eh bien d'abord, il y a deux choses : il y a le fait que dans une période où la croissance est de retour, en Europe et particulièrement en France, les mesures qu'on a prises permettent d'aller chercher la croissance, parce que cela ne tombe pas du ciel et cela permet de la conforter. Donc, il y a deux catégories de mesures qui expliquent la baisse très significative du chômage depuis un an. Vous avez, d'un côté, les contrats aidés dans le secteur public, qui permettent d'attendre dans les périodes difficiles, et puis vous avez le CNE, effectivement, dans les entreprises, le contrat "nouvelles embauches", puisqu'il y a maintenant, pratiquement 420.000 CNE qui ont été signés dans les entreprises.
Q - Donc vous n'allez pas revenir sur le CNE ?
R - Eh bien non. Vous vous rendez compte le succès ... ?
Q - Vous n'allez pas céder sur le CNE, comme vous avez cédé sur le CPE ?
R - D'abord c'est un peut différent quand même ! Le CPE cela a donné lieu...
Q - Vous avez cédé sur le CPE ?
R - Le problème du CPE, vous l'avez bien vu, le problème c'est que...
Q - Est-ce que vous avez cédé sur le CPE ?
R - Eh bien le CPE, il n'est pas applicable à ma connaissance. Donc voilà.
Q - Donc vous avez cédé ?
R - On n'avait pas tellement le choix. Vous avez vu la tension que nous avions eue ?
Q - Difficile à dire quand même ...
R - Qu'est-ce que vous voulez que je dise ?
Q - "J'ai cédé, on a cédé, le Gouvernement a cédé".
R - Non, mais attendez, ou vous faites les questions et les réponses ou je réagis à vos questions, c'est ça l'intérêt.
Q - Allez-y !
R - Je suis en train justement de vous dire que sur la question du CPE, la tension avait pris un tour tellement important que les risques de blocage étaient devenus absolument majeurs et les violences étaient extrêmement fortes. C'est d'ailleurs un des drames français, on le sait bien et moi je le raconte souvent dans mon livre, c'est dès que l'on fait bouger les lignes, dès que l'on propose quelque chose de nouveau, immédiatement, on en revient aux vieilles lunes de l'idéologie et tous les mots sortent : et la "précarité" et "l'ultra libéralisme", toutes ces choses qui sont d'un autre temps. Le CPE, c'était comme le CNE, une réponse à la précarité d'aujourd'hui. Cela a donné lieu à des tensions majeures. Je voudrais simplement que les Français, puisque c'est au lendemain de cette crise, songent que le CNE, qui est très proche du CPE, a déjà permis plus de 420.00 contrats signés.
Q - [Venons-en aux] impôts. Nous sommes en train de recevoir - enfin pas tout le monde, mais beaucoup de Français, notamment les salariés -, ces déclarations pré remplies. Pourquoi avoir mis en place ces déclarations d'impôts pré remplies ?
R - Tout simplement pour faire gagner du temps au contribuable et pour moderniser l'Etat. Vous savez quand on veut moderniser l'Etat - je suis en charge et du ministère du Budget et de la réforme de l'Etat, ce qui est très nouveau - quand on veut moderniser l'Etat, il faut toujours se dire que pour que cela marche, il faut que cela soit utile au contribuable, il faut qu'il en ait pour ses impôts, il faut que cela soit utile à l'usager dans sa relation avec l'Administration, donc il faut essayer d'aller vers le meilleur service public, le zéro défaut comme on dit dans les entreprises. Et puis, en même temps, aux fonctionnaires, parce que les fonctionnaires ils portent la réforme de l'Etat et que quelque part, il faut qu'ils bénéficient de plus de considération. La déclaration pré remplie, c'est une révolution majeure, c'est près de 100 millions d'informations sur les revenus des Français qui sont introduites dans l'ordinateur, grâce à Internet, de l'employeur jusqu'à l'Administration fiscale et ensuite de l'Administration fiscale jusqu'au contribuable et qui arrive dans les boîtes aux lettres.
Q - " Langue de bois "
R - Et pourquoi ?
Q - Je vais vous expliquer pourquoi. Parce que le premier avantage de la déclaration de revenus pré remplie vous permet de prendre moins de temps à vérifier les déclarations. Cela vous permet de supprimer, potentiellement, 750 postes dans votre Administration. C'est vrai ou c'est faux ?
R - Aïe, aïe, J.-J. Bourdin, quand vous commencez...
Q - C'est vrai ou c'est faux ?
R - Quand vous commencez à prendre le déguisement de M.-O. Fogiel ou T. Ardisson, vous faiblissez.
Q - Non, non, je vous pose la question.
R - Mais vous faiblissez là, vous jouez avec jingle. C'est sympathique, c'est séduisant et j'imagine qu'à RMC on doit rigoler. Mais je voudrais vous dire...
Q - Eh bien oui, moi je rigole !
R - Eh bien oui, mais le problème c'est que pour rigoler, il faut être sûr de l'info. Vous dites "750 emplois d'économie". Vous avez raison, mais ce n'est pas sur la déclaration pré remplie, c'est sur la télédéclaration.
Q - Et sur la déclaration pré remplie, sur les deux.
R - C'est vous le ministre ou c'est moi ? Vous êtes génial, vous ! Si vous voulez faire le truc à ma place, il y a zéro problème, mais ce n'est pas ça l'histoire, je vais dans le détail. Sans doute, pris dans votre élan - et vous aviez sans doute préparé votre question avant ma réponse - vous êtes parti sur votre truc. Mais je voudrais vous dire une chose...
Q - Parce que je connaissais votre réponse.
R - Quand j'ai dit que les contribuables doivent en avoir pour leurs impôts, cela veut bien dire qu'on doit faire des gains de productivité, je n'ai aucune hésitation à vous le dire. Donc il y a zéro langue de bois là-dessus... Attendez ! Je vais jusqu'au bout. C'est sur la télédéclaration d'impôt sur le revenu que l'on peut avoir un gain de 750 emplois, comme nous en avons eu également plusieurs centaines grâce à la réforme audiovisuelle.
Q - Uniquement donc sur la télédéclaration ?
R - Voilà oui.
Q - La déclaration pré remplie ne vous fait faire aucune économie ?
R - Mais si, mais je ne peux pas vous dire encore de combien, puisque l'objectif, c'est d'ailleurs ce que j'ai dit quand j'ai présenté la réforme il y a deux jours aux journalistes et que je leur ai dit : je mets en place la réforme, c'est une énorme réforme, c'est 85 % des foyers fiscaux qui vont recevoir au moins un revenu pré rempli. Et quand on aura terminé l'opération, la campagne de déclaration, c'est-à-dire dans deux mois, on va à ce moment-là lancer un audit, comme on l'a fait pour la télédéclaration, pour savoir combien cela représente en gain de productivité. Mais ne vous faites pas d'illusion là-dessus. Je vous dirai avec la même transparence combien on peut réaliser d'économies. Donc je répète, parce que si vous avez pensé que j'ai fait de la langue de bois, alors vraiment je n'ai aucun état d'âme pour vous le refaire en direct. Un, cela fait des économies pour le contribuable, parce que cela fait un service public plus efficace, je vous dirai de combien à l'euro près quand je le saurai. Deuxièmement, c'est un meilleur service pour l'usager qui gagne un temps fou grâce à cela, puisqu'il n'a juste qu'à vérifier, compléter le cas échéant et signer en bas. Et, troisièmement, pour les fonctionnaires, qui par ailleurs sont directement intéressés à cette réforme, c'est une valorisation formidable.
Q - J.-F. Copé, une expérience a été conduite en Ille-et-Vilaine.
R - Oui, absolument !
Q - Combien d'erreurs ?
R - Eh bien, un taux d'erreur qui était assez faible, inférieur à 10%. En réalité, pour l'essentiel, ce n'était pas des erreurs...
Q - Ce n'est pas ce que dit le SNUIP qui parle de 80 ou 90 % d'erreurs.
R - Non, non...
Q - C'est ce qu'ils disent eux.
R - Je ne suis pas sûr qu'ils le disent non plus. Mettons que c'est 10 % d'erreurs, et dans ces erreurs, c'est souvent des problèmes de recoupements. Par exemple, quand un employeur a tardé à envoyer l'information, eh bien elle n'arrive pas tout de suite et on n'a pas le temps de la mettre dans la déclaration pré remplie.
Q - ...En pré rempli c'est 15 % d'erreurs. Imaginez qu'il y ait aujourd'hui entre 10 et 15 % d'erreurs sur ces déclarations pré remplies, que se passe t-il ?
R - On envoie alors une relance amiable.
Q - Qui envoie la relance ?
R - C'est l'Administration fiscale, naturellement.
Q - C'est-à-dire que le contribuable est obligé de vérifier si une erreur a été commise ou pas, c'est bien cela ? Ce n'est plus l'Administration.
R - Non, non, J.-J. Bourdin. Vous êtes vous-même aussi, et c'est normal, chacun fait la sienne dans la langue de bois.
Q - Mais pas du tout, pourquoi ?
R - Regardez comme tout de suite cela vous énerve !
Q - Mais non je ne m'énerve pas, je vous demande.
R - Je vous explique. Pourquoi je vous dis ça ? Vous savez quelle est la langue de bois des journalistes ? Cela consiste, systématiquement, quand ils reçoivent un responsable politique, à commencer par les regarder à quel niveau le verre est à moitié vide ? Eh bien, moi je vais vous dire. D'abord, je voudrais faire une première remarque, vous pourriez éventuellement noter, ne pas le dire pour ne pas qu'après, on dise "oh, là, là, lui il est complaisant" que même 15 % ou 10 % d'erreurs, cela fait dire 85 ou 90 % de déclarations justes. Sur une première année, c'est énorme, premièrement. Et, deuxièmement, les erreurs...
Q - Que va t-il se passer pour ceux qui sont victimes d'une erreur ?
R - Ils recevront une relance à l'amiable, car généralement cela vient de revenus qui n'ont pas été déclarés dans les temps par l'entreprise, premièrement. Si c'est au détriment du contribuable, bien entendu, à ce moment là, il sera immédiatement dégrevé, le cas échéant.
Q - Dans quel délai ?
R - Dans l'année.
Q - Avant la fin de l'année ?
R - Bien sûr.
Q - Vous vous engagez ?
R - Sauf que si, par hasard l'erreur est constatée au 20 décembre, le temps que cela soit mandaté, mais cela va très très vite.
Q - Mais on ne va pas attendre le 20 décembre pour constater l'erreur !
R - Cela peut arriver. Imaginez qu'un contribuable le découvre un an après, il peut quand même pouvoir être dégrevé. Donc, immédiatement, on le rembourse.
Q - Vous voulez multiplier la mensualisation du paiement de l'impôt, le prélèvement à l'échéance ou le paiement par Internet ?
R - Bien sûr. On y gagne du temps et si on a déclaré par Internet et payé de manière électronique, on a 20 euros de réduction sur l'impôt.
Q - 20 euros, est-ce qu'on aura toujours 20 euros de réduction ?
R - Je n'en sais rien. Vous savez, comme disait Keynes, à long terme, on sera tous morts... Pour cette année, c'est encore bon.
Q - Est-il vrai que vous pensez à réserver cet avantage aux contribuables qui déclarent leurs revenus par Internet pour la première fois ?
R - Cette année, c'est pour tous ceux qui déclarent...
Q - Cette année, mais dans les années qui viennent ?
R - Eh bien, on verra bien.
Q - Vous ne serez plus là !
R - Eh bien, on verra bien. Vous êtes gentil, vous. On verra bien !
Q - Mais je vous pose la question.
R - Mais moi je pensais que vous souhaitiez que je sois là. C'est sympathique d'avoir un ministre du Budget qui vous dit des trucs...
Q - Mais sérieusement, je vous pose la question : est-ce que oui ou non, vous pensez à réserver cet avantage aux contribuables qui déclarent leurs revenus par Internet pour la première fois, oui ou non ?
R - Je vais vous dire, franchement, je ne sais pas, cela dépendra... Pourquoi je vous dis ça ? Pourquoi je ne sais pas ? Si cela marche, très bien, on verra ce que cela donne. Le produit des 20 euros, il a été fait pour inciter les gens à télédéclarer. Cela a été un énorme succès l'année dernière, on a eu 3.700.000 télédéclarants. Là, on a ouvert le portail, parce qu'il y avait beaucoup d'embouteillages l'année dernière. Du coup, j'ai décidé que le portail d'accès pouvait être ouvert à 10 millions de télédéclarants, on n'en aura pas 10 millions, mais ainsi pour que les gens attendent moins.
Q - [Il est] 8H46. Espérons que cela se passe mieux que l'année dernière.
R - C'est pour cela que j'ai élargi à 10 millions, parce que vous savez que les coups de pied au derrière cela fait avancer ? L'année dernière, je me suis pas mal bataillé pour qu'on élargisse. Il y a eu des embouteillages, les gens ont attendu longtemps, donc on a amélioré le système.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 avril 2006