Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre
Cher Pascal Clément,
Cher Philippe Bas,
Monsieur le Président de l'Agence française de l'Adoption,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous, dans ces nouveaux locaux du boulevard Henri IV, pour lancer officiellement l'Agence française de l'Adoption : une structure nouvelle, indispensable, attendue de longue date, et au service de laquelle nous avons tous ici uni nos efforts.
Ce jour est important, car il illustre la volonté du gouvernement de donner une nouvelle impulsion à l'adoption internationale dans notre pays en optimisant notre dispositif de soutien au service des familles.
Important, comme ce jour du 4 juillet 2005 où fut votée la loi portant réforme de l'adoption pour laquelle Xavier Bertrand, qui n'est malheureusement pas parmi nous, le sait fort bien, je me suis engagé résolument dans mes précédentes fonctions et que j'ai eu l'honneur de soutenir devant le Parlement.
L'adoption internationale, parce qu'elle répond à un besoin fondamental des familles françaises, revêt, à mes yeux, une importance particulière. Elle représente l'une des priorités d'action de mon ministère. Depuis 2003, près de 80 % des adoptions menées par des familles françaises concernent des enfants nés à l'étranger, ce qui place notre pays juste derrière les Etats-Unis en matière d'adoption internationale. En 2004, une nouvelle "barre psychologique" a été franchie, avec près de 4.000 enfants originaires de 70 pays adoptés par des familles françaises.
L'adoption internationale connaît donc une progression considérable dans notre pays, mais pour autant, des efforts importants doivent être encore accomplis.
Tout d'abord, les familles françaises souhaitant adopter sont de plus en plus nombreuses : on les estimait à 25.000 au printemps 2005.
Ensuite, les 5.000 adoptions réalisées chaque année sont à mettre en regard des 8 000 agréments délivrés, dans le même temps, par les Conseils généraux.
Enfin, chacun ici en a bien conscience, les délais d'attente restent difficilement supportables pour les familles, parfois des années avant de réaliser l'adoption souhaitée, sans oublier des procédures complexes et parfois aléatoires.
L'enjeu humain est considérable, et c'est précisément pour y apporter une réponse juridique et technique adaptée, capable de mieux servir les intérêts des familles, que nous avons souhaité réformer l'adoption internationale dans notre pays.
Ce nouveau dispositif - résultat, je le souligne, d'un travail interministériel exemplaire - s'organise autour d'un principe clé : "faciliter, accélérer et augmenter les possibilités d'adopter à l'étranger".
Il convenait, avant toute chose, de disposer d'un outil opérationnel très réactif, adapté à nos priorités : c'est évidemment la principale raison de la création de l'Agence française de l'Adoption (AFA). Vous pouvez naturellement compter sur mon soutien, en tant que ministre des Affaires étrangères, et celui de mes services et de nos ambassades pour faciliter l'accréditation de ce nouveau dispositif par les autorités concernées à l'étranger.
Cette nouvelle structure présente de nombreux atouts, mais le premier sans doute est de représenter - et c'est une première en France - un guichet unique de l'adoption au service des familles. L'Agence française de l'Adoption répond à un vrai besoin de synergie et d'efficacité opérationnelle sur le terrain, d'autant plus que pour agir, elle pourra jouer de son double statut d'agence d'Etat et d'Organisme autorisé pour l'Adoption (OAA) - c'est un atout majeur dans l'obtention des autorisations nécessaires pour intervenir sur les territoires nationaux à l'étranger.
L'Agence française de l'Adoption va évidemment monter en puissance avec des priorités sur des pays cibles : la Chine, la Russie, le Vietnam, Madagascar par exemple, ainsi que tous les pays parties à la Convention de la Haye pour lesquels la loi l'autorise déjà, côté français, à intervenir. Dans cette période transitoire, il y aura donc un calendrier de passages de relais entre les services de mon ministère et l'AFA. D'ores et déjà, nous apportons une assistance diplomatique à la direction de l'agence : nous avons organisé le déplacement du président et de la directrice de l'AFA en Chine et en Russie.
Pour autant, le ministère des Affaires étrangères continuera d'assumer de nombreuses fonctions dans le domaine de l'adoption internationale, en particulier en termes de surveillance normative et réglementaire.
Ainsi, l'Autorité centrale pour l'adoption internationale sera rattachée directement à mon ministère et non plus au Premier ministre. Elle sera assistée d'un secrétariat général implanté au sein de la direction des Français de l'étranger et des étrangers en France. Ce secrétariat général reprendra les fonctions proprement "régaliennes" et "régulatrices" du ministère des Affaires étrangères exercées par l'ancienne Mission pour l'adoption internationale, à savoir :
- les relations inter-étatiques et la négociation avec les pays d'origine,
- l'expertise et la veille juridique sur les conditions et procédures d'adoption dans les pays d'origine,
- le contrôle des Organismes autorisés pour l'Adoption (habilitation à exercer dans les pays, contrôle de l'activité, subventions).
Je voudrais insister, en conclusion, sur l'intérêt majeur que représente à mes yeux l'Agence française de l'Adoption en tant qu'outil de promotion de notre modèle d'adoption à l'étranger.
L'adoption internationale et tout particulièrement l'adoption individuelle, se heurte à certaines difficultés dans nombre de pays. Le développement économique parfois très rapide de certains pays d'origine réduit, et c'est heureux, le nombre d'enfants abandonnés et conduit aussi à l'augmentation des adoptions internes. De nombreux pays se sont fermés (Vietnam en 2005) ou songent à se fermer à l'adoption individuelle, alors que cette voie est majoritaire pour l'adoption internationale en France (62 %).
C'est pourquoi il nous faut défendre et promouvoir les qualités de notre réglementation en matière d'adoption et de protection de l'enfance. C'est à cette tâche que l'AFA et les services de mon ministère doivent s'employer ensemble et en étroite concertation.
Nous avons enregistré des succès récents. Je citerai, tout d'abord l'accord que nous venons de finaliser avec le Cambodge pour une reprise de l'adoption et qui sera signé très bientôt.
A ma demande, nous avons approché nos amis cambodgiens et nous sommes parvenu ensemble à un accord qui va permettre une reprise progressive et contrôlée des adoptions par l'intermédiaire d'Organismes autorisés pour l'Adoption (OAA). Une reprise des adoptions françaises au Cambodge pourra donc intervenir, dans le plein respect des droits des enfants et des principes de l'adoption internationale, dés la fin de cette année. C'est là un signe fort d'espoir pour les familles qui ouvre, j'en suis persuadé, des perspectives encourageantes pour l'avenir.
Je voudrais aussi évoquer avec vous le cas de la Russie, un pays très important pour nous en matière d'adoption internationale.
On a pu constater une évolution récente assez préoccupante pour les familles françaises adoptantes avec un nombre croissant (200) de procédures en attente, en particulier dans les provinces d'Irkoutsk et d'Ekaterinbourg. Les délais s'accroissent et les familles en souffrent.
C'est pourquoi, j'ai saisi mon homologue russe Sergueï Lavrov de ce problème. Je lui ai proposé d'organiser pour les autorités locales russes, notamment les juges en charge de l'adoption, des réunions et des rencontres, afin de mieux les informer sur les procédures en vigueur en France en matière d'adoption et de protection de l'enfance. Nous nous devons également de mieux informer les familles adoptantes françaises sur les exigences juridiques et autres des autorités russes. D'ores et déjà on a pu constater des progrès encourageants pour le mois d'avril dernier, avec une nette reprise des jugements d'adoption à Irkoutsk et Ekaterinbourg.
Naturellement, nous devons rester vigilants et considérer avant toute chose les droits et l'intérêt supérieur de l'enfant. Mais c'est précisément parce que les démarches d'adoption en France obéissent au plus grand sérieux et à la plus grande rigueur, et que nos adoptants, agréés, préparés et accompagnés, sont autant de gages d'un bon épanouissement des enfants étrangers, que l'adoption internationale trouve sa pleine justification.
Ce sont ces objectifs eux qui guident notre politique en matière d'adoption internationale, une politique déjà ambitieuse et à laquelle la nouvelle agence que nous inaugurons aujourd'hui donnera, je n'en doute pas, une nouvelle dimension, dans l'intérêt des familles comme des enfants.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mai 2006