Déclaration de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, sur son engagement à mieux reconnaître et développer la vie associative, notamment en généralisant les conventions pluriannuelles, en travaillant à l'élaboration du statut d'association européenne, Paris le 20 janvier 2007.

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Circonstance : Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) à Paris le 20 janvier 2007

Texte intégral

Monsieur le Président de la Conférence Permanente des Coordinations Associatives,
Mesdames et Messieurs les dirigeants de Fédérations et de grandes associations regroupées au sein de la C.P.C.A.
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord vous dire que suis particulièrement heureuse de votre invitation et je vous en remercie.
Heureuse parce que votre démarche va dans le sens que je veux donner à ce moment si important que nous sommes en train de vivre.
Heureuse parce que je me sens bien avec vous. Vous êtes, pour moi, les représentants de la France qui participe, de la France généreuse et désintéressée, de la France qui agit pour les autres, distinctement et complémentairement de la sphère politique ou syndicale. Or, vous savez mon attachement à la participation, c'est-à-dire à la contribution que chacun d'entre nous décide d'apporter à la société, à sa transformation, à son mieux être. La qualité de la cohésion sociale, la force et l'homogénéité d'une nation reposent d'abord sur la capacité d'associer le plus grand nombre à son projet, à faire en sorte que chacun en soit dépositaire bien sûr mais aussi auteur, co-auteur. En cela, la vie associative est, au coeur d'un projet de société que je veux participatif, enrichie des différences et non pas campée sur des certitudes installées qui interdisent le dialogue et l'écoute.
Ce temps est nécessaire pour recenser les problèmes de notre société, pour les définir clairement, pour imaginer des solutions, distinguer celles qui ont fait leurs preuves ou pourront les faire de celles qui ne conduisent qu'à l'immobilisme et à la sclérose.
Je vous parle de ce temps car je sais que vous, responsables associatifs, en mesurez l'importance. Vous dont l'action ne saurait se construire dans l'urgence, vous qui plaidez pour une vision à long terme des problèmes, vous qui nous avez si souvent démontré que l'on ne gagnait pas une bataille en un jour mais au contraire par un engagement durable, une tenacité à toutes épreuves, parfois même un entêtement, qui finit par payer.
Je crois comme vous que quand une cause est juste, le temps finit par lui donner raison si on lui donne les moyens de s'exprimer.
Une politique plus à l'écoute de toutes ces initiatives, de tous ces voeux est possible. Une politique de l'écoute, c'est refuser que les messages que vous nous adressez doivent se transformer en cris pour avoir une chance d'être entendus.
Je ne crois pas à la politique bulldozer comme je ne crois pas aux annonces spectaculaires et à la seule tyrannie de l'urgence.
Moi je crois que la politique doit partir de la réalité de la vie des gens, être attentive aux leçons que le peuple donne, comprendre que le citoyen est le mieux placé pour faire le diagnostic de ce qu'il vit et pour dire au nom de quelles valeurs l'État doit agir.
Je n'ai pas besoin d'appeler les associations à jouer un rôle décisif dans ce domaine, puisqu'elles le jouent déjà depuis longtemps. Donner la parole, mobiliser l'expertise citoyenne, organiser l'action collective, défendre les libertés individuelles, tel est le rôle qu'elles jouent inlassablement depuis un siècle dans notre société, renouvelant à chaque génération le champ et les enjeux de l'intervention des citoyens.
Et c'est sans doute en ce domaine que le monde associatif que vous représentez nous a montré et nous montre tous les jours l'exemple.
Tant de gouvernements ont loué les mérites de la vie associative. Si peu l'on pourtant vraiment reconnue, c'est-à-dire su créer les véritables conditions de sa reconnaissance institutionnelle en qualité d'acteur véritable du dialogue civil. Je sais que vous êtes attachés à cette notion et personnellement, je trouve en elle un véritable écho à ma volonté de faire, plus et mieux, participer les citoyens à la vie de la Nation.
Parmi les libertés qui fondent notre République, la liberté d'association est l'une des plus sacrées car elle est au principe même de la démocratie.
Tocqueville, justement, écrivait dans De la Démocratie en Amérique :
"Dans tous les pays démocratiques, la science de l'association est la science mère. Le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là."
Oui, le progrès est souvent venu du monde associatif qui sait, parfois mieux que le politique, traduire les sentiments des citoyens, leurs aspirations, leurs révoltes, leurs analyses. Qui sait aussi avancer en pionnier, en éclaireur, pour partir à la conquête de nouveaux droits et de nouveaux espaces de liberté ou de protection.
Je n'oublie pas non plus les progrès minuscules, les engagements plus silencieux, souterrains, qui mis bout à bout apportent aussi leur pierre à notre édifice et oeuvrent pour la cohésion de la République.
Ce progrès, si nécessaire à notre démocratie, nous savons cependant qu'il repose sur un équilibre qui peut être fragile.
Certes, l'utilité sociale et civique des associations a été reconnue par la puissance publique. Lors du débat préparatoire à la loi de 1901, René Viviani, député socialiste, rappelait que "l'association est appelée à jouer un rôle social, elle est créée pour se substituer dans certains offices à l'État et pour remplir à sa place certaines tâches dont la diversité même défie l'initiative de l'État."
Pourtant, si l'État a reconnu de longue date l'importance des associations, et a toujours proclamé son attachement à la liberté et à la vitalité associative, il a trop souvent entretenu avec elles des rapports de tutelle.
Tutelle que symbolise aujourd'hui encore le régime juridique de la subvention, acte unilatéral et toujours révocable, quel que soit le luxe de procédures dont on l'entoure désormais : conduite de projet, conventions pluriannuelles, évaluation, compte-rendu financier, etc.
Au moment de célébrer le centenaire de la loi sur les associations, en 2001, le gouvernement de Lionel Jospin a souhaité l'accompagner d'une charte d'engagements réciproques, reconnaissant le monde associatif et définissant un code de bonne conduite entre lui et l'État. La signature de cette charte a été une avancée, un signe fort, mais il faudra demain aller plus loin et véritablement installer la représentation des associations à tous les niveaux de l'organisation de l'Etat et dans les lieux où se débattent les grandes questions de société. Cela impose du temps et des moyens pour ne pas se payer de mots !
Le temps, c'est celui que consacrent vos militants bénévoles, qui devra être pris en compte pour qu'ils puissent se former bien sûr mais aussi librement exercer leurs activités. Les moyens, ce sont ceux que vous attribue la puissance publique dans la qualité qu'elle vous reconnaît de partenaire du dialogue civil et à ce seul titre. Elle le fait, aujourd'hui, pour les syndicats et les partis politiques, pour la seule raison qu'ils sont indispensables à l'organisation de la société et à l'expression collective des citoyens.
Elle doit le faire demain pour le Mouvement associatif, par le biais de conventions pluriannuelles qui lui attribuent les moyens nécessaires à son organisation, à sa représentation et à l'expression de son caractère propre.
Ces moyens doivent être sécurisés, inscrits dans la loi, pour qu'ils vous assurent une stabilité et une autonomie indispensables à votre pleine liberté d'expression. C'est ma conception d'un Etat que je veux attentif, à l'écoute de la société, sachant aider ses interlocuteurs à se construire dans le respect de leur diversité et de leur indépendance. Cette route est longue.
C'est là une réponse à la demande que vous m'avez fait de m'engager sur un contrat de mandature pour la reconnaissance et le développement de la vie associative.
Mais demain, il faudra aller plus loin et véritablement installer la représentation des associations à tous les niveaux de l'organisation de l'Etat et dans les lieux où se débattent les grandes questions de société.
Les services publics devront intégrer une véritable culture du dialogue civil ; pour que vous soyez mieux représentés - je pense notamment au CES et au CESR. Je retrouve, dans la première question que vous m'avez adressée, cette préoccupation qui est, pour moi, logique et bienvenue, de vous associer, de façon permanente, à la conception, à la coproduction et à l'évaluation d'un grand nombre de politiques publiques dans de multiples domaines de la vie sociale. Vos regroupements - et en premier lieu, bien sûr, la CPCA - doivent être mis à contribution et dotés des moyens nécessaires pour que les préoccupations dont vous êtes porteurs, soient mieux prises en compte. Les grandes agences nationales devront accueillir vos représentants tels la haute autorité de lutte contre les discriminations, les outils de supervision de l'audiovisuel, ceux de développement des politiques de cohésion sociale telles qu'aujourd'hui l'ANSEC et l'ANRU.
Je propose aussi de généraliser les conventions pluriannuelles et de donner aux engagements pris par l'État et les collectivités locales avec les associations une force juridique équivalente à celle des marchés publics et donc de remplacer les subventions par de véritables contrats d'intérêt général.
En prenant devant vous ces engagements, au-delà de mes propres convictions, je sais aussi que je réponds à une attente profonde des Français.
Ce n'est pas le seul fait du hasard si, quand on les interroge, nos compatriotes disent, pour 90 % d'entre eux, que le rôle des associations dans la vie sociale est majeur, pour 65 % d'entre eux que la place accordée à votre travail est insuffisante, et pour 67 % d'entre eux que vous pouvez participer au renouveau de la démocratie politique ! Je partage leur avis et je veux, qu'ensemble, nous leur proposions une réponse de grande ampleur, éloignée des bricolages qui vous sont présentés aujourd'hui et qui n'ont d'autres objets que de vous maintenir dans la précarité et de permettre à l'Etat de choisir ses interlocuteurs - les bons ! - plutôt que de vous considérer comme un Mouvement responsable à même de désigner ses représentants.
Cette nouvelle ambition pour la société civile devra enfin, je m'y engage solennellement, nous amener à élaborer ensemble une vraie stratégie pour convaincre nos partenaires européens du bien fondé d'un statut d'association européenne. Quelle belle façon, participative, d'encourager à l'appropriation et au développement de l'esprit européen par le plus grand nombre.
Pour tout cela, vous serez bien sûr attentifs aux moyens qui vous seront alloués. Quoi de plus normal ! C'est, je crois, le sens de la seconde question que vous m'avez adressée. Je crois avoir déjà largement répondu pour ce qui concerne, notamment, la prise en compte du temps passé par vos bénévoles et leurs besoins de formation, la nécessité de votre installation dans tous les lieux de représentation et de dialogue et enfin, le soutien et la reconnaissance à votre fonction de partenaires du dialogue civil.
Il nous restera à inventer ensemble les outils appropriés car si une chose est certaine, c'est qu'ils n'existent pas aujourd'hui ou que ceux qui existent doivent être profondément adaptés. Je serais, là encore, attentive à vos propositions que je m'engage à étudier, avec vous, sérieusement, en y accordant, soyez en sûrs, le meilleur intérêt et la meilleure écoute.
Il est un second aspect du rôle des associations à propos duquel je veux aujourd'hui vous adresser un message : vous avez su, particulièrement depuis une trentaine d'année - et à un rythme récemment encore plus soutenu - créer un nouveau mode de production de services. En employant plus d'un million et demi de salariés de tous âges et de toute qualification, en mobilisant 48 milliards d'euros de ressources publiques comme privées, en vitalisant quotidiennement des espaces et des territoires trop souvent délaissés, en relayant utilement et efficacement un grand nombre de politiques publiques, vous avez prouvé que l'économie sociale sait allier la place de l'individu, la performance économique et la responsabilité sociale.
Dans tous les domaines, de la santé, de l'éducation, de la culture, du sport, de la solidarité nationale comme internationale, des loisirs, du tourisme, vous avez su faire preuve d'un esprit d'entreprise exceptionnel dont seuls les usagers tirent profit. Pas de capitaux à rémunérer, pas de fonds de pension, pas d'actions cotées, pas de délocalisations ... un seul objectif, remplir votre mission, souvent d'intérêt général, sans faillir bien sûr aux principes économiques qui régissent la vie de toute entreprise mais dans le seul souci du meilleur service rendu.
Ce modèle s'est développé, grâce à votre ténacité malgré bien des embûches et une piètre reconnaissance de sa vraie réussite. Au développement de l'économie sociale dans son ensemble, aux projets entreprenariaux des associations en particulier, je souhaite que la France donne un nouvel élan.
N'y a t il pas là, en effet, une alternative particulièrement intéressante à l'économie capitaliste dans le domaine par exemple des services à la personne. Ne peut-on pas imaginer - je sais que c'est déjà le cas ici ou là - que l'économie sociale associative se saisisse, plus activement, de la question du soutien scolaire en mobilisant, comme elle sait le faire, moyens publics et moyens privés, plutôt que de laisser des entreprises réaliser d'importants profits sur la peur que nourrissent parfois nos concitoyens face au risque d'échec scolaire de leurs enfants ?
Ce pari, je veux que nous le prenions ensemble et que nous travaillions vite, à un ensemble de mesures qui doivent lever les obstacles qui s'opposent au développement de vos projets. Je pense, par exemple, à la suppression progressive de la taxe sur les salaires dont le seul effet est de freiner votre capacité d'emploi.
Je souhaite, également, étudier avec vous l'instauration d'une taxe d'apprentissage qui vous permette de collecter les moyens nécessaires pour assurer la formation de milliers de jeunes aux métiers souvent passionnants qui sont les vôtres. Ils sont nombreux en effet à être motivés pour exercer une activité professionnelle dans le champ de la culture, de l'éducation, de la solidarité, de l'insertion ; prêts parfois même à des concessions matérielles importantes au bénéfice de l'intérêt de l'activité.
Développement du dialogue civil, développement de l'économie sociale, je vous disais, dans mon propos introductif, à quel point je me sentais bien parmi vous et honorée par votre invitation. Ce sentiment se fonde, selon moi, d'abord et avant tout, sur des valeurs que, je crois, nous partageons. Notre envie commune de justice sociale, de progrès, de solidarité, nous la traduisons différemment, vous par votre engagement associatif, moi par mon engagement politique. Il arrive même à certains d'agir sur les deux registres !
Mais je sais, au fond de moi, que nous partageons la même passion des autres, les mêmes révoltes, les mêmes désirs d'avenir. Je suis convaincue, si les Français le décident, que nous ferons ensemble de belles et grandes choses.
Je vous remercie