Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle de 2007, dans "Le Parisien" le 18 avril 2007, sur sa stratégie électorale pluraliste, la création d'un "Parti démocrate" et son projet pour l'Europe.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Q- ERIC MERVEILLE. Michel Rocard a suggéré une alliance entre Ségolène Royal et vous. N'avez-vous pas le devoir de dire à vos électeurs ce que vous allez faire ?
R- François Bayrou. La France a besoin d'un président nouveau, et d'une majorité nouvelle. L'affrontement perpétuel droite contre gauche nous paralyse depuis vingt-cinq ans. Cet affrontement est désespérant pour le pays et l'a empêché de faire les réformes nécessaires. En m'entendant défendre ce projet de rassemblement, beaucoup de Français m'ont dit : « Ce que vous nous proposez est intéressant, mais vous ne trouverez personne pour le faire avec vous ». Or on voit aujourd'hui que des personnalités marquantes, de gauche et de droite, disent : « Oui, on peut travailler ensemble pour redresser le pays. » C'est ce qu'ont dit Rocard, Kouchner, Allègre. Bien sûr, le Parti socialiste a fermé la porte, immédiatement et brutalement. Mais la décision appartient aux Français. Si je suis élu président de la République, je ferai travailler ensemble des gens venant des deux camps. Je ne vois pas de différences majeures avec Dominique Strauss-Kahn d'un côté, ou Jean-Louis Borloo de l'autre. Voici la chose la plus importante qui soit en train de se passer : le mur de Berlin entre droite et gauche, cette cloison stupide qui séparait les Français, est en train de se fissurer.
Q- HUBERT SOUILLARD. Avez-vous en tête le nom de votre Premier ministre ?
R- François Bayrou. Je suis un homme qui vient du centre droit. Par équilibre, mon Premier ministre viendra plutôt du centre gauche.
Q- « Vous vous rendez compte du degré de sectarisme ? »
R- Vous aviez dit : « Jacques Delors, en plus jeune. » Jacques Delors a une fille...
R- François Bayrou. Oui, qui est une femme de caractère. Bien que je n'aie pas aimé la manière dont elle a fait les 35 heures. Rassurez-vous, je ne suis pas en train de préempter Martine Aubry... Mais, c'est vrai, j'ai beaucoup d'admiration pour Jacques Delors, pour la méthode Delors. C'est pour moi un homme de référence. Dans ce nouvel équilibre que je vais créer, tout le monde aura sa place. Il ne s'agira pas d'exclure les gens simplement parce qu'ils n'ont pas la même étiquette que moi. Je suis sensible au fait que des personnalités de gauche m'aient rejoint, par exemple, Jean Peyrelevade, l'homme qui a redressé le Crédit lyonnais. Ou des personnalités de droite, comme François Goulard, l'actuel ministre de la Recherche.
Q- PAUL-VICTOR VETTES. Vous voulez être le président d'une Ve République, mais vous parlez d'une VIe République. Comptez-vous l'instaurer bientôt ?
R- François Bayrou. Le numéro n'est pas le plus important. Ce qui compte, c'est le changement des institutions. Celles-ci doivent permettre un pouvoir plus ouvert qu'il ne l'est actuellement en France, où ceux qui sont au pouvoir ont tout, alors que ceux qui sont dans l'opposition n'ont rien. Il y a plus de vingt ans que je suis élu, et jamais je n'ai vu un président de la République réunir autour de la table les grandes forces démocratiques du pays en leur disant : « On a un problème, qu'est-ce qu'on fait ? » Vous vous rendez compte du degré de sectarisme ? Je veux donc des institutions qui permettent de représenter tous les Français. C'est la raison pour laquelle je veux supprimer le passage en force du gouvernement au Parlement, et instituer la proportionnelle pour 50 % des sièges. Il n'est pas normal, par exemple, que les Verts n'aient pas de groupe parlementaire, sauf à aller quémander des circonscriptions au PS.
Q- ROSELYNE LACHAUT. Si vous êtes élu le 6 mai, allez-vous présenter des députés UDF dans toutes les circonscriptions ?
R- François Bayrou. La nouvelle majorité - car j'aurai été élu par une majorité, et qu'il y aura un gouvernement pluraliste - présentera des candidats partout. Il y a deux hypothèses : ou bien il n'y a qu'un candidat par circonscription, et on fait une entente entre tous ceux qui ont décidé de participer à la nouvelle majorité ; ou bien on fait un accord de désistement entre plusieurs candidats. Je choisirai la meilleure hypothèse pour la France.
Q- C'est quoi, cette nouvelle majorité ?
R- François Bayrou. C'est une majorité composée de l'UDF, y compris si elle change de nom, puisque je veux créer un grand Parti démocrate, et qui tendra la main vers la droite et vers la gauche. Je n'ai pas d'ennemi dans le champ démocratique français. J'imagine bien que Nicolas Sarkozy n'ait pas envie de venir travailler avec moi et je vois bien qu'au Parti socialiste, il y a un certain nombre de gens qui n'en ont pas envie non plus. Mais entre les deux, il y a le champ immense d'une majorité de Français qui disent : « Il est temps qu'on s'y mette. » Quand je dis qu'il faut une nouvelle approche politique, je ne parle pas de manoeuvre politique, je dis que le pays a besoin qu'on s'occupe de lui. Soutenir l'entreprise, c'est nécessaire, et c'est plutôt une valeur de droite. Promouvoir la solidarité, c'est nécessaire, et c'est plutôt une valeur de gauche. Moi, j'ai besoin des deux.
Q- HUBERT SOUILLARD. Et si vous n'obteniez pas la majorité aux législatives, que feriez-vous ?
R- François Bayrou. Je ferais ce que de Gaulle a fait en 1958 : un accord de gouvernement avec des formations politiques qui accepteront de participer à ce nouvel élan. Mais les Français ne se déjugeront pas aux législatives, un mois après l'élection d'un nouveau président. Ils lui donneront une majorité et une majorité franche.
Q- ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. Vous êtes-vous affranchi de la logique des partis ?
R- François Bayrou. Oui, je me suis affranchi des vieilles prisons dans lesquelles on était enfermé. J'ai considéré qu'il fallait rendre au centre son ouverture d'esprit. Car un centre qui ne regarde que vers la droite, ce n'est plus un centre, c'est la droite ! Je suis capable de tendre la main des deux côtés. C'est cela dont la France a besoin. Je me suis affranchi aussi du sentiment dominant qu'on ne peut rien changer. Oui, c'est une émancipation.
« Les Français ont pensé que ma démarche était authentique »
Q- HUBERT SOUILLARD. Vous êtes passé, en quelques semaines, de 6 % à 20 % dans les sondages. Comment analysez-vous cette explosion ?
R- François Bayrou. J'ai répondu à une attente qu'avaient les Français mais qu'ils ne savaient pas formuler. Quand vous touchez juste un peuple, des adhésions très fortes se forment. Les Français ont pensé que ma démarche était authentique. Et ils ont eu raison. On me demande si je ne décevrai pas ? Je vais vous dire : j'ai six enfants, ils croient tous que ce que je dis en politique est vrai. Je ne reviendrai jamais devant eux en leur disant que j'ai décidé de revenir aux vieilles guerres d'appareil ou aux vieux partis. Je ne peux décevoir ni mes enfants ni les Français. Cela fait partie de ma certitude.
Q- CELINE REGNAUD. Si vous êtes au second tour, à qui préférez-vous être opposé ?
R- François Bayrou. Je pense que le plus franc serait d'être contre Nicolas Sarkozy. Son projet de société, surtout tel qu'il est apparu ces derniers mois - et qui est un projet dur - cible beaucoup de Français. Il est allé récemment à Meaux, chez Jean-François Copé, l'un de ses bras droits. Ce n'était donc pas un coupe-gorge. Il a tenu une réunion avec cent jeunes dans une salle fermée. Sa voiture l'a déposé juste devant la porte. Et il y avait 326 policiers et CRS ! Pour moi, pour beaucoup de gens, y compris à l'UMP, il y a là quelque chose qui n'augure pas bien de l'avenir. Je me prépare depuis longtemps à cette confrontation avec Nicolas Sarkozy. Et lui aussi, je crois. Ce serait franc et ça ferait bouger les lignes. Si c'est Ségolène Royal ou Jean-Marie Le Pen, je prendrai celui qui viendra. C'est plus compliqué avec Ségolène Royal, car je ne sais pas très bien quel est son projet.
Q- Ce serait plus facile face à Sarkozy ?
R- François Bayrou. Face à Nicolas Sarkozy, si c'est lui, ce sera un combat. Mais les sondages montrent que je suis le seul à pouvoir le battre. Et je sais que notre face-à-face sera un vrai moment de télé, car avec Sarkozy, on a des choses à se dire sur la manière dont on envisage la politique et la France. Je ne doute pas que ce sera chaud !
Q- MURIELLE PEPINTER. Allez-vous diminuer les charges salariales et patronales pour les PME, afin qu'elles puissent embaucher ?
R- François Bayrou. Je vais faire mieux : donner à chaque entreprise, y compris les plus petites - et quel que soit le secteur d'activité - la possibilité de créer deux emplois sans avoir à payer de charges pendant cinq ans. Car, très souvent, c'est parce que les entreprises craignent que ça leur coûte trop cher qu'elles n'embauchent pas.
Q- PAUL-VICTOR VETTES. Comptez-vous instaurer un contrat de travail unique ?
R- François Bayrou. Il ne faut pas une pointure unique pour toutes les chaussures ! Mais le contrat de travail normal, ça doit être le CDI, assorti d'une période d'essai suffisante pour que l'entreprise sache à qui elle a affaire. Il faut peut-être aussi inventer la possibilité de se séparer à l'amiable si on le souhaite, en garantissant les droits.
Q- CELINE REGNAUD. Quelles mesures proposez-vous pour gérer la dérive du système des stages mal ou pas payés ?
R- François Bayrou. Il est scandaleux que beaucoup d'entreprises utilisent des stages pour remplacer des emplois ou suppriment des contrats de travail pour les remplacer par des stages sous-payés. Il faut moraliser cela, par une loi ou des accords d'entreprises.
« Je propose une baisse du budget de l'Elysée de 20 % »
Q- ROSELYNE LACHAUT. Vous dites vouloir réduire la dette en trois ans. Sur quels budgets ? Et comment ferez-vous pour réduire les dépenses ?
R- François Bayrou. Quand un pays se porte mieux et fait de la croissance, il a des rentrées fiscales supplémentaires. En dix-huit mois, l'Allemagne a réduit son déficit à presque rien. Si nous avons une croissance autour de 2 % et une inflation modérée, comme aujourd'hui, les rentrées fiscales augmenteront de 14 milliards par an. Nous proposons d'attribuer la moitié de ces recettes à la diminution de la dette. En trois ans, on parviendra aux 20 milliards nécessaires pour réduire le déficit. Mais l'Etat doit donner l'exemple, son train de vie doit être plus sobre. Je propose une baisse du budget de l'Elysée de 20 % la première année. Il faut analyser tous les secteurs, par exemple fusionner, par une loi, les départements et les régions en une seule collectivité locale, pour éviter les doublons. Ma chance, c'est de ne pas être prisonnier d'un parti avec des élus qui me bloquent. Dans cette nouvelle collectivité, la moitié des membres sera élue à la proportionnelle comme dans les conseils régionaux. Et l'autre à la majorité comme dans les conseils généraux. C'est faisable très vite et même peut-être dès les prochaines cantonales.
Q- ISABELLE DE PENANSTER. Comment revaloriserez-vous les bas salaires ?
R- François Bayrou. Je n'ai pas de baguette magique. Le cumul des exonérations et avantages quand vous êtes au RMI n'encourage pas à reprendre le travail. Il faut fondre toutes ces aides et les rendre en partie compatibles avec le travail, pour qu'il y ait une vraie différence, d'au moins 150 ou 200 euros. Pour les bas salaires, regardons de près les contrats précaires ou à temps partiel, notamment dans les grandes surfaces où ils se sont multipliés et fabriquent des travailleurs pauvres. Essayons de corriger ces abus. Enfin, j'entends encourager les entreprises à partager les bénéfices à la fin de l'année par des 13e ou 14e mois. Je veux aussi mieux rémunérer les heures supplémentaires sans que cela coûte à l'entreprise, en allégeant les charges sociales.
Q- MURIELLE PEPINTER. Avez-vous l'intention de légiférer sur les « parachutes dorés » des dirigeants de grands groupes ? Et que pensez-vous des députés qui se sont voté cinq années de chômage quand ils sont battus ?
R- François Bayrou. Je me suis fait mal voir en m'opposant à cette décision de l'Assemblée. Symboliquement, pour les Français, cela donne le sentiment que les élus s'attribuent des privilèges. Cela était terriblement mal inspiré. Sur le premier point, je ferai voter une loi de moralisation de la vie économique. On ne peut couvrir d'or des personnalités, surtout quand il y a eu des difficultés dans l'entreprise. Il n'est pas possible que cela se fasse dans l'opacité la plus complète, sans que les salariés et les petits actionnaires en soient informés.
Q- ROSELYNE LACHAUT. Que comptez-vous faire pour éviter que l'on pousse dehors les salariés à 55 ans ?
R- François Bayrou. Quand ils prennent leur retraite, aujourd'hui, plus de 50 % des Français sont au chômage. C'est astronomique et affligeant. Il faut une politique pour maintenir au travail les gens qui, à 55 ans, sont en pleine force créatrice et en pleine jeunesse. Par exemple, alléger le coût de ces personnes.
« L'euro ne monte pas, c'est le dollar qui tombe »
Q- ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. L'euro a dépassé le cap de 1,35 dollar. Faut-il revoir la politique monétaire européenne ? Et dévaluer l'euro ?
R- François Bayrou. L'euro ne monte pas, c'est le dollar qui tombe. Parce que la gestion des Etats-Unis a été gravissime en terme de déficits commerciaux et budgétaires. Et je ne sais pas si son décrochage est fini. Regardez l'Allemagne : elle bat tous les records à l'exportation, avec la même monnaie que la nôtre. Ce n'est donc pas la monnaie qui est en cause, mais notre tissu industriel. Laisser filer l'euro serait dangereux car cela entraînerait la hausse des prix et des taux d'intérêt. Et chaque fois qu'il y a de l'inflation, ce sont les petits qui trinquent. Je préfère une monnaie sérieuse et des taux d'intérêt bas.
Q- CELINE REGNAUD. Quel est votre projet pour l'Europe ? Passe-t-il par une nouvelle Constitution ?
R- François Bayrou. Je voudrais que l'Europe s'occupe de l'essentiel, et pas seulement de commerce et de finance. Je voudrais qu'elle s'occupe de défense, de diplomatie, par exemple au Proche-Orient ou en Iran, d'énergie, de climat. Une France seule, même très bien inspirée par Nicolas Hulot, ne réussira pas à inverser le drame qui est en train de se produire. Enfin, je voudrais que l'Europe s'occupe d'industrie et de recherche, car on a besoin d'une organisation aussi forte que celle des Etats-Unis sur ce sujet. Pour la Constitution, il faut un texte court, compréhensible, lisible par tout le monde, qui dira comment se prendront les décisions et comment les citoyens pèseront sur elles. Il faudra le soumettre à un référendum. Et non pas le faire adopter à la va-vite au Parlement.
Q- ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. Faut-il accepter la Turquie dans l'Europe ?
R- François Bayrou. Soit on continue à faire l'Europe du commerce et l'élargissement sera accepté. Soit on fait une Europe qui s'occupe de l'essentiel, comme je le souhaite, mais elle ne pourra pas avoir ce périmètre très large. Il faudra peut-être repartir avec un projet européen plus dense, peut-être à partir des pays de la zone euro. D'ailleurs, les Turcs eux-mêmes sont en train de réfléchir à un autre type de lien avec l'Europe.
Q- De quelles personnalités européennes êtes-vous proche ?
R- François Bayrou. Je connais très bien Angela Merkel. Je suis très ami avec le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt. Je suis un ami intime de Romano Prodi, le Premier ministre italien. Je ne connais pas José Luis Zapatero et j'ai croisé sans bien le connaître Tony Blair, dont j'ai admiré les premières années au pouvoir, et un peu moins les dernières.
Q- PAUL-VICTOR VETTES. Quel rapprochement envisagez-vous entre les grandes écoles et l'université ? Et quelle est cette école que vous préconisez pour remplacer l'ENA ?
R- François Bayrou. Notre société fonctionne comme une société de castes, avec les uns qui ont tout et les autres qui n'ont rien. Je trouve cela malsain. Le recrutement dans la fonction publique peut parfaitement se faire à partir de l'université. Avec l'ENA, c'est le rang de sortie qui vous donne votre emploi. Un concours passé à 20 ans fait de vous un membre à vie du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, même si vous avez la vocation de la diplomatie ! Tout est bloqué. Je veux que les très hautes fonctions soient préparées, plus tard dans la vie, par une école ou un institut, autour de 35 ou 40 ans, après des expériences différentes, par exemple à la tête d'une entreprise ou dans l'humanitaire, ou dans une activité de chercheur ou de créateur.
Q- MURIELLE PEPINTER. Que proposez-vous pour développer une meilleure égalité des chances entre les enfants des milieux populaires et ceux des quartiers favorisés ?
R- François Bayrou. D'abord, il faut apprendre à lire à tout le monde avant l'entrée en 6e. Ensuite, il faut garantir le calme, la discipline, le respect au collège, où qu'il soit implanté. Enfin, il faut assurer que les parcours d'excellence fonctionnent dans tous les établissements. Il n'est pas normal qu'ils soient réservés aux quartiers favorisés. Certains candidats proposent de supprimer la carte scolaire pour l'accès au parcours d'excellence. Mais que fait-on s'il y a trois fois plus d'inscriptions dans l'établissement d'un quartier favorisé, qu'il n'y a de places ? On tire au sort ? On organise un concours ? Si oui, on aura toujours d'un côté les élèves de même origine sociale et tous les autres vont se « ghettoïser » encore plus. Il faut qu'il y ait de l'excellence partout, dans les banlieues éloignées comme aux lycées Henri-IV ou Louis-le-Grand, dans le centre de Paris. Moi, j'ai appris le latin et le grec dans le petit lycée de Nay, dans une vallée pyrénéenne. Et j'avais des profs de tout premier niveau. Ça, c'était l'égalité des chances.
« Je serai le défenseur de l'Education nationale »
Q- ISABELLE DE PENANSTER. L'apprentissage peut-il redonner leur dignité à des élèves en difficulté ?
R- François Bayrou. Est-ce que l'apprentissage peut être une réponse ? Oui, au sortir du collège, à 16 ans. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'élèves qui aient fait le choix de l'apprentissage à 14 ans. Les artisans et les chefs d'entreprise ont besoin de gens qui réussissent aussi à l'école.
Q- ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. Que pensez-vous des critiques qui sont régulièrement faites aux professeurs ?
R François Bayrou. Je prends un engagement : je serai le défenseur de l'Education nationale. Je n'accepterai pas que l'on cible les enseignants. On a tort de prendre les professeurs comme boucs émissaires. Je leur garantirai les moyens. En échange, je veux qu'on se fixe des objectifs vérifiables qui nous permettront de sortir des échecs d'aujourd'hui. Ce contrat avec l'Education est absolument nécessaire.
Q- PAUL-VICTOR VETTES. Que comptez-vous faire pour promouvoir l'enseignement artistique et celui des langues ?
R- François Bayrou. Je trouve que l'enseignement des langues s'améliore un peu en France. Pour faire encore mieux, une seule solution : il faut des bains linguistiques. Quand j'étais ministre de l'Education, j'avais proposé que, pour obtenir un diplôme d'enseignement supérieur, on soit obligé de passer un semestre dans un autre pays. Pour l'enseignement artistique, je pense qu'il faut multiplier les interventions de jeunes comédiens ou musiciens dans les écoles, afin qu'ils transmettent leur passion. J'ai souvent pensé que les intermittents, s'ils l'acceptent, pourraient jouer un rôle dans cette diffusion.
Q- ISABELLE DE PENANSTER. Vous-même, quelles langues parlez-vous en dehors du français ?
R- François Bayrou. L'anglais, le béarnais. Et je comprends à peu près toutes les langues romanes : l'italien, l'espagnol, le portugais, le catalan.
Q- HUBERT SOUILLARD. Laisserez-vous la justice poursuivre les vrais responsables des affaires financières de la Ville de Paris ? Et notamment M. X., l'ancien maire de Paris, M. Y., ancien président du RPR, M. Z., ancien président de la République ?
R- François Bayrou. Pour moi, c'est très simple : je veux une justice indépendante et que tous les Français soient égaux devant la justice.
Q- ABDELLATIF EN-NOUGAOUI. Faut-il réformer la loi de 1905 sur la laïcité ?
R- François Bayrou. Il ne faut pas la réformer. Il faut trouver à l'égard de l'islam les mêmes approches qu'à l'égard du catholicisme et du judaïsme. On aide les lieux de culte chrétiens ou juifs et certaines municipalités aident aussi les lieux de culte musulmans. Tout le monde a le droit de pratiquer sa foi dignement et d'être bien dans sa peau de croyant et dans la laïcité. Je suis moi-même un croyant qui défend la laïcité.
Q- MURIELLE PEPINTER. Dites-moi pourquoi je devrais voter pour vous ?
R- François Bayrou. Parce que je suis le seul qui propose que l'on sorte de l'affrontement d'un camp contre l'autre et que l'on puisse travailler ensemble pour redresser le pays.Source http://www.bayrou.fr, le 18 avril 2007