Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Avant toute chose, je remercie Christian ESTROSI de m'avoir confié le soin d'introduire les deux problématiques des deuxième et troisième tables rondes de ces rencontres de l'aménagement du territoire placées sous le haut patronage de Nicolas SARKOZY. La densité cérébrale des participants promet un débat de haut niveau, je m'en réjouis.
Ce matin, vous avez débattu du "développement de l'intermodalité dans les transports". Je suis heureux de ne pas avoir dû introduire ce sujet... Comme cela, je n'ai pas été contraint de résister à l'envie de vous parler de ce merveilleux tramway clermontois qui ne passe pas par la gare S.N.C.F. et qui, contrairement à ses homologues bordelais, strasbourgeois ou nantais, ne redéfinit pas le paysage urbain ni les fonctionnalités de la ville! Je n'ai pas non plus été obligé d'évoquer devant vous un train à la climatisation chancelante, qui possède encore un bar ambulant et dont la vitesse, d'un autre âge, place Clermont-Ferrand plus loin de Paris que Marseille.
Je sais combien la compétitivité des territoires est un thème cher à Christian ESTROSI. Elle fait l'objet de la deuxième table ronde. La troisième concerne, elle, les quartiers urbains sensibles.
En réalité, je crois qu'il peut être intéressant de lier les deux thèmes. Car les quartiers urbains sensibles auraient tout à gagner à devenir compétitifs et à l'inverse, les rendre compétitifs leur enlèverait sans doute une part de leur "sensibilité".
C'est pourquoi je souhaite, tout d'abord, vous dire quelques mots de la compétitivité internationale des territoires. Puis, à travers une analyse de ce que signifie aujourd'hui la ruralité, j'envisagerai la compétitivité des territoires entre eux. Enfin, je voudrais vous faire partager ma perception des quartiers sensibles sous l'angle de l'aménagement du territoire.
I. La compétitivité des territoires : ses enjeux internationaux et les outils de la compétitivité mondialisée.
A. Les enjeux de la compétitivité des territoires sont, et seront davantage encore à l'avenir, internationaux.
La dimension européenne d'abord et internationale ensuite de l'aménagement du territoire est une véritable rupture avec le temps où il s'agissait avant tout de rééquilibrer la compétitivité des régions par rapport à Paris et l'Ile de France.
Ce temps est révolu pour trois raisons:
- Ce rééquilibrage a bien eu lieu sous les effets conjugués des décentralisations et des politiques d'aménagement du territoire comme, par exemple, celle relatives aux métropoles d'équilibre ;
- La construction européenne et la mondialisation conduisent à repenser la compétitivité des territoires en terme de comparaisons internationales et non plus franco-françaises. Comparer Marseille et Barcelone ou Lyon et Munich conduit immanquablement à des constats certes cruels, mais que nous devons avoir le courage de dresser;
- Paris et l'Ile de France constituent aujourd'hui le seul territoire mondialement compétitif. Si d'autres territoires disposent d'une excellence réelle dans un ou plusieurs domaines, l'Ile de France est malgré tout la seule région en lice pour concurrencer les grandes régions économiques d'Europe et du monde.
Concrètement, cela signifie que les autres régions françaises doivent se développer afin de concurrencer d'autres régions d'Europe, sans pour autant, bien entendu, que cela se fasse au détriment de notre région-capitale.
Les enjeux de la compétitivité des territoires se posent donc en termes de concurrence internationale.
Ils se posent aussi bien sûr en termes humains car, au fond, rendre les territoires compétitifs revient à les conduire à donner le meilleur d'eux même.
Il était et demeure vital de ne pas laisser s'épuiser dans l'isolement, dans quelque endroit de France que ce soit, des femmes et des hommes qui se battent pour leur avenir et qui déploient des trésors de talents et une immense énergie dans un contexte difficile.
Certains d'entre eux n'hésitent pas à engager leurs biens personnels pour la réussite de leurs idées et de leurs entreprises. Il est de l'intérêt du pays que ces efforts puissent être coordonnés.
Il fallait donc mettre les territoires en synergie, tout en favorisant une spécialisation locale, inciter les acteurs au développement d'avantages concurrentiels, veiller à la complémentarité des compétences territoriales. La poursuite simultanée d'objectifs en apparence paradoxaux impliquait une coordination de la puissance publique au service d'une vision à moyen et long termes.
C'est ainsi qu'au-delà des orientations stratégiques, des outils tactiques puissants ont été imaginés pour cela et ont été mis en oeuvre.
B. Les pôles de compétitivité sont les outils de la compétitivité internationale des territoires. Ils ont, le plus souvent, un caractère plurirégional.
Il s'agit d'outils simples, mais efficaces qui permettent la mise en valeur de chacun avec les atouts dont ils disposent en propre en termes de savoir-faire et de compétences. Avec au final, un objectif constant : créer de la richesse et de l'emploi.
Cet effort de compétitivité devait être mis en oeuvre en harmonie avec deux autres objectifs majeurs pour l'avenir de notre économie :
- le développement durable ;
- la cohésion sociale et territoriale.
Les pôles de compétitivité constituent une politique industrielle et d'aménagement du territoire novatrice s'appuyant sur la proximité et des solidarités territoriales qui rapprochent des mondes aussi distants que ceux :
- de l'entreprise ;
- et de l'enseignement supérieur ou de la recherche publique.
Désormais, on ne peut plus dissocier aménagement du territoire de compétitivité des territoires.
D'une part, il est du rôle régalien de l'Etat de veiller à ce que chaque territoire ait les moyens de s'inscrire dans un contexte mondial. D'autre part, il importe de donner aux territoires les conditions d'une juste et loyale concurrence.
Cette nécessaire évolution a été l'une des raisons du changement d'appellation de la DATAR devenue aujourd'hui la Délégation interministérielle à l'aménagement et la compétitivité des territoires (la DIACT). Ce changement de nom ne se réduit pas à une réforme symbolique. Il reflète l'esprit même de l'aménagement du territoire et des mesures qui sont et devront être prises dans le sens de la compétitivité.
C'est le principe "ensemble, on est plus fort" qui a amené à la création des pôles de compétitivité. En 2004, nos concurrents américains, allemands, italiens, australiens étaient déjà organisés depuis bien longtemps en "Clusters", concept que nos spécialistes de la francophonie ont traduit par "grappe". Curieusement en France, les "grappes" restaient à créer.
Le secteur de la recherche/développement était stérilement cloisonné et il n'existait aucune organisation spécifique liant dans ce domaine les entreprises, les universités et grandes écoles et les centres de recherche. Ce mal est désormais réparé.
Au lancement de cette opération, les experts prévoyaient 15 pôles en France et s'inquiétaient que le délai de quatre mois pour l'appel à candidatures soit bien trop court à leurs yeux. A l'issue de ces quatre mois, ce ne sont pas moins de 105 dossiers qui avaient été reçus. Très vite, des personnes qui ne se parlaient pas, dans des universités et des centres de recherche publique ou des industriels qui s'ignoraient, se sont soudain rencontrés autour d'une table et ont immédiatement perçu l'intérêt de la démarche.
Ils ont su saisir l'opportunité de la dynamique qui leur était offerte. Aujourd'hui, ce sont 66 pôles qui sont labellisés. Le troisième appel à projets a été lancé le 2 octobre dernier.
Ces pôles de compétitivité répondent à quatre caractéristiques principales :
- Ils sont créateurs de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d'emplois qualifiés ;
- Ils se positionnent sur des marchés mondiaux et des activités bénéficiant d'un fort potentiel de croissance ;
- Ils proposent de réels partenariats entre les acteurs, ainsi qu'un mode de gouvernance de qualité ;
- Ils présentent, enfin, une stratégie claire de développement économique et de recherche.
Une enveloppe de 1,5 milliards d'euros sur trois ans est consacrée aux pôles dont 400 Meuros de crédits d'intervention directe des ministères, 300 Meuros d'exonérations fiscales et de charges sociales sur les projets de R&D, 800 Meuros de financements provenant de différentes agences et établissements publics comme l'Agence nationale pour la recherche (ANR), l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), Oséo-Anvar et la Caisse des Dépôts et Consignations.
II. Les territoires doivent aussi être compétitifs entre eux : les enjeux et outils de la compétitivité rurale.
La ruralité mérite d'être analysée car elle constitue une réalité très contrastée qui est en pleine évolution.
A. Le constat sur la ruralité mérite d'être actualisé.
Pour mener une politique de l'aménagement du territoire incluant la compétitivité des territoires à l'intérieur du pays, il faut interroger la notion même de ruralité. La première constatation est (i) que les territoires ruraux se repeuplent. La seconde (ii) est qu'il existe aussi des zones rurales sensibles. La troisième (iii) est que le maillage du territoire reste à améliorer.
(i) Oui, il existe une "rurbanisation", oui, les territoires ruraux se repeuplent. Et tant mieux! Oui, ils se repeuplent parfois avec des apports de population venant de l'étranger intra communautaire. Arrêtons de pester contre l'installation d'anglais, de hollandais : ces flux migratoires sont aussi une chance pour nos territoires. Ils créent de l'activité, ils valorisent l'immobilier et renouvellent les élites locales.
Il nous faut accueillir ces populations qui, en revitalisant les centres bourg, créent de l'emploi et de la richesse d'une manière diffuse sur le territoire.
(ii) Contrairement à l'image d'Epinal des campagnes paisibles, il existe pourtant des zones rurales sensibles. En effet, la ruralité cultive, sans en avoir le monopole, des formes particulières de délinquance notamment celles qui s'exercent à l'intérieur du cercle de famille et celles liées à l'alcool. Certaines de ces zones rurales que je n'hésite pas à qualifier de sensibles présentent des faiblesses significatives en terme de niveau scolaire moyen, que l'éducation prioritaire a été impuissante à améliorer.
(iii) Le maillage du territoire est à améliorer notamment en matière de technologies de l'information et de la communication.
Il est choquant de constater que tel village montagnard et isolé d'Asie du sud-est a son cyber-café alors que dans le Cantal, il existe des zones d'ombre pour la couverture GSM ou l'accès à l'ADSL. Il appartient donc aux pouvoirs publics d'harmoniser ces courants nouveaux de développement.
B. Les pôles d'excellence rurale sont des outils novateurs de la compétitivité des territoires entre eux.
Vous le savez, pour la première fois, sous l'impulsion de mon ami Christian ESTROSI, des pôles d'excellence rurale sont créés en France.
Il s'agit de projets qui, inspirés de ce que sont les pôles de compétitivité en zone urbaine, favorisent le développement de territoires ruraux et constituent un partenariat inédit entre collectivités et entreprises.
Très concrètement, l'Etat a mobilisé 150 millions d'euros pour rendre possible de tels projets. Le 23 juin dernier, le Gouvernement a déjà annoncé l'attribution du label de pôle d'excellence rurale à 176 projets à travers la France. Pour les communes, ces pôles sont une occasion nouvelle d'obtenir le soutien financier de l'Etat sur des projets le plus souvent spécifiques aux villes rurales : développement de filières agricoles et alimentaires comme le pôle "Lait, viande et pomme du pays d'Auge", promotion du tourisme et du patrimoine comme le pôle "Montagnes d'excellence" dans les Alpes-Maritimes ou encore promotion de la culture avec, par exemple, le pôle "Pays du livre et de l'écriture" dans la communauté de communes de Forcalquier, dans le Luberon.
La date butoir de dépôt des dossiers pour la seconde vague s'est terminée il y a seulement quelques jours, le 30 septembre. D'ici à la fin 2006, ce sont ainsi, au total, environ 300 projets qui devraient être labellisés par le Gouvernement.
III. La troisième table ronde porte sur "les zones urbaines sensibles".
Je crois profondément qu'à ce sujet, il faut avoir le courage :
- de porter un regard critique sur les politiques de la Ville qui se sont succédé ;
- de s'interroger sur la politique menée par certaines municipalités en termes de mixité sociale;
- et d'entrevoir des solutions politiques à ce problème.
A. Le constat
Il faut, tout d'abord, avoir le courage de dire aux Français que depuis vingt ans, les politiques de la Ville qui ont englouti des budgets faramineux sont un échec! En effet, si le retour sur investissement de ces politiques publiques laisse manifestement à désirer, il ne faut pas hésiter à se demander pourquoi. Pour ne froisser personne, je ne prendrai pas l'exemple de la Seine Saint-Denis. Mais si la politique de la ville n'a pas fait reculer la délinquance, c'est bien que les causes premières des difficultés ont été mal identifiées. Elle sont à rechercher, à mon sens, dans l'absence de véritable politique concertée de peuplement.
En termes de mixité sociale, dans la seconde moitié du XIXème siècle, le préfet Haussmann, avec sa stratification sociale verticale en fonction des étages mais au sein d'un même immeuble, était mieux inspiré que certains urbanistes des années 1960-1980 qui ont construit des ghettos en grande série...
Ayons le courage de le dire, le clientélisme des politiques de logement mises en oeuvre par des communes de tous bords politiques ont souvent été responsables de la situation que nous vivons. Il faut enfin reconnaître que le problème de fond est lié à la construction de logements, à l'urbanisme et surtout aux critères de peuplement qui, en évitant soigneusement la mixité sociale, ont, dans certains cas, généré des poches explosives.
B. Des solutions politiques ont commencé à être explorées, d'autres sont à rechercher pour traiter au fond un problème d'une grande complexité. Les solutions policières, quelque soit leur incontestable efficacité, ne sont naturellement pas suffisantes. N'oublions pas qu'un taux de délinquance est la manifestation d'un problème bien plus qu'il n'en est la cause!
La politique mise en oeuvre par Jean-Louis Borloo a commencé à traiter le problème de l'urbanisme grâce à l'Agence Nationale de Régulation de l'Urbanisation (ANRU). Cette action est décisive, même si elle n'a pas d'effet direct sur la composition sociologique du peuplement des quartiers. Il faut donc agir sur les causes profondes du mal.
Il est, par exemple, très difficile de structurer et de socialiser des adolescents qui n'ont jamais vu leurs parents travailler.
Il faut rappeler, aussi, que le logement social n'est pas attribué à vie. Le logement social doit redevenir avant tout une aide que la population qui n'a pas de problème pour se loger apporte à ceux qui en ont : difficultés d'entrée dans la vie active, aléas de la vie familiale, accidents de parcours. C'est précisément parce que chacun, à un moment ou à un autre, peut en avoir besoin au sein de son "parcours résidentiel" qu'il n'est plus acceptable que quelques-uns, parce qu'ils ont rempli à un moment les conditions d'attribution, bénéficient d'une rente à vie. En étant trop souvent le droit immuable d'un petit nombre, le logement social n'est plus actuellement en mesure d'être proposé à tous.
Vérité mathématique, la solution passe avant tout par une plus grande mobilité. Sur le parc social actuel qui est d'environ 4.000.000 de logements, seulement 10 % d'entre eux - soit 400.000 - sont libérés chaque année. Une année de rotation au sein des logements, dont le taux de 10 % est plutôt faible, équivaut à 80 % de l'effort de constructions que le gouvernement veut accomplir sur cinq ans. Une augmentation d'un point de ce taux représenterait à lui seul la moitié de l'effort de création annuelle (80.000 actuellement)!
Ceux qui ne remplissent pas ou plus les critères du logement social doivent, en revanche, relever d'autres politiques comme celle de l'accession sociale à la propriété ou le logement intermédiaire, système au sein duquel l'aide à la personne doit être revalorisée par rapport à l'aide à la pierre.
Si les logements sociaux étaient mieux attribués, le parc serait grandement suffisant, les délais d'attributions raccourcis, la mobilité des populations plus grande avec des effets anti-ghettos évidents. De surcroît, les fonds publics ainsi libérés pourraient être affectés à d'autres urgences.
En conclusion, je crois utile d'affirmer qu'il faut établir un véritable lien entre la compétitivité des territoires et le problème des quartiers sensibles.
Je crois profondément qu'au prix d'indispensables réformes structurelles, les territoires français deviendront compétitifs au plan international.
Mais j'ai aussi, avec une égale profondeur, la conviction qu'un retour au plein-emploi permettrait de régler la question des quartiers sensibles.
Canaliser l'énergie de notre jeunesse pour construire l'avenir : si pour certains, il s'agit d'un rêve, sachez que pour nous, c'est une ambition et un projet.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 11 octobre 2006
Mesdames et Messieurs,
Avant toute chose, je remercie Christian ESTROSI de m'avoir confié le soin d'introduire les deux problématiques des deuxième et troisième tables rondes de ces rencontres de l'aménagement du territoire placées sous le haut patronage de Nicolas SARKOZY. La densité cérébrale des participants promet un débat de haut niveau, je m'en réjouis.
Ce matin, vous avez débattu du "développement de l'intermodalité dans les transports". Je suis heureux de ne pas avoir dû introduire ce sujet... Comme cela, je n'ai pas été contraint de résister à l'envie de vous parler de ce merveilleux tramway clermontois qui ne passe pas par la gare S.N.C.F. et qui, contrairement à ses homologues bordelais, strasbourgeois ou nantais, ne redéfinit pas le paysage urbain ni les fonctionnalités de la ville! Je n'ai pas non plus été obligé d'évoquer devant vous un train à la climatisation chancelante, qui possède encore un bar ambulant et dont la vitesse, d'un autre âge, place Clermont-Ferrand plus loin de Paris que Marseille.
Je sais combien la compétitivité des territoires est un thème cher à Christian ESTROSI. Elle fait l'objet de la deuxième table ronde. La troisième concerne, elle, les quartiers urbains sensibles.
En réalité, je crois qu'il peut être intéressant de lier les deux thèmes. Car les quartiers urbains sensibles auraient tout à gagner à devenir compétitifs et à l'inverse, les rendre compétitifs leur enlèverait sans doute une part de leur "sensibilité".
C'est pourquoi je souhaite, tout d'abord, vous dire quelques mots de la compétitivité internationale des territoires. Puis, à travers une analyse de ce que signifie aujourd'hui la ruralité, j'envisagerai la compétitivité des territoires entre eux. Enfin, je voudrais vous faire partager ma perception des quartiers sensibles sous l'angle de l'aménagement du territoire.
I. La compétitivité des territoires : ses enjeux internationaux et les outils de la compétitivité mondialisée.
A. Les enjeux de la compétitivité des territoires sont, et seront davantage encore à l'avenir, internationaux.
La dimension européenne d'abord et internationale ensuite de l'aménagement du territoire est une véritable rupture avec le temps où il s'agissait avant tout de rééquilibrer la compétitivité des régions par rapport à Paris et l'Ile de France.
Ce temps est révolu pour trois raisons:
- Ce rééquilibrage a bien eu lieu sous les effets conjugués des décentralisations et des politiques d'aménagement du territoire comme, par exemple, celle relatives aux métropoles d'équilibre ;
- La construction européenne et la mondialisation conduisent à repenser la compétitivité des territoires en terme de comparaisons internationales et non plus franco-françaises. Comparer Marseille et Barcelone ou Lyon et Munich conduit immanquablement à des constats certes cruels, mais que nous devons avoir le courage de dresser;
- Paris et l'Ile de France constituent aujourd'hui le seul territoire mondialement compétitif. Si d'autres territoires disposent d'une excellence réelle dans un ou plusieurs domaines, l'Ile de France est malgré tout la seule région en lice pour concurrencer les grandes régions économiques d'Europe et du monde.
Concrètement, cela signifie que les autres régions françaises doivent se développer afin de concurrencer d'autres régions d'Europe, sans pour autant, bien entendu, que cela se fasse au détriment de notre région-capitale.
Les enjeux de la compétitivité des territoires se posent donc en termes de concurrence internationale.
Ils se posent aussi bien sûr en termes humains car, au fond, rendre les territoires compétitifs revient à les conduire à donner le meilleur d'eux même.
Il était et demeure vital de ne pas laisser s'épuiser dans l'isolement, dans quelque endroit de France que ce soit, des femmes et des hommes qui se battent pour leur avenir et qui déploient des trésors de talents et une immense énergie dans un contexte difficile.
Certains d'entre eux n'hésitent pas à engager leurs biens personnels pour la réussite de leurs idées et de leurs entreprises. Il est de l'intérêt du pays que ces efforts puissent être coordonnés.
Il fallait donc mettre les territoires en synergie, tout en favorisant une spécialisation locale, inciter les acteurs au développement d'avantages concurrentiels, veiller à la complémentarité des compétences territoriales. La poursuite simultanée d'objectifs en apparence paradoxaux impliquait une coordination de la puissance publique au service d'une vision à moyen et long termes.
C'est ainsi qu'au-delà des orientations stratégiques, des outils tactiques puissants ont été imaginés pour cela et ont été mis en oeuvre.
B. Les pôles de compétitivité sont les outils de la compétitivité internationale des territoires. Ils ont, le plus souvent, un caractère plurirégional.
Il s'agit d'outils simples, mais efficaces qui permettent la mise en valeur de chacun avec les atouts dont ils disposent en propre en termes de savoir-faire et de compétences. Avec au final, un objectif constant : créer de la richesse et de l'emploi.
Cet effort de compétitivité devait être mis en oeuvre en harmonie avec deux autres objectifs majeurs pour l'avenir de notre économie :
- le développement durable ;
- la cohésion sociale et territoriale.
Les pôles de compétitivité constituent une politique industrielle et d'aménagement du territoire novatrice s'appuyant sur la proximité et des solidarités territoriales qui rapprochent des mondes aussi distants que ceux :
- de l'entreprise ;
- et de l'enseignement supérieur ou de la recherche publique.
Désormais, on ne peut plus dissocier aménagement du territoire de compétitivité des territoires.
D'une part, il est du rôle régalien de l'Etat de veiller à ce que chaque territoire ait les moyens de s'inscrire dans un contexte mondial. D'autre part, il importe de donner aux territoires les conditions d'une juste et loyale concurrence.
Cette nécessaire évolution a été l'une des raisons du changement d'appellation de la DATAR devenue aujourd'hui la Délégation interministérielle à l'aménagement et la compétitivité des territoires (la DIACT). Ce changement de nom ne se réduit pas à une réforme symbolique. Il reflète l'esprit même de l'aménagement du territoire et des mesures qui sont et devront être prises dans le sens de la compétitivité.
C'est le principe "ensemble, on est plus fort" qui a amené à la création des pôles de compétitivité. En 2004, nos concurrents américains, allemands, italiens, australiens étaient déjà organisés depuis bien longtemps en "Clusters", concept que nos spécialistes de la francophonie ont traduit par "grappe". Curieusement en France, les "grappes" restaient à créer.
Le secteur de la recherche/développement était stérilement cloisonné et il n'existait aucune organisation spécifique liant dans ce domaine les entreprises, les universités et grandes écoles et les centres de recherche. Ce mal est désormais réparé.
Au lancement de cette opération, les experts prévoyaient 15 pôles en France et s'inquiétaient que le délai de quatre mois pour l'appel à candidatures soit bien trop court à leurs yeux. A l'issue de ces quatre mois, ce ne sont pas moins de 105 dossiers qui avaient été reçus. Très vite, des personnes qui ne se parlaient pas, dans des universités et des centres de recherche publique ou des industriels qui s'ignoraient, se sont soudain rencontrés autour d'une table et ont immédiatement perçu l'intérêt de la démarche.
Ils ont su saisir l'opportunité de la dynamique qui leur était offerte. Aujourd'hui, ce sont 66 pôles qui sont labellisés. Le troisième appel à projets a été lancé le 2 octobre dernier.
Ces pôles de compétitivité répondent à quatre caractéristiques principales :
- Ils sont créateurs de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d'emplois qualifiés ;
- Ils se positionnent sur des marchés mondiaux et des activités bénéficiant d'un fort potentiel de croissance ;
- Ils proposent de réels partenariats entre les acteurs, ainsi qu'un mode de gouvernance de qualité ;
- Ils présentent, enfin, une stratégie claire de développement économique et de recherche.
Une enveloppe de 1,5 milliards d'euros sur trois ans est consacrée aux pôles dont 400 Meuros de crédits d'intervention directe des ministères, 300 Meuros d'exonérations fiscales et de charges sociales sur les projets de R&D, 800 Meuros de financements provenant de différentes agences et établissements publics comme l'Agence nationale pour la recherche (ANR), l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), Oséo-Anvar et la Caisse des Dépôts et Consignations.
II. Les territoires doivent aussi être compétitifs entre eux : les enjeux et outils de la compétitivité rurale.
La ruralité mérite d'être analysée car elle constitue une réalité très contrastée qui est en pleine évolution.
A. Le constat sur la ruralité mérite d'être actualisé.
Pour mener une politique de l'aménagement du territoire incluant la compétitivité des territoires à l'intérieur du pays, il faut interroger la notion même de ruralité. La première constatation est (i) que les territoires ruraux se repeuplent. La seconde (ii) est qu'il existe aussi des zones rurales sensibles. La troisième (iii) est que le maillage du territoire reste à améliorer.
(i) Oui, il existe une "rurbanisation", oui, les territoires ruraux se repeuplent. Et tant mieux! Oui, ils se repeuplent parfois avec des apports de population venant de l'étranger intra communautaire. Arrêtons de pester contre l'installation d'anglais, de hollandais : ces flux migratoires sont aussi une chance pour nos territoires. Ils créent de l'activité, ils valorisent l'immobilier et renouvellent les élites locales.
Il nous faut accueillir ces populations qui, en revitalisant les centres bourg, créent de l'emploi et de la richesse d'une manière diffuse sur le territoire.
(ii) Contrairement à l'image d'Epinal des campagnes paisibles, il existe pourtant des zones rurales sensibles. En effet, la ruralité cultive, sans en avoir le monopole, des formes particulières de délinquance notamment celles qui s'exercent à l'intérieur du cercle de famille et celles liées à l'alcool. Certaines de ces zones rurales que je n'hésite pas à qualifier de sensibles présentent des faiblesses significatives en terme de niveau scolaire moyen, que l'éducation prioritaire a été impuissante à améliorer.
(iii) Le maillage du territoire est à améliorer notamment en matière de technologies de l'information et de la communication.
Il est choquant de constater que tel village montagnard et isolé d'Asie du sud-est a son cyber-café alors que dans le Cantal, il existe des zones d'ombre pour la couverture GSM ou l'accès à l'ADSL. Il appartient donc aux pouvoirs publics d'harmoniser ces courants nouveaux de développement.
B. Les pôles d'excellence rurale sont des outils novateurs de la compétitivité des territoires entre eux.
Vous le savez, pour la première fois, sous l'impulsion de mon ami Christian ESTROSI, des pôles d'excellence rurale sont créés en France.
Il s'agit de projets qui, inspirés de ce que sont les pôles de compétitivité en zone urbaine, favorisent le développement de territoires ruraux et constituent un partenariat inédit entre collectivités et entreprises.
Très concrètement, l'Etat a mobilisé 150 millions d'euros pour rendre possible de tels projets. Le 23 juin dernier, le Gouvernement a déjà annoncé l'attribution du label de pôle d'excellence rurale à 176 projets à travers la France. Pour les communes, ces pôles sont une occasion nouvelle d'obtenir le soutien financier de l'Etat sur des projets le plus souvent spécifiques aux villes rurales : développement de filières agricoles et alimentaires comme le pôle "Lait, viande et pomme du pays d'Auge", promotion du tourisme et du patrimoine comme le pôle "Montagnes d'excellence" dans les Alpes-Maritimes ou encore promotion de la culture avec, par exemple, le pôle "Pays du livre et de l'écriture" dans la communauté de communes de Forcalquier, dans le Luberon.
La date butoir de dépôt des dossiers pour la seconde vague s'est terminée il y a seulement quelques jours, le 30 septembre. D'ici à la fin 2006, ce sont ainsi, au total, environ 300 projets qui devraient être labellisés par le Gouvernement.
III. La troisième table ronde porte sur "les zones urbaines sensibles".
Je crois profondément qu'à ce sujet, il faut avoir le courage :
- de porter un regard critique sur les politiques de la Ville qui se sont succédé ;
- de s'interroger sur la politique menée par certaines municipalités en termes de mixité sociale;
- et d'entrevoir des solutions politiques à ce problème.
A. Le constat
Il faut, tout d'abord, avoir le courage de dire aux Français que depuis vingt ans, les politiques de la Ville qui ont englouti des budgets faramineux sont un échec! En effet, si le retour sur investissement de ces politiques publiques laisse manifestement à désirer, il ne faut pas hésiter à se demander pourquoi. Pour ne froisser personne, je ne prendrai pas l'exemple de la Seine Saint-Denis. Mais si la politique de la ville n'a pas fait reculer la délinquance, c'est bien que les causes premières des difficultés ont été mal identifiées. Elle sont à rechercher, à mon sens, dans l'absence de véritable politique concertée de peuplement.
En termes de mixité sociale, dans la seconde moitié du XIXème siècle, le préfet Haussmann, avec sa stratification sociale verticale en fonction des étages mais au sein d'un même immeuble, était mieux inspiré que certains urbanistes des années 1960-1980 qui ont construit des ghettos en grande série...
Ayons le courage de le dire, le clientélisme des politiques de logement mises en oeuvre par des communes de tous bords politiques ont souvent été responsables de la situation que nous vivons. Il faut enfin reconnaître que le problème de fond est lié à la construction de logements, à l'urbanisme et surtout aux critères de peuplement qui, en évitant soigneusement la mixité sociale, ont, dans certains cas, généré des poches explosives.
B. Des solutions politiques ont commencé à être explorées, d'autres sont à rechercher pour traiter au fond un problème d'une grande complexité. Les solutions policières, quelque soit leur incontestable efficacité, ne sont naturellement pas suffisantes. N'oublions pas qu'un taux de délinquance est la manifestation d'un problème bien plus qu'il n'en est la cause!
La politique mise en oeuvre par Jean-Louis Borloo a commencé à traiter le problème de l'urbanisme grâce à l'Agence Nationale de Régulation de l'Urbanisation (ANRU). Cette action est décisive, même si elle n'a pas d'effet direct sur la composition sociologique du peuplement des quartiers. Il faut donc agir sur les causes profondes du mal.
Il est, par exemple, très difficile de structurer et de socialiser des adolescents qui n'ont jamais vu leurs parents travailler.
Il faut rappeler, aussi, que le logement social n'est pas attribué à vie. Le logement social doit redevenir avant tout une aide que la population qui n'a pas de problème pour se loger apporte à ceux qui en ont : difficultés d'entrée dans la vie active, aléas de la vie familiale, accidents de parcours. C'est précisément parce que chacun, à un moment ou à un autre, peut en avoir besoin au sein de son "parcours résidentiel" qu'il n'est plus acceptable que quelques-uns, parce qu'ils ont rempli à un moment les conditions d'attribution, bénéficient d'une rente à vie. En étant trop souvent le droit immuable d'un petit nombre, le logement social n'est plus actuellement en mesure d'être proposé à tous.
Vérité mathématique, la solution passe avant tout par une plus grande mobilité. Sur le parc social actuel qui est d'environ 4.000.000 de logements, seulement 10 % d'entre eux - soit 400.000 - sont libérés chaque année. Une année de rotation au sein des logements, dont le taux de 10 % est plutôt faible, équivaut à 80 % de l'effort de constructions que le gouvernement veut accomplir sur cinq ans. Une augmentation d'un point de ce taux représenterait à lui seul la moitié de l'effort de création annuelle (80.000 actuellement)!
Ceux qui ne remplissent pas ou plus les critères du logement social doivent, en revanche, relever d'autres politiques comme celle de l'accession sociale à la propriété ou le logement intermédiaire, système au sein duquel l'aide à la personne doit être revalorisée par rapport à l'aide à la pierre.
Si les logements sociaux étaient mieux attribués, le parc serait grandement suffisant, les délais d'attributions raccourcis, la mobilité des populations plus grande avec des effets anti-ghettos évidents. De surcroît, les fonds publics ainsi libérés pourraient être affectés à d'autres urgences.
En conclusion, je crois utile d'affirmer qu'il faut établir un véritable lien entre la compétitivité des territoires et le problème des quartiers sensibles.
Je crois profondément qu'au prix d'indispensables réformes structurelles, les territoires français deviendront compétitifs au plan international.
Mais j'ai aussi, avec une égale profondeur, la conviction qu'un retour au plein-emploi permettrait de régler la question des quartiers sensibles.
Canaliser l'énergie de notre jeunesse pour construire l'avenir : si pour certains, il s'agit d'un rêve, sachez que pour nous, c'est une ambition et un projet.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 11 octobre 2006