Tribune de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, dans le Figaro le 30 mai 2006, intitulée "Non, la voix de la France ne s'est pas tue en Europe".

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Un an après le 29 mai, avons-nous su tirer toutes les conclusions de ce choc, qui n'était en rien salutaire, contrairement aux prédictions les plus mensongères ?
Les Français, il y a un an, n'ont pas rejeté l'Europe. Ils ont exprimé leurs inquiétudes face à une construction européenne qui s'éloignait trop souvent de leurs préoccupations quotidiennes. Aujourd'hui, ils attendent de l'Union européenne des actions concrètes, lisibles et tangibles. Ils veulent que l'Europe leur dise ce qu'elle est, ce qu'elle veut et où elle va.
Aujourd'hui, j'en suis profondément convaincu : les raisons d'espérer ne manquent pas. S'il existe, en France, une exigence d'Europe qui doit nous inciter à poursuivre inlassablement l'action entreprise, il existe aussi, en Europe, une véritable force de proposition française. J'ai l'occasion de le constater, lors de mes déplacements : la voix de la France reste attendue, espérée, respectée.
Le gouvernement français n'a pas perdu de temps. Il a été en initiative très rapidement pour tisser de nouveaux liens entre l'Europe et les citoyens, et pour établir un nouveau "contrat de confiance". Nous avons d'abord encouragé l'Union européenne à prendre l'initiative, là où elle est le plus susceptible d'être efficace : c'est l'Europe concrète, l'Europe des projets, dans la ligne des orientations définies par le Premier ministre dans son discours à l'Université Humboldt à Berlin. Enfin, pour que les Français ne puissent plus jamais avoir le sentiment inacceptable d'une Europe qui se construirait sans eux, nous avons décidé de les associer plus systématiquement aux décisions importantes, comme les futurs élargissements.
Malgré les obstacles et en dépit d'un certain discours défaitiste, ce gouvernement agit pour une Europe tournée vers l'avenir, capable de se donner en particulier les moyens d'une véritable politique de la recherche et des technologies. Ainsi, pour la période 2007-2013, ce sont près de 50 milliards d'euros qui financeront le programme européen pluriannuel de recherche, auxquels il convient d'ajouter, sur l'initiative du président de la République, la facilité qui sera gérée par la Banque européenne d'Investissements et qui pourra financer jusqu'à 30 milliards d'investissements. Cette mobilisation offre un démenti à ceux qui prétendent que l'Europe n'investit pas pour l'avenir de nos enfants.
Les projets technologiques européens manifestent ainsi le choix d'une Europe politique forte, en prise avec les réalités et le monde de demain. Je pense à GALILEO - le GPS européen, réussite emblématique de l'Europe et de son autonomie - à ITER pour l'énergie du futur, ainsi qu'aux projets lancés au dernier Conseil des ministres franco-allemand, comme le moteur de recherche européen QUAERO.
Renforcer la confiance dans l'Europe, c'est aussi avoir le souci constant d'adapter nos politiques et nos institutions aux besoins des citoyens. En témoigne le rôle moteur joué par notre pays dans l'émergence d'une politique européenne de l'énergie, dans les avancées contre l'immigration illégale, ou encore dans les propositions faites par la France pour lutter contre le terrorisme, en renforçant nos règles communes dans le domaine pénal. Ce sont enfin nos efforts menés pour faire émerger une véritable politique étrangère et de défense commune afin de permettre à l'Union de jouer tout son rôle sur la scène internationale. Dès le Conseil européen des 15 et 16 juin prochains, nous aurons l'occasion de défendre les propositions institutionnelles que nous avons présentées avec Catherine Colonna au nom du président de la République et qui pourraient être mises en oeuvre très rapidement, sans modification de traité.
Enfin, rapprocher l'Europe des citoyens, c'est oeuvrer pour qu'ils soient mieux associés aux décisions-clés qui engagent leur avenir. Parce que les futurs élargissements doivent être vécus comme une chance et un choix, notre pays a décidé de les soumettre à l'avenir à référendum. Il doit en résulter pour nous tous une nouvelle exigence si nous voulons éviter tout risque de divorce entre les peuples et leurs gouvernements : désormais, le processus d'élargissement devra s'accompagner d'une prise en compte rigoureuse de la capacité de l'Union à "absorber" de nouveaux membres. Nous comptons sur la Présidence autrichienne pour faire avancer ce débat essentiel de l'élargissement lors du prochain Conseil européen.
Le scrutin du 29 mai n'a pas signé la fin de l'idée européenne. Parmi les Français qui ont voté "non" au référendum, tous n'avaient pas l'intention de lui porter atteinte, bien au contraire. Leurs doutes étaient avant tout le signe d'une attente à laquelle l'Europe n'aurait pas su répondre. Si nous admettons que le 29 mai a été un appel pour une nouvelle fondation du contrat européen, nous pouvons alors retrouver la voie d'un projet européen ambitieux. A nous aujourd'hui d'agir en transformant cette Europe imposée en Europe voulue et maîtrisée.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2006