Texte intégral
La période des voeux n'a pas été particulièrement fastidieuse ni très longue pour nous. Je n'insisterai pas sur la charge émotionnelle propre à la cérémonie de cette année, au lendemain du départ de l'Abbé et à quelques jours de la présentation en Conseil des Ministres d'un texte consacré aux dernières mesures de cohésion sociale que nous n'avions pu obtenir.
Ce texte porte notamment sur le crédit d'impôt pour les services à la personne et sur le statut des vieux travailleurs migrants. Ce texte nous tenait particulièrement à coeur, pour eux et pour la République. Vous savez qu'un certain nombre de femmes et d'hommes pour l'essentiel, sont venus du Maroc, d'Algérie, de Tunisie et d'ailleurs, pour contribuer à la reconstruction de notre pays. Ils sont 80 000 aujourd'hui. Nous voulions ce texte quoiqu'il arrive : nous avons donc profité d'un dernier moment parlementaire pour le faire passer, ainsi que le texte sur la contribution sociale conventionnelle pour la création d'entreprise, retoqué pour des raisons administratives et juridiques.
Le droit opposable au logement est l'aboutissement du combat mené par de nombreux acteurs, dont l'Abbé Pierre. Un rapport commandé il y a trois ou quatre ans au Haut Comité et à Xavier Emmanuelli a été transmis en décembre. Le texte était prêt et diverses mesures étaient inscrites à l'ordre du jour. Mais nous préférons souligner que ce texte est aussi passé grâce aux Enfants de Don Quichotte et aux associations qui les soutiennent.
Grâce à vous, journalistes, et à ce type de mouvement, les drames quotidiens pourront apparaître et rompre l'indifférence de nos chemins habituels. Ces voeux sont aussi émouvants parce que Catherine Vautrin, Gérard Larcher et moi-même, vous les présentons pour la dernière fois dans cette configuration. Par ailleurs, à quelques mètres d'ici, nous fêtons les 50 ans de la Sonacotra, son changement de nom et sa nouvelle stratégie.
Si nous regardons en arrière, nous voyons seize lois, dont les premières lois de programmation en matière sociale dans notre pays : la Loi de Rénovation Urbaine et la Loi de Cohésion Sociale. Ce sont des lois de programmations car sur nos sujets, les plus essentiels et les plus compliqués, nécessitent du temps et de la visibilité. Il est important en effet que les partenaires puissent s'y inscrire.
Nous fêtons aujourd'hui, à cinq jours près, les deux ans de la Loi de Cohésion Sociale, que nous avions inscrite dans la durée avec un programme, parce que nous étions convaincus que les trois piliers sont indissociables. Emploi, Logement, Egalité des chances : c'est tout simplement la République. Les vingt programmes de la Loi sont tous en cours, en avance, ou par leur chiffrage ou par leur délai.
En matière d'Emploi, le Plan de Services à la Personne a pris son envol, comme le souligne le rapport du Conseil Economique et Social. A l'époque, vous vous interrogiez sur l'effet de ce Plan, en rappelant que seule la croissance créé de l'emploi. La croissance est évidemment nécessaire mais ce Plan montre qu'à croissance constante, certaines décisions ne dépendaient que de nous : mieux recevoir les demandeurs d'emploi ; instaurer un référent unique ; proposer des bilans de compétences ; des méthodes de recrutement par simulation ; développer l'apprentissage. Nous avons affirmé qu'à croissance équivalente de 2 points, l'objectif du Plan était de réduire le chômage de 3 points en cinq ans. En deux ans, nous sommes parvenus exactement à la moitié du chemin.
Le deuxième grand projet concernait l'Habitat. De 1980-2000, 260 000 logements en moyenne ont été construits dans le pays. Le parc n'avait cessé de se dégrader dans les quartiers, entraînant la croissance de phénomènes de ségrégation urbaine et territoriale indignes de notre pays. Grâce à l'énergie déployée par tous les partenaires sociaux, Villes et organismes, nous avons mis en oeuvre le « Plan Marshall des Banlieues ». Nous sommes aujourd'hui à la date anniversaire de l'ANRU : des chantiers ont été ouverts dans 535 quartiers ; 600 000 logements sont en reconstruction ou en réhabilitation ; des espaces ou des équipements publics ont été construits. Personne ne croyait à ce Plan de 20 milliards d'euros et tous s'interrogeaient sur son financement : aujourd'hui nous en sommes à 35 milliards d'euros.
D'autres sujets ont également été traités : la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Aujourd'hui, notre pays s'est remis à construire, à tous les niveaux, en mode locatif comme en mode accession. Les 550 000 permis de construire et 450 000 mises en chantiers enregistrés au cours des douze derniers mois représentent le double de ce qui a été fait il y a cinq ans.
Dans le social, c'est un triplement ; dans le très social, on relève 76 % d'augmentation et 100% d'augmentation en 2007 ; l'accession populaire à la propriété a triplé, ainsi que le Prêt à taux zéro ; la TVA à 5,5 % a été appliquée pour les maisons à 100 000 euros ; à partir de ce mois-ci, il devient possible d'acquérir en différé, la maison puis le terrain, ou l'appartement puis l'assiette foncière ; enfin, la semaine dernière, l'Etat a acheté au groupe Accor 60 hôtels pour en faire des résidences hôtelières et sociales, en lieu et place des marchands de sommeil.
La construction de logement pure atteint le chiffre le plus important depuis 31 ans et les investissements sur l'Habitat, y compris en matière de rénovation urbaine, représentent les plus gros investissements de l'histoire de notre pays. Tout n'est pas parfait : vous savez qu'en matière d'Habitat, il existe un délai de trois ans entre le début des chantiers et les livraisons. Par ailleurs, les parcs ont besoin de fluidité. Mais nous savons que notre pays est désormais capable de se diriger vers les 600 à 650 000 constructions annuelles et de sortir de la crise dans les deux ans qui viennent.
L'Egalité des chances constituait le troisième volet du Plan de Cohésion Sociale. Notre pays était dans le déni de la discrimination. La Haute autorité de lutte contre les discriminations a été créée ; les chartes de la diversité ont été élaborées ; la réforme de la dotation de solidarité a prévu l'attribution de 650 millions d'euros aux villes impliquées dans la lutte contre les inégalités territoriales ; des équipes de réussite éducative ont été instaurées ; les internats de la réussite ont été ouverts.
Je suis convaincu que l'inversion de tendance qui caractérise cette période est essentiellement due à la méthode qui consiste à penser que l'Etat n'est pas l'acteur opérationnel principal. L'Etat est celui qui établit le diagnostic et le fait partager aux grands opérateurs. L'Etat est celui qui entraîne, qui propose, qui impulse, qui rassemble et qui essaie de convaincre.
Le nouveau rôle de l'Etat est à la fois très éminent et très humble pour ses serviteurs. Sur tous ces programmes, qui associent au moins sept acteurs, le diagnostic a été partagé par tous les acteurs, dont ceux des agences spécifiques - telles que l'Agence de rénovation urbaine ou l'Agence de services à la personne. Enfin, l'Etat ne doit avoir qu'une parole : c'est probablement ce qui a fait la force de cette méthode. Toutes les raisons militaient pour que les « chantiers de l'impossible » ne puissent pas s'ouvrir. Mais en réalité, ces programmes sont possibles. C'est là un message d'espoir pour notre pays. Mais notre plus grande satisfaction est que ces programmes sont définitivement inscrits dans l'espace républicain et que personne ne les remettra en cause.
Notre conviction est que le pays est capable de progresser en matière de construction de logements, de réduction du chômage et de lutte contre l'inégalité territoriale. Pour vous, il a été difficile de traduire le Plan de Cohésion Sociale parce qu'il s'agissait d'une matière extrêmement technique et parce qu'il impliquait, de notre part, davantage d'effort de conviction que d'affirmation.
Nous avons rencontré des difficultés nous aussi car nous avons parfois vécu ce scepticisme comme un peu d'injustice. Nous sommes extrêmement heureux d'avoir servi notre pays. J'associe Laurent Hénart et Marc Philippe Daubresse à ce constat. Nous avons vécu des histoires extraordinaires mais nous ne nous contentons pas de la situation actuelle. J'ai éprouvé un bonheur personnel extraordinaire à travailler, dans un climat de respect, d'amitié et de gratuité réel, avec Gérard Larcher et Catherine Vautrin, avec les membres du Cabinet et avec les administrations dont l'engagement, le professionnalisme et la loyauté sont remarquables.
Nous resterons à la tâche jusqu'au bout : nous travaillerons dès cet après-midi sur les Services à la Personne, sur la représentativité, la parité et l'accueil. Nous préparerons également le grand texte sur les nouvelles garanties des risques locatifs, qui permettra à tous d'accéder à un logement sans aucune caution, quel que soit leur statut.
Nous participerons également au débat national pour défendre la méthode du respect, de la mission particulière de l'Etat, du fonctionnement par programme et par agence. Après les Trente Glorieuses et les Trente Mutantes, l'on voit bien que le pays hésite. Mais je suis convaincu que les méthodes de respect humble, transversal et le fonctionnement par agences nous permettra de disposer d'une communauté de destins dans notre pays.
Mes premiers voeux sont que les sujets liés à l'Humain, si importants pour les Français, occupent dans vos rédactions la place qu'ils méritent. Les seconds sont des voeux personnels, à votre attention et à l'attention de vos familles, car les difficultés et les inquiétudes liées à vos métiers sont connues.
Enfin, je souhaite que nos successeurs, qui qu'ils soient, aiment autant ces Ministères que nous les avons aimés et, surtout, que vous leur fassiez a priori le crédit que tel sera le cas ; qu'ils commencent à travailler dans un climat de bienveillance critique.
Je leur souhaite, et je vous souhaite à tous, une très bonne année. Merci de vos mots, Monsieur le Président, pour vos propos et vos clins d'oeil. Nous sommes de la pâte humaine, avec toutes nos imperfections, mais il y a une chose dont vous pouvez être certains : c'est que nous nous sommes vraiment défoncés.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 8 février 2007