Texte intégral
Je vous remercie chaleureusement pour l'invitation que vous m'avez adressée. Elle me permet d'échanger avec vous sur la place de l'Europe dans nos institutions et de contribuer à la réflexion que vous soumettrez au président de la République.
L'occasion est unique d'examiner la façon dont la Constitution permettrait de mieux prendre en compte la dimension européenne dans notre vie politique. Vos travaux prennent en effet leur place dans un contexte tout à fait particulier.
Un nouveau Traité devrait fixer les institutions d'une Europe à vingt-sept et clôture une querelle vieille de quinze ans.
Dans ce cadre, le Parlement européen et les Parlements nationaux bénéficieront de pouvoirs accrus.
Par ailleurs, la France exercera la Présidence du Conseil de l'Union européenne le 1er juillet prochain, ce qui ne se reproduira plus avant 2022.
Par là, je souhaite souligner le caractère structurant de vos travaux pour le rôle et la place de la France dans l'Union européenne. Vous me permettrez dans cette intervention liminaire de soulever trois questions :
- faut-il ou non avoir des commissions spécialisées en matière européenne ?
- comment mieux structurer les travaux de transposition et les répartir entre séance publique et commissions ?
- j'évoquerai enfin la question, qui fait débat au sein de votre comité, de l'obligation d'organiser par référendum l'adhésion de nouveaux Etats à l'Union européenne.
I. L'évolution du statut des délégations à l'Union européenne
Faut-il faire évoluer le statut des délégations à l'Union européenne ? Ce point me paraît particulièrement important. Comme je l'ai déjà indiqué, les Parlements nationaux auront davantage de pouvoirs. En outre, les règles européennes façonnent de plus en plus notre vie économique et sociale. Dans ce contexte nouveau, nous devons nous demander si notre organisation actuelle est pertinente, d'une part au regard du rôle du parlement national en matière européenne, d'autre part au regard de l'influence de notre Parlement sur la prise de décision européenne.
Ceci entre dans le mandat qui vous a été donné par le président de la République, qui vous invite à étudier, je cite, "les modalités d'une association plus étroite des assemblées parlementaires à la détermination de la politique européenne".
C'est la raison pour laquelle je souhaite appeler l'attention de votre comité sur l'opportunité de deux modifications de la Constitution.
La première modification porterait sur l'article 88-4. Actuellement, il ne permet pas aux DUE d'adopter des résolutions sur les textes non législatifs qui ne lui sont pas transmis par le gouvernement. Or, parmi ces textes, certains sont d'importance et structurent l'activité législative future de la Commission.
Je pense notamment au programme de travail annuel et à la stratégie annuelle de la Commission, aux livres verts, aux livres blancs et aux recommandations. Il en résulte un paradoxe : les groupes d'intérêt sont mieux à même d'influencer la Commission que notre Parlement national.
Il conviendrait, indépendamment de toute transmission par le gouvernement, que les DUE puissent adopter des résolutions sur tous les documents publics de la Commission européenne intervenant dans le champ de compétence, en droit interne, du législateur. Un amendement avait été présenté en 2005 par vous-même, Monsieur le Président, M. Hervé de Charrette, et M. Roland Blum dans cet esprit.
La seconde modification consisterait à reconnaître, comme l'ont proposé les présidents Haenel et Lequiller, dans le Titre XV de la Constitution, une commission des affaires européennes.
Deux principes devraient être respectés dans ce cadre :
- la coopération avec les commissions compétentes au fond, en conservant le principe d'une double appartenance (ce qui nécessiterait de permettre aux parlementaires d'être membres d'une commission permanente et de l'éventuelle future commission aux affaires européennes).
- le maintien de l'exclusivité des compétences législatives des commissions permanentes de l'article 43 de la Constitution.
Cette reconnaissance constitutionnelle me paraît souhaitable pour trois raisons.
1) Premièrement, il s'agirait de conforter les DUE dans le cadre européen, et de les mettre au niveau de celles de vingt-deux autres Etats membres, notamment l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, pour n'en citer que quelques-uns. Les quatre autres, notamment à Malte et Luxembourg ont une compétence mixte. Je souligne aussi que nous sommes les seuls à n'avoir qu'une délégation aux affaires européennes, et non une commission.
Au moment où le futur Traité donne de nouveaux pouvoirs de contrôle aux Parlements nationaux pour contrôler la subsidiarité et où il encourage la coopération inter-parlementaire, il paraît légitime d'instituer une commission pour les affaires européennes et lui donner une compétence principale dans ce domaine.
Il faut donner à cette commission davantage de visibilité par rapport à ses homologues et aux institutions européennes. Il faut également que nous soyons plus réactifs : comme vous savez, dans le nouveau Traité, le contrôle de la subsidiarité s'exerce dans un délai très contraint de huit semaines. Le statut de commission aux affaires européennes permettrait à cette dernière de mieux s'exprimer au nom du Parlement dans ce cadre.
La commission des affaires européennes pourrait également se prononcer, en lien avec les commissions législatives, en cas de mise en jeu des clauses de révision simplifiée et clauses passerelles. Par exemple, s'il était décidé que le Conseil statue à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité pour régler les questions transfrontalières en matière de droit de la famille, la Commission pour les affaires européennes interviendrait avec la Commission des lois.
2) En deuxième lieu, la commission aux affaires européennes pourrait mieux nourrir le débat en séance publique sur les propositions d'actes communautaires, car c'est alors que le Parlement peut davantage peser sur l'initiative de la Commission et les négociations européennes. Le débat européen ne doit surtout pas à ce stade être cantonné à des discussions de spécialistes en commission. Il en va du débat démocratique en France et de l'influence de la France sur le processus de décision de l'Union européenne.
Techniquement, la création d'une commission pour les affaires européennes irait dans le sens de ce débat public. Il permettrait d'inscrire plus fréquemment au débat les résolutions sur les propositions d'actes communautaires, et qu'elles aient ainsi plus d'écho dans l'opinion et dans la presse. Depuis 1999, seules six résolutions ont été débattues en séance publique au Sénat, et, à l'Assemblée nationale, six depuis 2002. Les dernières résolutions adoptées dans les assemblées, sur la directive services, datent d'il y a déjà deux ans.
Juridiquement, cela suppose que la commission aux affaires européennes puisse inscrire à la séance publique des propositions de résolution si les commissions législatives n'ont pas donné leur avis dans le délai requis d'un mois, ce qui n'est pas possible avec le statut actuel de délégation.
On pourrait craindre que la qualité des travaux en souffre. Je ne le crois pas. D'une part, depuis 1979, les DUE ont grandement amélioré leur expertise. D'autre part, l'objectif ne serait pas de priver les commissions législatives de leur avis, mais au contraire de stimuler la coopération entre commissions et de permettre au Parlement de donner un avis en temps utile au niveau européen.
Le principe de la double appartenance garantit en outre que le rapporteur de la commission des affaires européennes reste un spécialiste à la fois des questions européennes et de la matière concernée, qu'il s'agisse de transports, de marchés financiers, d'agriculture, de contrôle des frontières ou de coopération judiciaire.
3) Troisièmement, le réflexe européen doit être mieux partagé. Dans les débats importants qui nous attendent en matière d'énergie, le rapprochement Suez-GDF en témoigne, ou encore en matière d'immigration, il paraît souhaitable qu'un éclairage européen soit donné, à travers des éléments de droit comparé, ou un rappel des enjeux au niveau communautaire. Il appartient à ceux qui ont participé à l'élaboration d'un acte communautaire d'être également associés à son suivi, pour assurer la continuité.
Pour autant, il ne faut pas ralentir les travaux législatifs. Je ne propose donc pas que la commission aux affaires européennes soit saisie pour avis.
Le plus important est qu'un temps de parole soit réservé, à la demande du président de la commission des affaires européennes, à l'un de ses membres. Là encore, ce n'est possible que si la délégation prend le statut de commission, de façon à ce que le temps de parole "européen" ne soit pas décompté au nom de tel ou tel groupe politique. Cette solution irriguerait les débats d'une expertise européenne tout en restant pragmatique. Les interventions pourraient d'ailleurs être adaptées au cas par cas en fonction de la spécialisation européenne du rapporteur.
II. Les travaux de transposition
Le deuxième point que je souhaiterais aborder avec vous concerne la répartition entre séance publique et commission.
Il est paradoxal que l'on parle de droit européen en séance publique au moment de la transposition, quand les principaux choix ont déjà été faits, et que l'on n'en parle pas en amont, lorsque le Parlement peut influencer les propositions de la Commission et les positions de la France.
Les travaux de transpositions, il faut bien reconnaître, n'intéressent pas tous les députés et sénateurs, tant ils sont techniques. De fait, ils trouvent difficilement leur place dans la séance publique car l'ordre du jour, c'est naturel, est réservé aux priorités politiques du moment.
Pourquoi alors ne pas adapter notre système institutionnel ? En matière européenne, la séance publique porterait sur les propositions d'actes communautaires, et c'est en commission législative que se ferait le travail de transposition, lorsqu'il est purement technique, comme en Italie et en Espagne Le rapport public 2006 du Conseil d'Etat et le mandat du président de la République vous invitent à cette réflexion, pour les textes de transposition, comme dans d'autres domaines. J'ai également évoqué ce point dans ma communication au Conseil des ministres du 18 juillet dernier.
Il serait souhaitable de créer un dispositif spécifique pour l'adoption des lois de transposition, qui dérogerait de façon limitée aux articles 34, 42 et 44 de la Constitution qui donnent la primauté à la séance publique.
Bien entendu, les droits de l'opposition seraient préservés, et il serait possible de s'opposer à la procédure d'adoption en commission. La publicité pourrait être garantie par la diffusion de compte-rendus. Les régimes d'irrecevabilité des amendements, notamment en matière financière, seraient applicables.
Il ne serait pas possible de modifier par cette procédure des lois organiques, des lois de finances, et des lois qui ont un impact sur les libertés publiques ou sur la libre administration des collectivités territoriales. Enfin, l'adoption en commission serait une faculté, pas une obligation.
Une loi organique pourrait préciser les conditions d'application de la procédure simplifiée et l'harmoniser dans les deux assemblées.
III. L'obligation d'organiser un référendum avant ratification d'un traité d'adhésion à l'Union européenne
Enfin, j'en viens au troisième point, beaucoup plus délicat, qui peut faire débat au sein de votre comité.
L'article 88-5 de la Constitution oblige à soumettre au référendum toute adhésion d'un Etat à l'Union européenne. Il s'applique aux adhésions pour lesquelles les conférences intergouvernementales sont convoquées postérieurement au 1er juillet 2004, soit aux Etats qui souhaiteront adhérer après la Croatie.
Il ne connaît aucun équivalent dans d'autres Etats membres.
Faut-il maintenir ou supprimer cette disposition ? Deux éléments me paraissent devoir être pris en compte avant toute évolution.
D'une part, un argument juridique. Par cet article, l'autorité susceptible de proposer un référendum dans la perspective de la ratification d'un Traité d'adhésion, c'est-à-dire le président de la République, a lié son propre pouvoir.
Il appartient donc au seul président de la République de se prononcer sur l'opportunité de supprimer ou non cette disposition qui figure dans notre Constitution, et de demander, le cas échéant, au Congrès, qu'il est le seul à pouvoir convoquer, de revenir sur sa décision.
D'autre part, une question d'opportunité. Il serait très délicat, dans la perspective de la ratification du nouveau Traité, de revenir sur l'engagement qui figure au sein de notre texte constitutionnel.
Cela étant, on ne peut nier que le maintien de ce dispositif peut mettre en cause la crédibilité des négociateurs car chacun sait que les résultats des consultations référendaires sont parfois liées à des considérations qui n'ont pas de rapport avec son objet. Dans le cas particulier des Traités d'adhésion, cela peut mettre la France en difficulté à l'égard des pays qui ont une vocation indiscutable et indiscutée d'adhérer à l'Union européenne, comme la Macédoine ou les Balkans, dès lors naturellement qu'ils respecteraient tous les critères au terme de toutes les étapes de la négociation. La nature européenne de ces pays ne fait pas de doute. Or, la France risquerait de bloquer, le moment venu, le processus d'adhésion, alors même que toutes les conditions seraient par ailleurs réunies.
Bref, à titre personnel, et de manière pragmatique, garder ouvertes deux options, référendaire ou parlementaire me paraît préférable à l'automaticité.
Voilà les trois points que je souhaitais évoquer avec vous sur les aspects européens de notre Constitution. Beaucoup d'autres auraient pu être abordés ; ils pourront l'être dans le cadre de nos échanges de questions/réponses.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2007
L'occasion est unique d'examiner la façon dont la Constitution permettrait de mieux prendre en compte la dimension européenne dans notre vie politique. Vos travaux prennent en effet leur place dans un contexte tout à fait particulier.
Un nouveau Traité devrait fixer les institutions d'une Europe à vingt-sept et clôture une querelle vieille de quinze ans.
Dans ce cadre, le Parlement européen et les Parlements nationaux bénéficieront de pouvoirs accrus.
Par ailleurs, la France exercera la Présidence du Conseil de l'Union européenne le 1er juillet prochain, ce qui ne se reproduira plus avant 2022.
Par là, je souhaite souligner le caractère structurant de vos travaux pour le rôle et la place de la France dans l'Union européenne. Vous me permettrez dans cette intervention liminaire de soulever trois questions :
- faut-il ou non avoir des commissions spécialisées en matière européenne ?
- comment mieux structurer les travaux de transposition et les répartir entre séance publique et commissions ?
- j'évoquerai enfin la question, qui fait débat au sein de votre comité, de l'obligation d'organiser par référendum l'adhésion de nouveaux Etats à l'Union européenne.
I. L'évolution du statut des délégations à l'Union européenne
Faut-il faire évoluer le statut des délégations à l'Union européenne ? Ce point me paraît particulièrement important. Comme je l'ai déjà indiqué, les Parlements nationaux auront davantage de pouvoirs. En outre, les règles européennes façonnent de plus en plus notre vie économique et sociale. Dans ce contexte nouveau, nous devons nous demander si notre organisation actuelle est pertinente, d'une part au regard du rôle du parlement national en matière européenne, d'autre part au regard de l'influence de notre Parlement sur la prise de décision européenne.
Ceci entre dans le mandat qui vous a été donné par le président de la République, qui vous invite à étudier, je cite, "les modalités d'une association plus étroite des assemblées parlementaires à la détermination de la politique européenne".
C'est la raison pour laquelle je souhaite appeler l'attention de votre comité sur l'opportunité de deux modifications de la Constitution.
La première modification porterait sur l'article 88-4. Actuellement, il ne permet pas aux DUE d'adopter des résolutions sur les textes non législatifs qui ne lui sont pas transmis par le gouvernement. Or, parmi ces textes, certains sont d'importance et structurent l'activité législative future de la Commission.
Je pense notamment au programme de travail annuel et à la stratégie annuelle de la Commission, aux livres verts, aux livres blancs et aux recommandations. Il en résulte un paradoxe : les groupes d'intérêt sont mieux à même d'influencer la Commission que notre Parlement national.
Il conviendrait, indépendamment de toute transmission par le gouvernement, que les DUE puissent adopter des résolutions sur tous les documents publics de la Commission européenne intervenant dans le champ de compétence, en droit interne, du législateur. Un amendement avait été présenté en 2005 par vous-même, Monsieur le Président, M. Hervé de Charrette, et M. Roland Blum dans cet esprit.
La seconde modification consisterait à reconnaître, comme l'ont proposé les présidents Haenel et Lequiller, dans le Titre XV de la Constitution, une commission des affaires européennes.
Deux principes devraient être respectés dans ce cadre :
- la coopération avec les commissions compétentes au fond, en conservant le principe d'une double appartenance (ce qui nécessiterait de permettre aux parlementaires d'être membres d'une commission permanente et de l'éventuelle future commission aux affaires européennes).
- le maintien de l'exclusivité des compétences législatives des commissions permanentes de l'article 43 de la Constitution.
Cette reconnaissance constitutionnelle me paraît souhaitable pour trois raisons.
1) Premièrement, il s'agirait de conforter les DUE dans le cadre européen, et de les mettre au niveau de celles de vingt-deux autres Etats membres, notamment l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, pour n'en citer que quelques-uns. Les quatre autres, notamment à Malte et Luxembourg ont une compétence mixte. Je souligne aussi que nous sommes les seuls à n'avoir qu'une délégation aux affaires européennes, et non une commission.
Au moment où le futur Traité donne de nouveaux pouvoirs de contrôle aux Parlements nationaux pour contrôler la subsidiarité et où il encourage la coopération inter-parlementaire, il paraît légitime d'instituer une commission pour les affaires européennes et lui donner une compétence principale dans ce domaine.
Il faut donner à cette commission davantage de visibilité par rapport à ses homologues et aux institutions européennes. Il faut également que nous soyons plus réactifs : comme vous savez, dans le nouveau Traité, le contrôle de la subsidiarité s'exerce dans un délai très contraint de huit semaines. Le statut de commission aux affaires européennes permettrait à cette dernière de mieux s'exprimer au nom du Parlement dans ce cadre.
La commission des affaires européennes pourrait également se prononcer, en lien avec les commissions législatives, en cas de mise en jeu des clauses de révision simplifiée et clauses passerelles. Par exemple, s'il était décidé que le Conseil statue à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité pour régler les questions transfrontalières en matière de droit de la famille, la Commission pour les affaires européennes interviendrait avec la Commission des lois.
2) En deuxième lieu, la commission aux affaires européennes pourrait mieux nourrir le débat en séance publique sur les propositions d'actes communautaires, car c'est alors que le Parlement peut davantage peser sur l'initiative de la Commission et les négociations européennes. Le débat européen ne doit surtout pas à ce stade être cantonné à des discussions de spécialistes en commission. Il en va du débat démocratique en France et de l'influence de la France sur le processus de décision de l'Union européenne.
Techniquement, la création d'une commission pour les affaires européennes irait dans le sens de ce débat public. Il permettrait d'inscrire plus fréquemment au débat les résolutions sur les propositions d'actes communautaires, et qu'elles aient ainsi plus d'écho dans l'opinion et dans la presse. Depuis 1999, seules six résolutions ont été débattues en séance publique au Sénat, et, à l'Assemblée nationale, six depuis 2002. Les dernières résolutions adoptées dans les assemblées, sur la directive services, datent d'il y a déjà deux ans.
Juridiquement, cela suppose que la commission aux affaires européennes puisse inscrire à la séance publique des propositions de résolution si les commissions législatives n'ont pas donné leur avis dans le délai requis d'un mois, ce qui n'est pas possible avec le statut actuel de délégation.
On pourrait craindre que la qualité des travaux en souffre. Je ne le crois pas. D'une part, depuis 1979, les DUE ont grandement amélioré leur expertise. D'autre part, l'objectif ne serait pas de priver les commissions législatives de leur avis, mais au contraire de stimuler la coopération entre commissions et de permettre au Parlement de donner un avis en temps utile au niveau européen.
Le principe de la double appartenance garantit en outre que le rapporteur de la commission des affaires européennes reste un spécialiste à la fois des questions européennes et de la matière concernée, qu'il s'agisse de transports, de marchés financiers, d'agriculture, de contrôle des frontières ou de coopération judiciaire.
3) Troisièmement, le réflexe européen doit être mieux partagé. Dans les débats importants qui nous attendent en matière d'énergie, le rapprochement Suez-GDF en témoigne, ou encore en matière d'immigration, il paraît souhaitable qu'un éclairage européen soit donné, à travers des éléments de droit comparé, ou un rappel des enjeux au niveau communautaire. Il appartient à ceux qui ont participé à l'élaboration d'un acte communautaire d'être également associés à son suivi, pour assurer la continuité.
Pour autant, il ne faut pas ralentir les travaux législatifs. Je ne propose donc pas que la commission aux affaires européennes soit saisie pour avis.
Le plus important est qu'un temps de parole soit réservé, à la demande du président de la commission des affaires européennes, à l'un de ses membres. Là encore, ce n'est possible que si la délégation prend le statut de commission, de façon à ce que le temps de parole "européen" ne soit pas décompté au nom de tel ou tel groupe politique. Cette solution irriguerait les débats d'une expertise européenne tout en restant pragmatique. Les interventions pourraient d'ailleurs être adaptées au cas par cas en fonction de la spécialisation européenne du rapporteur.
II. Les travaux de transposition
Le deuxième point que je souhaiterais aborder avec vous concerne la répartition entre séance publique et commission.
Il est paradoxal que l'on parle de droit européen en séance publique au moment de la transposition, quand les principaux choix ont déjà été faits, et que l'on n'en parle pas en amont, lorsque le Parlement peut influencer les propositions de la Commission et les positions de la France.
Les travaux de transpositions, il faut bien reconnaître, n'intéressent pas tous les députés et sénateurs, tant ils sont techniques. De fait, ils trouvent difficilement leur place dans la séance publique car l'ordre du jour, c'est naturel, est réservé aux priorités politiques du moment.
Pourquoi alors ne pas adapter notre système institutionnel ? En matière européenne, la séance publique porterait sur les propositions d'actes communautaires, et c'est en commission législative que se ferait le travail de transposition, lorsqu'il est purement technique, comme en Italie et en Espagne Le rapport public 2006 du Conseil d'Etat et le mandat du président de la République vous invitent à cette réflexion, pour les textes de transposition, comme dans d'autres domaines. J'ai également évoqué ce point dans ma communication au Conseil des ministres du 18 juillet dernier.
Il serait souhaitable de créer un dispositif spécifique pour l'adoption des lois de transposition, qui dérogerait de façon limitée aux articles 34, 42 et 44 de la Constitution qui donnent la primauté à la séance publique.
Bien entendu, les droits de l'opposition seraient préservés, et il serait possible de s'opposer à la procédure d'adoption en commission. La publicité pourrait être garantie par la diffusion de compte-rendus. Les régimes d'irrecevabilité des amendements, notamment en matière financière, seraient applicables.
Il ne serait pas possible de modifier par cette procédure des lois organiques, des lois de finances, et des lois qui ont un impact sur les libertés publiques ou sur la libre administration des collectivités territoriales. Enfin, l'adoption en commission serait une faculté, pas une obligation.
Une loi organique pourrait préciser les conditions d'application de la procédure simplifiée et l'harmoniser dans les deux assemblées.
III. L'obligation d'organiser un référendum avant ratification d'un traité d'adhésion à l'Union européenne
Enfin, j'en viens au troisième point, beaucoup plus délicat, qui peut faire débat au sein de votre comité.
L'article 88-5 de la Constitution oblige à soumettre au référendum toute adhésion d'un Etat à l'Union européenne. Il s'applique aux adhésions pour lesquelles les conférences intergouvernementales sont convoquées postérieurement au 1er juillet 2004, soit aux Etats qui souhaiteront adhérer après la Croatie.
Il ne connaît aucun équivalent dans d'autres Etats membres.
Faut-il maintenir ou supprimer cette disposition ? Deux éléments me paraissent devoir être pris en compte avant toute évolution.
D'une part, un argument juridique. Par cet article, l'autorité susceptible de proposer un référendum dans la perspective de la ratification d'un Traité d'adhésion, c'est-à-dire le président de la République, a lié son propre pouvoir.
Il appartient donc au seul président de la République de se prononcer sur l'opportunité de supprimer ou non cette disposition qui figure dans notre Constitution, et de demander, le cas échéant, au Congrès, qu'il est le seul à pouvoir convoquer, de revenir sur sa décision.
D'autre part, une question d'opportunité. Il serait très délicat, dans la perspective de la ratification du nouveau Traité, de revenir sur l'engagement qui figure au sein de notre texte constitutionnel.
Cela étant, on ne peut nier que le maintien de ce dispositif peut mettre en cause la crédibilité des négociateurs car chacun sait que les résultats des consultations référendaires sont parfois liées à des considérations qui n'ont pas de rapport avec son objet. Dans le cas particulier des Traités d'adhésion, cela peut mettre la France en difficulté à l'égard des pays qui ont une vocation indiscutable et indiscutée d'adhérer à l'Union européenne, comme la Macédoine ou les Balkans, dès lors naturellement qu'ils respecteraient tous les critères au terme de toutes les étapes de la négociation. La nature européenne de ces pays ne fait pas de doute. Or, la France risquerait de bloquer, le moment venu, le processus d'adhésion, alors même que toutes les conditions seraient par ailleurs réunies.
Bref, à titre personnel, et de manière pragmatique, garder ouvertes deux options, référendaire ou parlementaire me paraît préférable à l'automaticité.
Voilà les trois points que je souhaitais évoquer avec vous sur les aspects européens de notre Constitution. Beaucoup d'autres auraient pu être abordés ; ils pourront l'être dans le cadre de nos échanges de questions/réponses.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2007