Texte intégral
Q- Aujourd'hui, à l'Assemblée, démarre l'examen du projet de loi sur la réforme de la justice, et le texte promis après Outreau. Et donc, ma question est simple : êtes-vous certain que cette loi rende désormais impossible une nouvelle catastrophe judiciaire du genre d'Outreau ?
R- Du genre d'Outreau, oui, toute autre catastrophe judiciaire, malheureusement, si on prévoyait tout, on n'en aurait jamais ; on n'est jamais à l'abri, nous les humains, de catastrophes. Outreau, c'étaient quelques questions simples et dont tout le monde se souvient. Quid de la solitude du juge d'instruction ? J'y réponds. Quid, de la détention provisoire trop longue ? J'y réponds. Quid, du recueil de la parole de l'enfant ? Parce que tout est parti de là et ça a déraillé, et j'y réponds. Quid, des droits de la défense, en particulier tout ce qui était expertise, où l'expert, et les experts, sont tellement...où les parties n'ont pas le droit de leur poser des questions, pour faire simple ? J'y réponds. Bref, on a des réponses simples à des questions posées. Alors, savoir si il fallait changer l'architecture et la structure de la justice, j'ai toujours dis : cela ce n'est pas le rôle d'une législature qui est sur la fin. Et ce n'est sûrement pas en trois mois, ni même en un an, et je pense d'ailleurs plus au-delà, même en deux ans, qu'on change l'architecture de la justice. C'est sûrement au moins en cinq ans. Je rappelle que le Code pénal nous l'avons changé, nous avons pris 10 ans pour le changer. Les grandes réformes, cela doit prendre des années, ne seraitce que pour être sûr de ne pas faire de bêtises, et pour avoir un certain consensus qui se dégage. Le consensus de la commission Outreau, c'est une chose. Le consensus par rapport aux magistrats, par rapport à l'ensemble des justiciables c'est autre chose.
Q- Comment expliquer justement que ce consensus ait disparu aujourd'hui, alors qu'il était si fort après le travail de la commission d'enquête, on ne le perçoit plus autour du texte que
vous présentez ?
R- D'abord, parce que, il y a 80 propositions, dont une quarantaine d'ordre législatif dans les propositions Outreau. Elles ne sont pas toutes de même valeur et elles ne sont pas toutes d'ailleurs applicables. J'en donne une, qui est un débat entre M. Valini, si j'ai bien compris, et moi même, qui est la question de savoir si le médiateur pourrait contredire le Garde des Sceaux dans sa saisine du Conseil supérieur de la magistrature. Si on suivait la commission Outreau, il est clair que, tout le monde le comprend, le médiateur aurait donc plus de pouvoir que le Garde des Sceaux. On changerait tout simplement la Constitution, on réfléchit non avant de se lancer dans des affaires pareilles ?!! Donc, vous voyez bien que toutes les propositions ne sont pas à prendre sans réflexion, et en revanche, toutes celles qui étaient intéressantes, et pratiques, et qui ne répondaient pas à des changements de structure, je vous l'ai dit dès le départ, c'est celles-là que j'ai retenu pour partie ou pour totalité. Et je vous rappelle que, sur une trentaine de propositions législatives j'en ai pris 21. Donc, si on est très honnêtes, c'est très largement inspiré d'Outreau, plus d'autres travaux qui avaient eu lieu, comme des rapports du premier...
Q- Mais pourquoi tout le monde est déçu alors ? "Tout ça pour ça", disent trois acteurs de l'affaire Outreau interrogés dans Le Monde et dans son édition d'aujourd'hui ?
R- Par définition, je suppose qu'on parle tous de mon projet de loi. J'aimerais en être absolument sûr, parce que, on peut dire que je ne change pas la structure de la justice, que cela reste un système inquisitoire, c'est vrai ; qu'on a gardé le juge d'instruction, c'est vrai. Mais dire que, ce que j'ai fait ne répond pas aux questions, dont je parlais à l'instant, réponse pour la solitude du juge d'instruction, la détention provisoire, le recueil de la parole de l'enfant, personne ne peut dire le contraire. Donc, honnêtement, on peut dire : "j'aurais voulu une autre justice", je n'en suis pas sûr, mais que certains disent cela... mais la révolutionner, c'est une chose. Mais qu'on dise que ma réforme ne répond pas aux problèmes posés par Outreau, je trouve que ce n'est pas honnête intellectuellement de ne pas le reconnaître.
Q- Mais n'était-ce pas une réforme de structure justement qui était nécessaire ?
R- Alors, ce n'est pas mon avis, et si j'ai tort, j'allais dire, j'offre aux cinq années de la prochaine législature, le soin aux parlementaires et au gouvernement de demain d'y réfléchir et de la faire. Mais personnellement, changer de fond en comble le système judiciaire français, je crie casse-cou ! Mais peut-être ai-je tort ? Et c'est parce que je ne suis pas sûr de moi, je le dis modestement mais avec sincérité, qu'il faut du temps pour en discuter et sûrement pas six mois ou un an.
Q- La solitude du juge d'instruction, vous l'avez dit, a été évidemment mise en cause dans l'affaire d'Outreau. Il y a des mesures dans le projet de loi qui sera donc débattu tout à l'heure à l'Assemblée pour chercher à y remédier. Mais on a vu que des structures collectives existaient aussi dans l'affaire Outreau et qu'elles ont dysfonctionné. Alors, pourquoi ces nouvelles structures collectives fonctionneront-elles mieux que celles qui n'ont pas fonctionné et qui existent déjà ?
R- Allons plus loin, précisons votre question pour que tout le monde comprenne. La structure collective, dont vous parlez c'est la Chambre de l'instruction, elle est à Douai, nous sommes d'accord, Douai dans le Nord de la France, et le juge d'instruction y est tout seul, et il est à,Outreau, c'est-à-dire, Boulogne-sur-Mer. Je ne connais pas très bien les lieux mais il y a 100 km, n'est-ce pas ? Là, il ne s'agit pas de ça, il s'agit que, dès le premier degré, c'est-à-dire au niveau du juge d'instruction il y ait une collégialité et au moins une co-saisine, disons les choses plus clairement et plus précisément, et être à deux ça permet de discuter, être trois ça permet en plus de dialoguer. Alors suivant les tribunaux de grande instance et leur taille, on pourra avoir deux ou trois juges d'instruction co-saisis pour toutes les affaires criminelles et pour les affaires délictuelles, les délits, à condition qu'ils soient complexes. Et nous allons retrouver, je le dis aux auditeurs, puisque c'est vrai que la commission des lois a fait un amendement d'appel, elle a supprimé les pôles de l'instruction pour revenir à la collégialité. Je suis d'accord sur la collégialité et je pense que tout le monde doit l'être. Je rappelle d'ailleurs qu'en 1985 j'ai voté comme député la collégialité sous Badinter. En 1986 arrive un nouveau Gouvernement - alternance - c'était M. Chalandon, et qui a dit : "Moi je ne connais pas bien le sujet, je ne suis pas un juriste, mais je vous dis une chose, c'est que je suis incapable de la mettre en oeuvre". Donc, on a voté, on est revenus en arrière. Pour éviter ce genre d'erreur manifeste...et puis alors là l'opinion publique aurait raison de dire : vous votez des trucs et vous êtes incapables de les incarner dans la réalité, je dis : attention, on est incapable de l'incarner dans la réalité, la collégialité, parce que c'est pas un problème d'argent c'est un problème de formation de magistrats. Pour autant, faisons les pôles, des co-saisines, un début de collégialité, et nous déboucherons dans quatre ou cinq ans, et c'est ce que va...vous avez avez annoncé dans la loi, grosso modo dans cinq ans la France s'engage à créer des collégialités au niveau de l'instruction dans chaque tribunal de grande instance de préfecture.
Q- Donc, ils vont travailler ensemble, parce que la commission d'enquête parlementaire a bien montré que les textes prévoient aussi des procédures de contrôle, des procédures justement de
regards croisés sur les dossiers, mais que, routine, difficultés quotidiennes, ces choses-là n'étaient pas faites. Pourquoi est-ce que cette collégialité-là, elles seraient plus faites que dans l'autre ?
R- Non, non, vous dites une chose inexacte, vous dites "les textes prévoient", non les textes ne prévoient pas. Les textes prévoient dans certains cas et si il y a accord du juge d'instruction. Là, les textes le prévoient systématiquement, accord ou pas du juge d'instruction ce n'est pas franchement pareil, donc c'est pour cela que ça ne marchait pas. Les juges d'instruction d'abord quand on leur proposait la cosaisine, généralement disaient : "non, non, je me débrouille bien tout seul". C'est un réflexe assez individualiste, très français, et la culture du juge d'instruction est plutôt une culture de solitude et pas une culture de collège, et justement c'est ce que je veux faire avancer, et nous sommes en parfaite harmonie avec la commission d'Outreau, faire avancer et changer la culture du juge d'instruction pour qu'elle devienne collégiale.
Q- La détention provisoire, quid de ce problème ? Techniquement on disait, "détention provisoire", mais en l'occurrence, il s'agissait d'enfermer des innocents.
R- La détention provisoire, d'abord, ne doit jamais être un moyen de pression sur un accusé pour qu'il avoue. Je dis ça parce que ce n'est sûrement pas inutile que je le dise. Deuxième chose, la détention provisoire, en France, est devenue, depuis l'Après-Guerre, il y a une trentaine d'année, un peu systématique. On commence par un mandat de dépôt, on se retrouve en détention provisoire, et ensuite on peut y pourrir des mois et des mois, c'est inadmissible ! Si il n'y a pas de solution alternative, oui ; mais il faut de vraies raisons. Et ça, dans cette réforme, la Chambre de l'instruction, c'est-à-dire au niveau de la Cour d'appel, régulièrement, tous les trois mois, et c'est probablement l'amendement qui sera retenu de l'Assemblée nationale, fera en sorte d'examiner au fond la question pour savoir si vraiment vous devez rester en détention provisoire ou pas.
Q- Dernière question, vous pensez donc, que le texte que vous présentez aujourd'hui à l'Assemblée est à la hauteur du défi d'Outreau ?
R- Moi je ne sais pas où est la hauteur. Mais ce sont exactement les réponses aux questions de ceux qui ont passé jusqu'à trois ans en détention. Là, ils se sont posés la question : pourquoi un juge seul ? Pourquoi tant de détention ? Pourquoi les droits de la défense n'ont pas été plus écoutés ? Pourquoi "je n'ai pas été seul face au juge d'instruction et ce sont plusieurs détenus qui ont été à la fois interrogés ?" Toutes ces questions-là, j'y réponds, c'est concret. En revanche, les grandes généralités, c'est un autre débat.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 décembre 2006
R- Du genre d'Outreau, oui, toute autre catastrophe judiciaire, malheureusement, si on prévoyait tout, on n'en aurait jamais ; on n'est jamais à l'abri, nous les humains, de catastrophes. Outreau, c'étaient quelques questions simples et dont tout le monde se souvient. Quid de la solitude du juge d'instruction ? J'y réponds. Quid, de la détention provisoire trop longue ? J'y réponds. Quid, du recueil de la parole de l'enfant ? Parce que tout est parti de là et ça a déraillé, et j'y réponds. Quid, des droits de la défense, en particulier tout ce qui était expertise, où l'expert, et les experts, sont tellement...où les parties n'ont pas le droit de leur poser des questions, pour faire simple ? J'y réponds. Bref, on a des réponses simples à des questions posées. Alors, savoir si il fallait changer l'architecture et la structure de la justice, j'ai toujours dis : cela ce n'est pas le rôle d'une législature qui est sur la fin. Et ce n'est sûrement pas en trois mois, ni même en un an, et je pense d'ailleurs plus au-delà, même en deux ans, qu'on change l'architecture de la justice. C'est sûrement au moins en cinq ans. Je rappelle que le Code pénal nous l'avons changé, nous avons pris 10 ans pour le changer. Les grandes réformes, cela doit prendre des années, ne seraitce que pour être sûr de ne pas faire de bêtises, et pour avoir un certain consensus qui se dégage. Le consensus de la commission Outreau, c'est une chose. Le consensus par rapport aux magistrats, par rapport à l'ensemble des justiciables c'est autre chose.
Q- Comment expliquer justement que ce consensus ait disparu aujourd'hui, alors qu'il était si fort après le travail de la commission d'enquête, on ne le perçoit plus autour du texte que
vous présentez ?
R- D'abord, parce que, il y a 80 propositions, dont une quarantaine d'ordre législatif dans les propositions Outreau. Elles ne sont pas toutes de même valeur et elles ne sont pas toutes d'ailleurs applicables. J'en donne une, qui est un débat entre M. Valini, si j'ai bien compris, et moi même, qui est la question de savoir si le médiateur pourrait contredire le Garde des Sceaux dans sa saisine du Conseil supérieur de la magistrature. Si on suivait la commission Outreau, il est clair que, tout le monde le comprend, le médiateur aurait donc plus de pouvoir que le Garde des Sceaux. On changerait tout simplement la Constitution, on réfléchit non avant de se lancer dans des affaires pareilles ?!! Donc, vous voyez bien que toutes les propositions ne sont pas à prendre sans réflexion, et en revanche, toutes celles qui étaient intéressantes, et pratiques, et qui ne répondaient pas à des changements de structure, je vous l'ai dit dès le départ, c'est celles-là que j'ai retenu pour partie ou pour totalité. Et je vous rappelle que, sur une trentaine de propositions législatives j'en ai pris 21. Donc, si on est très honnêtes, c'est très largement inspiré d'Outreau, plus d'autres travaux qui avaient eu lieu, comme des rapports du premier...
Q- Mais pourquoi tout le monde est déçu alors ? "Tout ça pour ça", disent trois acteurs de l'affaire Outreau interrogés dans Le Monde et dans son édition d'aujourd'hui ?
R- Par définition, je suppose qu'on parle tous de mon projet de loi. J'aimerais en être absolument sûr, parce que, on peut dire que je ne change pas la structure de la justice, que cela reste un système inquisitoire, c'est vrai ; qu'on a gardé le juge d'instruction, c'est vrai. Mais dire que, ce que j'ai fait ne répond pas aux questions, dont je parlais à l'instant, réponse pour la solitude du juge d'instruction, la détention provisoire, le recueil de la parole de l'enfant, personne ne peut dire le contraire. Donc, honnêtement, on peut dire : "j'aurais voulu une autre justice", je n'en suis pas sûr, mais que certains disent cela... mais la révolutionner, c'est une chose. Mais qu'on dise que ma réforme ne répond pas aux problèmes posés par Outreau, je trouve que ce n'est pas honnête intellectuellement de ne pas le reconnaître.
Q- Mais n'était-ce pas une réforme de structure justement qui était nécessaire ?
R- Alors, ce n'est pas mon avis, et si j'ai tort, j'allais dire, j'offre aux cinq années de la prochaine législature, le soin aux parlementaires et au gouvernement de demain d'y réfléchir et de la faire. Mais personnellement, changer de fond en comble le système judiciaire français, je crie casse-cou ! Mais peut-être ai-je tort ? Et c'est parce que je ne suis pas sûr de moi, je le dis modestement mais avec sincérité, qu'il faut du temps pour en discuter et sûrement pas six mois ou un an.
Q- La solitude du juge d'instruction, vous l'avez dit, a été évidemment mise en cause dans l'affaire d'Outreau. Il y a des mesures dans le projet de loi qui sera donc débattu tout à l'heure à l'Assemblée pour chercher à y remédier. Mais on a vu que des structures collectives existaient aussi dans l'affaire Outreau et qu'elles ont dysfonctionné. Alors, pourquoi ces nouvelles structures collectives fonctionneront-elles mieux que celles qui n'ont pas fonctionné et qui existent déjà ?
R- Allons plus loin, précisons votre question pour que tout le monde comprenne. La structure collective, dont vous parlez c'est la Chambre de l'instruction, elle est à Douai, nous sommes d'accord, Douai dans le Nord de la France, et le juge d'instruction y est tout seul, et il est à,Outreau, c'est-à-dire, Boulogne-sur-Mer. Je ne connais pas très bien les lieux mais il y a 100 km, n'est-ce pas ? Là, il ne s'agit pas de ça, il s'agit que, dès le premier degré, c'est-à-dire au niveau du juge d'instruction il y ait une collégialité et au moins une co-saisine, disons les choses plus clairement et plus précisément, et être à deux ça permet de discuter, être trois ça permet en plus de dialoguer. Alors suivant les tribunaux de grande instance et leur taille, on pourra avoir deux ou trois juges d'instruction co-saisis pour toutes les affaires criminelles et pour les affaires délictuelles, les délits, à condition qu'ils soient complexes. Et nous allons retrouver, je le dis aux auditeurs, puisque c'est vrai que la commission des lois a fait un amendement d'appel, elle a supprimé les pôles de l'instruction pour revenir à la collégialité. Je suis d'accord sur la collégialité et je pense que tout le monde doit l'être. Je rappelle d'ailleurs qu'en 1985 j'ai voté comme député la collégialité sous Badinter. En 1986 arrive un nouveau Gouvernement - alternance - c'était M. Chalandon, et qui a dit : "Moi je ne connais pas bien le sujet, je ne suis pas un juriste, mais je vous dis une chose, c'est que je suis incapable de la mettre en oeuvre". Donc, on a voté, on est revenus en arrière. Pour éviter ce genre d'erreur manifeste...et puis alors là l'opinion publique aurait raison de dire : vous votez des trucs et vous êtes incapables de les incarner dans la réalité, je dis : attention, on est incapable de l'incarner dans la réalité, la collégialité, parce que c'est pas un problème d'argent c'est un problème de formation de magistrats. Pour autant, faisons les pôles, des co-saisines, un début de collégialité, et nous déboucherons dans quatre ou cinq ans, et c'est ce que va...vous avez avez annoncé dans la loi, grosso modo dans cinq ans la France s'engage à créer des collégialités au niveau de l'instruction dans chaque tribunal de grande instance de préfecture.
Q- Donc, ils vont travailler ensemble, parce que la commission d'enquête parlementaire a bien montré que les textes prévoient aussi des procédures de contrôle, des procédures justement de
regards croisés sur les dossiers, mais que, routine, difficultés quotidiennes, ces choses-là n'étaient pas faites. Pourquoi est-ce que cette collégialité-là, elles seraient plus faites que dans l'autre ?
R- Non, non, vous dites une chose inexacte, vous dites "les textes prévoient", non les textes ne prévoient pas. Les textes prévoient dans certains cas et si il y a accord du juge d'instruction. Là, les textes le prévoient systématiquement, accord ou pas du juge d'instruction ce n'est pas franchement pareil, donc c'est pour cela que ça ne marchait pas. Les juges d'instruction d'abord quand on leur proposait la cosaisine, généralement disaient : "non, non, je me débrouille bien tout seul". C'est un réflexe assez individualiste, très français, et la culture du juge d'instruction est plutôt une culture de solitude et pas une culture de collège, et justement c'est ce que je veux faire avancer, et nous sommes en parfaite harmonie avec la commission d'Outreau, faire avancer et changer la culture du juge d'instruction pour qu'elle devienne collégiale.
Q- La détention provisoire, quid de ce problème ? Techniquement on disait, "détention provisoire", mais en l'occurrence, il s'agissait d'enfermer des innocents.
R- La détention provisoire, d'abord, ne doit jamais être un moyen de pression sur un accusé pour qu'il avoue. Je dis ça parce que ce n'est sûrement pas inutile que je le dise. Deuxième chose, la détention provisoire, en France, est devenue, depuis l'Après-Guerre, il y a une trentaine d'année, un peu systématique. On commence par un mandat de dépôt, on se retrouve en détention provisoire, et ensuite on peut y pourrir des mois et des mois, c'est inadmissible ! Si il n'y a pas de solution alternative, oui ; mais il faut de vraies raisons. Et ça, dans cette réforme, la Chambre de l'instruction, c'est-à-dire au niveau de la Cour d'appel, régulièrement, tous les trois mois, et c'est probablement l'amendement qui sera retenu de l'Assemblée nationale, fera en sorte d'examiner au fond la question pour savoir si vraiment vous devez rester en détention provisoire ou pas.
Q- Dernière question, vous pensez donc, que le texte que vous présentez aujourd'hui à l'Assemblée est à la hauteur du défi d'Outreau ?
R- Moi je ne sais pas où est la hauteur. Mais ce sont exactement les réponses aux questions de ceux qui ont passé jusqu'à trois ans en détention. Là, ils se sont posés la question : pourquoi un juge seul ? Pourquoi tant de détention ? Pourquoi les droits de la défense n'ont pas été plus écoutés ? Pourquoi "je n'ai pas été seul face au juge d'instruction et ce sont plusieurs détenus qui ont été à la fois interrogés ?" Toutes ces questions-là, j'y réponds, c'est concret. En revanche, les grandes généralités, c'est un autre débat.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 décembre 2006