Texte intégral
Messieurs les ministres,
Cher Philippe,
Cher Dominique,
Chers François
Mesdames et messieurs les parlementaires
Monsieur le président du conseil régional,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le maire,
Je suis heureux de pouvoir clore ce cinquième forum du financement de l'innovation voulu par le Président de la République et mise en oeuvre par François LOOS. Vous tous, vous êtes l'énergie de ce pays, son talent, sa capacité d'innover. Vous avez su vous rassembler pour faire avancer notre pays. Je suis heureux d'être aujourd'hui ici à Toulouse avec Philippe DOUSTE-BLAZY qui me manque pas à chaque occasion de vanter la beauté et les mérites de cette ville.
Aujourd'hui la filière aéronautique dont vous êtes tous des acteurs traverse une période difficile. La concurrence est intense, notamment avec Boeing. Mais ma conviction, c'est qu'avec les talents, le savoir-faire et la détermination des hommes et des femmes qui font vivre ce secteur, nous pouvons surmonter ces difficultés. Les Français sont fiers de l'A380, qui est l'un des plus beaux programmes de l'industrie aéronautique. A nous de garantir son succès industriel et commercial dans les années à venir.
1. L'Europe, la France, Toulouse ont besoin d'un Airbus fort et d'une industrie aéronautique puissante.
Nous avons pris les mesures nécessaires pour répondre aux difficultés immédiates :
Nous avons confié à Louis GALLOIS l'avenir d'Airbus. Il connaît la filière. C'est l'homme de la situation. Je sais pouvoir compter sur lui.
Avec Dominique PERBEN, nous avons créé des groupes de travail afin de disposer du diagnostic le plus précis possible de la filière aéronautique en France et de trouver les réponses appropriées.
Cet après-midi, j'ai rencontré des chefs d'entreprises de l'ensemble du secteur, les élus de la région, les salariés. Ce qui m'a frappé, c'est le courage et la volonté de chacun : les entreprises du secteur, petites, moyennes et grandes, sont prêtes à se retrousser les manches. Comme dans chacune de vos entreprises c'est en unissant nos forces, en travaillant dans la même direction que nous pourrons passer ce cap.
L'Etat sera aux côtés d'Airbus et des sous-traitants. Je prends devant vous trois engagements :
Le premier engagement, c'est de débloquer 145 millions d'euros pour l'ensemble de la filière dès 2007.
Nous mettrons à disposition des petites et moyennes entreprises 40 millions d'euros en 2007 et 40 en 2008 sous forme d'avances remboursables. Je sais que c'est une attente forte de leur part. Cela répond à des préoccupations concrètes de trésorerie. C'est une incitation à accentuer l'effort de recherche et d'innovation. Je souhaite que les collectivités locales, et notamment les régions, puissent appuyer cet effort.
Nous réserverons 50 millions d'euros pour les prochains appels d'offre des pôles de compétitivité autour des thèmes de l'aéronautique, des systèmes embarqués complexes et des matériaux composites. C'est un moyen essentiel d'accélérer la recherche dans ce secteur.
Enfin, un campus de recherche remarquable vient d'être labellisé autour de l'aéronautique et de l'espace. Dans le cadre des discussions en cours, je m'engage à ce que ce campus de recherche dispose dès cette année d'un minimum de 15 millions d'euros pour son fonctionnement. François GOULARD, dont nous savons tous l'engagement exceptionnel en faveur de la recherche, y veillera personnellement.
Toulouse est d'ores et déjà un centre d'innovation majeure dans le domaine aéronautique. Avec la création d'Aerospace Campus, nous garantirons à Toulouse la première place mondiale. Je souhaite que l'Agence pour l'innovation industrielle avance dans son examen du projet de matériaux composites pour l'industrie de l'aéronautique.
Le deuxième engagement que je prends, c'est d'assurer aux petites et moyennes entreprises leur place dans la filière.
Notre industrie a besoin des centaines de petites et moyennes entreprises qui l'irriguent à travers tout le territoire. Elle vit de leur engagement et de leur dynamisme. C'est là que se crée l'emploi. C'est là qu'avance l'innovation. C'est là que se prépare notre avenir.
Les relations entre grandes et petites entreprises doivent être placées sous le signe de la confiance. Je souhaite donc qu'Airbus propose une charte de confiance avec l'ensemble de ses sous-traitants. Cette charte devra traiter en particulier la question des délais de paiement.
Au-delà de la sous-traitance aéronautique, c'est un sujet crucial pour la trésorerie des entreprises les plus fragiles. Dans d'autres pays européens, les délais de paiement des grandes entreprises sont beaucoup plus courts et facilitent la vie des fournisseurs. Je souhaite que toutes les solutions soient examinées, y compris législatives pour fixer des délais de paiement plus courts. Je m'appuierai sur le rapport commandé par François LOOS à Martial SADIER.
Mon troisième engagement, c'est d'apporter aux petites et moyennes entreprises les compétences dont elles ont besoin pour se développer. Je propose que soit mis en place une véritable plateforme d'expertise. Elle permettra aux PME de disposer de conseils en matière financière, logistique et technologique pour se battre à armes égales dans la compétition internationale.
Vous le voyez, l'Etat assumera pleinement son rôle : conforter le leader industriel d'un secteur, aider l'ensemble des petites et moyennes entreprises à passer un cap important, aider au regroupement de nos forces.
Quelle leçon tirons-nous de cette situation ? Dans le monde actuel, aucune position n'est acquise une fois pour toutes. Et pour une raison simple : la course à l'innovation n'a jamais été aussi intense.
Le XXème siècle a connu deux révolutions industrielles. Notre nouveau siècle en connaîtra peut-être bien davantage. Plus de la moitié des nouveaux produits qui arriveront sur le marché en 2020 nous sont aujourd'hui totalement inconnus.
Cette course à l'innovation n'est plus réservée à l'Europe et à l'Amérique du Nord. Elle implique toute la planète : la Chine est aujourd'hui le cinquième investisseur en recherche et développement. Elle a multiplié par 7 son budget de recherche en 10 ans. Ne croyons pas que les nouvelles puissances commerciales qui s'affirment se contenteront de fabriquer à grande échelle des produits à faible valeur ajoutée. Elles se donnent aujourd'hui les moyens de nous concurrencer demain dans nos secteurs d'excellence.
Est-ce que cela signifie que notre pays est marginalisé dans cette course ? Certainement pas. Non seulement la France a toute sa place dans l'économie de la connaissance et de l'innovation. Mais en plus, sa vocation est de faire la course en tête.
2. Gagner la bataille de l'innovation, c'est la clé pour préserver notre modèle français et défendre ce que nous sommes dans la mondialisation.
Beaucoup affirment aujourd'hui que pour tenir notre place, il faudrait au contraire renoncer à ce modèle : il faudrait renoncer au salaire minimum, remettre en cause notre système de protection sociale, réduire la place et le rôle de l'Etat dans le système économique, démanteler nos services publics.
Je ne pense pas que ce soit la bonne solution. Si les fondements de notre modèle étaient réellement en cause, comment pourrions-nous expliquer les réussites exceptionnelles que nous connaissons aujourd'hui ? 11 des 100 premières entreprises mondiales sont françaises ; nous sommes pionniers dans les domaines stratégiques du spatial et de l'énergie ; la France est le 5ème exportateur industriel mondial.
C'est au contraire parce que nous avons des infrastructures performantes, notamment en matière de transports, que la France attire les investissements étrangers. C'est parce que notre université et nos grandes écoles sont parmi les meilleures au monde, que nos entreprises peuvent s'appuyer sur des salariés bien formés. Dans un monde de plus en plus incertain, ce que le modèle français propose, c'est un environnement stable garanti par l'Etat : c'est un atout pour investir et prendre davantage de risques. Bien sûr notre modèle social doit mieux prendre en compte les défis du vieillissement, de l'exclusion ou de l'égalité des chances. Mais il n'a pas à se plier aux contraintes croissantes de la mondialisation. Nous pouvons concilier ouverture au monde et ambition sociale.
La solution se trouve dans notre volonté, avec tous nos partenaires européens, d'unir nos forces pour mieux organiser le monde et fixer de nouvelles règles. La solution est dans notre capacité à être une terre d'investissement et de croissance.
Pour répondre à cette question je veux fixer trois objectifs simples :
Premier objectif : rester un grand pays industriel, d'en avoir la volonté. Notre industrie emploie aujourd'hui plus de 5 millions de personnes. Elle est le moteur de nos exportations. C'est un formidable levier de l'innovation. C'est aussi, à travers les secteurs stratégiques dans lesquels la France est en pointe, un facteur essentiel pour l'affirmation de notre puissance.
Certains proposent un nouveau modèle économique qui destinerait la vieille Europe aux services et au tourisme. Les services sont essentiels à notre économie. Ils sont également une source importante d'innovation : avec la mise en place du chèque emploi service universel, nous avons donné un nouvel élan à ce secteur. Mais je ne crois pas que notre modèle économique puisse reposer intégralement sur cette seule activité. Ce ne serait pas un bon choix pour l'avenir. Ce n'est pas ce qu'attendent les Français.
En 2002, le Président de la République a jeté les bases d'une nouvelle stratégie industrielle fondée sur de nouveaux financements et de nouveaux outils. Dans cette perspective, mon gouvernement a lancé les pôles de compétitivité, installé l'Agence pour l'Innovation Industrielle, conforté des secteurs stratégiques comme le spatial et l'énergie.
C'est une stratégie de long terme qu'il nous faut conforter pour les dix prochaines années. Pour cela, il y a trois clés :
La première, c'est d'identifier clairement les secteurs industriels français qui gagneront dans la mondialisation : c'est ce que nous faisons avec le rapport que j'ai demandé au Conseil d'analyse économique sur les atouts de la France dans la mondialisation ;
La deuxième clé, c'est de mobiliser l'épargne des Français pour alimenter le financement de l'innovation : c'est l'esprit de ce forum, c'est également ce que nous faisons avec la création de France Investissements, ou la mobilisation de l'assurance-vie pour les petites et moyennes entreprises
La troisième clé, c'est l'investissement massif en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mon gouvernement a fait un effort important avec la loi sur la recherche et la création de postes supplémentaires de chercheurs en 2006 et 2007. Mais nous savons que l'enjeu est plus large. C'est l'ensemble de notre système d'enseignement supérieur qui doit permettre à chacun dans notre pays de réussir et d'avoir avec son diplôme une vraie garantie pour l'avenir.
Mon deuxième objectif, c'est que la France figure parmi les cinq leaders mondiaux de l'innovation dans le monde.
L'innovation est aujourd'hui dominée par les Etats-Unis. Quelle est leur recette ? C'est un financement massif de l'innovation, mêlant fonds publics et fonds privés. C'est le décloisonnement des compétences entre chercheurs, entrepreneurs et financiers. C'est une protection efficace de leurs intérêts dans la mondialisation : protection de leurs brevets, de leurs découvertes, de leurs talents et de leurs intérêts stratégiques essentiels.
C'est la recette que ce gouvernement a voulu mettre en oeuvre en s'appuyant sur votre énergie et votre expérience. Avec les pôles de compétitivité, la création de véritables campus d'excellence que sont les RTRA, avec un financement public qui a changé d'échelle nous avons mis en place une nouvelle politique. C'est la première clé de notre réussite.
Reste à défendre ce que nous construisons. Pour cela nous avons un atout, c'est l'Europe. Encore faut-il qu'elle fasse un choix clair en faveur de la défense de ses intérêts, plutôt que de rester la seule puissance commerciale du monde à ne pas se doter de règles efficaces contre les excès de la mondialisation. Pour cela je fais trois propositions :
Première proposition : l'Europe a besoin d'un bouclier monétaire. Nous avons évoqué les problèmes de la parité euro-dollar. Nous avons besoin d'un bouclier monétaire. L'euro a permis de créer un environnement stable entre tous les partenaires européens. Mais son niveau actuel pénalise certaines de nos exportations. Les difficultés d'Airbus, par exemple, sont aussi la conséquence d'un euro trop fort qui pénalise notre industrie face à la concurrence américaine. Toutes les grandes puissances commerciales ont une politique de change, parfois même une politique agressive. Ne laissons pas l'euro être la variable d'ajustement des équilibres monétaires mondiaux. Dotons nous d'une véritable stratégie de change qui intègre des objectifs de croissance, de protection de notre industrie et bien sûr d'emploi. C'est là un sujet majeur que nous devons traiter au niveau européen.
Deuxième proposition : nous doter de groupes industriels européens de taille mondiale. Comme la réussite du groupe franco-allemand EADS pour l'aéronautique, comme le futur groupe franco-belge Gaz de France-Suez, notre industrie européenne a besoin de leaders pour chacune de ses grandes filières. Mais pour cela il est impératif que les règles européennes aillent dans le bon sens. Je pense en particulier au droit de la concurrence. Ce droit a beaucoup évolué au cours des dix dernières années. Nous devons maintenant parvenir à un meilleur équilibre entre les objectifs de consolidation de notre industrie et la défense des consommateurs. Le droit à la concurrence doit aller de pair avec la mise en place de véritables champions européens de taille mondiale.
Troisième proposition : nous avons besoin d'une politique de défense de nos intérêts stratégiques. Je pense d'abord à l'énergie.
J'ai proposé à Berlin la mise en place d'un représentant spécial pour l'énergie, chargé de la mise en oeuvre d'une véritable diplomatie énergétique. J'ai aussi proposé la coordination de nos réserves stratégiques. Ce sont aujourd'hui les priorités sur lesquelles nous avançons.
Mais nous devons aller plus loin. Les grands blocs économiques se sont dotés d'outils efficaces pour défendre leurs intérêts essentiels. Je pense, par exemple, au Comité pour les Investissements Etrangers aux Etats-Unis, qui contrôle, au nom du Président des Etats-Unis, les transactions qui menaceraient la sécurité nationale. La Chine dispose également d'un dispositif permettant de défendre ses intérêts stratégiques. Face à cette nouvelle donne l'Europe paraît désarmée. Dans la concurrence mondiale, l'Europe doit plus systématiquement, sous l'égide de la Commission européenne, appliquer un principe de réciprocité lorsque les règles applicables au commerce ou à la libre circulation des capitaux, les normes comptables ou les dispositions de contrôle des investissements étrangers sont déséquilibrés. Cette réponse permettrait à l'Europe de prendre toute sa dimension politique.
Le troisième objectif que nous devons fixer à notre politique économique, c'est d'atteindre une croissance annuelle qui tend vers 3% et un taux de chômage ramené à 5%.
Depuis un an, les réformes en profondeur qui ont été menées portent leurs fruits : elles ont été reconnues par le Fonds Monétaire International, qui a rehaussé notre taux de croissance potentiel de 1,8 à 2,2% par an. Vous êtes les mieux placés pour le savoir, ce n'est pas un chiffre abstrait : c'est plus de commandes, plus d'investissements, plus d'emplois, et bien sûr plus de pouvoir d'achat pour les Français. C'est surtout le premier moyen que nous avons pour ramener le taux de chômage à 5%. La croissance c'est aussi un climat, un état d'esprit, une confiance retrouvée dans l'avenir. C'est la condition pour faire vivre nos valeurs.
Mais je veux le dire très clairement : je ne suis pas pour autant un Premier Ministre satisfait. Parce que la croissance mondiale est de 5%, parce que celle des Etats-Unis est à plus de 3%, parce que je sais que notre pays mérite mieux. Comment expliquer aux Français que nous profitons de la mondialisation si nous n'arrivons pas à leur offrir une croissance élevée, solide et durable, à l'abri du contrecoup que nous avons connu au troisième trimestre de cette année ?
Pour cela, il n'y a qu'une seule solution : donner aux entreprises les moyens de se développer, et récompenser le risque dans notre pays. C'est une fiscalité adaptée, c'est un environnement favorable, ce sont des hommes et des femmes mieux formés. Voilà la direction que doit prendre notre pays pour les cinq prochaines années.
Pourquoi ne pas nous appuyer sur un diagnostic partagé avec tous les Français, les partenaires sociaux, les chefs d'entreprise, les collectivités locales et les experts pour faire le point, chaque année, de nos forces et de nos faiblesses, de ce qui a marché et de ce qui ne marche pas ? C'est le meilleur moyen de montrer aux Français que la croissance c'est l'affaire de tous et qu'elle est le fruit de leurs efforts. Je propose donc après la conférence nationale sur les revenus et l'emploi qui aura lieu le 14 décembre et après la deuxième conférence sur le désendettement qui aura lieu en janvier 2007, une véritable conférence annuelle sur la croissance. Pour ouvrir la voie j'organiserai une première conférence au début de l'année 2007 pour analyser nos réussites et nos échecs en 2006.
Mesdames, Messieurs,
La révolution des savoirs qui est en cours aujourd'hui n'est pas une menace pour notre pays. C'est au contraire le moyen de renouer avec l'ambition que nous avons toujours portée, celle d'une modernité et d'un progrès au service de l'homme et de la société. Cette ambition est essentielle pour l'avenir de la France. Elle repose d'abord sur vous et les Français savent qu'ils peuvent vous faire confiance.
Les Français n'ont pas besoin d'une thérapie de choc pour réussir dans la mondialisation. Ils ont besoin et nous avons besoin tous ensemble de persévérance. Ils ont déjà suffisamment montré qu'ils étaient capables de relever les défis du monde nouveau. Mais les Français ont besoin de savoir où ils vont. Je leur propose de défendre leur modèle d'équilibre entre l'économique et le social. C'est ce que j'ai appelé la croissance sociale. Les Français ont besoin de savoir qu'on les défend et qu'on défend leurs intérêts comme toutes les grandes puissances le font aujourd'hui. Je veux être clair. Cela ne peut se faire de manière efficace qu'à l'échelle européenne. C'est ce que j'appelle le patriotisme économique européen. Enfin les Français ont besoin de continuité dans les efforts que nous leur demandons. Car c'est à force de ténacité, de volonté, que nous redresserons la barre et que notre pays maintiendra sa place et offrira à chacun d'entre nous les chances de succès auxquelles il a droit.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 novembre 2006
Cher Philippe,
Cher Dominique,
Chers François
Mesdames et messieurs les parlementaires
Monsieur le président du conseil régional,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le maire,
Je suis heureux de pouvoir clore ce cinquième forum du financement de l'innovation voulu par le Président de la République et mise en oeuvre par François LOOS. Vous tous, vous êtes l'énergie de ce pays, son talent, sa capacité d'innover. Vous avez su vous rassembler pour faire avancer notre pays. Je suis heureux d'être aujourd'hui ici à Toulouse avec Philippe DOUSTE-BLAZY qui me manque pas à chaque occasion de vanter la beauté et les mérites de cette ville.
Aujourd'hui la filière aéronautique dont vous êtes tous des acteurs traverse une période difficile. La concurrence est intense, notamment avec Boeing. Mais ma conviction, c'est qu'avec les talents, le savoir-faire et la détermination des hommes et des femmes qui font vivre ce secteur, nous pouvons surmonter ces difficultés. Les Français sont fiers de l'A380, qui est l'un des plus beaux programmes de l'industrie aéronautique. A nous de garantir son succès industriel et commercial dans les années à venir.
1. L'Europe, la France, Toulouse ont besoin d'un Airbus fort et d'une industrie aéronautique puissante.
Nous avons pris les mesures nécessaires pour répondre aux difficultés immédiates :
Nous avons confié à Louis GALLOIS l'avenir d'Airbus. Il connaît la filière. C'est l'homme de la situation. Je sais pouvoir compter sur lui.
Avec Dominique PERBEN, nous avons créé des groupes de travail afin de disposer du diagnostic le plus précis possible de la filière aéronautique en France et de trouver les réponses appropriées.
Cet après-midi, j'ai rencontré des chefs d'entreprises de l'ensemble du secteur, les élus de la région, les salariés. Ce qui m'a frappé, c'est le courage et la volonté de chacun : les entreprises du secteur, petites, moyennes et grandes, sont prêtes à se retrousser les manches. Comme dans chacune de vos entreprises c'est en unissant nos forces, en travaillant dans la même direction que nous pourrons passer ce cap.
L'Etat sera aux côtés d'Airbus et des sous-traitants. Je prends devant vous trois engagements :
Le premier engagement, c'est de débloquer 145 millions d'euros pour l'ensemble de la filière dès 2007.
Nous mettrons à disposition des petites et moyennes entreprises 40 millions d'euros en 2007 et 40 en 2008 sous forme d'avances remboursables. Je sais que c'est une attente forte de leur part. Cela répond à des préoccupations concrètes de trésorerie. C'est une incitation à accentuer l'effort de recherche et d'innovation. Je souhaite que les collectivités locales, et notamment les régions, puissent appuyer cet effort.
Nous réserverons 50 millions d'euros pour les prochains appels d'offre des pôles de compétitivité autour des thèmes de l'aéronautique, des systèmes embarqués complexes et des matériaux composites. C'est un moyen essentiel d'accélérer la recherche dans ce secteur.
Enfin, un campus de recherche remarquable vient d'être labellisé autour de l'aéronautique et de l'espace. Dans le cadre des discussions en cours, je m'engage à ce que ce campus de recherche dispose dès cette année d'un minimum de 15 millions d'euros pour son fonctionnement. François GOULARD, dont nous savons tous l'engagement exceptionnel en faveur de la recherche, y veillera personnellement.
Toulouse est d'ores et déjà un centre d'innovation majeure dans le domaine aéronautique. Avec la création d'Aerospace Campus, nous garantirons à Toulouse la première place mondiale. Je souhaite que l'Agence pour l'innovation industrielle avance dans son examen du projet de matériaux composites pour l'industrie de l'aéronautique.
Le deuxième engagement que je prends, c'est d'assurer aux petites et moyennes entreprises leur place dans la filière.
Notre industrie a besoin des centaines de petites et moyennes entreprises qui l'irriguent à travers tout le territoire. Elle vit de leur engagement et de leur dynamisme. C'est là que se crée l'emploi. C'est là qu'avance l'innovation. C'est là que se prépare notre avenir.
Les relations entre grandes et petites entreprises doivent être placées sous le signe de la confiance. Je souhaite donc qu'Airbus propose une charte de confiance avec l'ensemble de ses sous-traitants. Cette charte devra traiter en particulier la question des délais de paiement.
Au-delà de la sous-traitance aéronautique, c'est un sujet crucial pour la trésorerie des entreprises les plus fragiles. Dans d'autres pays européens, les délais de paiement des grandes entreprises sont beaucoup plus courts et facilitent la vie des fournisseurs. Je souhaite que toutes les solutions soient examinées, y compris législatives pour fixer des délais de paiement plus courts. Je m'appuierai sur le rapport commandé par François LOOS à Martial SADIER.
Mon troisième engagement, c'est d'apporter aux petites et moyennes entreprises les compétences dont elles ont besoin pour se développer. Je propose que soit mis en place une véritable plateforme d'expertise. Elle permettra aux PME de disposer de conseils en matière financière, logistique et technologique pour se battre à armes égales dans la compétition internationale.
Vous le voyez, l'Etat assumera pleinement son rôle : conforter le leader industriel d'un secteur, aider l'ensemble des petites et moyennes entreprises à passer un cap important, aider au regroupement de nos forces.
Quelle leçon tirons-nous de cette situation ? Dans le monde actuel, aucune position n'est acquise une fois pour toutes. Et pour une raison simple : la course à l'innovation n'a jamais été aussi intense.
Le XXème siècle a connu deux révolutions industrielles. Notre nouveau siècle en connaîtra peut-être bien davantage. Plus de la moitié des nouveaux produits qui arriveront sur le marché en 2020 nous sont aujourd'hui totalement inconnus.
Cette course à l'innovation n'est plus réservée à l'Europe et à l'Amérique du Nord. Elle implique toute la planète : la Chine est aujourd'hui le cinquième investisseur en recherche et développement. Elle a multiplié par 7 son budget de recherche en 10 ans. Ne croyons pas que les nouvelles puissances commerciales qui s'affirment se contenteront de fabriquer à grande échelle des produits à faible valeur ajoutée. Elles se donnent aujourd'hui les moyens de nous concurrencer demain dans nos secteurs d'excellence.
Est-ce que cela signifie que notre pays est marginalisé dans cette course ? Certainement pas. Non seulement la France a toute sa place dans l'économie de la connaissance et de l'innovation. Mais en plus, sa vocation est de faire la course en tête.
2. Gagner la bataille de l'innovation, c'est la clé pour préserver notre modèle français et défendre ce que nous sommes dans la mondialisation.
Beaucoup affirment aujourd'hui que pour tenir notre place, il faudrait au contraire renoncer à ce modèle : il faudrait renoncer au salaire minimum, remettre en cause notre système de protection sociale, réduire la place et le rôle de l'Etat dans le système économique, démanteler nos services publics.
Je ne pense pas que ce soit la bonne solution. Si les fondements de notre modèle étaient réellement en cause, comment pourrions-nous expliquer les réussites exceptionnelles que nous connaissons aujourd'hui ? 11 des 100 premières entreprises mondiales sont françaises ; nous sommes pionniers dans les domaines stratégiques du spatial et de l'énergie ; la France est le 5ème exportateur industriel mondial.
C'est au contraire parce que nous avons des infrastructures performantes, notamment en matière de transports, que la France attire les investissements étrangers. C'est parce que notre université et nos grandes écoles sont parmi les meilleures au monde, que nos entreprises peuvent s'appuyer sur des salariés bien formés. Dans un monde de plus en plus incertain, ce que le modèle français propose, c'est un environnement stable garanti par l'Etat : c'est un atout pour investir et prendre davantage de risques. Bien sûr notre modèle social doit mieux prendre en compte les défis du vieillissement, de l'exclusion ou de l'égalité des chances. Mais il n'a pas à se plier aux contraintes croissantes de la mondialisation. Nous pouvons concilier ouverture au monde et ambition sociale.
La solution se trouve dans notre volonté, avec tous nos partenaires européens, d'unir nos forces pour mieux organiser le monde et fixer de nouvelles règles. La solution est dans notre capacité à être une terre d'investissement et de croissance.
Pour répondre à cette question je veux fixer trois objectifs simples :
Premier objectif : rester un grand pays industriel, d'en avoir la volonté. Notre industrie emploie aujourd'hui plus de 5 millions de personnes. Elle est le moteur de nos exportations. C'est un formidable levier de l'innovation. C'est aussi, à travers les secteurs stratégiques dans lesquels la France est en pointe, un facteur essentiel pour l'affirmation de notre puissance.
Certains proposent un nouveau modèle économique qui destinerait la vieille Europe aux services et au tourisme. Les services sont essentiels à notre économie. Ils sont également une source importante d'innovation : avec la mise en place du chèque emploi service universel, nous avons donné un nouvel élan à ce secteur. Mais je ne crois pas que notre modèle économique puisse reposer intégralement sur cette seule activité. Ce ne serait pas un bon choix pour l'avenir. Ce n'est pas ce qu'attendent les Français.
En 2002, le Président de la République a jeté les bases d'une nouvelle stratégie industrielle fondée sur de nouveaux financements et de nouveaux outils. Dans cette perspective, mon gouvernement a lancé les pôles de compétitivité, installé l'Agence pour l'Innovation Industrielle, conforté des secteurs stratégiques comme le spatial et l'énergie.
C'est une stratégie de long terme qu'il nous faut conforter pour les dix prochaines années. Pour cela, il y a trois clés :
La première, c'est d'identifier clairement les secteurs industriels français qui gagneront dans la mondialisation : c'est ce que nous faisons avec le rapport que j'ai demandé au Conseil d'analyse économique sur les atouts de la France dans la mondialisation ;
La deuxième clé, c'est de mobiliser l'épargne des Français pour alimenter le financement de l'innovation : c'est l'esprit de ce forum, c'est également ce que nous faisons avec la création de France Investissements, ou la mobilisation de l'assurance-vie pour les petites et moyennes entreprises
La troisième clé, c'est l'investissement massif en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mon gouvernement a fait un effort important avec la loi sur la recherche et la création de postes supplémentaires de chercheurs en 2006 et 2007. Mais nous savons que l'enjeu est plus large. C'est l'ensemble de notre système d'enseignement supérieur qui doit permettre à chacun dans notre pays de réussir et d'avoir avec son diplôme une vraie garantie pour l'avenir.
Mon deuxième objectif, c'est que la France figure parmi les cinq leaders mondiaux de l'innovation dans le monde.
L'innovation est aujourd'hui dominée par les Etats-Unis. Quelle est leur recette ? C'est un financement massif de l'innovation, mêlant fonds publics et fonds privés. C'est le décloisonnement des compétences entre chercheurs, entrepreneurs et financiers. C'est une protection efficace de leurs intérêts dans la mondialisation : protection de leurs brevets, de leurs découvertes, de leurs talents et de leurs intérêts stratégiques essentiels.
C'est la recette que ce gouvernement a voulu mettre en oeuvre en s'appuyant sur votre énergie et votre expérience. Avec les pôles de compétitivité, la création de véritables campus d'excellence que sont les RTRA, avec un financement public qui a changé d'échelle nous avons mis en place une nouvelle politique. C'est la première clé de notre réussite.
Reste à défendre ce que nous construisons. Pour cela nous avons un atout, c'est l'Europe. Encore faut-il qu'elle fasse un choix clair en faveur de la défense de ses intérêts, plutôt que de rester la seule puissance commerciale du monde à ne pas se doter de règles efficaces contre les excès de la mondialisation. Pour cela je fais trois propositions :
Première proposition : l'Europe a besoin d'un bouclier monétaire. Nous avons évoqué les problèmes de la parité euro-dollar. Nous avons besoin d'un bouclier monétaire. L'euro a permis de créer un environnement stable entre tous les partenaires européens. Mais son niveau actuel pénalise certaines de nos exportations. Les difficultés d'Airbus, par exemple, sont aussi la conséquence d'un euro trop fort qui pénalise notre industrie face à la concurrence américaine. Toutes les grandes puissances commerciales ont une politique de change, parfois même une politique agressive. Ne laissons pas l'euro être la variable d'ajustement des équilibres monétaires mondiaux. Dotons nous d'une véritable stratégie de change qui intègre des objectifs de croissance, de protection de notre industrie et bien sûr d'emploi. C'est là un sujet majeur que nous devons traiter au niveau européen.
Deuxième proposition : nous doter de groupes industriels européens de taille mondiale. Comme la réussite du groupe franco-allemand EADS pour l'aéronautique, comme le futur groupe franco-belge Gaz de France-Suez, notre industrie européenne a besoin de leaders pour chacune de ses grandes filières. Mais pour cela il est impératif que les règles européennes aillent dans le bon sens. Je pense en particulier au droit de la concurrence. Ce droit a beaucoup évolué au cours des dix dernières années. Nous devons maintenant parvenir à un meilleur équilibre entre les objectifs de consolidation de notre industrie et la défense des consommateurs. Le droit à la concurrence doit aller de pair avec la mise en place de véritables champions européens de taille mondiale.
Troisième proposition : nous avons besoin d'une politique de défense de nos intérêts stratégiques. Je pense d'abord à l'énergie.
J'ai proposé à Berlin la mise en place d'un représentant spécial pour l'énergie, chargé de la mise en oeuvre d'une véritable diplomatie énergétique. J'ai aussi proposé la coordination de nos réserves stratégiques. Ce sont aujourd'hui les priorités sur lesquelles nous avançons.
Mais nous devons aller plus loin. Les grands blocs économiques se sont dotés d'outils efficaces pour défendre leurs intérêts essentiels. Je pense, par exemple, au Comité pour les Investissements Etrangers aux Etats-Unis, qui contrôle, au nom du Président des Etats-Unis, les transactions qui menaceraient la sécurité nationale. La Chine dispose également d'un dispositif permettant de défendre ses intérêts stratégiques. Face à cette nouvelle donne l'Europe paraît désarmée. Dans la concurrence mondiale, l'Europe doit plus systématiquement, sous l'égide de la Commission européenne, appliquer un principe de réciprocité lorsque les règles applicables au commerce ou à la libre circulation des capitaux, les normes comptables ou les dispositions de contrôle des investissements étrangers sont déséquilibrés. Cette réponse permettrait à l'Europe de prendre toute sa dimension politique.
Le troisième objectif que nous devons fixer à notre politique économique, c'est d'atteindre une croissance annuelle qui tend vers 3% et un taux de chômage ramené à 5%.
Depuis un an, les réformes en profondeur qui ont été menées portent leurs fruits : elles ont été reconnues par le Fonds Monétaire International, qui a rehaussé notre taux de croissance potentiel de 1,8 à 2,2% par an. Vous êtes les mieux placés pour le savoir, ce n'est pas un chiffre abstrait : c'est plus de commandes, plus d'investissements, plus d'emplois, et bien sûr plus de pouvoir d'achat pour les Français. C'est surtout le premier moyen que nous avons pour ramener le taux de chômage à 5%. La croissance c'est aussi un climat, un état d'esprit, une confiance retrouvée dans l'avenir. C'est la condition pour faire vivre nos valeurs.
Mais je veux le dire très clairement : je ne suis pas pour autant un Premier Ministre satisfait. Parce que la croissance mondiale est de 5%, parce que celle des Etats-Unis est à plus de 3%, parce que je sais que notre pays mérite mieux. Comment expliquer aux Français que nous profitons de la mondialisation si nous n'arrivons pas à leur offrir une croissance élevée, solide et durable, à l'abri du contrecoup que nous avons connu au troisième trimestre de cette année ?
Pour cela, il n'y a qu'une seule solution : donner aux entreprises les moyens de se développer, et récompenser le risque dans notre pays. C'est une fiscalité adaptée, c'est un environnement favorable, ce sont des hommes et des femmes mieux formés. Voilà la direction que doit prendre notre pays pour les cinq prochaines années.
Pourquoi ne pas nous appuyer sur un diagnostic partagé avec tous les Français, les partenaires sociaux, les chefs d'entreprise, les collectivités locales et les experts pour faire le point, chaque année, de nos forces et de nos faiblesses, de ce qui a marché et de ce qui ne marche pas ? C'est le meilleur moyen de montrer aux Français que la croissance c'est l'affaire de tous et qu'elle est le fruit de leurs efforts. Je propose donc après la conférence nationale sur les revenus et l'emploi qui aura lieu le 14 décembre et après la deuxième conférence sur le désendettement qui aura lieu en janvier 2007, une véritable conférence annuelle sur la croissance. Pour ouvrir la voie j'organiserai une première conférence au début de l'année 2007 pour analyser nos réussites et nos échecs en 2006.
Mesdames, Messieurs,
La révolution des savoirs qui est en cours aujourd'hui n'est pas une menace pour notre pays. C'est au contraire le moyen de renouer avec l'ambition que nous avons toujours portée, celle d'une modernité et d'un progrès au service de l'homme et de la société. Cette ambition est essentielle pour l'avenir de la France. Elle repose d'abord sur vous et les Français savent qu'ils peuvent vous faire confiance.
Les Français n'ont pas besoin d'une thérapie de choc pour réussir dans la mondialisation. Ils ont besoin et nous avons besoin tous ensemble de persévérance. Ils ont déjà suffisamment montré qu'ils étaient capables de relever les défis du monde nouveau. Mais les Français ont besoin de savoir où ils vont. Je leur propose de défendre leur modèle d'équilibre entre l'économique et le social. C'est ce que j'ai appelé la croissance sociale. Les Français ont besoin de savoir qu'on les défend et qu'on défend leurs intérêts comme toutes les grandes puissances le font aujourd'hui. Je veux être clair. Cela ne peut se faire de manière efficace qu'à l'échelle européenne. C'est ce que j'appelle le patriotisme économique européen. Enfin les Français ont besoin de continuité dans les efforts que nous leur demandons. Car c'est à force de ténacité, de volonté, que nous redresserons la barre et que notre pays maintiendra sa place et offrira à chacun d'entre nous les chances de succès auxquelles il a droit.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 novembre 2006