Texte intégral
Des villes sûres pour des citoyens libres : le thème de ce colloque montre bien que l'aspiration de nos concitoyens à vivre en sécurité est une condition nécessaire à l'exercice de la citoyenneté.
L'exercice de cette citoyenneté, la manière dont chacun, État, élus locaux, citoyens, participent à son développement est l'objet des travaux de votre atelier. C'est aussi pour moi un axe essentiel de la politique de la ville que je entends conduire.
Nos sociétés urbaines sont confrontées à une crise de lien social qui conduit notamment à la détérioration des structures familiales et les relations de voisinage. Plus largement il en résulte une crise de sens pour l'ensemble de notre société, une difficulté pour chacun à s'inscrire dans un projet collectif qui donne sens à l'exercice de la citoyenneté.
C'est là un enjeu majeur pour l'avenir de nos villes. La ville espace de mixité et de diversité qui sera lieu d'épanouissement de projet collectif si l'action des pouvoirs publics s'appuie sur une mobilisation citoyenne. Cette mobilisation n'est possible que par une évolution des pratiques de l'action des pouvoirs publics tant pour l'État que pour les collectivités locales.
Il vous faut tout d'abord rapprocher le pouvoir du citoyen. Une meilleure coordination locale des interventions publiques permettra aux citoyens de savoir qui décide quoi et surtout avec qui dialoguer pour une amélioration du service. Le développement des lieux de concertation, une plus grande transparence dans l'action des pouvoirs publics devra être poursuivie.
Sur ce point, la politique de la ville a permis depuis près de quinze ans de marquer de progrès. C'est dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu'on a vu se mobiliser les compétences, que l'on a pu expérimenter des évolutions dans la pratique du service public. Le développement de structures de concertation sous des formes diverses de comités de quartier ou comité d'usagers montre bien la voie dans laquelle il nous faut poursuivre et renforcer notre action. C'est un enjeu majeur de la politique de la ville pour laquelle j'ai confié à Jean-Pierre SUEUR une mission de réflexion. Son rapport me sera remis fin janvier il devra faire l'objet de débats avec tous les partenaires.
Mais dans une société qui connaît une crise du lien social aussi forte, il nous faut porter un regard particulier sur les jeunes. Les difficultés de la société à présenter les perspectives, à développer un espoir de projet collectif sont particulièrement ressenties par les jeunes.
Parmi ces jeunes, qu'il y en a qui vivent dans des familles, sans difficulté particulière - même si rien n'est simple dans ces quartiers occupent le temps, bien souvent, en bas des immeubles. Il y a jeunes qui possèdent les repères de la société mais ils pensent que la société ne peut plus rien leur apporter. Pour eux, travailler à l'école n'a pas de sens ; ils ont pour exemple leurs familles au chômage, le grand frère, qui malgré sa réussite à l'école, n'a pas trouvé de travail. Ils apprennent alors à se « débrouiller ». Ils glissent progressivement vers une société parallèle, vive du deal, de la petite délinquance. Pour ces jeunes-là, la vraie réponse, c'est l'emploi, et en attendant la prévention de la délinquance par le développement des actions de concertation entre tous les acteurs concernés.
Mais il y a plus difficile encore. Les enfants non structurés mentalement. Ils sont le fruit d'une et parfois de deux générations d'exclusion. Ils ne sont plus dans aucune structure : ni familiale, ni scolaire ; ils ne sont plus insérés dans leur quartier. Ces enfants-là ont manqué de tous, y compris de l'essentiel : le lien affectif de base qui fait qu'on existe. Il y a quelques observations : certains enfants n'ont aucune notion des liens familiaux : cette femme qu'on appelle par son prénom est-ce ma mère ? cet homme, est-ce mon père ou l'ami de ma mère ? Non que ces parents soient indignes, mais ils sont complètement débordés par toutes les difficultés vécues et ne peuvent plus faire face. Ces enfants là, on les retrouve dans la violence, parfois au sein même de l'école. Ils n'ont plus aucun repère, ne sont plus capables de se projeter dans l'avenir. Entre le désir et le passage à l'acte, il n'y a plus aucune retenue, aucun obstacle. Voilà la réalité des enfants de l'exclusion.
Face à cette situation, l'école a bien sûr un rôle fondamental. Mais l'enjeu d'une politique de prévention concerne tous ceux qui, service public ou habitants se trouvent dans une situation éducative à l'égard des jeunes.
L'enjeu d'une politique de prévention de la délinquance est donc d'abord de permettre aux jeunes les plus en difficulté d'exploiter leurs potentialités, de les accompagner dans leur parcours d'insertion sociale afin d'éviter qu'ils ne deviennent un jour des délinquants. La prévention doit se procurer également de la réinsertion de ceux pour qui la prison a fait figure, à un moment donné, de solution unique. Ces aspects sont indissociables. La réponse pénale est indispensable pour que la loi soit affirmée, mais les jeunes ne sont pas uniquement sensibles à la fonction d'un interdit de celle-ci. La recherche d'une réponse pénale plus adaptée est inséparable d'un développement de la citoyenneté par le renforcement du droit, et pas seulement du droit pénal, dans les quartiers déshérités. Car les jeunes sont aussi demandeurs d'accès et d'exercice de leurs droits ; il en va ainsi de l'accès au travail, à un logements, à la santé, au « droit des jeunes » en général, dans la ligne tracée par la Convention internationale des droits de l'enfant ratifiée par la France.
Vous le voyez la prévention de la délinquance suppose une action collective et coordonnée chacun dans son domaine de compétence.
Les lois de décentralisation de 1983 donnent un rôle important aux conseils généraux sur la prévention des mineurs. Je rappellerai les termes de l'article 40 du code de la famille et de l'aide sociale ; « ils ont compétence générale pour apporter le soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs et à leurs familles confrontées à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». Si certains conseils généraux développent une politique de prévention forte et innovante, c'est loin d'être le cas pour tous. Je souhaite vivement, à l'occasion de la relance de cette politique que je veux mener, qu'un dialogue fructueux s'instaure et que des décisions soient prises pour une meilleure implication des conseils généraux dans les politiques de prévention.
Ce renforcement de l'implication des conseils régionaux inscrira dans la dynamique de l'action collective engagée par les conseils communaux de prévention de la délinquance auquel je souhaite donner un second souffle.
La réflexion et le débat que je souhaite engager avec les élus locaux portera donc sur la restructuration des conseils de prévention de la délinquance en deux niveaux, l'un de définition stratégique, l'autre de mise en oeuvre opérationnelle.
1) le niveau de pilotage stratégique comprendrait les autorités publiques en charge des politiques de prévention et d'éducation, il serait créé au niveau de la ville ou de l'agglomération, voire même de plusieurs cantons suivant une géographie qui devra être déterminée localement... Son but serait d'élaborer une stratégie d'intervention pour les territoires concernés.
C'est là que les pouvoirs publics, après avoir fait un diagnostic social, définiraient leur politique commune, identifiant leurs priorités, les moyens qu'ils y consacrent et les résultats qu'ils en attendent. Ils rendraient compte chaque année des effets que cette démarche a produit.
Cela pourrait se traduire sous la forme d'un projet local d'action éducative dont la production conditionnerait l'octroi des financements publics et qui devraient être obligatoirement en cohérence avec les plans locaux de sécurité, mis en place par ailleurs.
2) un niveau plus opérationnel associerait les acteurs locaux (élus, service de l'État, associations, structures d'accueil, club de prévention) et les représentants des habitants du quartier à la conception et à la conduite des actions définies dans le projet local situé plus haut. Il s'agira ainsi de faire de ces conseils communaux de prévention de la délinquance de véritables conseils locaux de prévention, d'éducation et de citoyenneté.
À travers des interventions plus fortement structurées, c'est la mobilisation des acteurs de terrain qu'il nous faut réussir.
Vous le voyez, la politique de prévention que j'entends mener est indissociable de l'ensemble de la politique de la ville : rebâtir des villes où se sentir bien chez soi et dans son quartier sera une réalité partagée par tous, un projet de ville où les jeunes trouvent leur place, doit être l'affaire de tous les citoyens c'est ainsi que nous renforcerons notre démocratie.
L'exercice de cette citoyenneté, la manière dont chacun, État, élus locaux, citoyens, participent à son développement est l'objet des travaux de votre atelier. C'est aussi pour moi un axe essentiel de la politique de la ville que je entends conduire.
Nos sociétés urbaines sont confrontées à une crise de lien social qui conduit notamment à la détérioration des structures familiales et les relations de voisinage. Plus largement il en résulte une crise de sens pour l'ensemble de notre société, une difficulté pour chacun à s'inscrire dans un projet collectif qui donne sens à l'exercice de la citoyenneté.
C'est là un enjeu majeur pour l'avenir de nos villes. La ville espace de mixité et de diversité qui sera lieu d'épanouissement de projet collectif si l'action des pouvoirs publics s'appuie sur une mobilisation citoyenne. Cette mobilisation n'est possible que par une évolution des pratiques de l'action des pouvoirs publics tant pour l'État que pour les collectivités locales.
Il vous faut tout d'abord rapprocher le pouvoir du citoyen. Une meilleure coordination locale des interventions publiques permettra aux citoyens de savoir qui décide quoi et surtout avec qui dialoguer pour une amélioration du service. Le développement des lieux de concertation, une plus grande transparence dans l'action des pouvoirs publics devra être poursuivie.
Sur ce point, la politique de la ville a permis depuis près de quinze ans de marquer de progrès. C'est dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu'on a vu se mobiliser les compétences, que l'on a pu expérimenter des évolutions dans la pratique du service public. Le développement de structures de concertation sous des formes diverses de comités de quartier ou comité d'usagers montre bien la voie dans laquelle il nous faut poursuivre et renforcer notre action. C'est un enjeu majeur de la politique de la ville pour laquelle j'ai confié à Jean-Pierre SUEUR une mission de réflexion. Son rapport me sera remis fin janvier il devra faire l'objet de débats avec tous les partenaires.
Mais dans une société qui connaît une crise du lien social aussi forte, il nous faut porter un regard particulier sur les jeunes. Les difficultés de la société à présenter les perspectives, à développer un espoir de projet collectif sont particulièrement ressenties par les jeunes.
Parmi ces jeunes, qu'il y en a qui vivent dans des familles, sans difficulté particulière - même si rien n'est simple dans ces quartiers occupent le temps, bien souvent, en bas des immeubles. Il y a jeunes qui possèdent les repères de la société mais ils pensent que la société ne peut plus rien leur apporter. Pour eux, travailler à l'école n'a pas de sens ; ils ont pour exemple leurs familles au chômage, le grand frère, qui malgré sa réussite à l'école, n'a pas trouvé de travail. Ils apprennent alors à se « débrouiller ». Ils glissent progressivement vers une société parallèle, vive du deal, de la petite délinquance. Pour ces jeunes-là, la vraie réponse, c'est l'emploi, et en attendant la prévention de la délinquance par le développement des actions de concertation entre tous les acteurs concernés.
Mais il y a plus difficile encore. Les enfants non structurés mentalement. Ils sont le fruit d'une et parfois de deux générations d'exclusion. Ils ne sont plus dans aucune structure : ni familiale, ni scolaire ; ils ne sont plus insérés dans leur quartier. Ces enfants-là ont manqué de tous, y compris de l'essentiel : le lien affectif de base qui fait qu'on existe. Il y a quelques observations : certains enfants n'ont aucune notion des liens familiaux : cette femme qu'on appelle par son prénom est-ce ma mère ? cet homme, est-ce mon père ou l'ami de ma mère ? Non que ces parents soient indignes, mais ils sont complètement débordés par toutes les difficultés vécues et ne peuvent plus faire face. Ces enfants là, on les retrouve dans la violence, parfois au sein même de l'école. Ils n'ont plus aucun repère, ne sont plus capables de se projeter dans l'avenir. Entre le désir et le passage à l'acte, il n'y a plus aucune retenue, aucun obstacle. Voilà la réalité des enfants de l'exclusion.
Face à cette situation, l'école a bien sûr un rôle fondamental. Mais l'enjeu d'une politique de prévention concerne tous ceux qui, service public ou habitants se trouvent dans une situation éducative à l'égard des jeunes.
L'enjeu d'une politique de prévention de la délinquance est donc d'abord de permettre aux jeunes les plus en difficulté d'exploiter leurs potentialités, de les accompagner dans leur parcours d'insertion sociale afin d'éviter qu'ils ne deviennent un jour des délinquants. La prévention doit se procurer également de la réinsertion de ceux pour qui la prison a fait figure, à un moment donné, de solution unique. Ces aspects sont indissociables. La réponse pénale est indispensable pour que la loi soit affirmée, mais les jeunes ne sont pas uniquement sensibles à la fonction d'un interdit de celle-ci. La recherche d'une réponse pénale plus adaptée est inséparable d'un développement de la citoyenneté par le renforcement du droit, et pas seulement du droit pénal, dans les quartiers déshérités. Car les jeunes sont aussi demandeurs d'accès et d'exercice de leurs droits ; il en va ainsi de l'accès au travail, à un logements, à la santé, au « droit des jeunes » en général, dans la ligne tracée par la Convention internationale des droits de l'enfant ratifiée par la France.
Vous le voyez la prévention de la délinquance suppose une action collective et coordonnée chacun dans son domaine de compétence.
Les lois de décentralisation de 1983 donnent un rôle important aux conseils généraux sur la prévention des mineurs. Je rappellerai les termes de l'article 40 du code de la famille et de l'aide sociale ; « ils ont compétence générale pour apporter le soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs et à leurs familles confrontées à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». Si certains conseils généraux développent une politique de prévention forte et innovante, c'est loin d'être le cas pour tous. Je souhaite vivement, à l'occasion de la relance de cette politique que je veux mener, qu'un dialogue fructueux s'instaure et que des décisions soient prises pour une meilleure implication des conseils généraux dans les politiques de prévention.
Ce renforcement de l'implication des conseils régionaux inscrira dans la dynamique de l'action collective engagée par les conseils communaux de prévention de la délinquance auquel je souhaite donner un second souffle.
La réflexion et le débat que je souhaite engager avec les élus locaux portera donc sur la restructuration des conseils de prévention de la délinquance en deux niveaux, l'un de définition stratégique, l'autre de mise en oeuvre opérationnelle.
1) le niveau de pilotage stratégique comprendrait les autorités publiques en charge des politiques de prévention et d'éducation, il serait créé au niveau de la ville ou de l'agglomération, voire même de plusieurs cantons suivant une géographie qui devra être déterminée localement... Son but serait d'élaborer une stratégie d'intervention pour les territoires concernés.
C'est là que les pouvoirs publics, après avoir fait un diagnostic social, définiraient leur politique commune, identifiant leurs priorités, les moyens qu'ils y consacrent et les résultats qu'ils en attendent. Ils rendraient compte chaque année des effets que cette démarche a produit.
Cela pourrait se traduire sous la forme d'un projet local d'action éducative dont la production conditionnerait l'octroi des financements publics et qui devraient être obligatoirement en cohérence avec les plans locaux de sécurité, mis en place par ailleurs.
2) un niveau plus opérationnel associerait les acteurs locaux (élus, service de l'État, associations, structures d'accueil, club de prévention) et les représentants des habitants du quartier à la conception et à la conduite des actions définies dans le projet local situé plus haut. Il s'agira ainsi de faire de ces conseils communaux de prévention de la délinquance de véritables conseils locaux de prévention, d'éducation et de citoyenneté.
À travers des interventions plus fortement structurées, c'est la mobilisation des acteurs de terrain qu'il nous faut réussir.
Vous le voyez, la politique de prévention que j'entends mener est indissociable de l'ensemble de la politique de la ville : rebâtir des villes où se sentir bien chez soi et dans son quartier sera une réalité partagée par tous, un projet de ville où les jeunes trouvent leur place, doit être l'affaire de tous les citoyens c'est ainsi que nous renforcerons notre démocratie.