Texte intégral
Monsieur le Président, [ M. Poncelet ]
Messieurs les Ministres, [ Luc Châtel et Hervé Novelli ; Roger Karoutchi]
Monsieur le Haut commissaire, [ Martin Hirsch ]
Messieurs les Présidents de Commission, [ MM. Arthuis et About ]
Monsieur le Rapporteur général, [ M. Marini ]
Monsieur le Rapporteur, [ M. Vasselle ]
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Un choc de confiance : voilà ce que doit provoquer notre projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Je suis heureuse de venir défendre ce texte aujourd'hui devant votre Haute Assemblée.
La confiance, c'est d'abord celle que le pays doit retrouver dans la valeur travail.
La confiance, c'est aussi celle que la majorité de nos concitoyens ont accordée à Nicolas Sarkozy, sur la foi de son programme.
Ce que le Président de la République a promis, nous allons nous donner les moyens de le réaliser. Notre projet de loi n'est pas un simple « paquet fiscal », il constitue le premier wagon d'une véritable réforme économique et sociale, premier wagon qui n'entraînera pas de modifications du Code du Travail.
Le Président de la République et le Premier ministre m'ont fixé les grandes lignes de mon action dans la lettre de mission qu'ils m'ont adressée le 11 juillet dernier. Mon objectif, c'est "le plein emploi et l''augmentation du pouvoir d''achat", ainsi que la mise en place d''une "stratégie économique globale pour notre pays dans la mondialisation". Ce qui supposera de réviser les politiques publiques pour les rendre plus efficaces, de lever les blocages ou les freins à la croissance, de moderniser notre marché du travail, de réformer notre fiscalité, et de revoir la gouvernance économique de l''Europe, notamment, peut-être, celle de l'Eurogroupe.
En accrochant, dans les mois et les années qui viennent, tous ces wagons les uns aux autres, je suis convaincue que notre pays retrouvera le train de la croissance. Et qu''il pourra se lancer à pleine vitesse dans la course de la modernité.
Laissez-moi vous exprimer toute ma fierté d'avoir aujourd'hui une mission claire, une mission confiée par le Président de la République et le Premier ministre, une mission au service de la France, dont ce premier texte est une première étape.
Remettre à l'honneur la valeur travail, c'est un impératif à double face, un impératif à la fois moral et économique.
1. Un impératif moral tout d'abord
Trop de défiance pèse aujourd''hui sur le travail ; une défiance encouragée par les biais inacceptables qui faussent le marché de l''emploi. Quand d''un côté certains bénéficiaires des minima sociaux perdent de l''argent en retrouvant un travail, et que de l''autre certains dirigeants d''entreprise reçoivent des indemnités sans aucun rapport avec leurs performances, comment ne pas s'indigner dans ces deux cas ?
Ce que nous voulons, c'est que le travail redevienne ce qu''il n''aurait jamais dû cesser d''être : une valeur démocratique, un vecteur d''intégration, une vérité dans notre existence.
Oui, le travail est une valeur démocratique : il nous place tous, nous, les hommes et les femmes de ce pays, sur un pied d'égalité. Victor Hugo, l'un des plus illustres de vos pairs, appelaient les marins des « Travailleurs de la mer ». La grande leçon de notre modernité, c'est que chacun dans son domaine est un travailleur au sens fort du terme. Que nous soyons intellectuel, travailleur de la terre, artisan, ou au service d'une entreprise, tous nous savons ce que cela signifie une journée de travail.
Oui, le travail est un vecteur d'intégration, qui permet à chacun de trouver sa place dans la société et dans le groupe avec lequel il collabore.
Oui, le travail est une vérité dans notre existence, car un travail, c'est souvent bien plus qu'un salaire, c'est une manière de se sentir bien dans son existence.
Cette loi est faite pour que le travail n''exclut personne, qu'elle nous rassemble tous, et pour que le travail paie.
2. Le travail est aussi un impératif économique
Aujourd''hui plus que jamais, le travail constitue pour notre pays la clé de son avenir dans le jeu de la mondialisation. Nous sommes dans une société, certes industrielle, mais aussi, de plus en plus, de services, une société d'innovation et de création, une société où le développement de la haute technologie s'accompagne d'un besoin critique et grandissant de compétences, d'expériences et d'expertises. Nous sommes dans un monde hautement concurrentiel, où il nous faut faire le pari de l'excellence. Nous ne sommes pas les seuls à faire le pari de l'excellence. Les femmes et les hommes de l'Inde, de la Chine, du Brésil ou de l'Afrique du Sud ne ménagent pas leur peine. La course est lancée. Allons-nous rester, les bras croisés, à observer leurs taux de croissance à deux chiffres, avec la Chine qui s'envole à plus de 11 %, et qui devient la troisième puissance mondiale. Nous devons, nous aussi nous engager dans le train de la croissance.
J'ai récemment appris que, pour la première fois en 2006, la diminution de la quantité d'heures travaillées en France n'est plus compensée par des gains de productivité horaire (1) . Dans ces conditions comment peut-on encore croire que travailler moins permet de travailler mieux ?
A nous de prouver que travailler plus permet non seulement à chacun de gagner plus, mais aussi à la France de gagner le pari de la mondialisation.
Confiance, croissance, emploi : tels sont les trois principes qui guideront notre action. Tels sont les trois principes qui permettront à notre pays de regagner le sens du travail.
Ces principes, contrairement à ce que l'on a pu lire ici et là concernent tout le monde. S'agissant des plus défavorisés, bénéficiaires des minima sociaux, nous allons mettre en place un Revenu de Solidarité Active, RSA, destiné à rendre attractif le retour au travail. Pour qu'un travailleur ne soit plus jamais traité de « travailleur pauvre ». Pour qu'une mère célibataire en situation difficile, qui parvient à se remettre au travail, voit ses revenus augmenter réellement, et non pas diminuer Je laisserai Martin Hirsch, Haut commissaire aux Solidarités actives contre la Pauvreté, vous présenter le détail de ce dispositif.
Mais bien au-delà du RSA, ce projet de loi, je veux le répéter ici, s'adresse à tous, et particulièrement aux classes moyennes, à ces quatre cinquièmes de la population qui ont vu leur niveau de vie stagner ces dernières années (2).
I - Nos principales mesures sont destinées à tous ceux qui travaillent
Le projet de loi que je vous présente couvre les différentes étapes du travail tout au long de la vie. Car travailler, c'est 1. d'abord, étudier 2. puis, gagner de l'argent avec son travail 3. ensuite, dépenser l'argent gagné 4. enfin, transmettre les fruits d'une vie de travail. Ces quatre étapes, je vais maintenant les parcourir avec vous.
1. La première étape, c'est : étudier
Vous le savez, mes collègues de l'Education Nationale et de l'Enseignement Supérieur s'emploient déjà à faire du système éducatif un véritable vecteur de l'égalité des chances.
Mon ministère a sa contribution à y apporter, en améliorant la situation des étudiants qui travaillent pour financer leurs études. Voilà pourquoi l'article 2 de la loi (pardonnez-moi d'avoir préféré l'ordre chronologique...) prévoit d'étendre l'exonération d'impôt sur le revenu, actuellement limitée aux « jobs d'été » exercés par des jeunes de moins de 22 ans, à tous les salaires perçus par les élèves ou étudiants âgés de moins de 26 ans. Cette exonération pourrait aller jusqu'à 3 800 euros de revenus par an (soit 3 SMIC). Afin de préserver le cas échéant les droits à la prime pour l'emploi (PPE) calculés sur les seuls revenus imposés, les étudiants concernés pourraient naturellement choisir de ne pas profiter de cette exonération, si le gain de la PPE est supérieur à l'exonération.
Le coût de cette mesure est estimé à 40 millions d'euros.
Prenons l'exemple d'un étudiant qui gagne 250 euros par mois, en faisant du service à domicile ou en donnant des cours particuliers. S'il est à la charge de ses parents et que ceux-ci ont un revenu de 1 400 euros net (1,4 SMIC), soit le salaire moyen dans notre pays, il leur fera économiser plus de 500 euros d'impôt.
Les étudiants sont déjà soumis à des épreuves de fin d''année, tâchons de leur épargner celles des fin de mois. Nous allons donc leur alléger. Il n' y a rien d'indigne pour un étudiant de financer ses études. Ces jeunes sont notre capital, « capital humain » comme on dit de nos jours, la matière première de cette « économie de l''intelligence » qui fera la réussite de la société de demain.
2. La deuxième étape, c'est : gagner de l'argent avec son travail
L'article premier de la loi encourage le développement des heures supplémentaires. Ce sont celles qui sont effectuées au-delà de la durée légale du travail de 35 heures. C'est notre mesure phare : elle couvre près de la moitié (49 %) de l'investissement que nous proposons de faire dans l'économie française.
Les employeurs bénéficieraient de réduction de cotisations sociales sous forme d'abattement, dont nous envisageons de fixer le niveau par décret à 50 centimes de l'heure pour les entreprises de plus de 21 salariés, et à 1,50 euro de l'heure pour les entreprises de vingt salariés au plus. Par ailleurs, les heures supplémentaires n'entraîneraient plus une diminution des allègements de charges sociales patronales pour les bas salaires.
Quant aux salariés, ils bénéficieraient eux aussi d'une réduction de cotisations sociales, ainsi que d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007. De plus, le taux de majoration des heures supplémentaires dans les petites entreprises serait porté de 10 % à 25 % à la même date, par anticipation du dispositif qui était prévu pour le 1er janvier 2009.
Ce dispositif s'étendrait à l'ensemble des entreprises, à l'ensemble des salariés, en englobant aussi bien le travail à temps plein que le travail à temps partiel. Pour éviter les abus, la réduction de cotisations patronales ne s'appliquerait pas aux heures complémentaires.
Selon la formule désormais célèbre, travailler plus permettra à chacun de gagner plus.
Le coût de cette mesure est estimé à 6 milliards d''euros (3). C'est le poste principal de notre investissement.
Pour vous donner un exemple, un salarié payé 1 400 euros net dans une petite entreprise, et réalisant 4 heures supplémentaires par semaine, passant ainsi de 35 à 39 heures, verra ses revenus annuels augmentés de 2 500 euros. Soit près de deux mois de salaires supplémentaires sur l'année ! Ce n'est plus le treizième, c'est presque un quatorzième mois.
3. La troisième étape, c'est dépenser l'argent gagné
Gagner de l'argent, c'est aussi pouvoir le dépenser : à quoi bon travailler, économiser, emprunter, si l'on ne peut pas acheter un chez-soi sans se retrouver accablé par le fardeau de la dette ?
Ceux qui ont eu le courage d'acheter à crédit leur résidence principale, et qui voient soudain leur train de vie réduit par les intérêts à payer, il est de notre devoir à tous de les aider. Car une propriété, c'est aussi une parcelle de terre ou une parcelle de ville, comme un petit fragment de France, qui nous rattache d'autant mieux à notre pays. L'attache au pays passe aussi par la propriété. A peine plus de la moitié des ménages français sont propriétaires de leur résidence principale, alors que la moyenne européenne s'élève à 75 %.
L'article 3 de la loi institue un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d'emprunts supportés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale. Cette mesure concerne bien sûr les emprunts à venir mais aussi les emprunts en cours. Elle est destinée aussi bien à ceux qui deviennent propriétaires pour la première fois qu''à ceux qui changent de résidence principale (comme par exemple une famille qui s''agrandit), et s'articulerait avec le mécanisme du prêt à taux zéro sans le remettre en cause. L'Assemblée nationale a étendu cette mesure au cas de mobilité professionnelle : le crédit d'impôt s'appliquerait à la nouvelle résidence, dans la mesure où la précédente est laissée vacante.
Nous avons choisi de rendre ce crédit d'impôt valable sur les cinq premières années du remboursement, car c'est la période la plus difficile pour les emprunteurs où se concentre en moyenne 40 % des intérêts du prêt. Les intérêts pris en compte iraient jusqu'à 7 500 euros par an pour un couple (3 750 euros pour une personne célibataire), et pourraient être majorés de 500 euros par personne à charge.
Les professionnels nous assurent que ce crédit d'impôt ne devrait pas avoir d'effet inflationniste sur les prix de l'immobilier (4).
Le coût de cette mesure est estimé à 3,7 milliards d'euros (28 % du coût total).
Je vous donnerai deux exemples :
Premier exemple, un jeune ingénieur célibataire qui souscrit un emprunt de 100 000 euros sur 15 ans à un taux de 4 %, pour s'acheter un appartement. Il réalisera un gain de 3 500 euros, soit une réduction de plus de 10 % du total de son crédit.
Deuxième exemple, un couple avec deux enfants qui souscrit un emprunt de 200 000 euros sur 20 ans au même taux, pour acheter une maison familiale, réalisera (sur 5 ans) un gain de plus de 7 000 euros, soit une réduction de plus de 8 % du coût total de son crédit.
Voilà la troisième mesure qui s'adresse à tous les citoyens qui acquièrent ou qu'ils changent de résidence principale.
4. La quatrième étape, c'est : transmettre les fruits d'une vie de travail
Il est bien naturel de vouloir transmettre les fruits d'une vie de travail à ceux qui nous sont proches. Voilà pourquoi l'article 4 de la loi entend alléger de manière significative les droits de succession et de donation. Entre conjoints et partenaires liés par un PACS, les droits de succession seraient tout simplement supprimés. Nous voulons en finir avec ces situations tragiques où le conjoint survivant, souvent âgé, est contraint de vendre son logement pour payer les droits de succession.
L'Assemblée nationale a étendu cet avantage aux frères et soeurs vivant sous le même toit. Pour les enfants, l'abattement personnel sur la succession serait relevé de 50 000 à 150 000 euros, tandis que l'abattement global de 50 000 euros sur la succession serait supprimé en conséquence. 95 % des successions passeraient ainsi aux héritiers (enfants ou conjoint) sans que l'État en prélève un seul euro.
Les abattements dont je viens de parler sont communs aux successions et aux donations. Pour ce qui est des donations en numéraire (au profit de tout descendant en ligne directe), elles seraient exemptées d''impôt, entre un même donateur et un même bénéficiaire, dans la limite de 30000 euros. Cette mesure, qui avait déjà connu un grand succès en 2004 et 2005, vous vous en souviendrez, pendant une période limitée, serait désormais en vigueur, entre un même donataire et un même bénéficiaire, sans limitation de temps.
Un amendement adopté par l'Assemblée Nationale permettrait de tripler l'abattement spécifique en faveur des personnes handicapées (en cas de succession comme de donation), qui passe de 50 000 à 150 000 euros.
Le coût de cette mesure sur la transmission est estimé à 2,2 milliards d'euros.
Prenons l'exemple d'une veuve avec deux enfants, qui possède un patrimoine de 300 000 euros. Après son décès, le frère et la soeur recevront chacun 150 000 euros, nets d'impôt. Aujourd'hui, ils auraient dû payer l'un et l'autre plus de 13 000 euros d'impôt, soit près de 10 % de leur héritage !
Ces quatre mesures représentent l'essentiel du coût de la loi. Vous aurez noté, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que je n'ai pas encore utilisé le mot bouclier fiscal, ou encore le mot ISF, et pourtant cela représente 93 % exactement de son coût, et concerne la très grande partie de nos concitoyens. De l''argent que l''État va dépenser avec cette loi, au moins neuf euros sur dix iront aux étudiants, aux employés, aux futurs propriétaires, et à tous ceux qui héritent (seules les successions les plus importantes continuant à être taxées).
Revaloriser le travail suppose aussi de retrouver la confiance dans le succès. Cela sera l'objet d'une deuxième série de mesures, pour un coût beaucoup plus minime soit 7 % du coût total de la loi.
II - Retrouver la confiance dans le succès...
... c'est tout à la fois : (1) rendre notre territoire attractif pour les succès d'aujourd'hui et surtout de demain, (2) rétablir aux yeux de nos compatriotes le lien entre succès et mérite, et (3) faire profiter les autres de son succès, en mettant la richesse acquise au service de l'intérêt général ou au service de financements nécessaires pour notre économie et notre société.
Aujourd'hui, contrairement à la situation qui prévalait encore il y a un siècle, où les rentiers étaient les figures dominantes de la société, les plus riches d'entre nous doivent l'essentiel de leur fortune à leur travail et au succès qu'ils y ont rencontré. Leurs fortunes ne se font pas pendant qu'ils dorment. Ce sont avant tout des gens qui ont gagné leur vie en travaillant, et souvent en travaillant dur. Ce sont des gens qui méritent notre confiance. Je vous rappelle ainsi que, selon l'Insee, les revenus des 10 % de Français les plus riches proviennent pour environ 80 % du travail (salaires et revenus des indépendants), et pour seulement 7 % du capital (5) .
Confiance, croissance, emploi, disais-je en ouverture. Cette confiance, c'est bien sûr une confiance en soi-même, mais c'est aussi une confiance envers autrui, quel que soit son niveau de revenu.
1. Nous souhaitons rendre le territoire attractif pour le succès et ceux qui en sont les agents
On ne peut pas d'un côté encourager le travail, et de l'autre surtaxer l'argent gagné, ce qui provoque ce triste phénomène d'exil fiscal. Nous avons besoin de conserver et d'attirer chez nous les créateurs de richesse. Aussi l'article 5 de ce projet de loi abaisserait-il le bouclier fiscal de 60 % à 50 % des revenus. Nous vous proposons d'y inclure toutes les impositions, y compris les prélèvements sociaux (CSG, CRDS), car ce sont bien là des impôts, et des impôts qui pèsent directement sur le revenu. Le mécanisme de refacturation aux collectivités territoriales a été adapté, à l'initiative de l'Assemblée nationale pour tenir compte de ces nouvelles dispositions et faciliter la tâche des collectivités territoriales.
Cette barre des 50 % est bien entendu lourde de symboles. Elle instaure un véritable partenariat, juste et équitable, entre l''individu et l''État, comme c'est déjà le cas dans de nombreux pays européens. 50/50 : c''est la formule de notre contrat fiscal.
C'est également dans le but de redonner confiance à nos concitoyens que j'ai accepté la proposition de l'Assemblée nationale de porter l'abattement d'ISF sur la résidence principale de 20 à 30 % (amendement Copé). Cette mesure permettrait de corriger des injustices croissantes dues à l'augmentation des prix de l'immobilier, qui fait tomber de manière artificielle certains contribuables aux revenus modestes dans le champ de l'ISF. La dernière évaluation que nous avons effectuée à Bercy nous montre en effet que le nombre de déclarations imposables à l'ISF s'établit à plus de 518 000, soit une augmentation de 17 % par rapport à l'an dernier.
Notez bien que le bouclier fiscal prend en compte tous les impôts comme par exemple, les impôts locaux. Le principe des 50nbsp;% vaut pour tous. Ainsi, un entrepreneur aux revenus déficitaires, qu''il soit chef d'entreprise, artisan ou créateur de start-up, se verrait intégralement remboursé de ses impôts locaux.
Faut-il qu'en contrepartie la loi prévoie un impôt minimal en fonction du revenu ? C'est une possibilité, déjà mise en oeuvre aux États-Unis par exemple. Elle mérite d'être étudiée dans notre pays : j'ai donné mon accord à l'Assemblée nationale pour soumettre au Parlement un rapport d'analyse et de prospective sur le sujet d'ici au 15 octobre.
Le coût de l'abaissement du bouclier fiscal est estimé à 600 millions d'euros, soit, je tiens à le préciser, seulement 4 % du coût total de la loi.
Prenons l'exemple d'un médecin gagnant 100 000 euros par an, et dont la femme ne travaille pas. En additionnant l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la taxe foncière, les contributions et prélèvements sociaux, ainsi que l'ISF (s'élevant à 40 000 euros), le couple aurait dû s'acquitter de plus de 75 000 euros d'impôt ! Avec notre bouclier fiscal, toutes les sommes payées au-delà de 50 000 euros lui seront restituées.
2. Il est nécessaire de rétablir aux yeux de la population le lien entre succès et mérite
S'il est entendu que tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail. Il reste choquant que certains dirigeants touchent des rémunérations sans rapport avec leur mérite. Leurs indemnités de départ seraient donc soumises, d'après les dispositions de l'article 7 de la loi, à des conditions de performances strictes, dont le respect serait contrôlé par le conseil d'administration de l''entreprise.
De plus, l''Assemblée g énérale des actionnaires pourrait procéder à un vote spécifique sur l''attribution de ces indemnités. Toutes ces procédures se dérouleront dans la plus grande transparence, ce qui devrait mettre fin à la série de scandales qui a écorné dans l'opinion publique le prestige des chefs d'entreprise, et restaurer la confiance nécessaire entre tous les acteurs de l'économie.
Si le chiffre d'affaires d'une entreprise s'est dégradé durant le mandat du PDG, les actionnaires pourraient ainsi décider de le renvoyer sans aucune indemnité de départ.
3. Ceux qui ont du succès seront incités à en faire profiter les autres
L'article 6 de la loi encourage nos concitoyens redevables de l''ISF à investir dans le capital des PME, ou à effectuer des dons au profit d'organismes d'intérêt général. Ils bénéficieraient à ce titre d''une réduction d''ISF égale à 75 % de l'argent versé, dans la limite de 50 000 euros par an. 25 % restent donc entièrement à la charge de l'investisseur, amplifiant l'effet de la mesure sans rien coûter à l'État.
Regardons la réalité en face. Nous avons en France aujourd''hui d''un côté des gens qui se plaignent de payer un impôt confiscatoire, de payer trop d'impôt et de l''autre des PME extrêmement dynamiques qui cherchent de l''argent frais pour se moderniser, embaucher et se financer. Grâce au texte que je vous propose, chacun de ces deux problèmes devient la solution de l''autre... D'autant qu'il ne manque souvent aux PME qu'un petit coup de pouce financier pour transformer leurs projets en réalité.
Comme l'a dit Hervé Novelli : mieux vaut payer, pour certain d'entre eux, l'entrepreneur, plutôt que le percepteur.
Par exemple, une architecte qui effectue une souscription de 40 000 euros au capital d'une usine de biomatériaux située à côté de chez elle bénéficiera d'un avantage fiscal à hauteur de 30 000 euros. Une telle somme suffit, dans bien des cas, à débloquer la situation d'une PME, en lui permettant d'effectuer les investissements dont elle a besoin. D'autre part, notre architecte est obligée de prendre un risque personnel de 10 000 euros (correspondant à 25 % de la somme versée), ce qui devrait renforcer son intérêt pour l'avenir de l'usine.
Développer ainsi des liens directs entre l'entreprise et le citoyen, cela répond à une logique que je traduirais volontiers par « l'argent de proximité ».
Bien sûr, « l'argent de proximité » ne remplace pas l'amour du bien public. J'en viens là à la deuxième option. On peut imaginer un contribuable plus modeste qui paierait 1 500 euros d'ISF et qui choisirait, pour en être totalement exempté, de donner 2 000 euros à une Fondation reconnue d'utilité publique, un centre de recherche ou d'enseignement supérieur.
Le coût de cette mesure est estimé à 410 millions d'euros.
Conclusion
J'ai essayé aujourd'hui de vous présenter cette loi de la façon la plus concrète possible, pour vous montrer quel impact elle aura au quotidien sur la vie de nos concitoyens. J'aimerais que l'on retienne de toutes ces mesures qu'elles revalorisent le travail. Les premières, qui concentrent 93 % du financement, sont destinées à augmenter le pouvoir d'achat, particulièrement pour les classes moyennes. ; les secondes qui représentent seulement 7 % du financement, ont vocation à rétablir la confiance nécessaire envers ceux qui réussissent, ainsi qu'à mettre leur succès au service de tous. Confiance pour générer de la croissance, croissance pour générer de l'emploi.
J'aimerais appeler à la rescousse tous ceux que j'ai cités en exemple. Je me retrouverais au milieu d'un cercle comprenant : un jeune étudiant qui donne des cours particuliers, un couple modeste qui veut s'acheter une maison, un salarié dans une PME cherchant à gagner un ou deux mois de salaires en plus, un créateur de start-up, un médecin pestant contre les impôts, une mère célibataire qui fait face à de grandes difficultés et qui veut s'en sortir, un jeune ingénieur, un frère et une soeur héritant d'un appartement dans une ville de province, et une architecte convaincue de l'avenir des biomatériaux. Quel meilleur échantillon de la population française ? c'est à tous ceux-là que s'adresse notre loi.
L'ensemble de ce dispositif devrait coûter à l'État entre 10 et 11 milliards d'euros en 2008, et 13,8 milliards d'euros (6) en régime de croisière. Pourquoi des estimations parce qu'il s'agit bien d'hypothèse.
Pour le financer, nous allons, comme l'a récemment rappelé mon collègue Eric Woerth, diminuer les dépenses, en maîtrisant la progression des dépenses publiques. La division par deux du rythme d'évolution des dépenses publiques devrait en effet permettre de dégager 10 Mdeuros d'économies dès 2008.
Par ailleurs, nous prévoyons également une augmentation des recettes : sous l'effet des réformes structurelles entreprises par le gouvernement, dont cette loi représente la première étape, et grâce au choc de confiance que nous observons déjà chez les ménages (7) , la croissance devrait progresser d'un quart, je le crois, à un demi-point, je l'espère, en 2008.
Comme vous l'aurez remarqué, le projet de loi que je vous propose aujourd'hui joue aussi bien sur l'offre que sur la demande. Je pense en effet qu'il est tout-à-fait dépassé de privilégier l'une au détriment de l'autre. Ni Keynes ni Friedman, mais du pragmatisme. Aujourd'hui, nous nous attachons, tout simplement, à faire ce qui marche.
L'investissement que la France fait aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, C'est une politique du travail, ambitieuse, généreuse, dont dépendent, en aval, la confiance, la croissance et l'emploi.
Cette loi que l''on surnomme « paquet fiscal », vous l'aurez compris, n'est ni un paquet cadeau pour les riches, ni un paquet piégé qui nuirait à la croissance, ni un paquet surprise dont on ne contrôlerait pas les conséquences. C'est plutôt une boîte à outils dans laquelle celles et ceux qui veulent travailler plus pourront trouver les moyens de le faire comme ils pourront bénéficier du revenu qu'ils peuvent en tirer. Ce projet de loi, c'est l'ambition de la réforme, l'exigence de la rigueur.
Le train de la croissance, je vous propose d'y monter tous ensemble avec foi et optimisme. Je compte sur vous pour apporter toutes vos contributions à notre projet de loi.
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 juillet 2007
Messieurs les Ministres, [ Luc Châtel et Hervé Novelli ; Roger Karoutchi]
Monsieur le Haut commissaire, [ Martin Hirsch ]
Messieurs les Présidents de Commission, [ MM. Arthuis et About ]
Monsieur le Rapporteur général, [ M. Marini ]
Monsieur le Rapporteur, [ M. Vasselle ]
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Un choc de confiance : voilà ce que doit provoquer notre projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Je suis heureuse de venir défendre ce texte aujourd'hui devant votre Haute Assemblée.
La confiance, c'est d'abord celle que le pays doit retrouver dans la valeur travail.
La confiance, c'est aussi celle que la majorité de nos concitoyens ont accordée à Nicolas Sarkozy, sur la foi de son programme.
Ce que le Président de la République a promis, nous allons nous donner les moyens de le réaliser. Notre projet de loi n'est pas un simple « paquet fiscal », il constitue le premier wagon d'une véritable réforme économique et sociale, premier wagon qui n'entraînera pas de modifications du Code du Travail.
Le Président de la République et le Premier ministre m'ont fixé les grandes lignes de mon action dans la lettre de mission qu'ils m'ont adressée le 11 juillet dernier. Mon objectif, c'est "le plein emploi et l''augmentation du pouvoir d''achat", ainsi que la mise en place d''une "stratégie économique globale pour notre pays dans la mondialisation". Ce qui supposera de réviser les politiques publiques pour les rendre plus efficaces, de lever les blocages ou les freins à la croissance, de moderniser notre marché du travail, de réformer notre fiscalité, et de revoir la gouvernance économique de l''Europe, notamment, peut-être, celle de l'Eurogroupe.
En accrochant, dans les mois et les années qui viennent, tous ces wagons les uns aux autres, je suis convaincue que notre pays retrouvera le train de la croissance. Et qu''il pourra se lancer à pleine vitesse dans la course de la modernité.
Laissez-moi vous exprimer toute ma fierté d'avoir aujourd'hui une mission claire, une mission confiée par le Président de la République et le Premier ministre, une mission au service de la France, dont ce premier texte est une première étape.
Remettre à l'honneur la valeur travail, c'est un impératif à double face, un impératif à la fois moral et économique.
1. Un impératif moral tout d'abord
Trop de défiance pèse aujourd''hui sur le travail ; une défiance encouragée par les biais inacceptables qui faussent le marché de l''emploi. Quand d''un côté certains bénéficiaires des minima sociaux perdent de l''argent en retrouvant un travail, et que de l''autre certains dirigeants d''entreprise reçoivent des indemnités sans aucun rapport avec leurs performances, comment ne pas s'indigner dans ces deux cas ?
Ce que nous voulons, c'est que le travail redevienne ce qu''il n''aurait jamais dû cesser d''être : une valeur démocratique, un vecteur d''intégration, une vérité dans notre existence.
Oui, le travail est une valeur démocratique : il nous place tous, nous, les hommes et les femmes de ce pays, sur un pied d'égalité. Victor Hugo, l'un des plus illustres de vos pairs, appelaient les marins des « Travailleurs de la mer ». La grande leçon de notre modernité, c'est que chacun dans son domaine est un travailleur au sens fort du terme. Que nous soyons intellectuel, travailleur de la terre, artisan, ou au service d'une entreprise, tous nous savons ce que cela signifie une journée de travail.
Oui, le travail est un vecteur d'intégration, qui permet à chacun de trouver sa place dans la société et dans le groupe avec lequel il collabore.
Oui, le travail est une vérité dans notre existence, car un travail, c'est souvent bien plus qu'un salaire, c'est une manière de se sentir bien dans son existence.
Cette loi est faite pour que le travail n''exclut personne, qu'elle nous rassemble tous, et pour que le travail paie.
2. Le travail est aussi un impératif économique
Aujourd''hui plus que jamais, le travail constitue pour notre pays la clé de son avenir dans le jeu de la mondialisation. Nous sommes dans une société, certes industrielle, mais aussi, de plus en plus, de services, une société d'innovation et de création, une société où le développement de la haute technologie s'accompagne d'un besoin critique et grandissant de compétences, d'expériences et d'expertises. Nous sommes dans un monde hautement concurrentiel, où il nous faut faire le pari de l'excellence. Nous ne sommes pas les seuls à faire le pari de l'excellence. Les femmes et les hommes de l'Inde, de la Chine, du Brésil ou de l'Afrique du Sud ne ménagent pas leur peine. La course est lancée. Allons-nous rester, les bras croisés, à observer leurs taux de croissance à deux chiffres, avec la Chine qui s'envole à plus de 11 %, et qui devient la troisième puissance mondiale. Nous devons, nous aussi nous engager dans le train de la croissance.
J'ai récemment appris que, pour la première fois en 2006, la diminution de la quantité d'heures travaillées en France n'est plus compensée par des gains de productivité horaire (1) . Dans ces conditions comment peut-on encore croire que travailler moins permet de travailler mieux ?
A nous de prouver que travailler plus permet non seulement à chacun de gagner plus, mais aussi à la France de gagner le pari de la mondialisation.
Confiance, croissance, emploi : tels sont les trois principes qui guideront notre action. Tels sont les trois principes qui permettront à notre pays de regagner le sens du travail.
Ces principes, contrairement à ce que l'on a pu lire ici et là concernent tout le monde. S'agissant des plus défavorisés, bénéficiaires des minima sociaux, nous allons mettre en place un Revenu de Solidarité Active, RSA, destiné à rendre attractif le retour au travail. Pour qu'un travailleur ne soit plus jamais traité de « travailleur pauvre ». Pour qu'une mère célibataire en situation difficile, qui parvient à se remettre au travail, voit ses revenus augmenter réellement, et non pas diminuer Je laisserai Martin Hirsch, Haut commissaire aux Solidarités actives contre la Pauvreté, vous présenter le détail de ce dispositif.
Mais bien au-delà du RSA, ce projet de loi, je veux le répéter ici, s'adresse à tous, et particulièrement aux classes moyennes, à ces quatre cinquièmes de la population qui ont vu leur niveau de vie stagner ces dernières années (2).
I - Nos principales mesures sont destinées à tous ceux qui travaillent
Le projet de loi que je vous présente couvre les différentes étapes du travail tout au long de la vie. Car travailler, c'est 1. d'abord, étudier 2. puis, gagner de l'argent avec son travail 3. ensuite, dépenser l'argent gagné 4. enfin, transmettre les fruits d'une vie de travail. Ces quatre étapes, je vais maintenant les parcourir avec vous.
1. La première étape, c'est : étudier
Vous le savez, mes collègues de l'Education Nationale et de l'Enseignement Supérieur s'emploient déjà à faire du système éducatif un véritable vecteur de l'égalité des chances.
Mon ministère a sa contribution à y apporter, en améliorant la situation des étudiants qui travaillent pour financer leurs études. Voilà pourquoi l'article 2 de la loi (pardonnez-moi d'avoir préféré l'ordre chronologique...) prévoit d'étendre l'exonération d'impôt sur le revenu, actuellement limitée aux « jobs d'été » exercés par des jeunes de moins de 22 ans, à tous les salaires perçus par les élèves ou étudiants âgés de moins de 26 ans. Cette exonération pourrait aller jusqu'à 3 800 euros de revenus par an (soit 3 SMIC). Afin de préserver le cas échéant les droits à la prime pour l'emploi (PPE) calculés sur les seuls revenus imposés, les étudiants concernés pourraient naturellement choisir de ne pas profiter de cette exonération, si le gain de la PPE est supérieur à l'exonération.
Le coût de cette mesure est estimé à 40 millions d'euros.
Prenons l'exemple d'un étudiant qui gagne 250 euros par mois, en faisant du service à domicile ou en donnant des cours particuliers. S'il est à la charge de ses parents et que ceux-ci ont un revenu de 1 400 euros net (1,4 SMIC), soit le salaire moyen dans notre pays, il leur fera économiser plus de 500 euros d'impôt.
Les étudiants sont déjà soumis à des épreuves de fin d''année, tâchons de leur épargner celles des fin de mois. Nous allons donc leur alléger. Il n' y a rien d'indigne pour un étudiant de financer ses études. Ces jeunes sont notre capital, « capital humain » comme on dit de nos jours, la matière première de cette « économie de l''intelligence » qui fera la réussite de la société de demain.
2. La deuxième étape, c'est : gagner de l'argent avec son travail
L'article premier de la loi encourage le développement des heures supplémentaires. Ce sont celles qui sont effectuées au-delà de la durée légale du travail de 35 heures. C'est notre mesure phare : elle couvre près de la moitié (49 %) de l'investissement que nous proposons de faire dans l'économie française.
Les employeurs bénéficieraient de réduction de cotisations sociales sous forme d'abattement, dont nous envisageons de fixer le niveau par décret à 50 centimes de l'heure pour les entreprises de plus de 21 salariés, et à 1,50 euro de l'heure pour les entreprises de vingt salariés au plus. Par ailleurs, les heures supplémentaires n'entraîneraient plus une diminution des allègements de charges sociales patronales pour les bas salaires.
Quant aux salariés, ils bénéficieraient eux aussi d'une réduction de cotisations sociales, ainsi que d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007. De plus, le taux de majoration des heures supplémentaires dans les petites entreprises serait porté de 10 % à 25 % à la même date, par anticipation du dispositif qui était prévu pour le 1er janvier 2009.
Ce dispositif s'étendrait à l'ensemble des entreprises, à l'ensemble des salariés, en englobant aussi bien le travail à temps plein que le travail à temps partiel. Pour éviter les abus, la réduction de cotisations patronales ne s'appliquerait pas aux heures complémentaires.
Selon la formule désormais célèbre, travailler plus permettra à chacun de gagner plus.
Le coût de cette mesure est estimé à 6 milliards d''euros (3). C'est le poste principal de notre investissement.
Pour vous donner un exemple, un salarié payé 1 400 euros net dans une petite entreprise, et réalisant 4 heures supplémentaires par semaine, passant ainsi de 35 à 39 heures, verra ses revenus annuels augmentés de 2 500 euros. Soit près de deux mois de salaires supplémentaires sur l'année ! Ce n'est plus le treizième, c'est presque un quatorzième mois.
3. La troisième étape, c'est dépenser l'argent gagné
Gagner de l'argent, c'est aussi pouvoir le dépenser : à quoi bon travailler, économiser, emprunter, si l'on ne peut pas acheter un chez-soi sans se retrouver accablé par le fardeau de la dette ?
Ceux qui ont eu le courage d'acheter à crédit leur résidence principale, et qui voient soudain leur train de vie réduit par les intérêts à payer, il est de notre devoir à tous de les aider. Car une propriété, c'est aussi une parcelle de terre ou une parcelle de ville, comme un petit fragment de France, qui nous rattache d'autant mieux à notre pays. L'attache au pays passe aussi par la propriété. A peine plus de la moitié des ménages français sont propriétaires de leur résidence principale, alors que la moyenne européenne s'élève à 75 %.
L'article 3 de la loi institue un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d'emprunts supportés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale. Cette mesure concerne bien sûr les emprunts à venir mais aussi les emprunts en cours. Elle est destinée aussi bien à ceux qui deviennent propriétaires pour la première fois qu''à ceux qui changent de résidence principale (comme par exemple une famille qui s''agrandit), et s'articulerait avec le mécanisme du prêt à taux zéro sans le remettre en cause. L'Assemblée nationale a étendu cette mesure au cas de mobilité professionnelle : le crédit d'impôt s'appliquerait à la nouvelle résidence, dans la mesure où la précédente est laissée vacante.
Nous avons choisi de rendre ce crédit d'impôt valable sur les cinq premières années du remboursement, car c'est la période la plus difficile pour les emprunteurs où se concentre en moyenne 40 % des intérêts du prêt. Les intérêts pris en compte iraient jusqu'à 7 500 euros par an pour un couple (3 750 euros pour une personne célibataire), et pourraient être majorés de 500 euros par personne à charge.
Les professionnels nous assurent que ce crédit d'impôt ne devrait pas avoir d'effet inflationniste sur les prix de l'immobilier (4).
Le coût de cette mesure est estimé à 3,7 milliards d'euros (28 % du coût total).
Je vous donnerai deux exemples :
Premier exemple, un jeune ingénieur célibataire qui souscrit un emprunt de 100 000 euros sur 15 ans à un taux de 4 %, pour s'acheter un appartement. Il réalisera un gain de 3 500 euros, soit une réduction de plus de 10 % du total de son crédit.
Deuxième exemple, un couple avec deux enfants qui souscrit un emprunt de 200 000 euros sur 20 ans au même taux, pour acheter une maison familiale, réalisera (sur 5 ans) un gain de plus de 7 000 euros, soit une réduction de plus de 8 % du coût total de son crédit.
Voilà la troisième mesure qui s'adresse à tous les citoyens qui acquièrent ou qu'ils changent de résidence principale.
4. La quatrième étape, c'est : transmettre les fruits d'une vie de travail
Il est bien naturel de vouloir transmettre les fruits d'une vie de travail à ceux qui nous sont proches. Voilà pourquoi l'article 4 de la loi entend alléger de manière significative les droits de succession et de donation. Entre conjoints et partenaires liés par un PACS, les droits de succession seraient tout simplement supprimés. Nous voulons en finir avec ces situations tragiques où le conjoint survivant, souvent âgé, est contraint de vendre son logement pour payer les droits de succession.
L'Assemblée nationale a étendu cet avantage aux frères et soeurs vivant sous le même toit. Pour les enfants, l'abattement personnel sur la succession serait relevé de 50 000 à 150 000 euros, tandis que l'abattement global de 50 000 euros sur la succession serait supprimé en conséquence. 95 % des successions passeraient ainsi aux héritiers (enfants ou conjoint) sans que l'État en prélève un seul euro.
Les abattements dont je viens de parler sont communs aux successions et aux donations. Pour ce qui est des donations en numéraire (au profit de tout descendant en ligne directe), elles seraient exemptées d''impôt, entre un même donateur et un même bénéficiaire, dans la limite de 30000 euros. Cette mesure, qui avait déjà connu un grand succès en 2004 et 2005, vous vous en souviendrez, pendant une période limitée, serait désormais en vigueur, entre un même donataire et un même bénéficiaire, sans limitation de temps.
Un amendement adopté par l'Assemblée Nationale permettrait de tripler l'abattement spécifique en faveur des personnes handicapées (en cas de succession comme de donation), qui passe de 50 000 à 150 000 euros.
Le coût de cette mesure sur la transmission est estimé à 2,2 milliards d'euros.
Prenons l'exemple d'une veuve avec deux enfants, qui possède un patrimoine de 300 000 euros. Après son décès, le frère et la soeur recevront chacun 150 000 euros, nets d'impôt. Aujourd'hui, ils auraient dû payer l'un et l'autre plus de 13 000 euros d'impôt, soit près de 10 % de leur héritage !
Ces quatre mesures représentent l'essentiel du coût de la loi. Vous aurez noté, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que je n'ai pas encore utilisé le mot bouclier fiscal, ou encore le mot ISF, et pourtant cela représente 93 % exactement de son coût, et concerne la très grande partie de nos concitoyens. De l''argent que l''État va dépenser avec cette loi, au moins neuf euros sur dix iront aux étudiants, aux employés, aux futurs propriétaires, et à tous ceux qui héritent (seules les successions les plus importantes continuant à être taxées).
Revaloriser le travail suppose aussi de retrouver la confiance dans le succès. Cela sera l'objet d'une deuxième série de mesures, pour un coût beaucoup plus minime soit 7 % du coût total de la loi.
II - Retrouver la confiance dans le succès...
... c'est tout à la fois : (1) rendre notre territoire attractif pour les succès d'aujourd'hui et surtout de demain, (2) rétablir aux yeux de nos compatriotes le lien entre succès et mérite, et (3) faire profiter les autres de son succès, en mettant la richesse acquise au service de l'intérêt général ou au service de financements nécessaires pour notre économie et notre société.
Aujourd'hui, contrairement à la situation qui prévalait encore il y a un siècle, où les rentiers étaient les figures dominantes de la société, les plus riches d'entre nous doivent l'essentiel de leur fortune à leur travail et au succès qu'ils y ont rencontré. Leurs fortunes ne se font pas pendant qu'ils dorment. Ce sont avant tout des gens qui ont gagné leur vie en travaillant, et souvent en travaillant dur. Ce sont des gens qui méritent notre confiance. Je vous rappelle ainsi que, selon l'Insee, les revenus des 10 % de Français les plus riches proviennent pour environ 80 % du travail (salaires et revenus des indépendants), et pour seulement 7 % du capital (5) .
Confiance, croissance, emploi, disais-je en ouverture. Cette confiance, c'est bien sûr une confiance en soi-même, mais c'est aussi une confiance envers autrui, quel que soit son niveau de revenu.
1. Nous souhaitons rendre le territoire attractif pour le succès et ceux qui en sont les agents
On ne peut pas d'un côté encourager le travail, et de l'autre surtaxer l'argent gagné, ce qui provoque ce triste phénomène d'exil fiscal. Nous avons besoin de conserver et d'attirer chez nous les créateurs de richesse. Aussi l'article 5 de ce projet de loi abaisserait-il le bouclier fiscal de 60 % à 50 % des revenus. Nous vous proposons d'y inclure toutes les impositions, y compris les prélèvements sociaux (CSG, CRDS), car ce sont bien là des impôts, et des impôts qui pèsent directement sur le revenu. Le mécanisme de refacturation aux collectivités territoriales a été adapté, à l'initiative de l'Assemblée nationale pour tenir compte de ces nouvelles dispositions et faciliter la tâche des collectivités territoriales.
Cette barre des 50 % est bien entendu lourde de symboles. Elle instaure un véritable partenariat, juste et équitable, entre l''individu et l''État, comme c'est déjà le cas dans de nombreux pays européens. 50/50 : c''est la formule de notre contrat fiscal.
C'est également dans le but de redonner confiance à nos concitoyens que j'ai accepté la proposition de l'Assemblée nationale de porter l'abattement d'ISF sur la résidence principale de 20 à 30 % (amendement Copé). Cette mesure permettrait de corriger des injustices croissantes dues à l'augmentation des prix de l'immobilier, qui fait tomber de manière artificielle certains contribuables aux revenus modestes dans le champ de l'ISF. La dernière évaluation que nous avons effectuée à Bercy nous montre en effet que le nombre de déclarations imposables à l'ISF s'établit à plus de 518 000, soit une augmentation de 17 % par rapport à l'an dernier.
Notez bien que le bouclier fiscal prend en compte tous les impôts comme par exemple, les impôts locaux. Le principe des 50nbsp;% vaut pour tous. Ainsi, un entrepreneur aux revenus déficitaires, qu''il soit chef d'entreprise, artisan ou créateur de start-up, se verrait intégralement remboursé de ses impôts locaux.
Faut-il qu'en contrepartie la loi prévoie un impôt minimal en fonction du revenu ? C'est une possibilité, déjà mise en oeuvre aux États-Unis par exemple. Elle mérite d'être étudiée dans notre pays : j'ai donné mon accord à l'Assemblée nationale pour soumettre au Parlement un rapport d'analyse et de prospective sur le sujet d'ici au 15 octobre.
Le coût de l'abaissement du bouclier fiscal est estimé à 600 millions d'euros, soit, je tiens à le préciser, seulement 4 % du coût total de la loi.
Prenons l'exemple d'un médecin gagnant 100 000 euros par an, et dont la femme ne travaille pas. En additionnant l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la taxe foncière, les contributions et prélèvements sociaux, ainsi que l'ISF (s'élevant à 40 000 euros), le couple aurait dû s'acquitter de plus de 75 000 euros d'impôt ! Avec notre bouclier fiscal, toutes les sommes payées au-delà de 50 000 euros lui seront restituées.
2. Il est nécessaire de rétablir aux yeux de la population le lien entre succès et mérite
S'il est entendu que tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail. Il reste choquant que certains dirigeants touchent des rémunérations sans rapport avec leur mérite. Leurs indemnités de départ seraient donc soumises, d'après les dispositions de l'article 7 de la loi, à des conditions de performances strictes, dont le respect serait contrôlé par le conseil d'administration de l''entreprise.
De plus, l''Assemblée g énérale des actionnaires pourrait procéder à un vote spécifique sur l''attribution de ces indemnités. Toutes ces procédures se dérouleront dans la plus grande transparence, ce qui devrait mettre fin à la série de scandales qui a écorné dans l'opinion publique le prestige des chefs d'entreprise, et restaurer la confiance nécessaire entre tous les acteurs de l'économie.
Si le chiffre d'affaires d'une entreprise s'est dégradé durant le mandat du PDG, les actionnaires pourraient ainsi décider de le renvoyer sans aucune indemnité de départ.
3. Ceux qui ont du succès seront incités à en faire profiter les autres
L'article 6 de la loi encourage nos concitoyens redevables de l''ISF à investir dans le capital des PME, ou à effectuer des dons au profit d'organismes d'intérêt général. Ils bénéficieraient à ce titre d''une réduction d''ISF égale à 75 % de l'argent versé, dans la limite de 50 000 euros par an. 25 % restent donc entièrement à la charge de l'investisseur, amplifiant l'effet de la mesure sans rien coûter à l'État.
Regardons la réalité en face. Nous avons en France aujourd''hui d''un côté des gens qui se plaignent de payer un impôt confiscatoire, de payer trop d'impôt et de l''autre des PME extrêmement dynamiques qui cherchent de l''argent frais pour se moderniser, embaucher et se financer. Grâce au texte que je vous propose, chacun de ces deux problèmes devient la solution de l''autre... D'autant qu'il ne manque souvent aux PME qu'un petit coup de pouce financier pour transformer leurs projets en réalité.
Comme l'a dit Hervé Novelli : mieux vaut payer, pour certain d'entre eux, l'entrepreneur, plutôt que le percepteur.
Par exemple, une architecte qui effectue une souscription de 40 000 euros au capital d'une usine de biomatériaux située à côté de chez elle bénéficiera d'un avantage fiscal à hauteur de 30 000 euros. Une telle somme suffit, dans bien des cas, à débloquer la situation d'une PME, en lui permettant d'effectuer les investissements dont elle a besoin. D'autre part, notre architecte est obligée de prendre un risque personnel de 10 000 euros (correspondant à 25 % de la somme versée), ce qui devrait renforcer son intérêt pour l'avenir de l'usine.
Développer ainsi des liens directs entre l'entreprise et le citoyen, cela répond à une logique que je traduirais volontiers par « l'argent de proximité ».
Bien sûr, « l'argent de proximité » ne remplace pas l'amour du bien public. J'en viens là à la deuxième option. On peut imaginer un contribuable plus modeste qui paierait 1 500 euros d'ISF et qui choisirait, pour en être totalement exempté, de donner 2 000 euros à une Fondation reconnue d'utilité publique, un centre de recherche ou d'enseignement supérieur.
Le coût de cette mesure est estimé à 410 millions d'euros.
Conclusion
J'ai essayé aujourd'hui de vous présenter cette loi de la façon la plus concrète possible, pour vous montrer quel impact elle aura au quotidien sur la vie de nos concitoyens. J'aimerais que l'on retienne de toutes ces mesures qu'elles revalorisent le travail. Les premières, qui concentrent 93 % du financement, sont destinées à augmenter le pouvoir d'achat, particulièrement pour les classes moyennes. ; les secondes qui représentent seulement 7 % du financement, ont vocation à rétablir la confiance nécessaire envers ceux qui réussissent, ainsi qu'à mettre leur succès au service de tous. Confiance pour générer de la croissance, croissance pour générer de l'emploi.
J'aimerais appeler à la rescousse tous ceux que j'ai cités en exemple. Je me retrouverais au milieu d'un cercle comprenant : un jeune étudiant qui donne des cours particuliers, un couple modeste qui veut s'acheter une maison, un salarié dans une PME cherchant à gagner un ou deux mois de salaires en plus, un créateur de start-up, un médecin pestant contre les impôts, une mère célibataire qui fait face à de grandes difficultés et qui veut s'en sortir, un jeune ingénieur, un frère et une soeur héritant d'un appartement dans une ville de province, et une architecte convaincue de l'avenir des biomatériaux. Quel meilleur échantillon de la population française ? c'est à tous ceux-là que s'adresse notre loi.
L'ensemble de ce dispositif devrait coûter à l'État entre 10 et 11 milliards d'euros en 2008, et 13,8 milliards d'euros (6) en régime de croisière. Pourquoi des estimations parce qu'il s'agit bien d'hypothèse.
Pour le financer, nous allons, comme l'a récemment rappelé mon collègue Eric Woerth, diminuer les dépenses, en maîtrisant la progression des dépenses publiques. La division par deux du rythme d'évolution des dépenses publiques devrait en effet permettre de dégager 10 Mdeuros d'économies dès 2008.
Par ailleurs, nous prévoyons également une augmentation des recettes : sous l'effet des réformes structurelles entreprises par le gouvernement, dont cette loi représente la première étape, et grâce au choc de confiance que nous observons déjà chez les ménages (7) , la croissance devrait progresser d'un quart, je le crois, à un demi-point, je l'espère, en 2008.
Comme vous l'aurez remarqué, le projet de loi que je vous propose aujourd'hui joue aussi bien sur l'offre que sur la demande. Je pense en effet qu'il est tout-à-fait dépassé de privilégier l'une au détriment de l'autre. Ni Keynes ni Friedman, mais du pragmatisme. Aujourd'hui, nous nous attachons, tout simplement, à faire ce qui marche.
L'investissement que la France fait aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, C'est une politique du travail, ambitieuse, généreuse, dont dépendent, en aval, la confiance, la croissance et l'emploi.
Cette loi que l''on surnomme « paquet fiscal », vous l'aurez compris, n'est ni un paquet cadeau pour les riches, ni un paquet piégé qui nuirait à la croissance, ni un paquet surprise dont on ne contrôlerait pas les conséquences. C'est plutôt une boîte à outils dans laquelle celles et ceux qui veulent travailler plus pourront trouver les moyens de le faire comme ils pourront bénéficier du revenu qu'ils peuvent en tirer. Ce projet de loi, c'est l'ambition de la réforme, l'exigence de la rigueur.
Le train de la croissance, je vous propose d'y monter tous ensemble avec foi et optimisme. Je compte sur vous pour apporter toutes vos contributions à notre projet de loi.
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 juillet 2007