Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur l'évolution de la législation concernant la protection de l'environnement en zone de montagne, Sallanches (Haute-Savoie) le 29 août 2006.

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Circonstance : Clôture du Conseil national de la montagne, à Sallanches (Haute-Savoie) le 29 août 2006

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres, chers collègues,
[Christian Estrosi, Jean-François Lamour, Brice Hortefeux]
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de la Montagne,
Mesdames, Messieurs,
L'environnement et l'écologie sont au coeur de tous les sujets qui concernent la montagne.
Les élus de ces territoires ont à coeur, je le sais, de préserver ce patrimoine naturel, sa pureté et sa richesse.
Je m'en réjouis. Et c'est donc fort naturellement que je serai à vos côtés, en tant que Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, pour vous aider à préserver ce capital irremplaçable.
De grands chantiers sont en cours et nous attendent, et je suis heureuse de pouvoir m'en entretenir avec vous aujourd'hui.
Les défis de l'environnement en montagne sont nombreux : préservation des espaces et des sites, changement climatique, tourisme durable, préservation de la ressource en eau, faune et flore.
Le sujet des Parcs Nationaux, pour commencer, est essentiel à mes yeux.
Il l'est aussi pour vous, puisque je me dois de rappeler que la montagne est la partie du territoire français qui, en moyenne, est la mieux protégée.
30% de la superficie montagnarde bénéficie ainsi d'une protection à dominante environnementale, à comparer à 6% pour la moyenne nationale. Ces protections prennent la forme de Parcs Nationaux, de Parcs Naturels ou de Réserves Naturelles.
La loi sur les parcs nationaux, les parcs naturels marins et les parcs naturels régionaux, promulguée le 14 avril 2006, vient compléter et appuyer ce dispositif. Avec 6 des parcs nationaux ayant des espaces en montagne, ceux de la Vanoise, des Pyrénées, des Cévennes, des Ecrins, du Mercantour et de la Guadeloupe, vous êtes bien sûr directement concernés.
Comme vous le savez, cette loi vient consolider la protection juridique des coeurs de parcs nationaux.
Elle fait également évoluer le mode de gouvernance de l'établissement public du parc vers davantage de partenariat et de transparence.
Elle structure la solidarité entre le coeur et les espaces environnants.
Dans le cadre des mesures d'accompagnement, nous examinerons également les mesures qui favorisent les possibilités de recrutement local pour les Parcs Nationaux.
L'accueil très positif obtenu par la Loi au Parlement me fait espérer que vous en tirerez pleinement profit.
Une autre avancée législative majeure qui aura des répercussions sur la Montagne est le projet de Loi sur l'Eau. Adopté en première lecture, il sera examiné en deuxième lecture dans les prochaines semaines au Sénat et à l'Assemblée Nationale.
Cinq points majeurs de cette loi concernent la montagne :
- l'utilisation de l'énergie hydraulique et l'entretien des cours d'eau ;
- la solidarité envers les communes rurales, pour lesquelles une dotation de 1 milliard d'euros sera réservée pour la période 2007-2013 par les Agences de l'Eau ;
- l'assainissement non collectif ;
- la redevance sur les élevages ;
- et enfin les eaux libres et le développement du tourisme de pêche.
Bien évidemment, sur tous ces sujets je reste à l'écoute du monde de la montagne et ma porte vous est ouverte.
Au delà de ces enjeux législatifs, je n'oublie pas les effets du changement climatique. Ce sujet constitue l'une de mes priorités et ce serait une faute grave pour nous de le négliger aujourd'hui.
La France a déjà subi un réchauffement moyen de presque 1 degré en un siècle et toutes les études scientifiques prouvent que le changement climatique aura un effet sur toutes les terres habitées par l'homme : élévation du niveau de la mer pouvant aller jusqu'à la disparition de certaines îles, élévation des températures, apparition de tempêtes et d'autres phénomènes exceptionnels.
La montagne, elle aussi, subira ces effets et il nous faut nous y préparer, tant pour ses activités traditionnelles que pour le tourisme.
Tout comme le Conseil National de la Montagne, les Comités de Massif me semblent un bon cadre d'information et de sensibilisation.
Nous devons nous préparer à lutter au quotidien contre le changement climatique, en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre, et en développant les techniques d'absorption du carbone.
Nous devons aussi anticiper sur ce réchauffement climatique, car les actions internationales pourront l'atténuer mais certainement pas le renverser à moyen terme.
Ainsi, les activités qui se tiendront en montagne devront-elles prendre en compte l'élévation des températures, la modification des rythmes biologiques et l'évolution de l'enneigement.
Conséquence aussi du changement climatique, le développement du tourisme durable en montagne, dans ses dimensions économique, sociale et environnementale, constituera le premier thème de la présidence française de la Convention Alpine à partir de novembre 2006.
Quatre thématiques rythmeront nos réunions :
- l'attractivité touristique des Alpes fondée sur l'image de nature ;
- la conception des stations touristiques ;
- le renforcement du tourisme de nature ;
- et la dimension sociale du tourisme, avec la prise en compte, notamment, des acteurs locaux et des saisonniers.
Autre sujet important que je souhaite aborder devant vous : la question des grands prédateurs.
Les quatre cinquièmes de notre législation en matière d'environnement découlent de nos engagements européens. Elle ne nous a pas pour autant été imposée. C'est en toute connaissance de cause que notre pays s'est engagé dans une législation qui le lie à ses partenaires.
Et comme nous attendons de nos amis européens qu'ils préservent sans faiblir leur environnement ou leur biodiversité, et par la-même le nôtre, les mêmes devoirs s'imposent à nous.
Il en va de la gestion des prédateurs comme de Natura 2000 ou de la chasse ou de mille autres sujets : nous sommes faibles si nous prenons seuls, prématurément, sans concertation, des libertés excessives dans l'interprétation que nous faisons de ce droit européen, que notre pays a lui-même
contribué à écrire.
Nous sommes forts au contraire si nous respectons ce droit commun et animons avec d'autres Etats-membres le débat qui permettra de l'interpréter correctement et de le faire évoluer.
La France sur les sujets de nature, parce qu'elle est l'un des pays d'Europe les plus riches écologiquement, doit se faire respecter. Elle doit reconquérir cette autorité politique qu'elle n'aurait jamais dû perdre en ce domaine.
C'est son intérêt à court terme. C'est son intérêt à long terme dans la construction de l'Europe y compris dans la défense de ses intérêts économiques.
La condition primordiale en est le respect du droit existant.
C'est ce à quoi j'ai obstinément travaillé.
Le dossier du loup en est une bonne illustration, parmi d'autres.
L'histoire des années 2004, 2005 et 2006 est l'histoire d'un apprentissage de méthodes de protection des troupeaux dans le respect scrupuleux du droit national et international.
C'est un apprentissage difficile, tout particulièrement, j'en ai conscience, pour les éleveurs.
Aussi faut-il songer à l'avenir immédiat, qui est d'apprendre à mieux défendre les troupeaux et à diversifier les moyens de gestion de la population de loups.
Nous devons progresser rapidement sur plusieurs pistes :
- améliorer et diversifier les moyens de protection des troupeaux, notamment à partir des exemples étrangers ;
- expérimenter des moyens de lutte non-létaux autres que le tir ;
- améliorer l'efficacité des tirs de défense légalement décidés.
Dès octobre, le groupe « loup » aura à discuter d'orientations concrètes sur ces trois axes et de la mise en place des nécessaires opérations expérimentales.
Voilà qui augure, je l'espère, de progrès que tous sauront apprécier.
L'ours est un autre sujet d'actualité. Il est comme vous le savez à bien des égards très différent de celui du loup.
L'ours était, il y a un an, en France, en danger réel de disparition à court terme.
Il est encore trop tôt pour l'affirmer et il faudra évaluer le résultat biologique d'ici à un an, mais on peut très raisonnablement espérer que l'opération que j'ai conduite a, au moins pour dix ans, sauvé l'espèce sur le territoire national.
Pour tous ceux qui sont attachés à la sauvegarde de la nature en France c'est déjà un résultat considérable.
Les autres seront heureux de savoir que l'action conduite écarte du même coup tout risque contentieux que n'aurait pas manqué de faire courir l'inaction des autorités françaises, surtout après la mort de Cannelle.
Je suis la première à regretter les tensions qui ont accompagné la mise en oeuvre du plan, d'autant que les portes du dialogue ont été, pendant plus d'un an, très largement ouvertes et que j'ai fait preuve d'écoute en réformant considérablement le plan de mon prédécesseur.
Si les lâchers sont aujourd'hui terminés, en revanche le plan ours ne s'arrête pas là.
Il prévoit de développer les actions d'accompagnement nécessaires, de développer la concertation et les actions concrètes avec les forestiers, les chasseurs, les professionnels du tourisme. Il apporte enfin des moyens supplémentaires, tant humains que financiers.
J'invite les élus et les professionnels du massif pyrénéen à retrouver les voies du dialogue et à continuer à construire ce qui, depuis plus de dix ans, se bâtit, au-delà de l'ours, autour des enjeux de gestion de la nature dans les Pyrénées.
Le débat autour de l'ours a d'ailleurs offert l'occasion de poser la question de l'avenir du pastoralisme dans les Pyrénées.
Le ministre de l'agriculture et de la pêche s'est ainsi engagé devant les organisations professionnelles agricoles à mettre à l'étude un plan de développement agro sylvo pastoral du massif pyrénéen.
Ce plan élaboré à des fins économiques, sociales et environnementales est indépendant du plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises.
Bien que ce plan ne soit pas encore finalisé pour les prochaines années, les actions les plus urgentes seront mises en oeuvres avant la fin de l'année.
Il s'agit notamment de prolonger pour un an le soutien au gardiennage des troupeaux dans l'attente de la mise en place d'une action adaptée dans le cadre de la programmation du FEADER.
Voilà bien des travaux à entreprendre.
Mais la beauté de nos montagnes est à ce prix. C'est pourquoi, je suis convaincue que nous réussirons ensemble.Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 30 août 2006