Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Monsieur le Rapporteur Général,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le projet de loi de règlement du budget 2006 que j'ai l'honneur de vous présenter est le premier à être présenté dans les conditions fixées par la LOLF. À ce titre, il marque le point d'orgue des réformes portées par notre nouvelle constitution budgétaire, dont je salue l'un des pères fondateurs, Alain Lambert. Nous disposons maintenant d'un outil budgétaire entièrement renouvelé et en ordre de marche.
Avec ce projet de loi, la discussion du règlement définitif du budget change radicalement de sens :
- Nous passons d'un exercice « comptable », puisqu'il s'agissait simplement d'arrêter les comptes de l'année n-1, à un véritable exercice politique d'évaluation des résultats atteints par nos politiques publiques.
- Nous passons aussi d'un exercice statique, centré sur une seule année, à un exercice dynamique où les résultats de l'année n-1 permettent d'éclairer les résultats prévisionnels de l'année n et de préparer la définition des objectifs de l'année n+1.
Ce coup de projecteur sur le passé prépare ainsi le scénario de l'année à venir. Plus rien, par conséquent, ne justifie le caractère assez confidentiel qu'avait, jusqu'à présent, la discussion de ce projet de loi.
Ce projet de loi montre, de façon exemplaire, que le contenu très technique des réformes initiées par la LOLF a une portée politique profonde. Il s'agit bien d'une avancée décisive en matière de gestion des finances publiques :
- une avancée qui répond d'abord aux demandes des Français, qui veulent un État plus fiable, plus performant et plus économe de l'argent public ;
- une avancée qui constitue, ensuite, un levier majeur de modernisation de l'État, grâce à la présentation du budget par politiques publiques et non plus par simples budgets ministériels, et grâce à la nouvelle logique de résultats et de performance ;
- une avancée, enfin, qui vous apporte, à vous parlementaires, des moyens de contrôle nouveaux et approfondis : les pouvoirs du Parlement sont renforcés et notre démocratie progresse.
Pour que cette avancée porte tous ces fruits, une dernière réforme s'impose : celle de la procédure parlementaire, afin que les discussions budgétaires que nous aurons à l'avenir soient pleinement en phase avec notre nouvelle constitution budgétaire. J'évoquerai cette question un peu plus tard, après vous avoir présenté les résultats et les comptes de l'année 2006.
Ces résultats sont très satisfaisants et je tiens à rendre hommage tant à mon prédécesseur, qui en a été le maître d'oeuvre en tant que ministre chargé du budget, qu'à votre Commission des finances et à son Président, Jean Arthuis, et son rapporteur général, Philippe Marini.
Le déficit budgétaire de l'État demeure, certes, élevé mais il est nettement inférieur aux prévisions initiales puisqu'il s'élève à 39 Mds d'euros contre 45,7 prévus par la loi de finances rectificative de fin d'année.
Cette amélioration est le fruit d'une stricte maîtrise des dépenses sur le budget général. Pour la quatrième année consécutive, l'autorisation parlementaire a été respectée et la progression des dépenses contenue au niveau de l'inflation - l'objectif « zéro volume » a donc bien été tenu.
Le respect du plafond de dépenses s'accompagne du respect du plafond d'emplois, qui témoigne d'un effort très important de maîtrise des effectifs et de la masse salariale de chaque ministère.
La baisse du nombre d'emplois en équivalents temps plein est en effet de 9 500, contre 5 300 prévus en loi de finances initiale.
Maîtrise de la dépense et maîtrise des effectifs : ces deux règles de bonne conduite auxquelles nous nous sommes pliés l'an dernier sont les deux éléments clés de la crédibilité de notre politique budgétaire. Elles seront assidûment poursuivies. Vous pourrez le constater demain, lors de notre débat d'orientation budgétaire.
L'amélioration du montant du déficit est aussi le fruit d'une dynamique marquée des recettes fiscales, principalement de l'impôt sur les sociétés. Elles augmentent de plus de 10 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Conformément à la règle que vous aviez fixée dans cette loi, l'intégralité de ce surplus fiscal a été consacrée à la réduction du déficit budgétaire.
Ces résultats satisfaisants ne doivent, bien sûr, pas occulter le fait que la situation de nos finances publiques demeure fragile et que l'équilibre des comptes publics et la réduction de la dette demanderont des efforts considérables et sur la durée.
Cette situation est suffisamment préoccupante, me semble-t-il, pour que nos discussions ne tournent pas à nouveau aux querelles de clocher ni aux sempiternelles procès en responsabilité.
Arrêtons de ressasser le passé ; tournons-nous vers l'avenir ; regardons quelles politiques nous devons conduire pour conforter le maintien de notre cap budgétaire pour réduire des déficits devenus structurels. Ce projet de loi nous en donne justement les moyens. Profitons-en !
En effet, comme je vous le disais en introduction de mon propos, l'intérêt de ce projet de loi dépasse de beaucoup l'enregistrement des résultats budgétaires de l'année 2006 : non seulement il entérine une véritable révolution comptable mais il devient l'étape clé de l'amélioration des performances de l'action publique.
La 1e rupture est d'ordre comptable. Le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a parlé, à juste titre, d'un véritable « big-bang » comptable pour l'État.
Je veux rendre un hommage appuyé à tous ceux qui en ont été les artisans. Les administrations, qu'elles soient gestionnaires ou comptables, ont fait un travail considérable, dont témoigne la qualité de ces premiers comptes.
Pour la première fois, les comptes de l'État sont présentés non plus selon une simple comptabilité de caisse mais selon une comptabilité générale, avec, à l'égal des entreprises, un bilan, un compte de résultat et un tableau des flux de trésorerie.
L'intérêt est double : ces nouveaux comptes donnent une vision beaucoup plus précise et détaillée du résultat de l'exercice budgétaire, et ils rendent compte de façon beaucoup plus juste du patrimoine de l'État.
Côté actif, les immobilisations font désormais l'objet d'un recensement plus systématique, qui nous a conduits à augmenter l'actif immobilisé de près de 200 milliards d'euros, après réévaluation du patrimoine routier, des participations financières ou des stocks, par exemple.
Côté passif, les provisions comptables sont désormais enregistrées.
Au total, le bilan fait apparaître, au 31 décembre 2006, un actif net des amortissements et des dépréciations de 538 milliards d'euros, pour un passif de 1 131 milliards d'euros, constitué à 80 % de dettes financières.
En marge du bilan, les comptes de l'État retracent aussi plus fidèlement ses engagements. Un travail analogue au recensement des actifs a été entrepris pour mieux les identifier et, lorsque cela était possible, mieux les valoriser. Des informations nombreuses et enrichies ont ainsi été portées dans l'annexe au bilan. Par exemple, le besoin de financement des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l'État fait désormais l'objet d'une évaluation, fixée à 230 milliards d'euros.
Cette réforme qui apporte plus de fiabilité et plus de transparence dans les comptes n'a donc pas une portée simplement comptable. Ce n'est pas un pur exercice de style, destiné au seul cercle des experts, contrôleurs financiers de l'État ou magistrats de la Cour des comptes. Sa portée est bien plus vaste. Elle répond à une exigence démocratique profonde, inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui mentionne :
- le droit pour tout citoyen de suivre l'emploi de la contribution publique qu'il acquitte, comme l'énonce l'article XIV,
- et, plus largement, le fait que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », ainsi que le précise l'article XV.
Pour autant, le chantier comptable n'est pas terminé. Les efforts devront être poursuivis pour améliorer la qualité de l'information et parvenir, à terme, à lever les réserves faites par la Cour des comptes. C'est tout le sens des engagements que nous avons pris vis-à-vis des certificateurs. Nous avons là une tâche de longue haleine, qui doit nous inciter, collectivement, à ne pas relâcher notre effort. Vous vous montrerez vigilants, j'en suis sûr, et vous aurez raison de l'être, pour que nous assurions l'achèvement de ce chantier dans des délais raisonnables.
La nouveauté de ce projet de loi de règlement tient en second lieu - c'est la deuxième rupture - aux rapports annuels de performances qui lui sont annexés.
Ces « RAP », comme on les appelle de façon abrégée, transforment profondément la portée du texte dont nous discutons : ils en font un moment phare, celui où l'on va juger, pour chaque politique publique, des résultats atteints et des moyens mis en oeuvre.
La loi de règlement sort ainsi de l'ombre pour devenir le moment privilégié du contrôle approfondi de l'exécution du budget : contrôle de la clarté des comptes et contrôle de l'efficacité des politiques publiques conduites tout au long de l'année antérieure.
Elle devient par conséquent une étape majeure dans le cycle de préparation de la procédure budgétaire, un peu à l'image de ces étapes de montagne qui constituent le point fort du Tour de France. La métaphore me semble d'autant plus appropriée que, comme pour les cyclistes arrivés en haut du col, cette loi nous donnera de la visibilité pour le chemin qu'il faudra ensuite parcourir.
J'aimerais maintenant vous faire part, dans ses grands traits, du bilan de l'exercice auquel se sont livrées l'ensemble des administrations.
Commençons par les imperfections. Elles sont naturelles dans un premier exercice et pour une réforme aussi profonde. En effet, la définition et le calcul des indicateurs de performance, qui mesurent désormais l'activité et les résultats de l'administration, ne vont pas de soi. Quels critères peuvent rendre compte de l'efficacité réelle d'une politique, par exemple en matière de lutte contre la maltraitance des personnes âgées ?
Une question comme celle-ci, que l'on doit poser désormais pour chaque politique publique, reçoit rarement une réponse simple. Elle exige de repenser les buts poursuivis et les moyens mis en oeuvre au niveau de chacune de nos politiques. Il ne s'agit plus de montrer que tout va bien parce qu'on a consommé 99 % des crédits. Il faut désormais définir une stratégie, dotée d'objectifs ciblés, et lui affecter les moyens nécessaires. C'est un changement culturel radical pour nos administrations ; par définition, cela ne se fait pas en un jour.
Et c'est une démarche qui a aussi une dimension politique, car arrêter une liste limitée d'indicateurs, c'est hiérarchiser les priorités, ce qui représentera d'ailleurs un travail considérable dans les années qui viennent.
Une fois ces indicateurs de performance définis, il faut ensuite les exploiter. La mesure fiable des performances exige des systèmes d'information extrêmement élaborés. Ils existent, mais ils ne sont pas encore totalement opérationnels. C'est une deuxième cause d'imperfection.
Pour autant, malgré ces imperfections, le bilan que l'on peut tirer de ce premier exercice est très satisfaisant. Il est le fruit d'une implication collective de l'ensemble des ministères.
Que nous apportent les rapports annuels de performances ?
- Ils nous apprennent, tout d'abord, l'utilisation que les responsables de programme ont faite de leurs crédits. Ce que je retiens avant tout, c'est le succès de l'appropriation des nouvelles souplesses de gestion offertes par la LOLF.
Les nouvelles modalités de mise en réserve de crédits ont parfaitement répondu aux attentes, en donnant aux ministères la visibilité nécessaire sur les crédits disponibles, en toute transparence vis-à-vis du Parlement. Les ministères ont pleinement exploité les leviers offerts par la LOLF dans la gestion de leurs crédits, au service de leurs priorités. Ils ont pu ainsi financer la plupart des besoins apparus en cours de gestion par redéploiement au sein des programmes, en dégageant notamment des marges sur la masse salariale.
Ces redéploiements - plus précisément cette « fongibilité asymétrique », pour employer le vocabulaire de la LOLF - ont porté, dès cette première année, sur un montant de 400 millions d'euros.
Les RAP nous apprennent ensuite le coût réel des politiques publiques. C'est une véritable nouveauté. Avant la LOLF, tout ce qu'on pouvait connaître était le montant des dépenses exécutées du budget de chaque ministère. Avec la LOLF, on raisonne désormais en politiques publiques, dont on peut connaître le coût budgétaire effectif et dont on possède même, grâce à l'apport de la comptabilité générale, une esquisse du coût complet.
C'est donc une image beaucoup plus juste du coût des politiques publiques que l'on met à la disposition du Parlement et du citoyen, même si des progrès restent encore à faire sur le recensement des immobilisations, des stocks ou des provisions. Ces progrès souhaitables nous renvoient aux réserves exprimées par la Cour des comptes, auxquelles nous entendons répondre, sur la durée, par une démarche d'amélioration permanente.
Enfin, les RAP permettent d'aller plus loin encore puisque, avec les indicateurs de performance, on connaît aussi désormais les résultats des politiques publiques.
C'est une avancée majeure qui intéresse à la fois le citoyen, le contribuable, l'usager et, par conséquent, au premier titre, le parlementaire :
- Le citoyen constatera, par exemple, que nous obtenons des résultats tangibles dans le renforcement de la lutte contre la fraude. La valeur des saisies de marchandises de contrefaçon s'est ainsi élevée à 271 millions d'euros en 2006, contre 125 millions initialement prévus.
- Le contribuable sera sensible, pour citer un sujet souvent évoqué, à l'amélioration de la productivité des juridictions administratives dans le traitement des dossiers. Ce sont ainsi 80 affaires en moyenne, qui ont été réglées par magistrat au Conseil d'État en 2006, contre 73 prévues dans les projets annuels de performance ; de même, 104 affaires ont été réglées par magistrat dans les cours administratives d'appel, contre 98 attendues ; et 268 dans les tribunaux administratifs, contre 240 prévues.
- L'usager, enfin, observera, par exemple, que le calendrier de versement des aides de la PAC aux exploitants agricoles est respecté, en 2006, à plus de 97 % contre 94 % prévus à l'origine.
Tous les objectifs fixés n'ont pas été atteints, mais, pour un premier exercice, le bilan est plutôt satisfaisant. Ainsi, sur l'ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être analysés, on relève un taux de réalisation de 60% ; 20 autres % traduisent de réels progrès ; seuls 20% ne traduisent pas de réelle amélioration de la performance.
Je conclurai maintenant sur les perspectives offertes par la rénovation de notre loi de règlement.
Avec la LOLF, le Parlement a voulu revaloriser cette loi pour en faire le moment de « vérité budgétaire », celui où il est pleinement rendu compte de l'action conduite.
En donnant une dimension nouvelle à la loi de règlement, la LOLF permet au Parlement et à l'ensemble des citoyens de contrôler plus efficacement l'action du Gouvernement.
Le Parlement, j'en ai la conviction, s'appropriera progressivement cette réforme. Il en a apporté la preuve, dès l'an dernier, en organisant l'audition de ministres et de responsables de programmes sur l'exécution de leur budget en 2005.
Il le montre à nouveau cette année, même si les circonstances politiques et le calendrier lui ont rendu la tâche plus difficile, j'en conviens.
Au vu de ces nouveaux enjeux, nous devons maintenant faire évoluer la procédure budgétaire elle-même. Le Président de la République et le Premier ministre ont évoqué ce sujet à plusieurs reprises.
L'objectif est de concentrer davantage l'attention du législateur comme du Gouvernement sur l'examen du projet de loi de règlement et, en particulier, sur les rapports annuels de performances.
Ce rééquilibrage par rapport au projet de loi de finances initiale aura pour avantage d'instaurer les conditions d'exercice d'une vraie responsabilité des ministres. Ils ne seront plus jugés uniquement en fonction du volume du budget qu'ils obtiennent, mais de la mise en oeuvre des politiques publiques dont ils sont responsables et dans la limite des moyens qui leur sont alloués. Il y aura une exigence de résultat et, comme dans toute entreprise, le moment de la présentation des résultats devra être au moins aussi important que celui de la présentation du budget initial.
Cette rénovation de la procédure budgétaire conforterait ainsi le « chaînage vertueux » mis en place par la LOLF. Il articule :
- la discussion du projet de loi de règlement de l'exercice n - 1 ;
- le débat d'orientation budgétaire sur la période n + l à n +3, qui permet de donner de la lisibilité et de la visibilité à nos finances publiques ;
- et enfin, la présentation du projet de loi de finances de l'année n +1, établi non seulement sur la base des prévisions de la loi de finances de l'année n, mais aussi sur celle des résultats concrètement obtenus l'année n-1.
C'est le chemin que nous empruntons aujourd'hui puisque sont successivement inscrits à l'ordre du jour le projet de loi de règlement du budget 2006 puis le débat d'orientation budgétaire pour les trois prochaines années.
Je serais favorable à ce que nous engagions très rapidement la réflexion avec votre Commission des finances et avec l'Assemblée nationale. Nous devons avoir ce débat, que j'ai d'ailleurs déjà évoqué avec Jean ARTHUIS et Philippe MARINI.
Ainsi, nous pourrons parfaire le grand mouvement de réforme budgétaire lancé en 2000 et qui connaît son plein effet aujourd'hui. L'examen de la loi de règlement deviendra alors, à l'instar du travail fait sur la loi de finances initiales, un grand rendez-vous annuel d'analyse et de jugement de l'action de l'État.
Grâce à cette boîte à outils complète dont nous disposerons bientôt, nous aurons, Gouvernement et Parlement réunis, tous les moyens nécessaires pour améliorer notre stratégie budgétaire. Il nous reviendra de faire preuve de la volonté nécessaire pour en tirer le plus grand profit au service de l'assainissement budgétaire de notre pays.
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 24 juillet 2007
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Monsieur le Rapporteur Général,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le projet de loi de règlement du budget 2006 que j'ai l'honneur de vous présenter est le premier à être présenté dans les conditions fixées par la LOLF. À ce titre, il marque le point d'orgue des réformes portées par notre nouvelle constitution budgétaire, dont je salue l'un des pères fondateurs, Alain Lambert. Nous disposons maintenant d'un outil budgétaire entièrement renouvelé et en ordre de marche.
Avec ce projet de loi, la discussion du règlement définitif du budget change radicalement de sens :
- Nous passons d'un exercice « comptable », puisqu'il s'agissait simplement d'arrêter les comptes de l'année n-1, à un véritable exercice politique d'évaluation des résultats atteints par nos politiques publiques.
- Nous passons aussi d'un exercice statique, centré sur une seule année, à un exercice dynamique où les résultats de l'année n-1 permettent d'éclairer les résultats prévisionnels de l'année n et de préparer la définition des objectifs de l'année n+1.
Ce coup de projecteur sur le passé prépare ainsi le scénario de l'année à venir. Plus rien, par conséquent, ne justifie le caractère assez confidentiel qu'avait, jusqu'à présent, la discussion de ce projet de loi.
Ce projet de loi montre, de façon exemplaire, que le contenu très technique des réformes initiées par la LOLF a une portée politique profonde. Il s'agit bien d'une avancée décisive en matière de gestion des finances publiques :
- une avancée qui répond d'abord aux demandes des Français, qui veulent un État plus fiable, plus performant et plus économe de l'argent public ;
- une avancée qui constitue, ensuite, un levier majeur de modernisation de l'État, grâce à la présentation du budget par politiques publiques et non plus par simples budgets ministériels, et grâce à la nouvelle logique de résultats et de performance ;
- une avancée, enfin, qui vous apporte, à vous parlementaires, des moyens de contrôle nouveaux et approfondis : les pouvoirs du Parlement sont renforcés et notre démocratie progresse.
Pour que cette avancée porte tous ces fruits, une dernière réforme s'impose : celle de la procédure parlementaire, afin que les discussions budgétaires que nous aurons à l'avenir soient pleinement en phase avec notre nouvelle constitution budgétaire. J'évoquerai cette question un peu plus tard, après vous avoir présenté les résultats et les comptes de l'année 2006.
Ces résultats sont très satisfaisants et je tiens à rendre hommage tant à mon prédécesseur, qui en a été le maître d'oeuvre en tant que ministre chargé du budget, qu'à votre Commission des finances et à son Président, Jean Arthuis, et son rapporteur général, Philippe Marini.
Le déficit budgétaire de l'État demeure, certes, élevé mais il est nettement inférieur aux prévisions initiales puisqu'il s'élève à 39 Mds d'euros contre 45,7 prévus par la loi de finances rectificative de fin d'année.
Cette amélioration est le fruit d'une stricte maîtrise des dépenses sur le budget général. Pour la quatrième année consécutive, l'autorisation parlementaire a été respectée et la progression des dépenses contenue au niveau de l'inflation - l'objectif « zéro volume » a donc bien été tenu.
Le respect du plafond de dépenses s'accompagne du respect du plafond d'emplois, qui témoigne d'un effort très important de maîtrise des effectifs et de la masse salariale de chaque ministère.
La baisse du nombre d'emplois en équivalents temps plein est en effet de 9 500, contre 5 300 prévus en loi de finances initiale.
Maîtrise de la dépense et maîtrise des effectifs : ces deux règles de bonne conduite auxquelles nous nous sommes pliés l'an dernier sont les deux éléments clés de la crédibilité de notre politique budgétaire. Elles seront assidûment poursuivies. Vous pourrez le constater demain, lors de notre débat d'orientation budgétaire.
L'amélioration du montant du déficit est aussi le fruit d'une dynamique marquée des recettes fiscales, principalement de l'impôt sur les sociétés. Elles augmentent de plus de 10 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Conformément à la règle que vous aviez fixée dans cette loi, l'intégralité de ce surplus fiscal a été consacrée à la réduction du déficit budgétaire.
Ces résultats satisfaisants ne doivent, bien sûr, pas occulter le fait que la situation de nos finances publiques demeure fragile et que l'équilibre des comptes publics et la réduction de la dette demanderont des efforts considérables et sur la durée.
Cette situation est suffisamment préoccupante, me semble-t-il, pour que nos discussions ne tournent pas à nouveau aux querelles de clocher ni aux sempiternelles procès en responsabilité.
Arrêtons de ressasser le passé ; tournons-nous vers l'avenir ; regardons quelles politiques nous devons conduire pour conforter le maintien de notre cap budgétaire pour réduire des déficits devenus structurels. Ce projet de loi nous en donne justement les moyens. Profitons-en !
En effet, comme je vous le disais en introduction de mon propos, l'intérêt de ce projet de loi dépasse de beaucoup l'enregistrement des résultats budgétaires de l'année 2006 : non seulement il entérine une véritable révolution comptable mais il devient l'étape clé de l'amélioration des performances de l'action publique.
La 1e rupture est d'ordre comptable. Le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a parlé, à juste titre, d'un véritable « big-bang » comptable pour l'État.
Je veux rendre un hommage appuyé à tous ceux qui en ont été les artisans. Les administrations, qu'elles soient gestionnaires ou comptables, ont fait un travail considérable, dont témoigne la qualité de ces premiers comptes.
Pour la première fois, les comptes de l'État sont présentés non plus selon une simple comptabilité de caisse mais selon une comptabilité générale, avec, à l'égal des entreprises, un bilan, un compte de résultat et un tableau des flux de trésorerie.
L'intérêt est double : ces nouveaux comptes donnent une vision beaucoup plus précise et détaillée du résultat de l'exercice budgétaire, et ils rendent compte de façon beaucoup plus juste du patrimoine de l'État.
Côté actif, les immobilisations font désormais l'objet d'un recensement plus systématique, qui nous a conduits à augmenter l'actif immobilisé de près de 200 milliards d'euros, après réévaluation du patrimoine routier, des participations financières ou des stocks, par exemple.
Côté passif, les provisions comptables sont désormais enregistrées.
Au total, le bilan fait apparaître, au 31 décembre 2006, un actif net des amortissements et des dépréciations de 538 milliards d'euros, pour un passif de 1 131 milliards d'euros, constitué à 80 % de dettes financières.
En marge du bilan, les comptes de l'État retracent aussi plus fidèlement ses engagements. Un travail analogue au recensement des actifs a été entrepris pour mieux les identifier et, lorsque cela était possible, mieux les valoriser. Des informations nombreuses et enrichies ont ainsi été portées dans l'annexe au bilan. Par exemple, le besoin de financement des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l'État fait désormais l'objet d'une évaluation, fixée à 230 milliards d'euros.
Cette réforme qui apporte plus de fiabilité et plus de transparence dans les comptes n'a donc pas une portée simplement comptable. Ce n'est pas un pur exercice de style, destiné au seul cercle des experts, contrôleurs financiers de l'État ou magistrats de la Cour des comptes. Sa portée est bien plus vaste. Elle répond à une exigence démocratique profonde, inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui mentionne :
- le droit pour tout citoyen de suivre l'emploi de la contribution publique qu'il acquitte, comme l'énonce l'article XIV,
- et, plus largement, le fait que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », ainsi que le précise l'article XV.
Pour autant, le chantier comptable n'est pas terminé. Les efforts devront être poursuivis pour améliorer la qualité de l'information et parvenir, à terme, à lever les réserves faites par la Cour des comptes. C'est tout le sens des engagements que nous avons pris vis-à-vis des certificateurs. Nous avons là une tâche de longue haleine, qui doit nous inciter, collectivement, à ne pas relâcher notre effort. Vous vous montrerez vigilants, j'en suis sûr, et vous aurez raison de l'être, pour que nous assurions l'achèvement de ce chantier dans des délais raisonnables.
La nouveauté de ce projet de loi de règlement tient en second lieu - c'est la deuxième rupture - aux rapports annuels de performances qui lui sont annexés.
Ces « RAP », comme on les appelle de façon abrégée, transforment profondément la portée du texte dont nous discutons : ils en font un moment phare, celui où l'on va juger, pour chaque politique publique, des résultats atteints et des moyens mis en oeuvre.
La loi de règlement sort ainsi de l'ombre pour devenir le moment privilégié du contrôle approfondi de l'exécution du budget : contrôle de la clarté des comptes et contrôle de l'efficacité des politiques publiques conduites tout au long de l'année antérieure.
Elle devient par conséquent une étape majeure dans le cycle de préparation de la procédure budgétaire, un peu à l'image de ces étapes de montagne qui constituent le point fort du Tour de France. La métaphore me semble d'autant plus appropriée que, comme pour les cyclistes arrivés en haut du col, cette loi nous donnera de la visibilité pour le chemin qu'il faudra ensuite parcourir.
J'aimerais maintenant vous faire part, dans ses grands traits, du bilan de l'exercice auquel se sont livrées l'ensemble des administrations.
Commençons par les imperfections. Elles sont naturelles dans un premier exercice et pour une réforme aussi profonde. En effet, la définition et le calcul des indicateurs de performance, qui mesurent désormais l'activité et les résultats de l'administration, ne vont pas de soi. Quels critères peuvent rendre compte de l'efficacité réelle d'une politique, par exemple en matière de lutte contre la maltraitance des personnes âgées ?
Une question comme celle-ci, que l'on doit poser désormais pour chaque politique publique, reçoit rarement une réponse simple. Elle exige de repenser les buts poursuivis et les moyens mis en oeuvre au niveau de chacune de nos politiques. Il ne s'agit plus de montrer que tout va bien parce qu'on a consommé 99 % des crédits. Il faut désormais définir une stratégie, dotée d'objectifs ciblés, et lui affecter les moyens nécessaires. C'est un changement culturel radical pour nos administrations ; par définition, cela ne se fait pas en un jour.
Et c'est une démarche qui a aussi une dimension politique, car arrêter une liste limitée d'indicateurs, c'est hiérarchiser les priorités, ce qui représentera d'ailleurs un travail considérable dans les années qui viennent.
Une fois ces indicateurs de performance définis, il faut ensuite les exploiter. La mesure fiable des performances exige des systèmes d'information extrêmement élaborés. Ils existent, mais ils ne sont pas encore totalement opérationnels. C'est une deuxième cause d'imperfection.
Pour autant, malgré ces imperfections, le bilan que l'on peut tirer de ce premier exercice est très satisfaisant. Il est le fruit d'une implication collective de l'ensemble des ministères.
Que nous apportent les rapports annuels de performances ?
- Ils nous apprennent, tout d'abord, l'utilisation que les responsables de programme ont faite de leurs crédits. Ce que je retiens avant tout, c'est le succès de l'appropriation des nouvelles souplesses de gestion offertes par la LOLF.
Les nouvelles modalités de mise en réserve de crédits ont parfaitement répondu aux attentes, en donnant aux ministères la visibilité nécessaire sur les crédits disponibles, en toute transparence vis-à-vis du Parlement. Les ministères ont pleinement exploité les leviers offerts par la LOLF dans la gestion de leurs crédits, au service de leurs priorités. Ils ont pu ainsi financer la plupart des besoins apparus en cours de gestion par redéploiement au sein des programmes, en dégageant notamment des marges sur la masse salariale.
Ces redéploiements - plus précisément cette « fongibilité asymétrique », pour employer le vocabulaire de la LOLF - ont porté, dès cette première année, sur un montant de 400 millions d'euros.
Les RAP nous apprennent ensuite le coût réel des politiques publiques. C'est une véritable nouveauté. Avant la LOLF, tout ce qu'on pouvait connaître était le montant des dépenses exécutées du budget de chaque ministère. Avec la LOLF, on raisonne désormais en politiques publiques, dont on peut connaître le coût budgétaire effectif et dont on possède même, grâce à l'apport de la comptabilité générale, une esquisse du coût complet.
C'est donc une image beaucoup plus juste du coût des politiques publiques que l'on met à la disposition du Parlement et du citoyen, même si des progrès restent encore à faire sur le recensement des immobilisations, des stocks ou des provisions. Ces progrès souhaitables nous renvoient aux réserves exprimées par la Cour des comptes, auxquelles nous entendons répondre, sur la durée, par une démarche d'amélioration permanente.
Enfin, les RAP permettent d'aller plus loin encore puisque, avec les indicateurs de performance, on connaît aussi désormais les résultats des politiques publiques.
C'est une avancée majeure qui intéresse à la fois le citoyen, le contribuable, l'usager et, par conséquent, au premier titre, le parlementaire :
- Le citoyen constatera, par exemple, que nous obtenons des résultats tangibles dans le renforcement de la lutte contre la fraude. La valeur des saisies de marchandises de contrefaçon s'est ainsi élevée à 271 millions d'euros en 2006, contre 125 millions initialement prévus.
- Le contribuable sera sensible, pour citer un sujet souvent évoqué, à l'amélioration de la productivité des juridictions administratives dans le traitement des dossiers. Ce sont ainsi 80 affaires en moyenne, qui ont été réglées par magistrat au Conseil d'État en 2006, contre 73 prévues dans les projets annuels de performance ; de même, 104 affaires ont été réglées par magistrat dans les cours administratives d'appel, contre 98 attendues ; et 268 dans les tribunaux administratifs, contre 240 prévues.
- L'usager, enfin, observera, par exemple, que le calendrier de versement des aides de la PAC aux exploitants agricoles est respecté, en 2006, à plus de 97 % contre 94 % prévus à l'origine.
Tous les objectifs fixés n'ont pas été atteints, mais, pour un premier exercice, le bilan est plutôt satisfaisant. Ainsi, sur l'ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être analysés, on relève un taux de réalisation de 60% ; 20 autres % traduisent de réels progrès ; seuls 20% ne traduisent pas de réelle amélioration de la performance.
Je conclurai maintenant sur les perspectives offertes par la rénovation de notre loi de règlement.
Avec la LOLF, le Parlement a voulu revaloriser cette loi pour en faire le moment de « vérité budgétaire », celui où il est pleinement rendu compte de l'action conduite.
En donnant une dimension nouvelle à la loi de règlement, la LOLF permet au Parlement et à l'ensemble des citoyens de contrôler plus efficacement l'action du Gouvernement.
Le Parlement, j'en ai la conviction, s'appropriera progressivement cette réforme. Il en a apporté la preuve, dès l'an dernier, en organisant l'audition de ministres et de responsables de programmes sur l'exécution de leur budget en 2005.
Il le montre à nouveau cette année, même si les circonstances politiques et le calendrier lui ont rendu la tâche plus difficile, j'en conviens.
Au vu de ces nouveaux enjeux, nous devons maintenant faire évoluer la procédure budgétaire elle-même. Le Président de la République et le Premier ministre ont évoqué ce sujet à plusieurs reprises.
L'objectif est de concentrer davantage l'attention du législateur comme du Gouvernement sur l'examen du projet de loi de règlement et, en particulier, sur les rapports annuels de performances.
Ce rééquilibrage par rapport au projet de loi de finances initiale aura pour avantage d'instaurer les conditions d'exercice d'une vraie responsabilité des ministres. Ils ne seront plus jugés uniquement en fonction du volume du budget qu'ils obtiennent, mais de la mise en oeuvre des politiques publiques dont ils sont responsables et dans la limite des moyens qui leur sont alloués. Il y aura une exigence de résultat et, comme dans toute entreprise, le moment de la présentation des résultats devra être au moins aussi important que celui de la présentation du budget initial.
Cette rénovation de la procédure budgétaire conforterait ainsi le « chaînage vertueux » mis en place par la LOLF. Il articule :
- la discussion du projet de loi de règlement de l'exercice n - 1 ;
- le débat d'orientation budgétaire sur la période n + l à n +3, qui permet de donner de la lisibilité et de la visibilité à nos finances publiques ;
- et enfin, la présentation du projet de loi de finances de l'année n +1, établi non seulement sur la base des prévisions de la loi de finances de l'année n, mais aussi sur celle des résultats concrètement obtenus l'année n-1.
C'est le chemin que nous empruntons aujourd'hui puisque sont successivement inscrits à l'ordre du jour le projet de loi de règlement du budget 2006 puis le débat d'orientation budgétaire pour les trois prochaines années.
Je serais favorable à ce que nous engagions très rapidement la réflexion avec votre Commission des finances et avec l'Assemblée nationale. Nous devons avoir ce débat, que j'ai d'ailleurs déjà évoqué avec Jean ARTHUIS et Philippe MARINI.
Ainsi, nous pourrons parfaire le grand mouvement de réforme budgétaire lancé en 2000 et qui connaît son plein effet aujourd'hui. L'examen de la loi de règlement deviendra alors, à l'instar du travail fait sur la loi de finances initiales, un grand rendez-vous annuel d'analyse et de jugement de l'action de l'État.
Grâce à cette boîte à outils complète dont nous disposerons bientôt, nous aurons, Gouvernement et Parlement réunis, tous les moyens nécessaires pour améliorer notre stratégie budgétaire. Il nous reviendra de faire preuve de la volonté nécessaire pour en tirer le plus grand profit au service de l'assainissement budgétaire de notre pays.
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 24 juillet 2007