Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du gouvernement, sur le contenu et les objectifs du projet de loi de simplification pour une meilleure qualité de service public, Paris le 12 juillet 2006.

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Je suis très heureux d'être avec vous ce matin, pour vous présenter le projet de loi de simplification, que je soumettrai tout à l'heure au conseil des ministres, puis que je présenterai au Parlement, au début de la session ordinaire.
La première chose que les Français attendent de la réforme de l'État, c'est de faciliter leur vie quotidienne sans que ça leur coûte plus cher en impôts. Mon objectif est de répondre à cette demande par des mesures concrètes et lisibles, dont plusieurs sont directement issues des résultats des audits de modernisation. Comme je le rappelle systématiquement, chacun doit y trouver son compte :
- les usagers, à qui il s'agit d'offrir une meilleure qualité de service public ;
- les contribuables qui attendent que leurs impôts soient utilisés au mieux ;
- les agents, dont il est indispensable de soutenir, et accompagner l'action.
Un exemple de cette ambition : j'ai posé au mois de juin dernier des règles innovantes sur les commissions administratives, afin d'éviter qu'elles continuent à ralentir le travail des services publics lorsqu'elles sont devenues inutiles : aucune instance ne sera plus créée ou maintenue sans que son utilité soit prouvée, et sa durée de vie sera en tout état de cause limitée à cinq ans.
Le projet de loi de simplification lève une série de verrous législatifs, pour que l'État rende un meilleur service public aux Français au meilleur coût :
- il comporte 45 mesures concrètes rendant plus facile la vie des Français ;
- dans la droite ligne des audits de modernisation de l'État que j'ai lancés, il permettra de faire plusieurs centaines de millions d'euros d'économies chaque année pour les administrations publiques, les particuliers et les entreprises, et de libérer des emplois dans les effectifs de fonctionnaires ;
- enfin, face à l'inflation des textes, le gouvernement engage, sur 129 premières lois, le nettoyage des règles obsolètes encombrant notre droit.
Je vais vous présenter maintenant le texte, en détaillant trois points majeurs :
1. il s'inscrit dans le rapprochement du budget et de la réforme de l'État ;
2. en méthode, j'ai voulu en faire un chantier pilote de bonne législation ;
3. toutes ses mesures apportent des avantages très concrets aux Français.
I. La loi de simplification tire parti des résultats des audits, conséquence directe du rapprochement du budget et de la réforme de l'État
1. Je commence par un bref rappel de contexte :
- un gros travail a été fait depuis 2002 en matière de modernisation de l'État. Le gouvernement a conduit une série d'actions fondatrices :
* bien sûr, il y a eu les nombreuses mesures de simplification issues des deux lois du 2 juillet 2003 et du 9 décembre 2004 habilitant le gouvernement à simplifier le droit par ordonnances, telle que la réforme des sanctions fiscales, ou le rescrit social pour les entreprises ;
* à côté, il y a eu aussi la LOLF, qui a bouleversé le paysage en mettant l'exigence de performance et d'utilisation optimale des deniers publics au centre de l'action de l'État, la réforme des services territoriaux de l'État, le plan Adele en matière d'administration électronique...
- avec le rapprochement du budget et de la réforme de l'État, il y a un an, le Premier ministre a décidé de renforcer et systématiser ces actions. Les 100 audits de modernisation de l'État que j'ai lancés, portant sur plus de 100 milliards d'euros de dépenses publiques, ont été le moteur de cette accélération. Afin de mettre en oeuvre ce chantier, j'ai créé, en regroupant les structures existantes, la direction générale de la modernisation de l'État. C'est aussi elle qui a piloté l'élaboration de la loi de simplification.
2. Comme je vous l'avais annoncé ici même le 27 juillet 2005, j'ai préparé une loi de simplification. Le but est de tirer parti du nouveau contexte pour prendre des mesures concrètes en faveur des usagers. Je me suis appuyé sur deux outils :
1er outil : les audits.
La loi de simplification est un point d'appui indispensable pour donner des suites très opérationnelles aux audits de modernisation. Trois exemples :
- d'abord, une réforme majeure directement issue d'un audit de modernisation : les entreprises n'auront plus à déclarer séparément la taxe d'apprentissage, mais juste à remplir une case à cet effet dans la déclaration annuelle des données sociales. Cette mesure permet de supprimer 2,2 millions de documents chaque année, avec toutes les économies que cela implique, en particulier pour les petites entreprises ;
- l'audit sur le paiement des amendes routières a montré que la chaîne de traitement est longue est peu fiable. La loi de simplification permettra de généraliser les échanges électroniques entre trésor public et préfectures, pour unifier le traitement des dossiers des usagers et limiter les erreurs. Cette mesure de modernisation concernera 350 000 conducteurs par an ;
- l'audit conduit en matière d'archéologie préventive a mis en évidence que 50 % des 2 500 dossiers annuels étaient rendus en retard. La loi de simplification permettra aux conseils municipaux de déléguer aux maires leur gestion, ce qui permettra de prendre plus rapidement les décisions.
2nd outil l'administration électronique
C'est un levier majeur pour moderniser l'État, et surtout ses relations avec les Français :
- la télédéclaration de l'impôt sur le revenu a prouvé le potentiel d'internet. Nous avons dépassé les 5,7 millions de télédéclarants en 2006 ;
- le gouvernement franchit désormais une étape nouvelle afin de progresser par des actions concrètes vers la société de l'information. Deux exemples :
* un produit phare : la loi de simplification ouvre la possibilité pour tous les employeurs d'envoyer les bulletins de paie par l'internet, sous réserve de l'accord individuel du salarié. Cette mesure porte au total sur 200 millions de documents chaque année et permettra une économie potentielle de 190 millions d'euros pour les entreprises ;
* dans le cadre de l'ordonnance du 9 décembre 2005 qui vise à développer l'administration électronique, j'ai prévu que chaque Français pourra disposer sur l'internet d'un espace personnel, un coffre-fort virtuel, dans lequel il pourra conserver et utiliser pour toutes ses démarches par la voie électronique les documents officiels reçus sous forme dématérialisée, tels ses bulletins de paie. Le dispositif sera opérationnel dans le courant de l'année prochaine.
II. En méthode, j'ai voulu faire de la loi de simplification un chantier pilote
1. J'ai veillé à tenir compte des meilleurs avis sur la méthode. Deux repères : les retours d'expérience des deux lois d'habilitation de 2003 et 2004 ; les propositions du Conseil d'État afin d'améliorer la qualité des textes.
2. Dans cette optique, je me suis fixé trois exigences de méthode :
1ère exigence : afin de répondre aux attentes des Français remontant du terrain, un travail de concertation a été mené à chaque étape, en s'appuyant sur le conseil d'orientation de la simplification administrative, présidé par le député Etienne BLANC, avec des parlementaires et des représentants d'usagers.
2e exigence : chaque mesure de la loi de simplification a été examinée méthodiquement pour établir qu'elle apporte un avantage très concret aux Français. J'ai écarté celles pour lesquelles cette démonstration n'a pas été faite.
3e exigence : j'ai privilégié les mesures pouvant, après adoption au Parlement, faire l'objet d'une application opérationnelle immédiate. Les habilitations, qui supposent que le gouvernement prenne une ordonnance détaillée avant toute mise en oeuvre concrète, sont réservées à des cas très techniques. La loi prévoit au total 12 ordonnances, contre plus de 60 dans la loi d'habilitation de 2004.
III. Quelles sont les avancées concrètes en faveur des Français prévues par le projet de loi de simplification ?
1. Trois publics sont concernés par ces mesures :
1er public : les particuliers. Je me suis fixé deux objectifs majeurs en leur faveur.
- 1er objectif : simplifier au quotidien chaque étape de la vie des Français :
* 1er exemple : les familles n'auront plus à envoyer à la caisse d'allocations familiales les résultats des examens postnataux, ce qui représente par an un allègement de quatre millions de courriers, et une économie de 400 000 heures d'agent pour la sécurité sociale ;
* 2e exemple : les mairies pourront établir les procurations électorales, en cohérence avec leurs autres missions, telle la tenue des listes. Cette mesure, qui peut bénéficier à 1,2 million de personnes lors d'une présidentielle, permettra une meilleure qualité de service, et assurera un interlocuteur unique pour les électeurs ;
* 3e exemple : le certificat médical prénuptial sera supprimé. Actuellement, il concerne chaque année 350 000 futurs conjoints, et représente au total plus de 14 millions d'euros de dépenses de santé ;
* 4e exemple : tous les établissements de santé, y compris les cliniques et maisons de retraite, feront les déclarations de décès, ce qui soulagera les proches des défunts, dans un moment difficile.
- 2e objectif : des mesures ciblées sur des contraintes pénalisantes :
* 1er exemple : dans le cadre de la politique de sécurité routière, la situation des automobilistes qui ont perdu tous les points de leur permis. Le Premier ministre a lancé une réflexion, qui doit aboutir à l'automne, sur le dispositif. En fonction de ses conclusions, la loi de simplification permettra au gouvernement d'engager sa réforme ;
* 2e exemple : l'office national de la chasse et de la faune sauvage assurera toute la gestion du permis de chasse. Les 20 000 personnes par an qui l'obtiennent pourront chasser de suite après l'examen, sans avoir à faire, en plus, une démarche en préfecture ;
* 3e exemple : alors que c'était encore interdit, pour des raisons fiscales, la loi de simplification permettra à des millions de Français d'entrer directement au cinéma, au théâtre ou dans un parc d'attraction avec leur billet dématérialisé acheté par internet ou téléphone, sans attendre au guichet pour y retirer un talon papier.
2e public : les entreprises. Je rappelle 3 mesures fondamentales à mes yeux :
- 1ère mesure : la possibilité pour toutes les entreprises d'adresser le bulletin de paie par voie dématérialisée, issue de consultations menées sur le terrain, et demandée en particulier par le rapport de Patrick TURBOT ;
- 2e exemple : la suppression de la déclaration séparée de taxe d'apprentissage qui représente une charge administrative pour les PME ;
- 3e exemple : l'accès pour tous, en particulier les notaires, les géomètres experts, les aménageurs, aux données cadastrales, y compris sous forme dématérialisée. Cette mesure bénéficiera à plus de 10 000 professionnels.
3e public : les collectivités territoriales et les services publics : le projet supprime des contraintes et permet une meilleure articulation des compétences :
- 1er exemple : les délais actuels de mutation de policiers municipaux, de plusieurs mois, sont raccourcis pour mieux répondre aux besoins des collectivités, en supprimant l'obligation de renouveler leur agrément ;
- 2e exemple : la législation qui imposait à toutes les communes, sauf à Paris, d'avoir une autorisation par décret en Conseil d'État pour mettre en place l'alimentation électrique de leur réseau de tramways est abrogée.
2. La loi de simplification comporte trois autres parties :
2e partie : 129 abrogations de lois qui ne sont plus justifiées. Exemple de texte récent : la législation, dépassée, qui permet au ministre des finances de limiter le taux d'intérêts versé par les banques sur les dépôts à vue des clients :
- ces abrogations ont été examinées avec le Conseil d'État qui a souscrit à la démarche. Dans ce cadre, le premier paquet de 150 lois que nous avions présélectionné a été méthodiquement trié, à partir de deux critères :
* d'abord, pour toute suppression, il a vérifié que le texte concerné ne conservait pas un intérêt. Un exemple : la loi de 1907 qui régit encore aujourd'hui le commerce des engrais. Il ne s'agit pas de créer un vide juridique en pratiquant des abrogations à tort et à travers ;
* ensuite, il a vérifié que les textes supprimés étaient encore applicables et créaient une contrainte pour les Français, même si en général plus personne ne les respecte dans la pratique. Le but n'est pas d'aller chercher par pur formalisme juridique des lois de circonstances remontant à Louis XIV et sans aucun effet concret.
- le sujet est moins anecdotique qu'il n'en a l'air ! Mon objectif est de créer une prise de conscience pour éviter l'accumulation des règles, et de montrer l'exemple de manière opérationnelle pour qu'à l'avenir toute nouvelle législation soit assortie de suppressions de textes équivalentes.
3e partie : 11 chantiers de codification, pour rendre le droit plus accessible et lisible. Début 2006, avec le code général des propriétés publiques, j'ai achevé la modernisation des lois régissant la gestion patrimoniale de l'État. Le gouvernement continue à travailler par exemple sur l'environnement ou la santé ;
4e partie : ratification de 36 ordonnances prises par le gouvernement à la suite des deux lois de 2003 et 2004, qui l'habilitaient à simplifier le droit. C'est la nécessaire contrepartie du système des ordonnances : avec la loi de ratification, le Parlement peut discuter au fond les mesures qu'a prises le gouvernement.
Vous l'avez compris, la loi de simplification s'inscrit à mes yeux dans une stratégie d'ensemble de modernisation, qui porte à la fois sur le périmètre des interventions de l'État, ses leviers d'action et ses relations avec les Français.
Cela suppose que le droit et les textes ne soient pas une source d'incompréhension entre administrations et usagers, ou un obstacle limitant l'efficacité de l'action des fonctionnaires sur le terrain. Dans cette optique :
- j'ouvre aujourd'hui sur le site internet de la modernisation de l'État (www.modernisation.gouv.fr) un espace appelé "vos droits", qui présente simplement, à l'attention de chaque usager, toutes les garanties juridiques prévues en sa faveur dans ses relations avec l'administration ;
- mais je suis convaincu qu'il faut aller plus loin. Depuis 25 ans, la masse des textes n'a pas cessé d'augmenter, sous les gouvernements successifs :
* un chiffre : le recueil des lois de l'Assemblée nationale est passé de 582 pages en 1963 à 2 424 pages en 2003. Au total il a quadruplé ;
* je considère, comme l'a proposé le Conseil d'État, que la seule solution est de désormais de définir des règles contraignantes pour les gouvernements et les parlementaires, en prévoyant une procédure d'évaluation, et la consultation des publics concernés ;
* ceci suppose évidemment un engagement politique des pouvoirs publics, reposant sur un objectif symbolique. Une piste serait de fixer une cible de réduction du flux de textes, par exemple de 20 %, ainsi que cela a été fait dans d'autres États, tels que l'Australie ;
* le Premier ministre a franchi une étape en ce sens en mandatant le 29 juin 2006 un groupe de travail interministériel pour réfléchir à la mise en place de mesures de ce type. L'objectif est de s'appuyer sur ces travaux pour prendre des décisions concrètes à la rentrée.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 13 juillet 2006