Texte intégral
Philippe Douste-Blazy - Avant d'évoquer l'ordre du jour de ce Conseil Affaires générales, je voudrais avoir une pensée pour l'Abbé Pierre et tout ce que nous lui devons. J'ai eu l'occasion, ce matin, de m'exprimer sur ce sujet. Je pense qu'il fait partie, je dirais toute confession, tout parti politique, toute sensibilité confondus, de ceux qui ont prouvé à quel point il était extraordinaire de donner un sens à sa vie.
Je voudrais aussi saluer une nouvelle fois la mémoire de Hrant Dink, assassiné vendredi à Istanbul. J'avais eu l'occasion de le rencontrer, à ma demande d'ailleurs, lors de ma visite à Ankara, il y a tout juste un an. J'avais été frappé par sa profonde culture, par la force de son engagement en faveur des Droits de l'Homme et par son courage dans la défense du dialogue turco-arménien. Enfin, je voudrais également saluer la détermination avec laquelle les autorités turques ont recherché et retrouvé l'auteur de cet acte odieux.
Aujourd'hui, Catherine Colonna, qui est arrivée un peu avant moi à Bruxelles, et moi-même, avons suivi les travaux du Conseil qui ont essentiellement porté sur les relations extérieures et les sujets internationaux.
Tout d'abord, un mot rapide sur les affaires communautaires internes pour dire que la Stratégie de Lisbonne pour la croissance et la compétitivité a été évoquée. Dans son rapport, la Commission se montre globalement satisfaite des progrès réalisés dans sa mise en oeuvre, singulièrement par la France. Je voudrais ici le noter : réduction du déficit budgétaire, nouveau dispositif en faveur de la recherche et de l'innovation, mesures en faveur de l'emploi des jeunes et des seniors. Cette reconnaissance des succès de la politique économique de notre pays mérite, je crois, d'être signalée dans un contexte marqué par l'essor des grands pays émergents, qui rend absolument nécessaire pour nous d'investir dans la recherche, le développement et l'innovation.
Par ailleurs, au déjeuner, la Présidence allemande a présenté ses méthodes de travail pour la préparation de la déclaration du 50ème anniversaire du Traité de Rome. Des indications ont aussi été données sur la méthode de préparation du Conseil européen de juin qui, vous le savez, se penchera sur la question institutionnelle. De nombreuses consultations auront lieu dans les mois qui viennent. Catherine Colonna et moi-même y participerons très directement. Je voudrais dire à ce sujet que nous apporterons naturellement pendant ce semestre tout notre soutien à la Présidence allemande pour dégager des propositions sur la réforme institutionnelle. C'est un processus qui nécessitera d'abord, comme vous le savez, l'accord de tous les Etats membres. Il faut éviter, aujourd'hui, toute initiative qui pourrait aggraver les difficultés ou créer de nouvelles divisions dans l'Union européenne.
En matière de relations extérieures, l'ordre du jour a été très dense. Le Conseil a adopté le projet de mandat en vue d'un accord renforcé avec l'Ukraine, bon exemple d'ailleurs de l'intérêt de la politique de voisinage qui est une politique à part entière, qui doit se développer, tout en restant distincte de la politique d'élargissement. C'est une politique importante pour un certain nombre de pays, à l'Est comme au Sud. Vous connaissez par exemple l'importance que la France attache à un resserrement des liens entre l'Union et le Maroc.
Un autre point important évoqué ce matin, comme à tous les Conseils depuis des mois, c'est bien sûr la politique européenne externe de l'énergie. Vous savez qu'un plan ambitieux sera adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement au mois de mars. Nous avons débattu aujourd'hui des moyens concrets de parler d'une seule voix sur la scène internationale, notamment avec nos grands partenaires énergétiques comme la Russie.
Au titre de l'actualité internationale, nous venons d'évoquer, pendant près d'une heure et demie, le résultat des élections d'hier en Serbie. Je salue à la fois le bon déroulement des élections et le niveau de participation, qui témoigne de la mobilisation de la population lors de ce scrutin.
J'ai entendu ce matin un certain nombre d'analyses faites par des observateurs. Certains parlent d'échec de la démocratie parce qu'une certaine liste est arrivée en tête. Pour moi, c'est un succès de la démocratie parce que les élections serbes se sont déroulées de façon transparente, avec un bon niveau de participation et deux tiers des voix ont été obtenus par des partis démocrates.
Je lance un appel aux partis politiques de Serbie, en particulier à M. Kostunica, pour qu'ils s'orientent vers une coalition des forces démocratiques de Serbie, c'est-à-dire des forces partageant toutes les valeurs de l'Europe. En réalité, il y a les partis démocratiques, que j'appellerais pro-européens, et les partis non démocratiques, que j'appellerais non-européens.
Nous appelons le nouveau gouvernement à s'engager à coopérer sans réserve avec Mme Carla Del Ponte, avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Catherine Colonna et moi-même l'avons souvent dit avec une grande force, c'est une condition impérative du rapprochement avec l'Union européenne.
Nous avons aussi abordé la question du Kosovo. Nous soutenons Martti Ahtisaari qui va bientôt présenter ses propositions à Belgrade et Pristina pour recueillir leurs réactions. Le processus en cours devra garantir l'avenir d'un Kosovo multiethnique, permettant à toutes les communautés de vivre en paix et en sécurité.
Un mot sur l'Iran pour dire, à propos de la transposition par l'Union européenne de la résolution 1737, que, comme vous le verrez dans nos conclusions, le consensus et la détermination de la communauté internationale, qui avaient conduit à l'adoption à l'unanimité de cette résolution aux Nations unies le 23 décembre, demeure, en particulier entre nous Européens. Les Européens restent par ailleurs ouverts à la négociation et nous la souhaitons, mais aux conditions que Téhéran connaît bien et que je n'ai pas besoin de vous répéter.
Sur le Proche-Orient, vous savez que le processus est dans l'impasse malgré le cessez-le-feu conclu entre Israël et l'Autorité palestinienne et la récente rencontre entre Mahmoud Abbas et Ehud Olmert. Pour la France, la constitution d'un gouvernement d'union nationale demeure la meilleure solution pour la sortie de crise. Tout doit être fait pour favoriser l'émergence d'un interlocuteur palestinien qui bénéficie du soutien de la plus grande majorité des Palestiniens et qui soit capable de reprendre le dialogue avec Israël.
Je voudrais d'ailleurs saluer le reversement par le gouvernement israélien à l'Autorité palestinienne de 100 millions de dollars sur les taxes perçues pour son compte. Ce geste va dans la bonne direction. A plusieurs reprises, dans plusieurs conférences de presse, ici même, je l'avais demandé. Nous avons souligné le rôle essentiel du Quartet. Nous avons insisté pour que l'Union européenne y tienne toute sa place et je souhaite que le Quartet, qui devrait se réunir prochainement, ouvre la perspective d'une conférence internationale qui pourrait leur apporter des garanties, comme le président de la République l'a demandé à plusieurs reprises.
A propos de la Libye, il est important d'évoquer la situation dramatique où se trouvent les infirmières bulgares et le médecin palestinien. Le verdict de la Cour criminelle a choqué toute la communauté internationale. Je tiens à exprimer la solidarité de la France à mon collègue bulgare et j'ai rappelé que la France avait appelé les autorités libyennes à la clémence. Je voudrais également dire que le fonds international d'indemnisation des familles, qui est en train de se mettre en place, est un élément à prendre en compte pour le règlement de cette situation.
Au moment où j'ai quitté la réunion, nous n'avions pas encore parlé des questions africaines mais nous allons y revenir dans un instant.
Q - Est-ce qu'il est toujours question que la France envoie un émissaire en Iran ?
R - Philippe Douste-Blazy - Ce n'est pas d'actualité immédiate, mais il faut que vous sachiez que nous avons des relations avec l'Iran, comme beaucoup d'autres pays européens. J'ai rencontré mon homologue à plusieurs reprises durant les six derniers mois, que ce soit à Beyrouth, le 31 juillet, ou à New York, en septembre. Nous nous rencontrons régulièrement comme le font les autres partenaires européens. Sous certaines conditions, il est tout à fait utile, je l'ai dit, nous l'avons tous dit, de parler à l'Iran des questions régionales en raison de l'influence évidente qui est la sienne. Nous considérons que les engagements qui pourraient être obtenus de la part de l'Iran sont toujours importants.
Vous connaissez notre position sur le dossier nucléaire, rappelée à l'occasion du vote de la résolution 1737. Nous sommes totalement solidaires de la communauté internationale sur ce sujet. En tout état de cause, l'objet d'un éventuel dialogue avec l'Iran serait de réaffirmer nos positions sur les seules questions régionales. Pour ce qui concerne le dossier nucléaire iranien, vous le savez, c'est à Javier Solana, qui demeure l'interlocuteur des Iraniens pour le compte de la communauté internationale, de parler, en particulier à M. Larijani, mais il n'est pas le seul.
Q - Mme Merkel a plaidé pour que l'Europe reconnaisse son héritage chrétien, cela vous semble-t-il possible pour la France maintenant ?
R - Philippe Douste-Blazy - Le président de la République s'est à plusieurs reprises exprimé sur ce sujet. Nous reconnaissons totalement qu'il y a une histoire en Europe. Mais, nous l'avons déjà dit, nous ne souhaitons pas qu'il y ait des références de ce type au niveau constitutionnel parce que nous sommes un pays laïc.
Q - Iran, problème à Washington vis-à-vis de la direction que les Iraniens sont en train de prendre, en avez-vous discuté ? Pensez-vous que la solution militaire soit une solution possible s'il y a échec dans le volet diplomatique ?
R - Philippe Douste-Blazy - Nous sommes persuadés qu'il n'y a pas de solution militaire, ni aujourd'hui ni demain, dans une crise comme celle-la. Regardez ce qui se passe en Irak ou ce qui s'est passé cet été au Liban.
Nous souhaitons montrer deux choses : la fermeté de la communauté internationale, unie, vis-à-vis de l'Iran ; et l'unité, y compris avec la Russie et la Chine. C'est ce que nous avons obtenu dans une résolution qui est ce qu'elle est, certes, mais qui a l'avantage d'exister. Sur la base de nos conclusions, qui prévoient une transposition rigoureuse de la résolution 1737, nos experts vont maintenant négocier dans les prochains jours ce que j'appellerais une position commune. Les conclusions adoptées aujourd'hui en donnent le cadre général et nous n'avons absolument pas l'intention d'aller au-delà.
Q - Quelle est la position de la France sur la réunion des 18 à Madrid vendredi prochain ? C'est la première fois que la France depuis très longtemps sera absente d'une telle réunion. S'agit-il d'une initiative visant à accentuer les divisions au sein de l'Union ?
R - Philippe Douste-Blazy - La France n'avait pas de difficulté particulière avec la réunion, prévue à Madrid le 26 janvier, qui vise à réunir les Etats membres ayant ratifié le projet de Traité constitutionnel européen. Tout ce qui peut contribuer à la recherche d'une solution tenant compte des situations des uns et des autres est bienvenu et j'espère que ce sera le cas. Je fais confiance à la Présidence allemande et aux organisateurs pour éviter tout ce qui pourrait créer de nouvelles divisions dans une Union qui aura besoin de l'accord de tous les Etats membres pour accomplir les réformes institutionnelles nécessaires. Je le redis, nous faisons pleinement confiance à la Présidence allemande pour éviter ces écueils.
R - Catherine Colonna - Après avoir reçu mon collègue Alberto Navarro, j'ai indiqué publiquement ce que vient de dire Philippe Douste-Blazy, et ce que le président de la République avait dit devant vous au mois de décembre : tout ce qui peut permettre de rapprocher les Européens d'une solution de la question institutionnelle sera positif. A contrario, tout ce qui l'en éloignerait ne le serait pas. Nous espérons que ce sera le sens des travaux de la réunion de Madrid, avec les rappels qui viennent d'être faits et qui avaient déjà été faits devant vous. Rien de neuf par rapport au moment où cette initiative a été rendue publique en décembre.
R - Philippe Douste-Blazy - Lorsque l'on regarde l'Europe des 27 telle qu'elle est, tout le monde sait très bien qu'il faut faire des avancées institutionnelles et qu'il faut que tout le monde soit d'accord. Le calendrier de Mme Merkel a été fixé par elle-même à 2009 : j'espère qu'il sera tenu. Nous aurons la Présidence de l'Union européenne au deuxième semestre 2008. Evidemment, la France jouera tout son rôle pour appuyer la méthodologie allemande et pour faire en sorte qu'il y ait un accord à 27. Dans le cas contraire, il ne pourrait pas y avoir d'avancées institutionnelles. Il ne faut pas diviser, il faut construire et je suis persuadé que la Présidence allemande fera de cette réunion une construction.
Q - La France est-elle hors jeu ?
R - Philippe Douste-Blazy - Non seulement la France n'est pas hors jeu mais elle joue un rôle majeur, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, ne serait-ce que récemment lorsque les 26 autres Etats membres ont suivi le président Chirac dans ce qu'il a appelé, dans un premier temps, la capacité d'absorption de l'Union européenne et ce qu'il a appelé, ensuite, sa capacité d'intégration.
Que ce soit l'Europe de l'énergie, l'Europe des projets, la France est, aujourd'hui, à la fois pénalisée par son non à la Constitution et, en même temps, elle montre profondément qu'elle existe. C'est très bon pour nous d'avoir une Présidence allemande qui commence en janvier 2007, et une Présidence française dont tout le monde a accepté l'idée que c'est elle qui fera la synthèse. Nous sommes au coeur même du jeu. Il est évident que nous aurons nous-mêmes à traiter de l'avenir institutionnel, des réformes institutionnelles, à présenter ces réformes aux Français, soit par une voie soit par une autre, mais en accord avec les autres. Nous souhaitons participer et, d'ailleurs, vous avez vu que dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et le Premier ministre, ont déjà évoqué ce sujet. Nous sommes totalement partie prenante de ce débat.
A titre personnel, permettez-moi de vous dire que la présidence de l'Union européenne de deux ans et demi renouvelable une fois est quelque chose de majeur. Cela introduit le virus positif de l'évaluation dans le travail d'un homme politique européen. J'ajoute qu'un ministre des Affaires étrangères européen, ainsi que la majorité qualifiée, ou super qualifiée, par rapport à l'unanimité, ce sont également des éléments majeurs.
R - Catherine Colonna - C'est en 2008 que l'on va essayer de trouver un accord sur un nouveau texte permettant à l'Europe de mieux fonctionner. Ce qui est sûr c'est, d'une part, qu'il faut repartir de la base du Traité constitutionnel et, d'autre part, qu'il faut en préserver les équilibres. Donc, dans ce cadre, nous aurons tous notre contribution à apporter. Il y a une méthode, il y a un calendrier et il y a un objectif. Voilà ce qu'il fallait dire aujourd'hui
Q - Quelle est votre opinion sur la proposition américaine faite à la Pologne et à la Tchéquie de construire le système anti-missile en Europe qui doit défendre l'Europe contre les pays imprévisibles comme l'Iran par exemple ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je n'ai pas de r??action très concrète sur cela. La seule chose que je peux vous dire c'est que plus que jamais l'Union se doit d'être une union politique et que dans cette union il y a la politique de la Défense.
Dans le mouvement politique auquel j'appartiens, nous pensons profondément que l'Union européenne doit construire une Europe de la Défense. Cela a commencé à Saint-Malo avec le président Chirac et le Premier ministre Blair. Il y aura d'ailleurs prochainement des signes sur ce sujet, je pense, en interne de mon mouvement.
Je crois que c'est important de montrer cela au moment où les pôles, les moyens financiers pour atteindre les armes les plus dissuasives existent, je crois qu'il est nécessaire de réfléchir ensemble.
R - Catherine Colonna - J'ai une prière à faire à chacun à propos de votre question Madame : ne dites pas Tchéquie, cela rappelle de mauvais souvenirs. Cela a un sens au regard de l'histoire de l'Europe et si la République tchèque s'appelle République tchèque ce n'est pas tout à fait par hasard.
Q - Il y a une inflexion du vocabulaire relative aux engagements et aux exigences que l'Union formule à l'égard de la Serbie concernant sa coopération avec le TPIY, on passe d'une coopération pleine et entière à une coopération sans réserve, pourquoi cette modification de vocabulaire ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je fais partie de ceux qui pensent que cela ne change absolument rien à notre idée. Quel est le sujet des Balkans occidentaux ? C'est très simple, en fait, prenons un peu de hauteur.
Ou les Balkans occidentaux ont une perspective européenne que le président Chirac a été le premier à définir, en 2000, ou ils ne l'ont pas. L'histoire a montré que nous y avons plutôt intérêt. Vous savez que je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas élargir avant d'avoir une constitution, mais il est évident que nous avons tout intérêt à avoir un jour les Balkans occidentaux dans l'Union. Nous ne pouvons les avoir qu'à une condition, c'est qu'ils respectent parfaitement nos valeurs.
Pour avoir été spectateur, sur le terrain, de ce qui s'est passé pendant la guerre des Balkans, en d'autres temps, avec d'autres fonctions, je pense qu'il est absolument nécessaire d'envoyer des messages très clairs aux Serbes : coopérez pleinement avec le TPIY. Que pendant l'élection législative, certains aient eu envie de dire : "écoutez faisons plutôt attention, attention à ce qu'il n'y ait pas une véritable poussée ultra nationaliste", c'est une chose. Aujourd'hui, une coalition doit être formée. Il est important que les Serbes sachent que la France estime qu'il faut se tourner vers l'Union européenne et, pour ce faire, il faut se tourner vers ses valeurs et prouver concrètement son adhésion en coopérant avec le TPIY. Je pense qu'il ne faut pas transiger avec cela.
Q - Qu'avez-vous à dire à un nouveau gouvernement serbe qui serait constitué des radicaux et de Kostunica ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je leur dis de ne pas le faire. Je le dis à M. Kostunica, qui a quand même la clé dans cette affaire - il y M. Tadic, d'un côté, M. Kostunica et les ultra nationalistes. Je souhaite que la coalition se tourne véritablement vers la démocratie, avec une coalition avec les deux partis démocratiques, et vers l'Union, que ce soit par adhésion, par association, par voisinage, etc. Si tel n'était pas le cas, je pense que ce serait prendre de grands risques pour l'avenir européen des Balkans occidentaux. La perspective européenne serait remise en cause par une coalition qui ne serait pas pro-européenne : on ne peut pas tout avoir.
Q - Y aurait-il un risque de retrouver le Kosovo indépendant et la Serbie membre de l'Union ?
R - Philippe Douste-Blazy - C'est ce que je viens de dire.
R - Catherine Colonna - Nous disons à la Serbie de se tourner vers son avenir, vers l'Europe et d'en tirer les conséquences.
Q - Kostunica est quand même l'homme qui a été au pouvoir ces dernières années et qui a bloqué la coopération avec le TPIY, donc, ce serait en fait un sacré aggiornamento de sa part de rejoindre les pro-européens et de travailler dans ce sens là aussi. N'y a-t-il pas un peu de naïveté à croire ce changement possible ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je pense, au contraire, que c'est la question qui peut être un peu naïve. En réalité les résultats de cette élection font du Premier ministre l'homme qui va décider historiquement de quel côté va pencher l'avenir de son pays.
Là où vous avez tout à fait raison, c'est que pour obtenir un tel résultat, M. Kostunica a du compter sur une partie de l'électorat qui soutient la politique que vous évoquez. Il y a un moment dans une coalition et dans la vie politique où il y a des choix à faire, et ces choix sont binaires : c'est l'un ou l'autre.
Nous sommes européens, nous estimons que la coopération pleine et entière avec le TPIY, ainsi que d'autres réformes sont des éléments importants. On va avoir les élections en Albanie prochainement. Je souhaite qu'elles soient transparentes, sans corruption et qu'elles annoncent des réformes.
Ces réformes qui sont nécessaires pour rentrer dans l'Union. Je souhaite qu'il y ait une nouvelle étape, totalement historique à mon sens, d'un côté comme de l'autre. Il s'agit de savoir si oui ou non il y a une coalition pro-européenne ou pas. Il y a un moment où il faut le décider, on le verra très vite. Il est Premier ministre, il n'est pas si pressé que cela mais je crois qu'il faut qu'il se prononce dans les 12 jours.
Q - M. Michel a dit que l'Union européenne ne devait pas débloquer les 15 millions d'euros pour la force de maintien de la paix en Somalie tant qu'il n'y aurait pas de réconciliation nationale et en a fait une condition, qu'en pensez-vous ?
R - Philippe Douste-Blazy - Tout d'abord, nous avons noté l'intention de l'Ethiopie de retirer ses troupes. C'est un élément majeur avant le déploiement d'une force de stabilisation.
Je pense que la solution aux conflits qui déchirent la Somalie, depuis 1991, est d'abord et avant tout politique : seule la relance du processus politique, d'un dialogue des autorités de transition avec tous les représentants de la société somalienne, sera à même de diminuer les tensions et de stabiliser la situation sécuritaire. Mais c'est seulement si les conditions d'un dialogue politique sont réunies que le déploiement d'une force internationale a des chances de réussir.
Dans ce cadre là, l'Union européenne, qui fournit déjà près de 80 % de l'aide extérieure à ce pays, a réaffirmé sa disponibilité à accompagner la Somalie sur ce chemin. Mais vous savez bien que le gouvernement somalien est, depuis une quinzaine d'années, assez faible. Il est important qu'il puisse se renforcer, que ce soit d'ailleurs sur le plan de la société civile, des partis politiques ou religieux.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 janvier 2007
Je voudrais aussi saluer une nouvelle fois la mémoire de Hrant Dink, assassiné vendredi à Istanbul. J'avais eu l'occasion de le rencontrer, à ma demande d'ailleurs, lors de ma visite à Ankara, il y a tout juste un an. J'avais été frappé par sa profonde culture, par la force de son engagement en faveur des Droits de l'Homme et par son courage dans la défense du dialogue turco-arménien. Enfin, je voudrais également saluer la détermination avec laquelle les autorités turques ont recherché et retrouvé l'auteur de cet acte odieux.
Aujourd'hui, Catherine Colonna, qui est arrivée un peu avant moi à Bruxelles, et moi-même, avons suivi les travaux du Conseil qui ont essentiellement porté sur les relations extérieures et les sujets internationaux.
Tout d'abord, un mot rapide sur les affaires communautaires internes pour dire que la Stratégie de Lisbonne pour la croissance et la compétitivité a été évoquée. Dans son rapport, la Commission se montre globalement satisfaite des progrès réalisés dans sa mise en oeuvre, singulièrement par la France. Je voudrais ici le noter : réduction du déficit budgétaire, nouveau dispositif en faveur de la recherche et de l'innovation, mesures en faveur de l'emploi des jeunes et des seniors. Cette reconnaissance des succès de la politique économique de notre pays mérite, je crois, d'être signalée dans un contexte marqué par l'essor des grands pays émergents, qui rend absolument nécessaire pour nous d'investir dans la recherche, le développement et l'innovation.
Par ailleurs, au déjeuner, la Présidence allemande a présenté ses méthodes de travail pour la préparation de la déclaration du 50ème anniversaire du Traité de Rome. Des indications ont aussi été données sur la méthode de préparation du Conseil européen de juin qui, vous le savez, se penchera sur la question institutionnelle. De nombreuses consultations auront lieu dans les mois qui viennent. Catherine Colonna et moi-même y participerons très directement. Je voudrais dire à ce sujet que nous apporterons naturellement pendant ce semestre tout notre soutien à la Présidence allemande pour dégager des propositions sur la réforme institutionnelle. C'est un processus qui nécessitera d'abord, comme vous le savez, l'accord de tous les Etats membres. Il faut éviter, aujourd'hui, toute initiative qui pourrait aggraver les difficultés ou créer de nouvelles divisions dans l'Union européenne.
En matière de relations extérieures, l'ordre du jour a été très dense. Le Conseil a adopté le projet de mandat en vue d'un accord renforcé avec l'Ukraine, bon exemple d'ailleurs de l'intérêt de la politique de voisinage qui est une politique à part entière, qui doit se développer, tout en restant distincte de la politique d'élargissement. C'est une politique importante pour un certain nombre de pays, à l'Est comme au Sud. Vous connaissez par exemple l'importance que la France attache à un resserrement des liens entre l'Union et le Maroc.
Un autre point important évoqué ce matin, comme à tous les Conseils depuis des mois, c'est bien sûr la politique européenne externe de l'énergie. Vous savez qu'un plan ambitieux sera adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement au mois de mars. Nous avons débattu aujourd'hui des moyens concrets de parler d'une seule voix sur la scène internationale, notamment avec nos grands partenaires énergétiques comme la Russie.
Au titre de l'actualité internationale, nous venons d'évoquer, pendant près d'une heure et demie, le résultat des élections d'hier en Serbie. Je salue à la fois le bon déroulement des élections et le niveau de participation, qui témoigne de la mobilisation de la population lors de ce scrutin.
J'ai entendu ce matin un certain nombre d'analyses faites par des observateurs. Certains parlent d'échec de la démocratie parce qu'une certaine liste est arrivée en tête. Pour moi, c'est un succès de la démocratie parce que les élections serbes se sont déroulées de façon transparente, avec un bon niveau de participation et deux tiers des voix ont été obtenus par des partis démocrates.
Je lance un appel aux partis politiques de Serbie, en particulier à M. Kostunica, pour qu'ils s'orientent vers une coalition des forces démocratiques de Serbie, c'est-à-dire des forces partageant toutes les valeurs de l'Europe. En réalité, il y a les partis démocratiques, que j'appellerais pro-européens, et les partis non démocratiques, que j'appellerais non-européens.
Nous appelons le nouveau gouvernement à s'engager à coopérer sans réserve avec Mme Carla Del Ponte, avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Catherine Colonna et moi-même l'avons souvent dit avec une grande force, c'est une condition impérative du rapprochement avec l'Union européenne.
Nous avons aussi abordé la question du Kosovo. Nous soutenons Martti Ahtisaari qui va bientôt présenter ses propositions à Belgrade et Pristina pour recueillir leurs réactions. Le processus en cours devra garantir l'avenir d'un Kosovo multiethnique, permettant à toutes les communautés de vivre en paix et en sécurité.
Un mot sur l'Iran pour dire, à propos de la transposition par l'Union européenne de la résolution 1737, que, comme vous le verrez dans nos conclusions, le consensus et la détermination de la communauté internationale, qui avaient conduit à l'adoption à l'unanimité de cette résolution aux Nations unies le 23 décembre, demeure, en particulier entre nous Européens. Les Européens restent par ailleurs ouverts à la négociation et nous la souhaitons, mais aux conditions que Téhéran connaît bien et que je n'ai pas besoin de vous répéter.
Sur le Proche-Orient, vous savez que le processus est dans l'impasse malgré le cessez-le-feu conclu entre Israël et l'Autorité palestinienne et la récente rencontre entre Mahmoud Abbas et Ehud Olmert. Pour la France, la constitution d'un gouvernement d'union nationale demeure la meilleure solution pour la sortie de crise. Tout doit être fait pour favoriser l'émergence d'un interlocuteur palestinien qui bénéficie du soutien de la plus grande majorité des Palestiniens et qui soit capable de reprendre le dialogue avec Israël.
Je voudrais d'ailleurs saluer le reversement par le gouvernement israélien à l'Autorité palestinienne de 100 millions de dollars sur les taxes perçues pour son compte. Ce geste va dans la bonne direction. A plusieurs reprises, dans plusieurs conférences de presse, ici même, je l'avais demandé. Nous avons souligné le rôle essentiel du Quartet. Nous avons insisté pour que l'Union européenne y tienne toute sa place et je souhaite que le Quartet, qui devrait se réunir prochainement, ouvre la perspective d'une conférence internationale qui pourrait leur apporter des garanties, comme le président de la République l'a demandé à plusieurs reprises.
A propos de la Libye, il est important d'évoquer la situation dramatique où se trouvent les infirmières bulgares et le médecin palestinien. Le verdict de la Cour criminelle a choqué toute la communauté internationale. Je tiens à exprimer la solidarité de la France à mon collègue bulgare et j'ai rappelé que la France avait appelé les autorités libyennes à la clémence. Je voudrais également dire que le fonds international d'indemnisation des familles, qui est en train de se mettre en place, est un élément à prendre en compte pour le règlement de cette situation.
Au moment où j'ai quitté la réunion, nous n'avions pas encore parlé des questions africaines mais nous allons y revenir dans un instant.
Q - Est-ce qu'il est toujours question que la France envoie un émissaire en Iran ?
R - Philippe Douste-Blazy - Ce n'est pas d'actualité immédiate, mais il faut que vous sachiez que nous avons des relations avec l'Iran, comme beaucoup d'autres pays européens. J'ai rencontré mon homologue à plusieurs reprises durant les six derniers mois, que ce soit à Beyrouth, le 31 juillet, ou à New York, en septembre. Nous nous rencontrons régulièrement comme le font les autres partenaires européens. Sous certaines conditions, il est tout à fait utile, je l'ai dit, nous l'avons tous dit, de parler à l'Iran des questions régionales en raison de l'influence évidente qui est la sienne. Nous considérons que les engagements qui pourraient être obtenus de la part de l'Iran sont toujours importants.
Vous connaissez notre position sur le dossier nucléaire, rappelée à l'occasion du vote de la résolution 1737. Nous sommes totalement solidaires de la communauté internationale sur ce sujet. En tout état de cause, l'objet d'un éventuel dialogue avec l'Iran serait de réaffirmer nos positions sur les seules questions régionales. Pour ce qui concerne le dossier nucléaire iranien, vous le savez, c'est à Javier Solana, qui demeure l'interlocuteur des Iraniens pour le compte de la communauté internationale, de parler, en particulier à M. Larijani, mais il n'est pas le seul.
Q - Mme Merkel a plaidé pour que l'Europe reconnaisse son héritage chrétien, cela vous semble-t-il possible pour la France maintenant ?
R - Philippe Douste-Blazy - Le président de la République s'est à plusieurs reprises exprimé sur ce sujet. Nous reconnaissons totalement qu'il y a une histoire en Europe. Mais, nous l'avons déjà dit, nous ne souhaitons pas qu'il y ait des références de ce type au niveau constitutionnel parce que nous sommes un pays laïc.
Q - Iran, problème à Washington vis-à-vis de la direction que les Iraniens sont en train de prendre, en avez-vous discuté ? Pensez-vous que la solution militaire soit une solution possible s'il y a échec dans le volet diplomatique ?
R - Philippe Douste-Blazy - Nous sommes persuadés qu'il n'y a pas de solution militaire, ni aujourd'hui ni demain, dans une crise comme celle-la. Regardez ce qui se passe en Irak ou ce qui s'est passé cet été au Liban.
Nous souhaitons montrer deux choses : la fermeté de la communauté internationale, unie, vis-à-vis de l'Iran ; et l'unité, y compris avec la Russie et la Chine. C'est ce que nous avons obtenu dans une résolution qui est ce qu'elle est, certes, mais qui a l'avantage d'exister. Sur la base de nos conclusions, qui prévoient une transposition rigoureuse de la résolution 1737, nos experts vont maintenant négocier dans les prochains jours ce que j'appellerais une position commune. Les conclusions adoptées aujourd'hui en donnent le cadre général et nous n'avons absolument pas l'intention d'aller au-delà.
Q - Quelle est la position de la France sur la réunion des 18 à Madrid vendredi prochain ? C'est la première fois que la France depuis très longtemps sera absente d'une telle réunion. S'agit-il d'une initiative visant à accentuer les divisions au sein de l'Union ?
R - Philippe Douste-Blazy - La France n'avait pas de difficulté particulière avec la réunion, prévue à Madrid le 26 janvier, qui vise à réunir les Etats membres ayant ratifié le projet de Traité constitutionnel européen. Tout ce qui peut contribuer à la recherche d'une solution tenant compte des situations des uns et des autres est bienvenu et j'espère que ce sera le cas. Je fais confiance à la Présidence allemande et aux organisateurs pour éviter tout ce qui pourrait créer de nouvelles divisions dans une Union qui aura besoin de l'accord de tous les Etats membres pour accomplir les réformes institutionnelles nécessaires. Je le redis, nous faisons pleinement confiance à la Présidence allemande pour éviter ces écueils.
R - Catherine Colonna - Après avoir reçu mon collègue Alberto Navarro, j'ai indiqué publiquement ce que vient de dire Philippe Douste-Blazy, et ce que le président de la République avait dit devant vous au mois de décembre : tout ce qui peut permettre de rapprocher les Européens d'une solution de la question institutionnelle sera positif. A contrario, tout ce qui l'en éloignerait ne le serait pas. Nous espérons que ce sera le sens des travaux de la réunion de Madrid, avec les rappels qui viennent d'être faits et qui avaient déjà été faits devant vous. Rien de neuf par rapport au moment où cette initiative a été rendue publique en décembre.
R - Philippe Douste-Blazy - Lorsque l'on regarde l'Europe des 27 telle qu'elle est, tout le monde sait très bien qu'il faut faire des avancées institutionnelles et qu'il faut que tout le monde soit d'accord. Le calendrier de Mme Merkel a été fixé par elle-même à 2009 : j'espère qu'il sera tenu. Nous aurons la Présidence de l'Union européenne au deuxième semestre 2008. Evidemment, la France jouera tout son rôle pour appuyer la méthodologie allemande et pour faire en sorte qu'il y ait un accord à 27. Dans le cas contraire, il ne pourrait pas y avoir d'avancées institutionnelles. Il ne faut pas diviser, il faut construire et je suis persuadé que la Présidence allemande fera de cette réunion une construction.
Q - La France est-elle hors jeu ?
R - Philippe Douste-Blazy - Non seulement la France n'est pas hors jeu mais elle joue un rôle majeur, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, ne serait-ce que récemment lorsque les 26 autres Etats membres ont suivi le président Chirac dans ce qu'il a appelé, dans un premier temps, la capacité d'absorption de l'Union européenne et ce qu'il a appelé, ensuite, sa capacité d'intégration.
Que ce soit l'Europe de l'énergie, l'Europe des projets, la France est, aujourd'hui, à la fois pénalisée par son non à la Constitution et, en même temps, elle montre profondément qu'elle existe. C'est très bon pour nous d'avoir une Présidence allemande qui commence en janvier 2007, et une Présidence française dont tout le monde a accepté l'idée que c'est elle qui fera la synthèse. Nous sommes au coeur même du jeu. Il est évident que nous aurons nous-mêmes à traiter de l'avenir institutionnel, des réformes institutionnelles, à présenter ces réformes aux Français, soit par une voie soit par une autre, mais en accord avec les autres. Nous souhaitons participer et, d'ailleurs, vous avez vu que dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et le Premier ministre, ont déjà évoqué ce sujet. Nous sommes totalement partie prenante de ce débat.
A titre personnel, permettez-moi de vous dire que la présidence de l'Union européenne de deux ans et demi renouvelable une fois est quelque chose de majeur. Cela introduit le virus positif de l'évaluation dans le travail d'un homme politique européen. J'ajoute qu'un ministre des Affaires étrangères européen, ainsi que la majorité qualifiée, ou super qualifiée, par rapport à l'unanimité, ce sont également des éléments majeurs.
R - Catherine Colonna - C'est en 2008 que l'on va essayer de trouver un accord sur un nouveau texte permettant à l'Europe de mieux fonctionner. Ce qui est sûr c'est, d'une part, qu'il faut repartir de la base du Traité constitutionnel et, d'autre part, qu'il faut en préserver les équilibres. Donc, dans ce cadre, nous aurons tous notre contribution à apporter. Il y a une méthode, il y a un calendrier et il y a un objectif. Voilà ce qu'il fallait dire aujourd'hui
Q - Quelle est votre opinion sur la proposition américaine faite à la Pologne et à la Tchéquie de construire le système anti-missile en Europe qui doit défendre l'Europe contre les pays imprévisibles comme l'Iran par exemple ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je n'ai pas de r??action très concrète sur cela. La seule chose que je peux vous dire c'est que plus que jamais l'Union se doit d'être une union politique et que dans cette union il y a la politique de la Défense.
Dans le mouvement politique auquel j'appartiens, nous pensons profondément que l'Union européenne doit construire une Europe de la Défense. Cela a commencé à Saint-Malo avec le président Chirac et le Premier ministre Blair. Il y aura d'ailleurs prochainement des signes sur ce sujet, je pense, en interne de mon mouvement.
Je crois que c'est important de montrer cela au moment où les pôles, les moyens financiers pour atteindre les armes les plus dissuasives existent, je crois qu'il est nécessaire de réfléchir ensemble.
R - Catherine Colonna - J'ai une prière à faire à chacun à propos de votre question Madame : ne dites pas Tchéquie, cela rappelle de mauvais souvenirs. Cela a un sens au regard de l'histoire de l'Europe et si la République tchèque s'appelle République tchèque ce n'est pas tout à fait par hasard.
Q - Il y a une inflexion du vocabulaire relative aux engagements et aux exigences que l'Union formule à l'égard de la Serbie concernant sa coopération avec le TPIY, on passe d'une coopération pleine et entière à une coopération sans réserve, pourquoi cette modification de vocabulaire ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je fais partie de ceux qui pensent que cela ne change absolument rien à notre idée. Quel est le sujet des Balkans occidentaux ? C'est très simple, en fait, prenons un peu de hauteur.
Ou les Balkans occidentaux ont une perspective européenne que le président Chirac a été le premier à définir, en 2000, ou ils ne l'ont pas. L'histoire a montré que nous y avons plutôt intérêt. Vous savez que je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas élargir avant d'avoir une constitution, mais il est évident que nous avons tout intérêt à avoir un jour les Balkans occidentaux dans l'Union. Nous ne pouvons les avoir qu'à une condition, c'est qu'ils respectent parfaitement nos valeurs.
Pour avoir été spectateur, sur le terrain, de ce qui s'est passé pendant la guerre des Balkans, en d'autres temps, avec d'autres fonctions, je pense qu'il est absolument nécessaire d'envoyer des messages très clairs aux Serbes : coopérez pleinement avec le TPIY. Que pendant l'élection législative, certains aient eu envie de dire : "écoutez faisons plutôt attention, attention à ce qu'il n'y ait pas une véritable poussée ultra nationaliste", c'est une chose. Aujourd'hui, une coalition doit être formée. Il est important que les Serbes sachent que la France estime qu'il faut se tourner vers l'Union européenne et, pour ce faire, il faut se tourner vers ses valeurs et prouver concrètement son adhésion en coopérant avec le TPIY. Je pense qu'il ne faut pas transiger avec cela.
Q - Qu'avez-vous à dire à un nouveau gouvernement serbe qui serait constitué des radicaux et de Kostunica ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je leur dis de ne pas le faire. Je le dis à M. Kostunica, qui a quand même la clé dans cette affaire - il y M. Tadic, d'un côté, M. Kostunica et les ultra nationalistes. Je souhaite que la coalition se tourne véritablement vers la démocratie, avec une coalition avec les deux partis démocratiques, et vers l'Union, que ce soit par adhésion, par association, par voisinage, etc. Si tel n'était pas le cas, je pense que ce serait prendre de grands risques pour l'avenir européen des Balkans occidentaux. La perspective européenne serait remise en cause par une coalition qui ne serait pas pro-européenne : on ne peut pas tout avoir.
Q - Y aurait-il un risque de retrouver le Kosovo indépendant et la Serbie membre de l'Union ?
R - Philippe Douste-Blazy - C'est ce que je viens de dire.
R - Catherine Colonna - Nous disons à la Serbie de se tourner vers son avenir, vers l'Europe et d'en tirer les conséquences.
Q - Kostunica est quand même l'homme qui a été au pouvoir ces dernières années et qui a bloqué la coopération avec le TPIY, donc, ce serait en fait un sacré aggiornamento de sa part de rejoindre les pro-européens et de travailler dans ce sens là aussi. N'y a-t-il pas un peu de naïveté à croire ce changement possible ?
R - Philippe Douste-Blazy - Je pense, au contraire, que c'est la question qui peut être un peu naïve. En réalité les résultats de cette élection font du Premier ministre l'homme qui va décider historiquement de quel côté va pencher l'avenir de son pays.
Là où vous avez tout à fait raison, c'est que pour obtenir un tel résultat, M. Kostunica a du compter sur une partie de l'électorat qui soutient la politique que vous évoquez. Il y a un moment dans une coalition et dans la vie politique où il y a des choix à faire, et ces choix sont binaires : c'est l'un ou l'autre.
Nous sommes européens, nous estimons que la coopération pleine et entière avec le TPIY, ainsi que d'autres réformes sont des éléments importants. On va avoir les élections en Albanie prochainement. Je souhaite qu'elles soient transparentes, sans corruption et qu'elles annoncent des réformes.
Ces réformes qui sont nécessaires pour rentrer dans l'Union. Je souhaite qu'il y ait une nouvelle étape, totalement historique à mon sens, d'un côté comme de l'autre. Il s'agit de savoir si oui ou non il y a une coalition pro-européenne ou pas. Il y a un moment où il faut le décider, on le verra très vite. Il est Premier ministre, il n'est pas si pressé que cela mais je crois qu'il faut qu'il se prononce dans les 12 jours.
Q - M. Michel a dit que l'Union européenne ne devait pas débloquer les 15 millions d'euros pour la force de maintien de la paix en Somalie tant qu'il n'y aurait pas de réconciliation nationale et en a fait une condition, qu'en pensez-vous ?
R - Philippe Douste-Blazy - Tout d'abord, nous avons noté l'intention de l'Ethiopie de retirer ses troupes. C'est un élément majeur avant le déploiement d'une force de stabilisation.
Je pense que la solution aux conflits qui déchirent la Somalie, depuis 1991, est d'abord et avant tout politique : seule la relance du processus politique, d'un dialogue des autorités de transition avec tous les représentants de la société somalienne, sera à même de diminuer les tensions et de stabiliser la situation sécuritaire. Mais c'est seulement si les conditions d'un dialogue politique sont réunies que le déploiement d'une force internationale a des chances de réussir.
Dans ce cadre là, l'Union européenne, qui fournit déjà près de 80 % de l'aide extérieure à ce pays, a réaffirmé sa disponibilité à accompagner la Somalie sur ce chemin. Mais vous savez bien que le gouvernement somalien est, depuis une quinzaine d'années, assez faible. Il est important qu'il puisse se renforcer, que ce soit d'ailleurs sur le plan de la société civile, des partis politiques ou religieux.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 janvier 2007