Déclaration de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce à l'artisanat et à la consommation, sur l'application de la loi sur les 35 heures dans les PME, le passage à l'euro dans les PME, la fiscalité et le financement des petites entreprises, Lyon le 22 janvier 2001.

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Circonstance : Salon International de la Restauration, de l'Hôtellerie et des Métiers de Bouche (SIRHA), à Lyon le 22 janvier 2001

Texte intégral

Discours de françois Patriat, ministre du PME,
Assemblée générale de la Confédération
générale de l'alimentation de détail
22 janvier 2001
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je m'exprime pour la première fois devant vous aujourd'hui à Lyon, à l'occasion du Salon International de la Restauration, de l'Hôtellerie et des Métiers de Bouche (SIRHA) et plus spécialement de l'Assemblée Générale de la Confédération Générale de l'Alimentation de Détail (CGAD). Je suis très heureux de pouvoir ainsi rencontrer les responsables nationaux (que j'ai déjà reçus à Paris) et locaux de la CGAD qui représente à la fois le commerce indépendant et l'artisanat alimentaire. Il n'est pas toujours simple de faire vivre une structure interprofessionnelle, mais les pouvoirs publics ont besoin d'interlocuteurs structurés et en mesure de s'exprimer pour tous.
Au total, le commerce indépendant et l'artisanat de l'alimentation représentent près de 300 000 entreprises, présentent sur l'ensemble du territoire, dont la place et le rôle, particulièrement en zone rurale, sont essentiels et qu'il convient de maintenir.
L'ensemble de vos métiers de l'artisanat, et du commerce sont ici à l'honneur et ce 10ème SIRHA, que je viens de visiter, est une belle illustration du dynamisme de vos secteurs.
De nombreux temps forts marquent cette édition 2001 qui sont aussi pour vous l'occasion de réfléchir et d'échanger sur les enjeux et défis à relever, et également d'honorer celles et ceux qui auront été désignés par leurs pairs comme les meilleurs dans leur spécialité. (J'aurai d'ailleurs le plaisir de participer tout à l'heure à la remise de la coupe du monde de la pâtisserie).
Voici donc, au delà des importants aspects commerciaux que revêt le salon, une belle opération de communication et de promotion de vos métiers. Vous avez à ce titre Monsieur le Président, fait référence au souhait des commerçants de l'alimentation de disposer d'un outil identique au Fonds de promotion et de communication de l'artisanat. Cela mérite réflexion car cela supposerait de créer une nouvelle taxe qui pèserait sur les petits commerçants.
Or, vous le savez, le gouvernement s'est engagé, en matière fiscale dans une réforme de grande ampleur. La loi de finances pour 2001 s'inscrit dans un plan global d'allègement, de 120 milliards de francs en trois ans, soit 200 milliards en incluant les dispositions déjà prises au titre de l'année 2000 (notamment la taxe professionnelle). Des mesures importantes concernent plus spécifiquement les PME, entreprises individuelles et sociétés afin de réduire la pression fiscale, et ainsi augmenter leurs fonds propres afin de leur permettre d'investir, d'embaucher et de se développer.
Ainsi, le taux de l'impôt sur les sociétés sera ramené à 25% en 2001, et à 15% en 2002 (au lieu de 33,33%) pour la part des bénéfices inférieure à 250 000 F. Les entreprises individuelles sont également concernées par les allègements en matière d'impôts sur le revenu, consécutifs à la baisse de toutes les tranches du barème. A revenus constants, 94% des contribuables, dont les entrepreneurs individuels verront leur cotisation d'impôt se réduire d'au moins 10% entre 2000 et 2003.
Ces mesures ont pu être décidées grâce à la bonne situation économique de notre pays. La baisse continue et importante du chômage est également une grande satisfaction pour l'ensemble de nos concitoyens.
Pourtant j'ai conscience que de nombreuses sources de préoccupations demeurent pour le commerce indépendant et l'artisanat de l'alimentation. J'ai apprécié Monsieur le Président que vous insistiez sur les ambitions des entreprises de vos secteurs, c'est une preuve supplémentaire de votre dynamisme. Soyez assuré de mon soutien.
La sécurité alimentaire
Face aux consommateurs, vous avez un rôle particulièrement motivant et valorisant à jouer. Les consommateurs prennent conscience qu'ils sont les premiers acteurs économiques du marché. Ils vous expriment leurs attentes et votre ambition doit être, collectivement et individuellement, d'y répondre toujours mieux.
Vous rappeliez la demande exprimée par les consommateurs en matière de qualité et de sécurité. J'y ajoute la demande d'un service performant, adapté, chaleureux. Votre travail avec l'administration, sur les guides des bonnes pratiques d'hygiène et en effet un témoignage probant que les efforts collectifs et individuels de votre profession peuvent déboucher sur de réelles avancées et être couronnées de succès.
En ce qui concerne les centre locaux d'action qualité, les CLAQ (je ne me suis encore jamais rendu dans un CLAQ), je pense que les acteurs doivent les faire vivre, et c'est le dynamisme des acteurs locaux qui peut en établir le succès.
Les 35 heures J'ai bien conscience des difficultés que présente la mise en uvre des 35 heures pour les entreprises des métiers de bouche, notamment les plus petites d'entre-elles. Monsieur le Président, vous avez cité les mesures prises par le Gouvernement pour faciliter cette mise en uvre. Vous avez souligné qu'apparemment, dans vos métiers, très peu d'entreprises anticipent la réduction de la durée légale, y compris les entreprises de plus de 20 salariés, et à quel point cette situation vous préoccupe.
Sachez que je partage vos préoccupations. Vous le savez, mon collègue Laurent FABIUS et moi-même sommes favorables à des assouplissements dans la mise en uvre de la loi. Mais pour nous, il s'agit d'aménager le passage à 35 heures, pas de le remettre en cause. Une mesure pérenne comme celle que vous proposez reviendrait à renoncer à l'objectif que s'est donné le Gouvernement. De surcroît, permettez-moi de vous le faire remarquer, elle n'améliorerait pas l'attractivité de vos métiers et risquerait de ce fait d'accroître les difficultés de recrutement.
Vous invoquez l'absence de personnel qualifié disponible. Une telle situation est normale en période de reprise économique et de diminution du chômage. Au cours des années 90 (j'allais dire " au siècle dernier "), les entreprises se sont habituées à trouver sans difficulté la main d'uvre dont elles avaient besoin. Mais c'était une situation anormale, liée à un chômage élevé générateur de pauvreté et d'exclusion sociale. Il leur faut désormais revenir à un fonctionnement du marché du travail plus ordinaire dans lequel l'offre et la demande de travail qualifié s'équilibre à peu près.
La vraie réponse au problème des difficultés de recrutement, c'est la formation, et aussi un meilleur fonctionnement du marché du travail local. Nous avançons collectivement dans ce sens et je ne doute pas que nos efforts porteront leurs fruits. Vous avez annoncé vos ambitions en matière de formation et ce que vous ferez pour attirer les jeunes devrait peu à peu desserrer la contrainte qui pèse actuellement sur vos entreprises. La question du passage aux 35 heures, rendue momentanément difficile par la rapidité de la reprise de l'emploi, appelle donc des réponses temporaires. De telles réponses ont été apportées récemment dans la branche de l'hôtellerie-restauration, sans remettre en cause la perspective des 35 heures, et grâce à cela, cette branche est sur le point de signer un accord qui représente une grande avancée sociale.
Vous avez parlé également de la très grande difficulté à aménager les horaires de travail. La loi sur la réduction du temps de travail vous invite à une réflexion globale sur l'organisation de vos entreprises, et à la recherche de gains de productivité. Pour que l'opération soit positive, il faut s'y préparer soigneusement, 6 à 8 mois à l'avance. C'est ce qu'ont fait les entreprises qui sont déjà passées à 35 heures et globalement, elles n'ont pas eu à le regretter. Dans cette démarche, les entreprises ont besoin d'être conseillées. J'ai compris que le dispositif d'appui-conseil à la réduction du temps de travail dans les PME, prévu par la loi, ne donnait pas entièrement satisfaction. Je suis donc favorable à adapter ce dispositif de manière à ce qu'il réponde mieux aux besoins des petites entreprises.
L'euro Concernant le passage à l'euro des petites entreprises, toutes les campagnes de communication gouvernementales, et notamment le guide à l'attention des PME , ont mis l'accent sur le fait que ce n'est pas seulement la fonction comptable qui est concerné mais toutes les fonctions de l'entreprise.
Il est très compréhensible que les principales préoccupations des entreprises de l'alimentation portent sur l'introduction des pièces et des billets et en particulier sur les difficultés liées à la période de double circulation ; c'est pourquoi, à la demande des professionnels, la durée de cette période a été limitée à moins de 40 jours au début de 2002.
Le scénario d'introduction des pièces et des billets a fait l'objet d'examens très attentifs de la part des spécialistes et a donné lieu à des documents d'information très fournis. Tous les problèmes pratiques que vous soulevez sont réels et n'ont pas encore tous pu faire l'objet de discussions aussi détaillées que vous le souhaitiez au sein du Comité national de l'euro.
Ces questions ont aussi été débattues au sein du Conseil National de la Consommation entre représentants des consommateurs, des professionnels et des administrations.
Vous les avez soulevées également dans le dossier remis à la DECAS dans le cadre de la préparation de la Charte de mobilisation des petites entreprises qui sera prochainement signée entre les professionnels et le Gouvernement.
S'agissant de savoir-faire pratiques, ils ne peuvent faire l'objet de réglementations et de circulaires ; les organisations professionnelles sont de loin les mieux placées pour trouver les solutions concrètes et conseiller leurs adhérents.
C'est pourquoi, je vous félicite pour le caractère très concret du programme présenté par la CGAD dans le cadre de cette charte : ce programme met l'accent d'une part sur la crédibilité des professionnels vis à vis des consommateurs, notamment concernant les questions de conversion et de fixation de prix et d'autre part sur les questions du rendu de la monnaie.
Je tiens à souligner combien j'apprécie le fait que la CGAD s'engage de manière aussi active dans cette démarche en mobilisant ses syndicats professionnels départementaux, en multipliant les réunions locales d'information avec les professionnels, en insistant sur les questions de formation pratique du personnel de caisse et en diffusant aux entreprises toute l'information nécessaire. Elle a en particulier raison de le faire parce que l'accompagnement et la satisfaction du public dans cette phase cruciale du passage à l'euro vont constituer des arguments commerciaux essentiels face à la concurrence. Il faudra mettre particulièrement en valeur les efforts des petits commerçants et artisans auprès de leur clientèle pour que celle-ci passe à l'euro avec confiance et sans difficulté.
Le financement des entreprises
C'est parce que le financement des petites entreprises reste encore trop souvent problématique que le gouvernement a mis en uvre des mesures qui constituent un progrès réel même si des améliorations peuvent encore être apportées, je pense notamment à la transmission d'entreprise.
S'agissant des prêts bonifiés à l'artisanat, je crois qu'il faut rappeler certains éléments de la réflexion. Ainsi une enquête récente de la BDPME montre que le coût du crédit n'intervient qu'en avant dernier rang dans la hiérarchie des freins à l'investissement après l'insuffisance de la demande, l'insuffisance de rentabilité et l'insuffisance de fonds propres. Cela confirme bien que la vraie problématique des petites entreprises est bien celle des difficultés d'accès au crédit et pas celle des taux.
La disparition des PBA après 2001 ne signifie pas que les entreprises n'auront plus accès à des ressources compétitives. Les CODEVI constituent une ressource abondante disponible pour les banques qui prêtent aux artisans. En outre, une banque peut financer jusqu'à 70% d'un programme d'investissement en CODEVI, à un taux généralement compris dans une fourchette de l'ordre de 5 à 6%. Il n'est donc pas tout à fait exact de dire que les taux pratiqués sont de 6,5% à 7%. Enfin, les PBA qui, sur votre demande, continuent à être distribués sont à 4,5% :l'écart n'est donc pas aussi important que l'on peut quelquefois l'entendre. Je crois donc que l'effort entrepris par le Gouvernement pour faciliter l'accès au financement ne s'est pas fait au détriment du coût des crédits bancaires. Le succès rencontré par les conventions de garantie auprès des banques qui demandent une augmentation des enveloppes est la preuve que le nouveau dispositif fonctionne bien.
La loi d'orientation pour l'artisanat et la petite entreprise
Le choix du statut de l'entreprise, société ou sous forme individuelle, emporte un certain nombre de conséquences sur le plan juridique, financier, fiscal et social.
On constate que la part des sociétés dans le tissu des petites entreprises ne cesse d'augmenter, mais beaucoup d'entre vous dénoncent un choix forcé et expriment une crainte au regard de la sécurité juridique.
C'est une des raisons qui ont motivé le Gouvernement à mettre en chantier une loi d'orientation pour l'artisanat et la petite entreprise. D'autres sujets devraient également retenir notre attention : la formation, ou les moyens pour permettre aux petites entreprises de sortir de leur isolement.
Lors du congrès de l'UPA en novembre dernier, Laurent Fabius a annoncé une mission parlementaire qui préfigurera le travail de rédaction du texte de loi.
Je souhaite que nous puissions avancer rapidement et j'espère pouvoir compter sur votre contribution pleine et entière, pour que les petites entreprises de l'artisanat, du commerce et des services se créent et se développent avec autant de réussite dans ce nouveau siècle que par le siècle qui vient de se terminer.
(Source http://www.pme-artisanat.gouv.fr, le 29 janvier 2001)