Texte intégral
C'est au fond une proposition assez honnête. Vous me proposez de faire du vélo lorsque vous ne serez plus Président ! En 2006 vous étiez Président, moi pas et nous n'avons pas fait de vélo. En 2007, vous ne serez plus Président. Je suis par conséquent d'accord pour faire du vélo ! En revanche, l'Alpe d'Huez est un sommet un peu raide. Ses 21 virages ne sont pas les plus faciles. Toutefois, si je suis encore en selle en juin, c'est que je suis capable de gravir plusieurs fois l'Alpe d'Huez.
Je suis très heureux d'être parmi vous. Je souhaite en préambule m'exprimer sur l'actualité économique et sociale du moment. Je fais bien entendu allusion à l'annulation hier par le Conseil d'Etat du décret sur la durée du travail dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Cette décision crée un flou juridique dont l'impact rétroactif risque de désorganiser tout un secteur d'activité sans s'accompagner d'aucun progrès social pour le personnel. C'est un système comme la France les aime, c'est-à-dire un système où tout le monde perd. Chacun doit prendre ses responsabilités. Les organisations patronales et les syndicats de salariés doivent s'asseoir sans délai autour de la table de négociation pour réexaminer l'accord de 2004. Les pouvoirs publics doivent quant à eux envisager d'atténuer par la loi les conséquences de cette décision de justice, voire d'étendre très rapidement les dispositions du nouvel accord qui serait ainsi trouvé. Je ne comprends pas pourquoi nous sommes le seul pays où nous continuons à nous mobiliser pour empêcher les gens qui veulent travailler plus de pouvoir le faire.
J'entends parfaitement qu'un salarié puisse faire le choix de travailler 35 heures. Madame Voynet réclame les 32 heures. Je me demande pourquoi elle ne se prononce pas en faveur des 28 heures. Nous pourrions d'ailleurs avoir comme objectif de ne plus nous lever du tout. Empêchez les gens de gagner davantage en travaillant plus me semble parfaitement contraire aux valeurs de notre société. Je pense qu'une politique économique digne de ce nom repose moins sur des mesures techniques que sur des valeurs traduites dans les faits. Or le travail est l'une des premières valeurs faisant la spécificité de la société française. Vous pouvez prendre autant de mesures techniques que vous le voulez, elles ne servent à rien si vous ne récompensez pas le travail. La question qui est posée dans notre pays est la suivante : est-ce que le travail paye encore ? Si tel est le cas, le pays acceptera de travailler davantage. Peut-on vivre sans travailler ? Nous sommes le seul pays au monde à avoir nommé un ministre du temps libre. L'expérience n'a pas été reconduite, mais était révélatrice de la situation de notre pays.
Le travail doit être récompensé. Dans le système de valeurs qui est le mien, celui qui travaille plus que les autres et prend plus de risques que les autres peut légitimement revendiquer de gagner plus que les autres. L'égalité républicaine ce n'est pas le même salaire pour tous, mais, au contraire, à chacun selon son mérite. Le travail, l'effort, la récompense, le mérite telles sont les valeurs républicaines qui doivent être les nôtres. Voilà ce que je proposerai aux Français. Au-delà des mesures techniques, des programmes et des engagements, nous devons savoir ce que nous voulons pour la France. Cette dernière ne souffre pas de trop de travail, mais de pas assez de travail. C'est une erreur que de vouloir partager le travail. Plus nombreux sont ceux qui travaillent, plus important est le pouvoir d'achat. Plus le pouvoir d'achat est important, plus la croissance est forte. Faire en sorte que le travail paye, c'est l'engagement que je veux prendre devant vous. Il y a trop de Français qui se disent qu'il est inutile de se donner du mal puisque les efforts ne sont pas récompensés.
A force de trembler devant toutes les pensées uniques et devant cette sociale démocratie un peu molle qui consiste à se rassembler autour d'idées qui ne veulent plus rien dire, on finit par décourager un pays. La classe moyenne n'est plus prête à en faire plus que les autres, car elle ne croit plus en la promotion sociale. Il ne faut pas confondre justice et nivellement, égalité et égalitarisme, solidarité et assistanat. Mes valeurs ne reposent pas sur l'égalitarisme. Je ne considère pas que la justice est satisfaite quand l'injustice frappe tout le monde. Je n'irai pas devant les Français pour leur dire que ce qui importe c'est qu'ils soient tous en retard. La pauvreté ne me paraît pas davantage acceptable parce qu'elle touche tout le monde. Je veux que l'on puisse se dire que si l'on s'engage davantage dans sa vie, on en sera récompensé.
Il y a 30 ans l'avenir était une espérance ; aujourd'hui il est une menace. Voilà ce qui a changé. J'ai été élevé par mon grand-père, lequel n'a cessé de me dire que j'avais beaucoup de chance et que j'allais vivre une période formidable. Il pensait que la société que je connaîtrai serait celle des grandes découvertes et des grands progrès. Il était persuadé, lui qui avait fait la première guerre mondiale, que mon avenir serait meilleur. Qui aujourd'hui dit à ses enfants ou petits enfants que l'avenir sera une espérance ? A quoi doit servir la politique si ce n'est à refaire de l'avenir une espérance ! Se dire que ce que vous avez accompli permettra à vos enfants de connaître une vie un peu moins difficile que celle que vous avez connue et que les efforts que vous avez engagés ne disparaîtront pas dans les sables mouvants. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'exonération des droits de succession. Non pas parce que cette mesure favoriserait la compétitivité de la France, mais parce que je crois au travail et à la famille. Qu'est-ce qui donne du sens à la vie si ce n'est de travailler pour ses enfants ?
J'aimerais comprendre au nom de quoi, lorsque l'on a travaillé tout au long de sa vie, on devrait s'excuser d'avoir acquis un patrimoine. J'ai assisté à la télévision à un débat hallucinant qui consistait à se demander s'il était normal d'instaurer des impôts sur les successions entre le conjoint survivant et le conjoint décédé. Il faudrait non seulement payer des impôts une première fois entre les conjoints, puis une seconde entre le conjoint survivant et les enfants. Ceci ne correspond pas à mon système de valeurs. Pour moi, l'égalité des chances ne consiste pas à retirer le patrimoine de celui qui a mis toute une vie à le construire, mais à faire en sorte que celui qui naît dans une famille sans patrimoine ait autant de chance que celui qui naît dans une famille lui léguant un patrimoine.
Nous n'allons pas nous excuser de n'avoir jamais été au chômage de notre vie. Nous n'allons pas nous excuser d'avoir eu des parents qui ont travaillé plus que les autres. Je suis prêt à avoir ce débat avec qui le veut. En effet, à quoi sert-il de marteler que la famille est importante si l'on ne peut léguer le fruit de son travail à ses enfants ? J'ajoute que je ne fais pas la différence entre la résidence principale et les parts dans une entreprise. Quelqu'un qui a travaillé doit pouvoir faire ce qu'il veut de son argent. Il ne revient pas à l'Etat de décréter que ce qui est investi dans un secteur est exonéré et ce qui l'est dans un autre ne l'est pas. Nous devons laisser les gens travailler.
Je me trouvais hier à Limoges où j'ai rencontré les ouvrières de la société Legrand. Elles gagnent 950 euros pour 32 heures de travail. Pas une ne m'a dit qu'elle souhaitait travailler moins, toutes m'ont assuré vouloir gagner davantage. Les RTT et les 35 heures ne profitent qu'aux cadres. Il est difficile de vivre avec 950 ou 1 200 euros par mois. Il existe un réel problème de pouvoir d'achat. Tout est fait pour décourager le travail supplémentaire. Je veux proposer une véritable révolution culturelle et tout faire pour encourager ce dernier. Les heures supplémentaires permettent d'accroître le pouvoir d'achat. Personne n'y a recours car le plafonnement des cotisations les rend coûteuses. Je conteste la logique consistant à payer des cotisations sur les heures supplémentaires. Si la durée hebdomadaire est de 35 heures, j'estime avoir payé mon forfait de cotisation sociale en travaillant cette durée. Je suis par conséquent favorable à l'exonération des charges sur les heures supplémentaires. De cette façon, les entrepreneurs y auront plus facilement recours, ce qui permettra d'accroître le pouvoir d'achat et de contribuer à la croissance. Comment peut-on continuer à promettre aux Français qu'ils gagneront plus en travaillant moins !
Comment augmenter les salaires si ce n'est en permettant aux Français de travailler davantage ? Non seulement je suis pour la liberté de travailler plus de 35 heures dans le secteur privé, mais je veux que les mêmes règles soient appliquées au secteur public. C'est, je le reconnais, une idée très originale. Il faut cependant savoir que, bien souvent, les fonctionnaires sont victimes et non pas coupables. J'ai été maire pendant 20 ans, je suis président d'une grande collectivité territoriale. Je connais beaucoup de fonctionnaires qui veulent travailler davantage. Ces derniers perçoivent des salaires peu élevés et aimeraient avoir un appartement plus grand ou pouvoir offrir de meilleures écoles à leurs enfants. Au nom de quoi empêcherions-nous des cantonniers, des jardiniers, des policiers municipaux, des agents de l'état civil de travailler davantage. Si seulement nos administrations étaient ouvertes aux horaires et aux jours où nous pouvons nous y rendre. Est-ce une proposition si originale ? Les fonctionnaires effectueraient des heures supplémentaires et amélioreraient leur pouvoir d'achat, ce qui permettrait d'éviter la paupérisation.
Je souhaite que cette campagne s'apparente à un référendum. Que nous évoquions devant les Français un certain nombre de sujets en toute clarté, en toute transparence et en toute loyauté. Dire ce que l'on pense et faire ce que l'on dit, c'est ma façon de respecter les gens. Ma stratégie est simple : je veux tout dire avant parce que j'entends tout faire après. Non seulement je compte évoquer les régimes spéciaux, mais j'entends également agir dans ce domaine. Le gouvernement d'Edouard Balladur a réformé le système de retraite des 22 millions de salariés du privé. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a étendu la réforme aux agents du secteur public. Au nom de la République, de l'égalité républicaine et du respect dû aux bénéficiaires des régimes spéciaux, la question de leur réforme se pose. Je tiendrais cependant compte de la pénibilité du travail. Une ouvrière de Legrand m'a confié se lever à 3 heures 45 depuis 25 ans. Je comprends qu'elle se sente fatiguée. Il est normal que ceux qui ont un travail physiquement plus pénible que les autres puissent partir plus tôt en retraite. A l'inverse, conduire un bus roulant à l'éthanol à Rouen ne justifie pas un départ en retraite à 52 ans. De la même façon, je pense que conduire un TGV constitue une lourde responsabilité mais se révèle beaucoup moins pénible que conduire une machine à vapeur.
En outre, je ne vois pas pour quelles raisons instaurer une date couperet de départ en retraite. A ce titre, j'avais été extrêmement choquée de la décision parfaitement ridicule qui avait consisté à mettre en retraite le professeur Montagnier. Puisque nous l'avons empêché de travailler en France, il a accepté le pont d'or offert par les Américains et s'en est allé faire bénéficier la recherche américaine de son intelligence. Ce n'est pas le professeur Montagnier qui est trop vieux, mais le statut qui a provoqué son départ qui est archaïque. Laissons aux Français la liberté de choisir l'âge de leur départ en retraite. De la même façon, pourquoi interdire aux retraités d'exercer un emploi de complément à tiers-temps ou à mi-temps. En réalité, la société que je souhaite est une société où l'on a le choix et où l'on assume les conséquences de ses choix. Je veux offrir aux Français la liberté de travailler, de choisir et d'adapter leur vie. Cette liberté ce n'est pas l'opposition de la France qui gagne à la France qui perd. Je suis persuadé que chacun connaît dans sa vie des périodes où il a envie de travailler plus et d'autres où il a envie de travailler moins. Laissons aux Français le choix.
Je ne suis pas d'accord avec un certain nombre d'idées actuelles. Au nom de la démocratisation, il faudrait que le maximum de jeunes obtiennent le baccalauréat et accèdent à l'université. La démocratisation par la dévalorisation des diplômes n'a aucun sens. La seule démocratisation qui vaille est celle qui permet à tout le monde de tendre vers l'excellence. Ce n'est pas celle qui contraint à l'égalitarisme, au nivellement et à l'assistanat. A quoi sert le baccalauréat si le niveau de ce dernier a été abaissé pour que tout le monde l'obtienne ? Le droit à l'excellence doit passer par des idées simples qui correspondent aux valeurs qui sont les vôtres. Affirmer que le passage dans la classe supérieure est un droit, c'est conduire les enfants vers une situation d'échec. Ce sont les valeurs propres à notre monde : le travail, le mérite, l'effort, l'excellence, l'humilité, la rigueur, la véritable solidarité qu'il convient de rétablir. Tout le monde parle de solidarité. Mon ambition est de dénoncer les véritables injustices. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui veut emprunter doit passer une visite médicale. Il n'est pas normal qu'un prêt coûte plus cher à une personne qui est malade. J'estime que l'Etat doit, dans ce cas, se porter caution. Il est en effet inacceptable qu'un emprunt coûte plus cher à un malade qui n'y peut mais. Voilà la véritable solidarité, celle qui est méritée. Non pas la solidarité de ceux qui ont la garantie de l'emploi et qui en plus s'arrogent le droit de manifester et de bloquer l'économie, mais celle qui s'attaque aux vraies injustices.
Cette campagne doit être l'occasion d'aborder tous les sujets, y compris celui du droit de grève. J'ai demandé que dans les universités, les entreprises et les administrations un vote soit organisé à bulletin secret dans les 8 jours afin de s'assurer que la grève n'est pas imposée par une minorité. Je suis également favorable à imposer un service minimum. Une entreprise ne peut à la fois avoir un monopole et refuser d'assurer un service minimum. Vous avez peut-être le sentiment que ces sujets n'ont pas de rapport avec votre congrès. Il ne faut pas compter sur moi pour manier la langue de bois. Mon ambition est qu'en partant vous sachiez très exactement ce que je pense. Je crois en effet que la démocratie française souffre d'un problème d'authenticité, de sincérité et de vérité.
Les Français sont beaucoup plus lucides et attentifs à la politique qu'on ne l'imagine. Ils sont en quête d'un discours de vérité et en ont assez des discours alambiqués supportés depuis des années. Un français sur deux ne vote plus. Un quart vote pour les extrêmes. 55 % se prononcent contre la constitution européenne. Les Français ne croient plus en la parole politique. Et je devrais vous proposer de faire de la politique comme si rien ne s'était passé ! J'ai parlé de rupture car je pense qu'au fond il n'y pas pire risque que celui qui consiste à ne pas en prendre. Vous avez compris que je veux prendre tous les risques car je ne me résous pas à voir la France emprunter des chemins qu'aucun autre pays au monde n'emprunte.
Je veux le meilleur pour mon pays. Des pays voisins ont retrouvé le plein emploi. Il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas en France. Pourquoi continuerions-nous à laisser des Français aller faire la fortune de la Belgique, de Monaco et de la Suisse ? Pourquoi devrions-nous nous résoudre à n'accueillir en France que des personnes à qui nous n'avons à proposer ni logement ni emploi ? Personne ne peut me reprocher de vouloir le meilleur pour la France et de tirer les conséquences des tsunamis politiques que nous avons connus. Il faut, à un moment donné, ne pas hésiter à mettre les pieds dans le plat. Il faut avec raison mais avec force, avec modération mais avec détermination affirmer qu'il existe une alternative. Pour faire différemment, j'ai besoin de vous. Non pas comme spectateurs mais comme acteurs. Vous avez les responsables politiques que vous méritez. C'est vous qui les choisissez. Le rendez-vous de 2007 sera aussi important que ceux de 1958 et de 1981. Choisissons-nous comme les autres la voie du travail, du mérite et de l'excellence ou optons-nous pour celle des 35 heures, seul produit inexportable et qui ne risque pas d'être délocalisé ? Vous n'êtes pas simplement des artisans. Vous êtes également des citoyens. Prenez vos responsabilités et choisissez sur le marché politique. J'ai une idée sur ce point, mais je vous laisse vous faire une opinion.
Philippe BALLARD - La première question du panel porte sur le dialogue social et notamment sur les modalités de son financement.
Eric LALANDE - Je suis artisan-menuisier dans le Lot. Au même titre que les grandes entreprises, nous souhaitons avoir des lieux de concertation afin d'encourager le dialogue social. Quel est votre sentiment sur ce sujet ? Quelles doivent être selon vous les modalités de financement du dialogue social ?
Nicolas SARKOZY - La France souffre d'avoir des syndicats trop faibles et non pas trop puissants. En effet, plus les membres d'un syndicat sont nombreux, plus ce dernier est responsable et constructif. Moins ses membres sont nombreux, plus il se tourne vers la frange la plus radicale et la plus sectaire. Les syndicats à forte assise populaire sont des syndicats responsables. Ceux qui ne représentent qu'une minorité sont les plus durs. Le constat est le même pour les partis politiques. Nous essayons de faire de l'UMP un grand mouvement populaire car nous voulons que notre formation ressemble à notre électorat. Plus vous élargissez la base des syndicats, plus ces derniers sont responsables. Ce sont les syndicats minoritaires qui se montrent les plus sectaires. Nous n'avons rien à craindre à avoir des syndicats de salariés forts.
Je n'ai toujours pas compris pourquoi les 5 centrales syndicales qui se sont bien comportées au lendemain de la guerre disposaient d'un monopole de présentation au premier tour. Je suis favorable à la liberté de présentation dès le premier tour. Je souhaite très clairement que le monopole soit supprimé.
Enfin, je pense qu'il faut encourager nos concitoyens à s'engager dans les syndicats pour que ces derniers ne soient pas tenus par une minorité politique dont l'idéologie est connue. C'est un enjeu considérable. Le constat est similaire s'agissant des partis politiques. Si vous souhaitez avoir des partis politiques qui vous ressemblent, vous devez y adhérer. La démocratie ne peut fonctionner si les Français ne participe ni à la politique, ni au débat social. Vous devez pénétrer la démocratie sociale et encourager le dialogue social au sein de vos entreprises. Je souhaite que le nombre d'adhérents des syndicats et des partis politiques augmente et que le dialogue social soit conduit avec des organisations responsables et apolitiques. Je suis tout à fait prêt à étudier, avec votre organisation, les moyens de promouvoir le dialogue social. Je pense notamment aux effets de seuil qui font un mal considérable aux entreprises. Nous pourrions lisser les changements au fil de l'année et élargir le changement de seuil à 5 ou 10 unités. Ce pourrait être un des premiers sujets abordés dans le cadre des discussions sur le dialogue social.
J'ajoute que je voudrais qu'une réflexion soit engagée sur le contrat de travail unique. J'en ai assez de la bataille entre le CDD assimilé à l'enfer et le CDI comparé au paradis. Je me demande si la meilleure solution, indépendamment au contrat de projet auquel je suis favorable, ne consisterait pas à mettre en place un contrat de travail unique dont les droits sociaux augmenteraient à dû prorata de l'ancienneté.
Jany MATHIEU - Allez-vous étendre l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat ?
Nicolas SARKOZY - La grande entreprise ne peut être le seul lieu du dialogue social. Dans les branches qui sont les vôtres, il est indispensable de rénover les conditions du dialogue social. Nous ne pouvons en effet nous en tenir à l'image caricaturale du chef d'entreprise et de l'artisan. Dans l'entreprise comme dans la politique, certains comportements pénalisent l'image de l'ensemble. Je ne vois que des avantages à ce que nous nous dissocions de comportements qui jettent l'opprobre sur l'ensemble d'une profession. La solidarité ne consiste pas à accepter des comportements honteux.
Pierre PERRIN - Madame rappelait qu'un accord avait été signé en décembre 2001 mais que, s'agissant des confédérations du bâtiment et des services, il n'avait pas été étendu. Nous avons pris la responsabilité de prendre en charge le financement du dialogue social. Nous attendons désormais que l'accord soit étendu et que nous puissions fonctionner normalement. Notre liberté est pour le moment arrêtée et nous le déplorons.
Nicolas SARKOZY - La branche constitue une solution à la petitesse des entreprises que vous représentez. Je ne vois que des avantages à votre proposition. Dans le monde politique comme dans celui des entreprises, nous ne pouvons plus accepter que des gens nuisent à l'image de nos métiers respectifs. L'opinion publique est parfois choquée par des attitudes condamnables. Il est normal que ceux qui travaillent plus et réussissent gagnent davantage. En revanche, il n'est pas normal que ceux qui ont conduit des entreprises à la faillite partent avec des golden parachutes. D'une part cela ne correspond pas à mon système de valeurs et d'autre part cela pénalise l'ensemble d'une profession qui se retrouve associée à des comportements injustes. Un patron n'est pas patron de droit divin. Une démocratie apaisée est une démocratie où il doit être possible d'échanger. Donc, je suis d'accord avec cet élargissement que vous demandez.
Anne-Marie DEMONCY - Je représente les artisans-pâtissiers et à travers eux la CGAD. Lorsque vous étiez Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, vous avez commandé un rapport sur les choix économiques et budgétaires en faveur de la croissance. Ce dernier indiquait que les contrats temporaires se développaient au détriment des contrats à durée indéterminée. La création d'un contrat de travail unique était préconisée ? Quelle est votre position sur ce point ?
Nicolas SARKOZY - Nous évoluons dans un système invraisemblable. Jamais un chef d'entreprise ne s'est senti aussi encadré dans sa liberté et jamais les salariés ne se sont sentis aussi menacés par la précarité. Les chefs d'entreprise ne cessent de réclamer davantage de flexibilité et de dénoncer une rigidité chaque jour plus grande. Les salariés quant à eux se plaignent d'une précarité chaque jour plus grande. Il s'agit donc d'un système perdant-perdant. Les chefs d'entreprise veulent moins d'incertitude en cas de décision de licenciement. Ne pouvons nous pas limiter dans le temps cette procédure et négocier avec les salariés une augmentation des indemnités ou une amélioration des reclassements par un engagement de formation plus ambitieux.
Au lieu de nous regarder en chiens de faïence, les uns réclamant de la fiscalité ; les autres protestant de la précarité, ne pouvons-nous pas ensemble définir une flexi-sécurité à la française qui donne plus de sécurité aux chefs d'entreprise et davantage de garanties aux salariés. En effet, ces derniers veulent avoir l'assurance de pouvoir apprendre un autre métier pour pouvoir occuper une autre fonction. C'est dans ce cadre que nous avons fait la proposition du contrat de travail unique qui n'est pas contradictoire avec le contrat de projet.
Le droit du travail est devenu absurdement complexe. Les lois nouvelles changent avant même que les premières jurisprudences sortent. Il y a matière à profondément renouveler les concepts qui sont les nôtres. Je suis persuadé que la flexibilité n'est pas opposée à la sécurité que demandent vos salariés. Ces derniers doivent avoir la certitude, en cas de perte d'emploi, qu'ils auront un droit à la formation individuelle qui leur permettra de trouver plus facilement un emploi dans un autre secteur. La sécurité ce n'est pas se battre pour défendre des emplois qui sont condamnés.
J'ajoute qu'il faut absolument en finir avec cette habitude de regarder les petits boulots avec commisération. Le petit boulot me paraît en effet infiniment préférable à la petite assistance. Un petit salaire est toujours préférable à un petit RMI qui permet tout juste de survivre. On ne peut vivre debout qu'en faisant vivre sa famille du fruit de son travail. Je demande par conséquent que tous les titulaires des minima sociaux aient l'obligation d'exercer une activité en échange de la solidarité nationale. Je ne suis pas opposé à l'augmentation des indemnités de chômage si cette dernière s'assortit de l'obligation pour un chômeur d'accepter les opportunités d'emplois qui lui sont offertes. Voilà la vraie justice sociale et la véritable révolution culturelle que j'appelle de mes voeux. Source http://www.upa.fr, le 7 novembre 2006
Je suis très heureux d'être parmi vous. Je souhaite en préambule m'exprimer sur l'actualité économique et sociale du moment. Je fais bien entendu allusion à l'annulation hier par le Conseil d'Etat du décret sur la durée du travail dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Cette décision crée un flou juridique dont l'impact rétroactif risque de désorganiser tout un secteur d'activité sans s'accompagner d'aucun progrès social pour le personnel. C'est un système comme la France les aime, c'est-à-dire un système où tout le monde perd. Chacun doit prendre ses responsabilités. Les organisations patronales et les syndicats de salariés doivent s'asseoir sans délai autour de la table de négociation pour réexaminer l'accord de 2004. Les pouvoirs publics doivent quant à eux envisager d'atténuer par la loi les conséquences de cette décision de justice, voire d'étendre très rapidement les dispositions du nouvel accord qui serait ainsi trouvé. Je ne comprends pas pourquoi nous sommes le seul pays où nous continuons à nous mobiliser pour empêcher les gens qui veulent travailler plus de pouvoir le faire.
J'entends parfaitement qu'un salarié puisse faire le choix de travailler 35 heures. Madame Voynet réclame les 32 heures. Je me demande pourquoi elle ne se prononce pas en faveur des 28 heures. Nous pourrions d'ailleurs avoir comme objectif de ne plus nous lever du tout. Empêchez les gens de gagner davantage en travaillant plus me semble parfaitement contraire aux valeurs de notre société. Je pense qu'une politique économique digne de ce nom repose moins sur des mesures techniques que sur des valeurs traduites dans les faits. Or le travail est l'une des premières valeurs faisant la spécificité de la société française. Vous pouvez prendre autant de mesures techniques que vous le voulez, elles ne servent à rien si vous ne récompensez pas le travail. La question qui est posée dans notre pays est la suivante : est-ce que le travail paye encore ? Si tel est le cas, le pays acceptera de travailler davantage. Peut-on vivre sans travailler ? Nous sommes le seul pays au monde à avoir nommé un ministre du temps libre. L'expérience n'a pas été reconduite, mais était révélatrice de la situation de notre pays.
Le travail doit être récompensé. Dans le système de valeurs qui est le mien, celui qui travaille plus que les autres et prend plus de risques que les autres peut légitimement revendiquer de gagner plus que les autres. L'égalité républicaine ce n'est pas le même salaire pour tous, mais, au contraire, à chacun selon son mérite. Le travail, l'effort, la récompense, le mérite telles sont les valeurs républicaines qui doivent être les nôtres. Voilà ce que je proposerai aux Français. Au-delà des mesures techniques, des programmes et des engagements, nous devons savoir ce que nous voulons pour la France. Cette dernière ne souffre pas de trop de travail, mais de pas assez de travail. C'est une erreur que de vouloir partager le travail. Plus nombreux sont ceux qui travaillent, plus important est le pouvoir d'achat. Plus le pouvoir d'achat est important, plus la croissance est forte. Faire en sorte que le travail paye, c'est l'engagement que je veux prendre devant vous. Il y a trop de Français qui se disent qu'il est inutile de se donner du mal puisque les efforts ne sont pas récompensés.
A force de trembler devant toutes les pensées uniques et devant cette sociale démocratie un peu molle qui consiste à se rassembler autour d'idées qui ne veulent plus rien dire, on finit par décourager un pays. La classe moyenne n'est plus prête à en faire plus que les autres, car elle ne croit plus en la promotion sociale. Il ne faut pas confondre justice et nivellement, égalité et égalitarisme, solidarité et assistanat. Mes valeurs ne reposent pas sur l'égalitarisme. Je ne considère pas que la justice est satisfaite quand l'injustice frappe tout le monde. Je n'irai pas devant les Français pour leur dire que ce qui importe c'est qu'ils soient tous en retard. La pauvreté ne me paraît pas davantage acceptable parce qu'elle touche tout le monde. Je veux que l'on puisse se dire que si l'on s'engage davantage dans sa vie, on en sera récompensé.
Il y a 30 ans l'avenir était une espérance ; aujourd'hui il est une menace. Voilà ce qui a changé. J'ai été élevé par mon grand-père, lequel n'a cessé de me dire que j'avais beaucoup de chance et que j'allais vivre une période formidable. Il pensait que la société que je connaîtrai serait celle des grandes découvertes et des grands progrès. Il était persuadé, lui qui avait fait la première guerre mondiale, que mon avenir serait meilleur. Qui aujourd'hui dit à ses enfants ou petits enfants que l'avenir sera une espérance ? A quoi doit servir la politique si ce n'est à refaire de l'avenir une espérance ! Se dire que ce que vous avez accompli permettra à vos enfants de connaître une vie un peu moins difficile que celle que vous avez connue et que les efforts que vous avez engagés ne disparaîtront pas dans les sables mouvants. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'exonération des droits de succession. Non pas parce que cette mesure favoriserait la compétitivité de la France, mais parce que je crois au travail et à la famille. Qu'est-ce qui donne du sens à la vie si ce n'est de travailler pour ses enfants ?
J'aimerais comprendre au nom de quoi, lorsque l'on a travaillé tout au long de sa vie, on devrait s'excuser d'avoir acquis un patrimoine. J'ai assisté à la télévision à un débat hallucinant qui consistait à se demander s'il était normal d'instaurer des impôts sur les successions entre le conjoint survivant et le conjoint décédé. Il faudrait non seulement payer des impôts une première fois entre les conjoints, puis une seconde entre le conjoint survivant et les enfants. Ceci ne correspond pas à mon système de valeurs. Pour moi, l'égalité des chances ne consiste pas à retirer le patrimoine de celui qui a mis toute une vie à le construire, mais à faire en sorte que celui qui naît dans une famille sans patrimoine ait autant de chance que celui qui naît dans une famille lui léguant un patrimoine.
Nous n'allons pas nous excuser de n'avoir jamais été au chômage de notre vie. Nous n'allons pas nous excuser d'avoir eu des parents qui ont travaillé plus que les autres. Je suis prêt à avoir ce débat avec qui le veut. En effet, à quoi sert-il de marteler que la famille est importante si l'on ne peut léguer le fruit de son travail à ses enfants ? J'ajoute que je ne fais pas la différence entre la résidence principale et les parts dans une entreprise. Quelqu'un qui a travaillé doit pouvoir faire ce qu'il veut de son argent. Il ne revient pas à l'Etat de décréter que ce qui est investi dans un secteur est exonéré et ce qui l'est dans un autre ne l'est pas. Nous devons laisser les gens travailler.
Je me trouvais hier à Limoges où j'ai rencontré les ouvrières de la société Legrand. Elles gagnent 950 euros pour 32 heures de travail. Pas une ne m'a dit qu'elle souhaitait travailler moins, toutes m'ont assuré vouloir gagner davantage. Les RTT et les 35 heures ne profitent qu'aux cadres. Il est difficile de vivre avec 950 ou 1 200 euros par mois. Il existe un réel problème de pouvoir d'achat. Tout est fait pour décourager le travail supplémentaire. Je veux proposer une véritable révolution culturelle et tout faire pour encourager ce dernier. Les heures supplémentaires permettent d'accroître le pouvoir d'achat. Personne n'y a recours car le plafonnement des cotisations les rend coûteuses. Je conteste la logique consistant à payer des cotisations sur les heures supplémentaires. Si la durée hebdomadaire est de 35 heures, j'estime avoir payé mon forfait de cotisation sociale en travaillant cette durée. Je suis par conséquent favorable à l'exonération des charges sur les heures supplémentaires. De cette façon, les entrepreneurs y auront plus facilement recours, ce qui permettra d'accroître le pouvoir d'achat et de contribuer à la croissance. Comment peut-on continuer à promettre aux Français qu'ils gagneront plus en travaillant moins !
Comment augmenter les salaires si ce n'est en permettant aux Français de travailler davantage ? Non seulement je suis pour la liberté de travailler plus de 35 heures dans le secteur privé, mais je veux que les mêmes règles soient appliquées au secteur public. C'est, je le reconnais, une idée très originale. Il faut cependant savoir que, bien souvent, les fonctionnaires sont victimes et non pas coupables. J'ai été maire pendant 20 ans, je suis président d'une grande collectivité territoriale. Je connais beaucoup de fonctionnaires qui veulent travailler davantage. Ces derniers perçoivent des salaires peu élevés et aimeraient avoir un appartement plus grand ou pouvoir offrir de meilleures écoles à leurs enfants. Au nom de quoi empêcherions-nous des cantonniers, des jardiniers, des policiers municipaux, des agents de l'état civil de travailler davantage. Si seulement nos administrations étaient ouvertes aux horaires et aux jours où nous pouvons nous y rendre. Est-ce une proposition si originale ? Les fonctionnaires effectueraient des heures supplémentaires et amélioreraient leur pouvoir d'achat, ce qui permettrait d'éviter la paupérisation.
Je souhaite que cette campagne s'apparente à un référendum. Que nous évoquions devant les Français un certain nombre de sujets en toute clarté, en toute transparence et en toute loyauté. Dire ce que l'on pense et faire ce que l'on dit, c'est ma façon de respecter les gens. Ma stratégie est simple : je veux tout dire avant parce que j'entends tout faire après. Non seulement je compte évoquer les régimes spéciaux, mais j'entends également agir dans ce domaine. Le gouvernement d'Edouard Balladur a réformé le système de retraite des 22 millions de salariés du privé. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a étendu la réforme aux agents du secteur public. Au nom de la République, de l'égalité républicaine et du respect dû aux bénéficiaires des régimes spéciaux, la question de leur réforme se pose. Je tiendrais cependant compte de la pénibilité du travail. Une ouvrière de Legrand m'a confié se lever à 3 heures 45 depuis 25 ans. Je comprends qu'elle se sente fatiguée. Il est normal que ceux qui ont un travail physiquement plus pénible que les autres puissent partir plus tôt en retraite. A l'inverse, conduire un bus roulant à l'éthanol à Rouen ne justifie pas un départ en retraite à 52 ans. De la même façon, je pense que conduire un TGV constitue une lourde responsabilité mais se révèle beaucoup moins pénible que conduire une machine à vapeur.
En outre, je ne vois pas pour quelles raisons instaurer une date couperet de départ en retraite. A ce titre, j'avais été extrêmement choquée de la décision parfaitement ridicule qui avait consisté à mettre en retraite le professeur Montagnier. Puisque nous l'avons empêché de travailler en France, il a accepté le pont d'or offert par les Américains et s'en est allé faire bénéficier la recherche américaine de son intelligence. Ce n'est pas le professeur Montagnier qui est trop vieux, mais le statut qui a provoqué son départ qui est archaïque. Laissons aux Français la liberté de choisir l'âge de leur départ en retraite. De la même façon, pourquoi interdire aux retraités d'exercer un emploi de complément à tiers-temps ou à mi-temps. En réalité, la société que je souhaite est une société où l'on a le choix et où l'on assume les conséquences de ses choix. Je veux offrir aux Français la liberté de travailler, de choisir et d'adapter leur vie. Cette liberté ce n'est pas l'opposition de la France qui gagne à la France qui perd. Je suis persuadé que chacun connaît dans sa vie des périodes où il a envie de travailler plus et d'autres où il a envie de travailler moins. Laissons aux Français le choix.
Je ne suis pas d'accord avec un certain nombre d'idées actuelles. Au nom de la démocratisation, il faudrait que le maximum de jeunes obtiennent le baccalauréat et accèdent à l'université. La démocratisation par la dévalorisation des diplômes n'a aucun sens. La seule démocratisation qui vaille est celle qui permet à tout le monde de tendre vers l'excellence. Ce n'est pas celle qui contraint à l'égalitarisme, au nivellement et à l'assistanat. A quoi sert le baccalauréat si le niveau de ce dernier a été abaissé pour que tout le monde l'obtienne ? Le droit à l'excellence doit passer par des idées simples qui correspondent aux valeurs qui sont les vôtres. Affirmer que le passage dans la classe supérieure est un droit, c'est conduire les enfants vers une situation d'échec. Ce sont les valeurs propres à notre monde : le travail, le mérite, l'effort, l'excellence, l'humilité, la rigueur, la véritable solidarité qu'il convient de rétablir. Tout le monde parle de solidarité. Mon ambition est de dénoncer les véritables injustices. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui veut emprunter doit passer une visite médicale. Il n'est pas normal qu'un prêt coûte plus cher à une personne qui est malade. J'estime que l'Etat doit, dans ce cas, se porter caution. Il est en effet inacceptable qu'un emprunt coûte plus cher à un malade qui n'y peut mais. Voilà la véritable solidarité, celle qui est méritée. Non pas la solidarité de ceux qui ont la garantie de l'emploi et qui en plus s'arrogent le droit de manifester et de bloquer l'économie, mais celle qui s'attaque aux vraies injustices.
Cette campagne doit être l'occasion d'aborder tous les sujets, y compris celui du droit de grève. J'ai demandé que dans les universités, les entreprises et les administrations un vote soit organisé à bulletin secret dans les 8 jours afin de s'assurer que la grève n'est pas imposée par une minorité. Je suis également favorable à imposer un service minimum. Une entreprise ne peut à la fois avoir un monopole et refuser d'assurer un service minimum. Vous avez peut-être le sentiment que ces sujets n'ont pas de rapport avec votre congrès. Il ne faut pas compter sur moi pour manier la langue de bois. Mon ambition est qu'en partant vous sachiez très exactement ce que je pense. Je crois en effet que la démocratie française souffre d'un problème d'authenticité, de sincérité et de vérité.
Les Français sont beaucoup plus lucides et attentifs à la politique qu'on ne l'imagine. Ils sont en quête d'un discours de vérité et en ont assez des discours alambiqués supportés depuis des années. Un français sur deux ne vote plus. Un quart vote pour les extrêmes. 55 % se prononcent contre la constitution européenne. Les Français ne croient plus en la parole politique. Et je devrais vous proposer de faire de la politique comme si rien ne s'était passé ! J'ai parlé de rupture car je pense qu'au fond il n'y pas pire risque que celui qui consiste à ne pas en prendre. Vous avez compris que je veux prendre tous les risques car je ne me résous pas à voir la France emprunter des chemins qu'aucun autre pays au monde n'emprunte.
Je veux le meilleur pour mon pays. Des pays voisins ont retrouvé le plein emploi. Il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas en France. Pourquoi continuerions-nous à laisser des Français aller faire la fortune de la Belgique, de Monaco et de la Suisse ? Pourquoi devrions-nous nous résoudre à n'accueillir en France que des personnes à qui nous n'avons à proposer ni logement ni emploi ? Personne ne peut me reprocher de vouloir le meilleur pour la France et de tirer les conséquences des tsunamis politiques que nous avons connus. Il faut, à un moment donné, ne pas hésiter à mettre les pieds dans le plat. Il faut avec raison mais avec force, avec modération mais avec détermination affirmer qu'il existe une alternative. Pour faire différemment, j'ai besoin de vous. Non pas comme spectateurs mais comme acteurs. Vous avez les responsables politiques que vous méritez. C'est vous qui les choisissez. Le rendez-vous de 2007 sera aussi important que ceux de 1958 et de 1981. Choisissons-nous comme les autres la voie du travail, du mérite et de l'excellence ou optons-nous pour celle des 35 heures, seul produit inexportable et qui ne risque pas d'être délocalisé ? Vous n'êtes pas simplement des artisans. Vous êtes également des citoyens. Prenez vos responsabilités et choisissez sur le marché politique. J'ai une idée sur ce point, mais je vous laisse vous faire une opinion.
Philippe BALLARD - La première question du panel porte sur le dialogue social et notamment sur les modalités de son financement.
Eric LALANDE - Je suis artisan-menuisier dans le Lot. Au même titre que les grandes entreprises, nous souhaitons avoir des lieux de concertation afin d'encourager le dialogue social. Quel est votre sentiment sur ce sujet ? Quelles doivent être selon vous les modalités de financement du dialogue social ?
Nicolas SARKOZY - La France souffre d'avoir des syndicats trop faibles et non pas trop puissants. En effet, plus les membres d'un syndicat sont nombreux, plus ce dernier est responsable et constructif. Moins ses membres sont nombreux, plus il se tourne vers la frange la plus radicale et la plus sectaire. Les syndicats à forte assise populaire sont des syndicats responsables. Ceux qui ne représentent qu'une minorité sont les plus durs. Le constat est le même pour les partis politiques. Nous essayons de faire de l'UMP un grand mouvement populaire car nous voulons que notre formation ressemble à notre électorat. Plus vous élargissez la base des syndicats, plus ces derniers sont responsables. Ce sont les syndicats minoritaires qui se montrent les plus sectaires. Nous n'avons rien à craindre à avoir des syndicats de salariés forts.
Je n'ai toujours pas compris pourquoi les 5 centrales syndicales qui se sont bien comportées au lendemain de la guerre disposaient d'un monopole de présentation au premier tour. Je suis favorable à la liberté de présentation dès le premier tour. Je souhaite très clairement que le monopole soit supprimé.
Enfin, je pense qu'il faut encourager nos concitoyens à s'engager dans les syndicats pour que ces derniers ne soient pas tenus par une minorité politique dont l'idéologie est connue. C'est un enjeu considérable. Le constat est similaire s'agissant des partis politiques. Si vous souhaitez avoir des partis politiques qui vous ressemblent, vous devez y adhérer. La démocratie ne peut fonctionner si les Français ne participe ni à la politique, ni au débat social. Vous devez pénétrer la démocratie sociale et encourager le dialogue social au sein de vos entreprises. Je souhaite que le nombre d'adhérents des syndicats et des partis politiques augmente et que le dialogue social soit conduit avec des organisations responsables et apolitiques. Je suis tout à fait prêt à étudier, avec votre organisation, les moyens de promouvoir le dialogue social. Je pense notamment aux effets de seuil qui font un mal considérable aux entreprises. Nous pourrions lisser les changements au fil de l'année et élargir le changement de seuil à 5 ou 10 unités. Ce pourrait être un des premiers sujets abordés dans le cadre des discussions sur le dialogue social.
J'ajoute que je voudrais qu'une réflexion soit engagée sur le contrat de travail unique. J'en ai assez de la bataille entre le CDD assimilé à l'enfer et le CDI comparé au paradis. Je me demande si la meilleure solution, indépendamment au contrat de projet auquel je suis favorable, ne consisterait pas à mettre en place un contrat de travail unique dont les droits sociaux augmenteraient à dû prorata de l'ancienneté.
Jany MATHIEU - Allez-vous étendre l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat ?
Nicolas SARKOZY - La grande entreprise ne peut être le seul lieu du dialogue social. Dans les branches qui sont les vôtres, il est indispensable de rénover les conditions du dialogue social. Nous ne pouvons en effet nous en tenir à l'image caricaturale du chef d'entreprise et de l'artisan. Dans l'entreprise comme dans la politique, certains comportements pénalisent l'image de l'ensemble. Je ne vois que des avantages à ce que nous nous dissocions de comportements qui jettent l'opprobre sur l'ensemble d'une profession. La solidarité ne consiste pas à accepter des comportements honteux.
Pierre PERRIN - Madame rappelait qu'un accord avait été signé en décembre 2001 mais que, s'agissant des confédérations du bâtiment et des services, il n'avait pas été étendu. Nous avons pris la responsabilité de prendre en charge le financement du dialogue social. Nous attendons désormais que l'accord soit étendu et que nous puissions fonctionner normalement. Notre liberté est pour le moment arrêtée et nous le déplorons.
Nicolas SARKOZY - La branche constitue une solution à la petitesse des entreprises que vous représentez. Je ne vois que des avantages à votre proposition. Dans le monde politique comme dans celui des entreprises, nous ne pouvons plus accepter que des gens nuisent à l'image de nos métiers respectifs. L'opinion publique est parfois choquée par des attitudes condamnables. Il est normal que ceux qui travaillent plus et réussissent gagnent davantage. En revanche, il n'est pas normal que ceux qui ont conduit des entreprises à la faillite partent avec des golden parachutes. D'une part cela ne correspond pas à mon système de valeurs et d'autre part cela pénalise l'ensemble d'une profession qui se retrouve associée à des comportements injustes. Un patron n'est pas patron de droit divin. Une démocratie apaisée est une démocratie où il doit être possible d'échanger. Donc, je suis d'accord avec cet élargissement que vous demandez.
Anne-Marie DEMONCY - Je représente les artisans-pâtissiers et à travers eux la CGAD. Lorsque vous étiez Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, vous avez commandé un rapport sur les choix économiques et budgétaires en faveur de la croissance. Ce dernier indiquait que les contrats temporaires se développaient au détriment des contrats à durée indéterminée. La création d'un contrat de travail unique était préconisée ? Quelle est votre position sur ce point ?
Nicolas SARKOZY - Nous évoluons dans un système invraisemblable. Jamais un chef d'entreprise ne s'est senti aussi encadré dans sa liberté et jamais les salariés ne se sont sentis aussi menacés par la précarité. Les chefs d'entreprise ne cessent de réclamer davantage de flexibilité et de dénoncer une rigidité chaque jour plus grande. Les salariés quant à eux se plaignent d'une précarité chaque jour plus grande. Il s'agit donc d'un système perdant-perdant. Les chefs d'entreprise veulent moins d'incertitude en cas de décision de licenciement. Ne pouvons nous pas limiter dans le temps cette procédure et négocier avec les salariés une augmentation des indemnités ou une amélioration des reclassements par un engagement de formation plus ambitieux.
Au lieu de nous regarder en chiens de faïence, les uns réclamant de la fiscalité ; les autres protestant de la précarité, ne pouvons-nous pas ensemble définir une flexi-sécurité à la française qui donne plus de sécurité aux chefs d'entreprise et davantage de garanties aux salariés. En effet, ces derniers veulent avoir l'assurance de pouvoir apprendre un autre métier pour pouvoir occuper une autre fonction. C'est dans ce cadre que nous avons fait la proposition du contrat de travail unique qui n'est pas contradictoire avec le contrat de projet.
Le droit du travail est devenu absurdement complexe. Les lois nouvelles changent avant même que les premières jurisprudences sortent. Il y a matière à profondément renouveler les concepts qui sont les nôtres. Je suis persuadé que la flexibilité n'est pas opposée à la sécurité que demandent vos salariés. Ces derniers doivent avoir la certitude, en cas de perte d'emploi, qu'ils auront un droit à la formation individuelle qui leur permettra de trouver plus facilement un emploi dans un autre secteur. La sécurité ce n'est pas se battre pour défendre des emplois qui sont condamnés.
J'ajoute qu'il faut absolument en finir avec cette habitude de regarder les petits boulots avec commisération. Le petit boulot me paraît en effet infiniment préférable à la petite assistance. Un petit salaire est toujours préférable à un petit RMI qui permet tout juste de survivre. On ne peut vivre debout qu'en faisant vivre sa famille du fruit de son travail. Je demande par conséquent que tous les titulaires des minima sociaux aient l'obligation d'exercer une activité en échange de la solidarité nationale. Je ne suis pas opposé à l'augmentation des indemnités de chômage si cette dernière s'assortit de l'obligation pour un chômeur d'accepter les opportunités d'emplois qui lui sont offertes. Voilà la vraie justice sociale et la véritable révolution culturelle que j'appelle de mes voeux. Source http://www.upa.fr, le 7 novembre 2006