Texte intégral
Monsieur le Vice-Président du Conseil Économique et Social,
Madame et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidents, chefs d'entreprise, responsables professionnels et syndicaux,
Mes chers compatriotes d'Outre-Mer,
C'est pour moi un honneur et aussi un plaisir, bien que nous soyons un peu loin les uns des autres, de m'adresser aux responsables politiques, économiques et sociaux des départements d'outre-mer rassemblés aujourd'hui à l'excellente initiative du ministre délégué à l'outre-mer, dans les locaux du Conseil Économique et Social.
Je vous remercie, Monsieur le Vice-Président, de votre accueil, des mots aimables que vous venez de prononcer. Nulle autre enceinte à Paris n'était mieux indiquée que la vôtre pour traiter des deux thèmes qui nous réunissent : l'égalité sociale et le développement. L'un et l'autre sont en effet au cur de la mission assignée à votre Conseil et des travaux que vous conduisez avec le talent que l'on sait.
Cette journée réunit l'ensemble des acteurs politiques, économiques et sociaux des départements d'outre-mer et leur présence ici est déjà en soi un succès afin qu'ils confrontent, en toute sincérité, leur façon de concevoir la dialectique permanente du progrès social et du développement économique. Vous tous, êtes en effet les décideurs qui portez, solidairement, la responsabilité de l'avenir des départements d'outre-mer. Le Gouvernement est à vos côtés, il vous accompagnera dans vos efforts. La solidarité de la Nation ne vous manquera pas et c'est la première chose que je suis venu vous dire ce matin.
Mais il est des choix qui ne relèvent que de vous, élus politiques, chefs d'entreprise, responsables professionnels et syndicaux. Je souhaite donc que le premier bénéfice de ces Assises soit de mieux faire toucher du doigt à chacun combien, face aux problèmes que rencontrent vos départements, la solidarité et le dialogue constituent la première clé du progrès.
C'est pourquoi je tiens à féliciter le ministre délégué à l'outre-mer, Jean-Jacques de PERETTI. Au-delà des formules convenues, je saisis cette occasion de lui exprimer devant vous ma reconnaissance pour le talent, la compétence et la pugnacité, la gentillesse aussi et ça compte dans la vie politique, avec lesquels il assume des responsabilités à la fois lourdes et difficiles. Sachez que votre ministre défend les intérêts de l'outre-mer pied à pied, jusque dans mon bureau souvent, avec passion, sans complaisance, et même sans hésiter, lorsqu'il faut m'arracher un arbitrage, à faire appel aux sentiments personnels d'amitié qui nous lient !
Les deux thèmes de vos assises - l'égalité sociale et le développement - sont à l'évidence étroitement liés.
Il n'y a pas de croissance qui vaille si elle ne s'accompagne de la diffusion du plus large progrès social, et inversement il n'y aura pas d'avancée sociale durable qui ne s'appuie sur le développement de notre richesse collective. C'est le sens des engagements que le Président de la République avait pris à votre égard, c'est également le sens de l'action que le Gouvernement conduit.
La réalisation de l'égalité sociale avec la métropole constituait une exigence de justice et de solidarité nationale : elle avait donc, aux yeux de Jacques Chirac et aux miens, un caractère prioritaire. Cette priorité a été pleinement respectée, puisque le relèvement du SMIC au niveau national est maintenant accompli, et que les mesures d'alignement des prestations familiales seront réalisées avec effet au 1er janvier, lorsque la loi portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer aura été adoptée par le Parlement. Ainsi, à travail égal, le salaire versé dans les DOM et en métropole est aujourd'hui égal ; à situation égale, les prestations familiales seront désormais ou seront, dès que le texte sera voté, les mêmes. Je ressens comme une sorte de fierté d'avoir franchi cette ultime étape le premier jour de l'année qui marquera le 50ème anniversaire de votre transformation en départements. Ainsi s'achève une page de votre histoire ouverte à l'initiative du Général de Gaulle. Ainsi pouvons-nous maintenant nous atteler à la rédaction d'un nouveau chapitre de cette histoire.
Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour exprimer à ce propos ma conception de l'égalité. L'égalité, nous le savons bien, nous en avons déjà souvent parlé, ne veut pas dire l'uniformité. Je connais les spécificités des départements d'outre-mer, les contraintes particulières qui pèsent sur leur développement économique et social. J'ai pu mesurer, je pourrai mesurer dans quelques semaines lorsque j'y reviendrai à nouveau, l'attachement des populations d'outre-mer à la France, et leur souhait de dignité et de responsabilité. Je vois dans l'égalité sociale la reconnaissance de leurs efforts et de leur place particulière au sein de la République. La solidarité nationale, je l'ai dit, ne doit pas manquer à leur égard. C'est la raison pour laquelle je souhaite et j'ai eu l'occasion de le dire à l'ensemble des ministres du Gouvernement, que les départements d'outre-mer bénéficient systématiquement, ça n'a pas toujours été le cas dans le passé, des mesures nationales prises par le Gouvernement, dès lors que ces mesures peuvent contribuer à leur développement. Nous devons sortir d'une logique de rattrapage, pour entrer dans une logique d'égalité. Les premières applications de cette nouvelle orientation ont pu être trouvées, notamment avec l'alignement du Contrat d'Accès à l'Emploi sur le CIE, avec l'application du Plan PME-PMI aux DOM, il en a été de même pour le plan de relance pour la ville et d'autres exemples suivront.
Le ministre délégué à l'outre-mer m'a rendu compte du travail considérable qui a été effectué dans chacun des départements d'outre-mer, afin de préparer ces assises. Je veux lui dire et vous dire combien j'approuve cette méthode de dialogue et d'approfondissement des sujets qui vous intéressent, dans le respect des idées de chacun, avec la contribution non seulement des élus, mais aussi des partenaires économiques et sociaux.
Pour moi, ces assises ne sont pas une conclusion, mais une étape, un démarrage, le point de départ d'un véritable pacte pour le développement, qui se concrétisera pendant tout ce septennat, sous l'autorité du Président de la République, dont vous connaissez l'attachement personnel à vos départements.
Depuis 1993, un nombre très significatif de mesures ont été prises en faveur de l'outre-mer. Je voudrais rappeler la loi de finances rectificative du 22 juin 1993, qui a permis de relancer les investissements éligibles à la défiscalisation, et d'étendre cet avantage aux investissements publics à caractère industriel ou commercial.
Grâce à la défiscalisation, de 1988 à 1993, dernière année statistiquement connue, le montant des investissements aidés a doublé pour atteindre 10 milliards de francs par an. La loi de finances pour 1996 devrait permettre une nouvelle progression, dans la mesure où l'imputation des déficits provenant d'activités industrielles ou commerciales exercées à titre non professionnel sur le revenu global n'est désormais possible que pour les investissements réalisés outre-mer et uniquement outre-mer.
Je tiens à vous indiquer que j'ai parfaitement conscience que la défiscalisation des investissements a constitué depuis dix ans le principal moteur du développement et de la création d'emplois outre-mer. Je récuse donc tout à fait l'idée selon laquelle cette mesure serait une sorte de cadeau injustifié : elle est l'un des moyens par lesquels l'État, garant de la solidarité nationale, peut compenser les handicaps structurels de vos économies et de vos sociétés. A ce titre, sous réserve bien sûr de procédures permettant de prévenir d'éventuelles dérives ou abus, elle a vocation à demeurer l'un des instruments privilégiés de notre action économique dans les départements d'outre-mer. J'y reviendrai d'ailleurs dans quelques instants.
La loi du 25 juillet 1994, dite loi Perben, a institué, pour une durée de trois ans, une exonération totale des cotisations à la charge des employeurs de nombreux secteurs de production, au titre des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail, ainsi que les mesures d'activation du RMI, et la création du contrat d'accès à l'emploi. Je souhaite qu'un bilan public soit fait en 1996 de l'application de cette loi, et que cette évaluation puisse donner lieu aux ajustements nécessaires s'il y a lieu.
La revalorisation du SMIC - mesure de justice sociale, je l'ai déjà dit - a donné lieu dès cet été à un plan d'accompagnement qui exonérait les départements d'outre-mer de la hausse de deux points de la TVA intervenue en métropole, mais leur étendait la mesure nationale d'exonération dégressive des charges sociales sur les bas salaires. Cette exonération s'est appliquée immédiatement, c'est-à-dire plusieurs mois avant l'achèvement de la hausse du SMIC qu'elle devait compenser, ce qui montre le souci du Gouvernement de tenir pleinement compte des difficultés de vos entreprises et de la nécessité absolue de défendre l'emploi.
Dans la logique d'égalité que j'ai rappelée, et dans le cadre d'une contrainte budgétaire que vous connaissez tous et qui ne se desserrera pas au fil des mois qui viennent et sur laquelle la rigueur porte des fruits, il suffit de voir comment évoluent jour après jour les taux d'intérêt, il nous appartient maintenant de soutenir et d'accompagner le développement de l'outre-mer.
Dans cette perspective, je voudrais apporter aux travaux que vous allez conduire, atelier par atelier puis cet après-midi en séance collective, quelques réflexions sur les sujets qui me paraissent les plus essentiels.
La priorité des priorités, vous le savez, en outre-mer comme en métropole c'est l'emploi et, je serai tenté de dire plus encore, l'emploi des jeunes. Sous cet angle, les départements d'outre-mer, avec une augmentation de près de 6 % des demandeurs d'emploi à la fin d'octobre 1995 et un taux de chômage supérieur à 30 % de la population active, connaissent une situation particulièrement difficile. Le rythme de création de nouveaux emplois a beau être nettement supérieur à la moyenne nationale, on ne le dit pas assez, il ne suffit pas à absorber une très forte pression démographique. Le pacte de développement, que j'ai évoqué, doit donc en tout premier lieu concerner l'emploi, concerner l'emploi des jeunes. Les jeunes représentent le tiers des demandeurs d'emplois, et plus encore à la Réunion. A cet égard le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, ouvert dans le budget du ministère de l'outre-mer, est un instrument utile. Ses crédits permettront de soutenir les publics aidés et de mener grâce aux agences départementales d'insertion une politique active en faveur des chômeurs de longue durée. Bien entendu, toute nouvelle mesure en faveur de l'emploi des jeunes qui serait prise au plan national sera ipso facto applicable à l'outre-mer.
Mais la politique en faveur de l'emploi, pour ne pas être tournée vers l'assistanat que vous refusez à juste titre, doit être soutenue, entraînée par une politique de développement économique. Il est clair que celle-ci doit d'abord passer par le soutien des filières traditionnelles, sucre, rhum, banane, qui nécessitent les efforts constants des pouvoirs publics. Elle suppose également l'amélioration de l'environnement économique et financier des entreprises. J'ai décidé, conformément à la demande de vos parlementaires, qu'une mission de l'inspection générale des finances me remettrait, dans un délais d'un mois, un rapport sur le financement des entreprises dans les départements d'outre-mer. Sans attendre ce rapport, je peux vous confirmer mon souci de moderniser en concertation avec les professionnels concernés, le système de financement des PME-PMI afin de lui donner la souplesse et la fluidité nécessaires. De même, je crois nécessaire de favoriser une plus grande présence de vos entreprises sur les marchés extérieurs régionaux, et sur ceux des grands pays développés.
Seconde réflexion : nous devons nous interroger sur les moyens d'améliorer la compétitivité de vos entreprises, c'est-à-dire de réduire leurs coûts de production. Nous connaissons largement l'origine des coûts élevés dans les départements d'outre-mer : l'éloignement géographique et l'insularité, qui augmentent les frais de transport, l'étroitesse des marchés locaux, qui interdit les économies d'échelle, l'insuffisance de l'appareil de formation professionnelle. Mais ne faut-il pas évoquer également le niveau des salaires dans les entreprises - et je ne pense pas ici au SMIC - niveau qui est souvent influencé par la comparaison avec le secteur public ? Ce problème général du niveau des rémunérations dans vos départements a fait l'objet de nombreuses prises de position, en particulier à la Réunion. J'en mesure toute la difficulté, toute la sensibilité. Mais pouvons-nous l'exclure de la réflexion que nous conduirons sur les conditions du développement économique des DOM ? Je souhaite que vos travaux apportent une première réponse à cette interrogation : le Gouvernement, soyez-en sûrs, lui réservera l'accueil le plus attentif.
Votre troisième préoccupation principale, vous l'avez dit tout à l'heure. Monsieur le Vice-Président, est celle de l'éducation de vos enfants, et je souhaite qu'un chantier soit ouvert sur ce sujet, dans le prolongement des assises, et avec le concours des parlementaires et des élus locaux. Ce dossier concerne d'abord, bien entendu, et surtout à la Réunion et en Guyane, les taux d'encadrement et leur coût, ce qui nous ramène au problème que j'évoquais précédemment, mais aussi le rythme de construction des collèges, des écoles et des lycées. Je souhaite que cette concertation s'élargisse, avec le milieu, à une amélioration des rythmes scolaires puisqu'un débat sur ce point est largement ouvert au niveau national.
Quatrième préoccupation : le logement. Le constat existe, et je vais le rappeler en quelques mots qui pourront vous paraître brutaux :
- des besoins largement insatisfaits du fait de l'insuffisance globale des moyens alloués,
- un gros problème foncier, et de viabilisation des terrains, présent dans tous les départements quoi que sous des formes différentes,
- une complexité croissante des procédures et des réglementations tant au niveau central qu'au niveau local,
- une difficulté du système à loger les plus démunis, parce que les produits sont trop chers et la solvabilité insuffisante, et à loger aussi les classes intermédiaires qui elles sont souvent mal adaptées.
Une de mes premières décisions a consisté à rattacher la ligne budgétaire unique au ministère de l'outre-mer afin de donner la plus grande transparence à la gestion de ces fonds et de réaffirmer leur caractère spécifique. C'est chose faite, vous le savez, au budget de l'État pour 1996. Dans le prolongement de vos travaux, et sur la base du constat en quatre points que je viens de faire, je demande au ministère de l'outre-mer de me proposer les améliorations et modifications nécessaires, en partenariat avec les collectivités locales. D'ici la fin de l'année, je l'espère, les régions d'outre-mer se verront dotées d'un schéma d'aménagement régional qui fixera les grands axes du développement urbain. Grâce à votre réflexion, la politique du logement devra être assouplie, adaptée aux spécificités de chaque département d'outre-mer.
En outre, afin de réserver les fonds publics au bénéfice du logement social, je suis prêt à examiner un aménagement du dispositif de défiscalisation qui contribuerait à améliorer le financement du logement intermédiaire, qui est un des besoins majeurs.
Je l'ai dit, égalité ne signifie pas uniformité. A cet égard, et bien que la loi du 4 février 1994 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, s'applique globalement aux départements d'outre-mer, ils n'en n'ont pas tiré tous les bénéfices, en particulier parce que les critères nationaux de zonage prioritaire ne répondent pas à leurs spécificités. J'ai donc demandé à Jean-Jacques de Peretti et au ministre de l'aménagement du territoire, Jean-Claude Gaudin, de réfléchir à une reconnaissance du caractère de "zone prioritaire ultrapériphérique" aux départements d'outre-mer, à l'instar de la zone d'aménagement du territoire définie pour la métropole par la loi du 4 février 1994. Une telle mesure permettrait d'adapter à l'outre-mer les zonages spécifiques et de prendre en compte les contraintes naturelles de vos territoires, au regard notamment des transports terrestres et maritimes, et de l'aménagement foncier et urbain, par exemple. Je vous propose d'en discuter aujourd'hui, si vous le voulez bien, sachant que je suis prêt à soutenir personnellement une proposition qui serait faite en ce sens.
J'en viens enfin au dernier sujet que je voulais évoquer devant vous : la relation de nos départements d'outre-mer avec l'Union européenne. Je soutiens le point de vue exprimé par vos élus en faveur d'une consolidation dans le Traité de l'Union européenne des principes du POSEIDOM et de la déclaration annexée au Traité de Maastricht. La démarche que nous avons entreprise en ce sens a été bien accueillie par nos partenaires espagnols et portugais, et elle sera à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale qui va démarrer dans quelques semaines à Turin. Vous pouvez compter sur mon appui personnel et bien sûr sur l'appui du Président de la République pour la faire aboutir.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les pistes de réflexion que je souhaitais ouvrir devant vous ce matin. Il s'agit d'un discours d'introduction, il n'y a donc pas encore les conclusions de vos travaux par définition. J'espère que ces réflexions seront fructueuses, concrètes et pourront déboucher ce soir sur des propositions opérationnelles.
En tous cas les orientations que j'ai tracées, les principes que j'ai rappelés sont ambitieux pour notre outre-mer et nous ne le serons jamais trop. Mieux mobiliser les fonds publics, les gérer dans une plus grande transparence, reconnaître les spécificités de l'outre-mer, réussir le pari de l'égalité sociale, voilà des ambitions qui sont partagées par l'ensemble du Gouvernement. L'année 1996, et je l'ai dit, est celle du cinquantenaire de la départementalisation. Ne laissons pas obscurcir les débats de l'avenir par les querelles du passé, notamment les querelles institutionnelles qui masquent les vrais enjeux, tournons-nous vers le développement, un développement concerté et assumé, c'est le sens de notre action.
C'est dans cet esprit que je souhaite bonne chance aux travaux que vous allez conduire, et que je vous invite maintenant à engager en vous disant tout l'attachement que je porte, toute l'affection que je porte aux départements et aux populations que vous représentez.
Madame et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidents, chefs d'entreprise, responsables professionnels et syndicaux,
Mes chers compatriotes d'Outre-Mer,
C'est pour moi un honneur et aussi un plaisir, bien que nous soyons un peu loin les uns des autres, de m'adresser aux responsables politiques, économiques et sociaux des départements d'outre-mer rassemblés aujourd'hui à l'excellente initiative du ministre délégué à l'outre-mer, dans les locaux du Conseil Économique et Social.
Je vous remercie, Monsieur le Vice-Président, de votre accueil, des mots aimables que vous venez de prononcer. Nulle autre enceinte à Paris n'était mieux indiquée que la vôtre pour traiter des deux thèmes qui nous réunissent : l'égalité sociale et le développement. L'un et l'autre sont en effet au cur de la mission assignée à votre Conseil et des travaux que vous conduisez avec le talent que l'on sait.
Cette journée réunit l'ensemble des acteurs politiques, économiques et sociaux des départements d'outre-mer et leur présence ici est déjà en soi un succès afin qu'ils confrontent, en toute sincérité, leur façon de concevoir la dialectique permanente du progrès social et du développement économique. Vous tous, êtes en effet les décideurs qui portez, solidairement, la responsabilité de l'avenir des départements d'outre-mer. Le Gouvernement est à vos côtés, il vous accompagnera dans vos efforts. La solidarité de la Nation ne vous manquera pas et c'est la première chose que je suis venu vous dire ce matin.
Mais il est des choix qui ne relèvent que de vous, élus politiques, chefs d'entreprise, responsables professionnels et syndicaux. Je souhaite donc que le premier bénéfice de ces Assises soit de mieux faire toucher du doigt à chacun combien, face aux problèmes que rencontrent vos départements, la solidarité et le dialogue constituent la première clé du progrès.
C'est pourquoi je tiens à féliciter le ministre délégué à l'outre-mer, Jean-Jacques de PERETTI. Au-delà des formules convenues, je saisis cette occasion de lui exprimer devant vous ma reconnaissance pour le talent, la compétence et la pugnacité, la gentillesse aussi et ça compte dans la vie politique, avec lesquels il assume des responsabilités à la fois lourdes et difficiles. Sachez que votre ministre défend les intérêts de l'outre-mer pied à pied, jusque dans mon bureau souvent, avec passion, sans complaisance, et même sans hésiter, lorsqu'il faut m'arracher un arbitrage, à faire appel aux sentiments personnels d'amitié qui nous lient !
Les deux thèmes de vos assises - l'égalité sociale et le développement - sont à l'évidence étroitement liés.
Il n'y a pas de croissance qui vaille si elle ne s'accompagne de la diffusion du plus large progrès social, et inversement il n'y aura pas d'avancée sociale durable qui ne s'appuie sur le développement de notre richesse collective. C'est le sens des engagements que le Président de la République avait pris à votre égard, c'est également le sens de l'action que le Gouvernement conduit.
La réalisation de l'égalité sociale avec la métropole constituait une exigence de justice et de solidarité nationale : elle avait donc, aux yeux de Jacques Chirac et aux miens, un caractère prioritaire. Cette priorité a été pleinement respectée, puisque le relèvement du SMIC au niveau national est maintenant accompli, et que les mesures d'alignement des prestations familiales seront réalisées avec effet au 1er janvier, lorsque la loi portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer aura été adoptée par le Parlement. Ainsi, à travail égal, le salaire versé dans les DOM et en métropole est aujourd'hui égal ; à situation égale, les prestations familiales seront désormais ou seront, dès que le texte sera voté, les mêmes. Je ressens comme une sorte de fierté d'avoir franchi cette ultime étape le premier jour de l'année qui marquera le 50ème anniversaire de votre transformation en départements. Ainsi s'achève une page de votre histoire ouverte à l'initiative du Général de Gaulle. Ainsi pouvons-nous maintenant nous atteler à la rédaction d'un nouveau chapitre de cette histoire.
Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour exprimer à ce propos ma conception de l'égalité. L'égalité, nous le savons bien, nous en avons déjà souvent parlé, ne veut pas dire l'uniformité. Je connais les spécificités des départements d'outre-mer, les contraintes particulières qui pèsent sur leur développement économique et social. J'ai pu mesurer, je pourrai mesurer dans quelques semaines lorsque j'y reviendrai à nouveau, l'attachement des populations d'outre-mer à la France, et leur souhait de dignité et de responsabilité. Je vois dans l'égalité sociale la reconnaissance de leurs efforts et de leur place particulière au sein de la République. La solidarité nationale, je l'ai dit, ne doit pas manquer à leur égard. C'est la raison pour laquelle je souhaite et j'ai eu l'occasion de le dire à l'ensemble des ministres du Gouvernement, que les départements d'outre-mer bénéficient systématiquement, ça n'a pas toujours été le cas dans le passé, des mesures nationales prises par le Gouvernement, dès lors que ces mesures peuvent contribuer à leur développement. Nous devons sortir d'une logique de rattrapage, pour entrer dans une logique d'égalité. Les premières applications de cette nouvelle orientation ont pu être trouvées, notamment avec l'alignement du Contrat d'Accès à l'Emploi sur le CIE, avec l'application du Plan PME-PMI aux DOM, il en a été de même pour le plan de relance pour la ville et d'autres exemples suivront.
Le ministre délégué à l'outre-mer m'a rendu compte du travail considérable qui a été effectué dans chacun des départements d'outre-mer, afin de préparer ces assises. Je veux lui dire et vous dire combien j'approuve cette méthode de dialogue et d'approfondissement des sujets qui vous intéressent, dans le respect des idées de chacun, avec la contribution non seulement des élus, mais aussi des partenaires économiques et sociaux.
Pour moi, ces assises ne sont pas une conclusion, mais une étape, un démarrage, le point de départ d'un véritable pacte pour le développement, qui se concrétisera pendant tout ce septennat, sous l'autorité du Président de la République, dont vous connaissez l'attachement personnel à vos départements.
Depuis 1993, un nombre très significatif de mesures ont été prises en faveur de l'outre-mer. Je voudrais rappeler la loi de finances rectificative du 22 juin 1993, qui a permis de relancer les investissements éligibles à la défiscalisation, et d'étendre cet avantage aux investissements publics à caractère industriel ou commercial.
Grâce à la défiscalisation, de 1988 à 1993, dernière année statistiquement connue, le montant des investissements aidés a doublé pour atteindre 10 milliards de francs par an. La loi de finances pour 1996 devrait permettre une nouvelle progression, dans la mesure où l'imputation des déficits provenant d'activités industrielles ou commerciales exercées à titre non professionnel sur le revenu global n'est désormais possible que pour les investissements réalisés outre-mer et uniquement outre-mer.
Je tiens à vous indiquer que j'ai parfaitement conscience que la défiscalisation des investissements a constitué depuis dix ans le principal moteur du développement et de la création d'emplois outre-mer. Je récuse donc tout à fait l'idée selon laquelle cette mesure serait une sorte de cadeau injustifié : elle est l'un des moyens par lesquels l'État, garant de la solidarité nationale, peut compenser les handicaps structurels de vos économies et de vos sociétés. A ce titre, sous réserve bien sûr de procédures permettant de prévenir d'éventuelles dérives ou abus, elle a vocation à demeurer l'un des instruments privilégiés de notre action économique dans les départements d'outre-mer. J'y reviendrai d'ailleurs dans quelques instants.
La loi du 25 juillet 1994, dite loi Perben, a institué, pour une durée de trois ans, une exonération totale des cotisations à la charge des employeurs de nombreux secteurs de production, au titre des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail, ainsi que les mesures d'activation du RMI, et la création du contrat d'accès à l'emploi. Je souhaite qu'un bilan public soit fait en 1996 de l'application de cette loi, et que cette évaluation puisse donner lieu aux ajustements nécessaires s'il y a lieu.
La revalorisation du SMIC - mesure de justice sociale, je l'ai déjà dit - a donné lieu dès cet été à un plan d'accompagnement qui exonérait les départements d'outre-mer de la hausse de deux points de la TVA intervenue en métropole, mais leur étendait la mesure nationale d'exonération dégressive des charges sociales sur les bas salaires. Cette exonération s'est appliquée immédiatement, c'est-à-dire plusieurs mois avant l'achèvement de la hausse du SMIC qu'elle devait compenser, ce qui montre le souci du Gouvernement de tenir pleinement compte des difficultés de vos entreprises et de la nécessité absolue de défendre l'emploi.
Dans la logique d'égalité que j'ai rappelée, et dans le cadre d'une contrainte budgétaire que vous connaissez tous et qui ne se desserrera pas au fil des mois qui viennent et sur laquelle la rigueur porte des fruits, il suffit de voir comment évoluent jour après jour les taux d'intérêt, il nous appartient maintenant de soutenir et d'accompagner le développement de l'outre-mer.
Dans cette perspective, je voudrais apporter aux travaux que vous allez conduire, atelier par atelier puis cet après-midi en séance collective, quelques réflexions sur les sujets qui me paraissent les plus essentiels.
La priorité des priorités, vous le savez, en outre-mer comme en métropole c'est l'emploi et, je serai tenté de dire plus encore, l'emploi des jeunes. Sous cet angle, les départements d'outre-mer, avec une augmentation de près de 6 % des demandeurs d'emploi à la fin d'octobre 1995 et un taux de chômage supérieur à 30 % de la population active, connaissent une situation particulièrement difficile. Le rythme de création de nouveaux emplois a beau être nettement supérieur à la moyenne nationale, on ne le dit pas assez, il ne suffit pas à absorber une très forte pression démographique. Le pacte de développement, que j'ai évoqué, doit donc en tout premier lieu concerner l'emploi, concerner l'emploi des jeunes. Les jeunes représentent le tiers des demandeurs d'emplois, et plus encore à la Réunion. A cet égard le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, ouvert dans le budget du ministère de l'outre-mer, est un instrument utile. Ses crédits permettront de soutenir les publics aidés et de mener grâce aux agences départementales d'insertion une politique active en faveur des chômeurs de longue durée. Bien entendu, toute nouvelle mesure en faveur de l'emploi des jeunes qui serait prise au plan national sera ipso facto applicable à l'outre-mer.
Mais la politique en faveur de l'emploi, pour ne pas être tournée vers l'assistanat que vous refusez à juste titre, doit être soutenue, entraînée par une politique de développement économique. Il est clair que celle-ci doit d'abord passer par le soutien des filières traditionnelles, sucre, rhum, banane, qui nécessitent les efforts constants des pouvoirs publics. Elle suppose également l'amélioration de l'environnement économique et financier des entreprises. J'ai décidé, conformément à la demande de vos parlementaires, qu'une mission de l'inspection générale des finances me remettrait, dans un délais d'un mois, un rapport sur le financement des entreprises dans les départements d'outre-mer. Sans attendre ce rapport, je peux vous confirmer mon souci de moderniser en concertation avec les professionnels concernés, le système de financement des PME-PMI afin de lui donner la souplesse et la fluidité nécessaires. De même, je crois nécessaire de favoriser une plus grande présence de vos entreprises sur les marchés extérieurs régionaux, et sur ceux des grands pays développés.
Seconde réflexion : nous devons nous interroger sur les moyens d'améliorer la compétitivité de vos entreprises, c'est-à-dire de réduire leurs coûts de production. Nous connaissons largement l'origine des coûts élevés dans les départements d'outre-mer : l'éloignement géographique et l'insularité, qui augmentent les frais de transport, l'étroitesse des marchés locaux, qui interdit les économies d'échelle, l'insuffisance de l'appareil de formation professionnelle. Mais ne faut-il pas évoquer également le niveau des salaires dans les entreprises - et je ne pense pas ici au SMIC - niveau qui est souvent influencé par la comparaison avec le secteur public ? Ce problème général du niveau des rémunérations dans vos départements a fait l'objet de nombreuses prises de position, en particulier à la Réunion. J'en mesure toute la difficulté, toute la sensibilité. Mais pouvons-nous l'exclure de la réflexion que nous conduirons sur les conditions du développement économique des DOM ? Je souhaite que vos travaux apportent une première réponse à cette interrogation : le Gouvernement, soyez-en sûrs, lui réservera l'accueil le plus attentif.
Votre troisième préoccupation principale, vous l'avez dit tout à l'heure. Monsieur le Vice-Président, est celle de l'éducation de vos enfants, et je souhaite qu'un chantier soit ouvert sur ce sujet, dans le prolongement des assises, et avec le concours des parlementaires et des élus locaux. Ce dossier concerne d'abord, bien entendu, et surtout à la Réunion et en Guyane, les taux d'encadrement et leur coût, ce qui nous ramène au problème que j'évoquais précédemment, mais aussi le rythme de construction des collèges, des écoles et des lycées. Je souhaite que cette concertation s'élargisse, avec le milieu, à une amélioration des rythmes scolaires puisqu'un débat sur ce point est largement ouvert au niveau national.
Quatrième préoccupation : le logement. Le constat existe, et je vais le rappeler en quelques mots qui pourront vous paraître brutaux :
- des besoins largement insatisfaits du fait de l'insuffisance globale des moyens alloués,
- un gros problème foncier, et de viabilisation des terrains, présent dans tous les départements quoi que sous des formes différentes,
- une complexité croissante des procédures et des réglementations tant au niveau central qu'au niveau local,
- une difficulté du système à loger les plus démunis, parce que les produits sont trop chers et la solvabilité insuffisante, et à loger aussi les classes intermédiaires qui elles sont souvent mal adaptées.
Une de mes premières décisions a consisté à rattacher la ligne budgétaire unique au ministère de l'outre-mer afin de donner la plus grande transparence à la gestion de ces fonds et de réaffirmer leur caractère spécifique. C'est chose faite, vous le savez, au budget de l'État pour 1996. Dans le prolongement de vos travaux, et sur la base du constat en quatre points que je viens de faire, je demande au ministère de l'outre-mer de me proposer les améliorations et modifications nécessaires, en partenariat avec les collectivités locales. D'ici la fin de l'année, je l'espère, les régions d'outre-mer se verront dotées d'un schéma d'aménagement régional qui fixera les grands axes du développement urbain. Grâce à votre réflexion, la politique du logement devra être assouplie, adaptée aux spécificités de chaque département d'outre-mer.
En outre, afin de réserver les fonds publics au bénéfice du logement social, je suis prêt à examiner un aménagement du dispositif de défiscalisation qui contribuerait à améliorer le financement du logement intermédiaire, qui est un des besoins majeurs.
Je l'ai dit, égalité ne signifie pas uniformité. A cet égard, et bien que la loi du 4 février 1994 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, s'applique globalement aux départements d'outre-mer, ils n'en n'ont pas tiré tous les bénéfices, en particulier parce que les critères nationaux de zonage prioritaire ne répondent pas à leurs spécificités. J'ai donc demandé à Jean-Jacques de Peretti et au ministre de l'aménagement du territoire, Jean-Claude Gaudin, de réfléchir à une reconnaissance du caractère de "zone prioritaire ultrapériphérique" aux départements d'outre-mer, à l'instar de la zone d'aménagement du territoire définie pour la métropole par la loi du 4 février 1994. Une telle mesure permettrait d'adapter à l'outre-mer les zonages spécifiques et de prendre en compte les contraintes naturelles de vos territoires, au regard notamment des transports terrestres et maritimes, et de l'aménagement foncier et urbain, par exemple. Je vous propose d'en discuter aujourd'hui, si vous le voulez bien, sachant que je suis prêt à soutenir personnellement une proposition qui serait faite en ce sens.
J'en viens enfin au dernier sujet que je voulais évoquer devant vous : la relation de nos départements d'outre-mer avec l'Union européenne. Je soutiens le point de vue exprimé par vos élus en faveur d'une consolidation dans le Traité de l'Union européenne des principes du POSEIDOM et de la déclaration annexée au Traité de Maastricht. La démarche que nous avons entreprise en ce sens a été bien accueillie par nos partenaires espagnols et portugais, et elle sera à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale qui va démarrer dans quelques semaines à Turin. Vous pouvez compter sur mon appui personnel et bien sûr sur l'appui du Président de la République pour la faire aboutir.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les pistes de réflexion que je souhaitais ouvrir devant vous ce matin. Il s'agit d'un discours d'introduction, il n'y a donc pas encore les conclusions de vos travaux par définition. J'espère que ces réflexions seront fructueuses, concrètes et pourront déboucher ce soir sur des propositions opérationnelles.
En tous cas les orientations que j'ai tracées, les principes que j'ai rappelés sont ambitieux pour notre outre-mer et nous ne le serons jamais trop. Mieux mobiliser les fonds publics, les gérer dans une plus grande transparence, reconnaître les spécificités de l'outre-mer, réussir le pari de l'égalité sociale, voilà des ambitions qui sont partagées par l'ensemble du Gouvernement. L'année 1996, et je l'ai dit, est celle du cinquantenaire de la départementalisation. Ne laissons pas obscurcir les débats de l'avenir par les querelles du passé, notamment les querelles institutionnelles qui masquent les vrais enjeux, tournons-nous vers le développement, un développement concerté et assumé, c'est le sens de notre action.
C'est dans cet esprit que je souhaite bonne chance aux travaux que vous allez conduire, et que je vous invite maintenant à engager en vous disant tout l'attachement que je porte, toute l'affection que je porte aux départements et aux populations que vous représentez.