Déclaration de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur la performance et la qualité de service de la sécurité sociale, Paris le 6 mars 2007.

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Circonstance : 2ème Forum des conventions d'objectifs et de gestion à Paris le 6 mars 2007

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
L'événement d'aujourd'hui est l'occasion de rassembler toute la grande famille de la sécurité sociale. C'est aussi l'occasion d'inviter les amis de la famille, extérieurs, par leurs fonctions, au monde de la sécurité sociale, mais proches d'elle, par leur réflexion. Leurs interventions peuvent nous aider à penser l'avenir de la démocratie sociale, cette grande idée française pour gérer ce patrimoine commun à tous qu'est la sécurité sociale.
Je vous remercie d'être venus aussi nombreux. C'est la preuve de votre engagement pour le service public de la sécurité sociale dont vous exprimez l'unité.
Je suis attaché à cette unité. Chacun d'entre vous est un responsable d'une caisse locale ou d'une branche, mais vous êtes collectivement acteurs de ce système de solidarité collective qui est singulier en Europe. Depuis son origine jusqu'à aujourd'hui, la sécurité sociale est un tout. Par les valeurs de solidarité qu'elle exprime, par son mode de financement et d'organisation, par l'association des partenaires sociaux dans sa gestion, par la complémentarité de ses branches, par le vote chaque année d'une loi de financement unique créée par la révision constitutionnelle de 1996, à l'initiative du Président de la République.
La sécurité sociale, c'est une organisation qui, en unissant de manière indissoluble solidarité et assurance, vise à protéger l'ensemble de la population contre les risques de l'existence. Notre protection sociale constitue, pour les Français, une police d'assurance financée par la solidarité de tous. Une police d'assurance où chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.
Vous avez choisi cette année de construire votre réflexion et vos échanges autour des notions de solidarité et de performance.
Les Français sont profondément attachés à la valeur de solidarité, et à la sécurité sociale qui lui est intimement liée.
J'aimerais vous convaincre, non seulement que notre sécurité sociale est déjà performante, ce qui ne la dispense pas de devoir continuer à s'améliorer, mais encore qu'elle contribue aux performances de la France.
J'aimerais vous dire aussi ce que nous faisons et ce qu'il faudra faire de plus pour renforcer encore cette performance. C'est ainsi que nous garantirons à nos compatriotes le maintien d'un très haut niveau de protection sociale malgré les défis et les coûts du vieillissement de la population et de l'accélération du progrès médical.
Vous pouvez être fiers d'oeuvrer dans un service public performant. La sécurité sociale s'est améliorée constamment depuis sa création. Nous devrons encore progresser à l'avenir pour maintenir sa légitimité et les valeurs de solidarité qui nous animent.
Lorsqu'on les compare à ceux d'autres services publics ou même d'autres entreprises similaires du secteur privé, les résultats des caisses de sécurité sociale sont souvent enviables.
La sécurité sociale a joué un rôle de précurseur dans la démarche contractuelle et dans le suivi de l'efficacité des politiques publiques. Depuis dix ans déjà, les conventions d'objectifs et de gestion reflètent cette dynamique, bien avant par exemple la démarche de la loi organique relative aux lois de finances pour l'Etat.
La sécurité sociale a su améliorer son efficacité. Les coûts de gestion des caisses de sécurité sociale sont aujourd'hui de l'ordre de 4 %, ce qui est très satisfaisant au regard des coûts de la plupart des structures privées, même si bien sûr il faut encore s'efforcer d'améliorer ce ratio.
# Cette performance, c'est d'abord une grande qualité de service et la satisfaction des besoins des Français.
Quelques chiffres permettent de l'illustrer. Pour le seul régime général, plus de 49 millions de personnes ont eu recours au système de soins en 2005. Les caisses d'allocations familiales ont reçu 19 millions de visites et 36 millions d'appels téléphoniques. Près de 7 millions d'entreprises, d'indépendants, de particuliers employeurs cotisent auprès des Urssaf.
Et si la satisfaction des Français se maintient à un très haut niveau dans toutes les enquêtes, cela est dû aux efforts constants des organismes pour améliorer le service apporté aux usagers. Vous le savez, les conventions d'objectifs et de gestion fixent des objectifs chiffrés et les évaluent.
Nous pouvons mesurer le chemin parcouru avec cette réforme historique du régime social des indépendants, avec la centaine de téléprocédures et de téléservices proposés aujourd'hui, avec la réduction des délais de traitement, particulièrement des feuilles de soins avec la carte Vitale, avec l'amélioration de l'accueil téléphonique. Il ne faut pas hésiter à le dire pour tordre le cou à de vieux lieux communs : la sécurité sociale est l'un des services publics les plus engagés dans l'amélioration du service rendu aux Français.
# La performance, c'est aussi l'efficience de la gestion.
Cet axe est aussi essentiel que celui de la qualité de service. Nos concitoyens sont en droit d'exiger une gestion exemplaire de la sécurité sociale, comme de l'ensemble des services publics. Il faut plus que jamais que chaque euro dépensé, tant pour la gestion des caisses que pour les prestations qu'elles servent, soit un euro utile.
Pour cela, la sécurité sociale doit adapter son organisation, réaliser les gains de productivité que permettent les évolutions technologiques, redéployer ses moyens en fonction de l'évolution des besoins, lutter contre les fraudes et les abus.
Je sais que pour l'ensemble des organismes, les efforts demandés sont importants. Je remercie l'ensemble des dirigeants, administrateurs et agents de direction, qui prennent les décisions et les mettent en oeuvre, l'ensemble des agents qui les mettent en pratique.
Les conventions d'objectifs et de gestion que nous avons déjà signées et celles que nous négocions actuellement permettront de relever le défi de la performance tout en répondant aux enjeux d'organisation territoriale.
Mutualisation et proximité ne sont pas incompatibles ! Les gains de productivité des différents réseaux seront obtenus sans renoncer aux valeurs qui nous animent.
C'est en dégageant des marges de manoeuvre dans nos activités de production que nous pourrons redéployer une partie des moyens vers d'autres activités. A cet égard, je suis très attaché au maintien de la présence des organismes de sécurité sociale dans l'ensemble des territoires - notamment en milieu rural mais aussi dans les zones urbaines - et aux efforts faits vers l'accompagnement des publics fragiles, qu'il s'agisse des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées.
# Simplification pour les usagers et efficience de la dépense sont nos deux grandes priorités.
Au-delà de ce qui a déjà été accompli et des projets qui sont sur le point d'aboutir, je voudrais insister sur trois mesures de simplification qui nécessiteront un investissement tout particulier de votre part.
- La déclaration de ressources pour les allocataires de la branche famille sera supprimée dès les revenus 2007 au profit d'une transmission directe des données par l'administration fiscale. Cette décision est maintenant prise. Les développements informatiques débutent immédiatement. La simplification pour les allocataires se doublera de gains de productivité : plusieurs dizaines de millions d'euros seront ainsi économisés chaque année.
- La déclaration commune de revenus des travailleurs indépendants auprès des organismes sociaux sera supprimée à partir des revenus 2008, là aussi au profit d'une transmission des données fiscales. Les modalités techniques de la réforme seront arrêtées pour l'automne 2007. Cette simplification très attendue viendra parachever la mise en place du régime social des indépendants et de l'interlocuteur social unique à compter du 1er janvier 2008, que nous avons voulue avec Renaud Dutreil. La complexité est pour le service public, pas pour le travailleur indépendant, qui doit pouvoir se consacrer à ses clients et non à des formalités !
- Enfin, j'ai décidé la mise en place par le Groupement d'intérêt public « Modernisation des déclarations sociales » d'une déclaration sociale nominative. Ce projet ambitieux permettra une simplification radicale, une forte réduction du coût du traitement des déclarations sociales, pour les entreprises comme pour les organismes sociaux, et un renforcement considérable de l'efficacité de la lutte contre les fraudes.
La déclaration sociale nominative substituera à la plupart des déclarations actuelles une déclaration nominative unique dématérialisée liée aux logiciels de paie des entreprises. Les avantages seront nombreux : réduction drastique des formalités administratives des entreprises, meilleure qualité de service pour les assurés, amélioration de la lutte contre les fraudes et gains de productivité pour les organismes sociaux.
Je souhaite que tous les organismes membres du Groupement d'intérêt public contribuent activement à la réalisation de ce projet et mettent les bouchées doubles pour expérimenter cette déclaration dès le début de l'année 2008.
Parmi les axes de travail importants pour les prochaines années, je veux insister sur la lutte contre les fraudes. En effet, les fraudes sur les prestations mais aussi sur les cotisations sont non seulement la cause de pertes financières inacceptables pour la sécurité sociale, mais elle sapent les fondements de la solidarité.
Je sais tous les efforts que vous accomplissez dans ce domaine. Je souhaite notamment saluer l'action des Urssaf qui sont unanimement reconnues comme un acteur majeur de la lutte contre le travail dissimulé et contre l'évasion sociale.
Ces efforts portent leurs fruits. Entre 2003 et 2005, les contrôles des arrêts de travail ont été considérablement renforcés : leur nombre a été porté de 450 000 à 750 000. Les contrôles réalisés en 2005 ont permis de montrer que 15 % des arrêts de travail étaient injustifiés. Nous poursuivons cette année ces actions de contrôle.
Les caisses d'allocations familiales accomplissent, elles aussi, un travail important pour détecter les prestations versées à tort et lutter contre les escroqueries. Chaque année, un million de contrôles sur pièces sont effectués et près de 360 000 contrôles au domicile des allocataires. Pour la seule année 2005, les prestations versées à tort représentaient 935 millions d'euros, soit 2,7 % du total. L'amélioration du taux de recouvrement de ces indus - qui se situe autour de 66 % - est donc un enjeu primordial. Près de 2 300 fraudes aux prestations ont également été recensées contre 1 650 l'année précédente, ce qui représente un préjudice de 21,5 millions.
C'est dire que nous avons le devoir de poursuivre notre action pour que les moyens de la solidarité nationale soient employés pour aider ceux de nos compatriotes qui en ont vraiment besoin.
Vous pouvez aussi être fiers, Mesdames et Messieurs, d'oeuvrer dans un service public qui contribue aux performances de la France.
Ce haut niveau de protection sociale que vous garantissez par votre action quotidienne est, en effet, au coeur des performances économiques de notre pays.
Notre protection sociale joue un rôle de stabilisateur en cas de crise. Si l'on avait diminué les droits sociaux en période de faible croissance pour des motifs budgétaires, on aurait accentué les difficultés économiques au lieu de les amortir. C'est pourquoi je suis hostile à l'idée de confondre en un même texte des choses aussi différentes que le budget de l'Etat, avec ses crédits limitatifs, et la loi de financement de la sécurité sociale, avec ses objectifs de dépenses évaluatifs. La sécurité sociale ne saurait en aucun cas devenir la variable d'ajustement du budget de l'État.
La sécurité sociale est aussi un facteur d'innovation et de croissance. Grâce à notre haut niveau de protection sociale, chacun peut travailler, créer, innover, consommer sans être inhibé par la crainte des risques de la vie. En matière économique et sociale, on oppose trop souvent le risque à la sécurité. On a tort.
Pour prendre des risques, pour tenter sa chance, pour innover, il faut de la sécurité. L'absence de protection conduit aussi sûrement à l'immobilisme que l'excès d'assistance. Sans la sécurité sociale, ou avec une sécurité sociale réduite à une portion congrue, notre société serait incapable de relever les grands défis économiques de notre temps.
Je voudrais également insister sur l'effet des politiques de sécurité sociale, notamment de la politique familiale, sur la démographie et la croissance. Bien sûr, les motivations de la politique familiale sont avant tout de répondre à une demande sociale, de faire en sorte que les couples puissent avoir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent et puissent les élever dans de bonnes conditions. Mais nous ne pouvons ignorer les enjeux économiques de la natalité. Une fécondité supérieure, c'est non seulement un dynamisme plus grand pour la France, mais c'est aussi un pas supplémentaire dans la pérennisation de nos systèmes de retraite par répartition, une augmentation de la population active et une accélération de notre croissance. Les chiffres récents de la natalité française montrent que nous avons raison de poursuivre la politique en faveur des familles engagée en 2002.
Enfin, sur le plan financier, la modernisation de notre système de sécurité sociale est le meilleur moyen, et d'ailleurs le seul, de réguler durablement les dépenses.
La réforme de l'assurance maladie a montré qu'un changement profond des comportements, fondé sur le principe de responsabilité, permet de maîtriser structurellement les dépenses de santé. Entre 2004 et 2007, le déficit de l'assurance maladie aura été divisé par trois.
Les pays développés sans système solidaire sont ceux où les dépenses de santé ont le plus augmenté. L'exemple des Etats-Unis le montre bien. Alors même que seulement 45 % des dépenses de santé américaines sont couvertes par la protection sociale - elles sont 77 % en France -, ces dépenses atteignent 14,6 % du produit intérieur brut en Amérique contre 9,5 % en France.
Ma conviction, c'est donc que la sécurité sociale, à condition d'avoir une politique très volontariste, est aujourd'hui le meilleur instrument de maîtrise des dépenses de santé. La privatisation de notre système ne pourrait qu'en aggraver les coûts, tout en créant des injustices. Car la plus belle performance de notre sécurité sociale, c'est d'assurer la solidarité entre tous les Français.
Mesdames, Messieurs,
Je ressens avec vous la fierté d'être responsable du service public de la sécurité sociale, ce bien précieux, socle du « pacte social » de notre pays.
La capacité de la sécurité sociale à conjuguer solidarité et performance dépendra à l'avenir de sa capacité à évoluer dans un monde qui se transforme rapidement. Le Gouvernement s'est résolument engagé dans cette voie. Je rappellerai ici les deux réformes fondamentales que nous conduisons, celle des retraites et celle de l'assurance maladie.
Vous connaissez bien ces réformes, puisque c'est vous qui êtes amenés à les mettre en oeuvre directement avec les assurés, les professionnels de santé et les entreprises. Vous en connaissez donc les difficultés. Vous en savez aussi la nécessité.
Pour l'avenir, des adaptations, des réformes seront à nouveau nécessaires. Je pense en particulier à la dépendance, défi sur lequel j'aurai l'occasion de m'exprimer très prochainement. L'ensemble des acteurs de la sécurité sociale devra être partie prenante de ces réflexions et de ces évolutions.
Je me réjouis donc que, durant ce forum, l'ensemble des responsables des organismes de sécurité sociale et les partenaires sociaux se réunissent pour une réflexion commune. Le Gouvernement sera très attentif, soyez-en certains, aux conclusions de vos travaux.
Je vous remercie.Source http://www.famille.gouv.fr, le 6 mars 2007