Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les atouts de l'Union européenne face à la mondialisation, notamment le réglement du problème institutionnel et son affirmation comme acteur global, à Paris le 20 septembre 2007.

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Circonstance : Publication du Rapport Ramses de l'Institut français des relations internationales, le 20 septembre 2007

Texte intégral

La publication du rapport, qui est toujours très attendue, et ce depuis 26 ans maintenant, intervient cette année dans un contexte nouveau :

  • retour de la France en Europe : rôle de la France lors du dernier Conseil européen, qui consacre l'idée de "traité simplifié" proposé un an auparavant par le président Nicolas Sarkozy ;
  • retour de l'Europe en France : notamment dans la perspective de la Présidence française de l'Union européenne, où nous succéderons à nos amis Portugais et Slovènes, qui devra être une présidence citoyenne et marquer la réconciliation des Français avec l'Europe, trois ans après le non au référendum sur la Constitution européenne.

Notre action repose sur la conviction que l'Europe constitue incontestablement le meilleur cadre pour répondre aux défis de la mondialisation.
La mondialisation recèle plus d'opportunités que de menaces. C'est avant tout une source incontestée de croissance et de richesse. C'est évident pour les pays émergents. Cela le devient progressivement pour certains des pays les plus pauvres, y compris en Afrique. C'est bien sûr vrai pour la France et pour l'Europe. En même temps, la mondialisation génère des inégalités, affecte des métiers ou des territoires. Le moment est venu d'identifier nos intérêts : ce que nous devons faire pour bénéficier de cette mondialisation, du monde tel qu'il devient, ce qui dans notre économie et dans notre société doit évoluer, et bien sûr aussi ce qui appelle protection. La France dispose, j'en suis convaincu et je l'ai écrit, de nombreux atouts pour être l'un des grands bénéficiaires de la mondialisation, tout en restant ce qu'elle est. La campagne présidentielle a montré que les Français y sont plus prêts que l'image qui en est souvent donnée, si nous savons nous-même leur donner le goût et leur montrer la nécessité d'avancer.
Cette confiance de l'Europe dans le monde repose sur deux conditions : l'Europe résout ses problèmes d'organisation, ce qui lui donne les moyens d'agir. La seconde, c'est que l'Europe devient un acteur global.
Le premier signe tangible du retour de l'Union européenne est le règlement du problème institutionnel qui a été notre priorité dès la formation du gouvernement.
Ce problème divisait les Européens et continuait à entretenir en France la division entre les "oui" et les "non". Cette différence n'a pas totalement disparue mais elle a été largement réduite.

Nous le voyons aujourd'hui : résoudre la question institutionnelle permettra à l'Union d'aller de l'avant. Et l'accord trouvé en juin par les chefs d'Etat et de gouvernement est à cet égard un très bon accord, à plusieurs titres.

  • l'accord obtenu à Bruxelles en juin dernier est avant tout un accord qui répond à l'objectif d'un fonctionnement plus efficace et plus démocratique des institutions d'une Union désormais élargie ;
  • les dirigeants européens ont tous accepté de procéder selon l'approche simplifiée proposée par le président de la République, soutenue par la Présidence allemande et donc de retenir, de manière pragmatique, les meilleures solutions disponibles ;
  • le mandat approuvé par le Conseil européen est très détaillé. C'est une innovation par rapport aux précédentes modifications des Traités européens. Elle traduit l'engagement politique des chefs d'Etat et de gouvernement. Nous l'avions souhaité ainsi afin que la Conférence intergouvernementale en cours puisse se limiter à une transposition aussi technique et juridique que possible. C'est la condition du respect d'un calendrier très serré, et je crois, objectivement, que c'est l'intérêt de tous les Etats membres et ce qu'ils souhaitent. Il y a non seulement un intérêt objectif de tous les Etats membres mais aussi une volonté qu'il en soit ainsi. Sauf accident, le nouveau traité devrait ainsi pouvoir être signé avant la fin de l'année.

Si tel est le cas, la France souhaitera ratifier ce Traité par la voie parlementaire très vite, si possible en début d'année prochaine, comme la procédure simplifiée de révision des traités le justifie. Je note d'ailleurs que dans la très grande majorité des Etats membres, la ratification se fera par voie parlementaire. Ceci ne signifie pas que toutes les ratifications iront de soi partout. Nous devrons rester très attentifs au déroulement des ratifications. Nous espérons tous obtenir les ratifications si possible avant 2009, et évidemment avant les élections au Parlement européen, en juin 2009.
Cet accord permet de sortir l'Europe de la panne politique qui avait succédé aux référendums de 2005. Au-delà, c'est plus largement dix à quinze ans de doute et de débat institutionnel en Europe, liés principalement à la réunification de l'Allemagne et aux élargissements successifs de l'Union, qui devraient désormais être dénoués. Il est ainsi significatif que, malgré les péripéties des dernières heures de négociation, cet accord politique rassemble, pour la première fois, les 27 Etats membres de l'Union élargie.
Et les Vingt-sept ont pris leur part à cet accord politique du mois de juin dernier. Selon moi, cela marque une étape nouvelle qui efface la distinction entre nouveaux et Etats membres dans la mesure où chacun a pris, à égalité, sa part de responsabilité, de sacrifice, d'impulsion et de négociation dans le cadre de cet accord.
Enfin, cet accord n'a été rendu possible que grâce à une très bonne entente franco-allemande. Une très bonne entente franco-allemande, ce n'est pas un lit de roses, il y a toujours des difficultés, des éléments sur lesquels nous ne sommes pas d'accord entre nous. Ce qui est clair, c'est que l'entente sur le plan structurel subsiste, et cela illustre s'il en était besoin le caractère toujours central de la coopération franco-allemande. Quelles que soient les différences de tempérament, de personnalités, de structures entre les deux pays, il ne fait aucun doute que l'Europe est une priorité pour les dirigeants de chacun des deux pays.
Les exemples de cette dynamique franco-allemande sont nombreux : on le voit en matière de stabilité financière à la suite des évènements de l'été dernier, avec l'initiative prise par Mme Merkel et M. Sarkozy qui ont écrit une lettre au président de la Commission et qui ont évoqué ce sujet avec le président du Conseil, M. Socrates. On le voit également en matière de politique industrielle. Je suis frappé du fait que l'on dise que c'est extrêmement dur aujourd'hui, très "antagonistique", et qu'hier on nous disait que nous étions peut-être allés trop loin dans les compromis, notamment en ce qui concerne l'aéronautique. Il y a eu des accords trouvés sur le dossier très difficile d'EADS, il y a seulement quelques semaines. C'est vrai aussi dans d'autres domaines où les visions sont partagées, que ce soit l'immigration, la sécurité, l'énergie, l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour ce qui est un "couple malade", cela fait tout de même pas mal de points d'accord pour rester ensemble à la maison !
Naturellement, la coopération franco-allemande ne peut avoir dans une Europe à 27 le même rôle dans la CEE à six. Nous en sommes pleinement conscients et sommes prêts les uns et les autres à en tirer toutes les conséquences. Néanmoins son caractère central et indispensable demeure car l'Union ne peut fonctionner que si la France et l'Allemagne partagent les mêmes objectifs. Il est clair que dans une Europe à 27 et plus que jamais, cette coopération - et c'est ce qui a fondamentalement changé - doit demeurer ouverte, non-exclusive et service de l'Union dans son ensemble, car nous savons qu'à elle seule elle ne suffit pas à entraîner le reste des 25 autres Etats membres. C'est un él??ment sans doute nouveau dans le cadre de l'Union européenne.
En ce qui concerne le Traité et la Conférence intergouvernementale, la Présidence portugaise a préparé en un temps record un projet de Traité, en à peine un mois. Il modifie les traités existants, pour les adapter au cas par cas, en intégrant tous les acquis institutionnels, notamment la Présidence stable, l'extension de la majorité qualifiée et la facilitation des coopérations renforcées. Si ce n'est dans l'ampleur de la rénovation de la mécanique institutionnelle, qui était nécessaire pour adapter les processus de décision au quasi-doublement du nombre de membres de l'Union, ce Traité diffère peu des Traités précédents, qu'il s'agisse du Traité de Nice ou du Traité d'Amsterdam. C'est bien un Traité modificatif que nous aurons bientôt à soumettre à votre ratification. Je note d'ailleurs que les pays qui avaient demandé à avoir des garanties juridiques en ce domaine, notamment les Pays-Bas, ont, d'après ce que je crois savoir, de bonnes orientations en ce qui concerne les conclusions sur le caractère modificatif du traité, qui devraient être apportées par leur Conseil d'Etat.
Depuis trois semaines, nos experts juridiques passent ce projet au peigne fin, pour que ne subsiste aucune ambiguïté. Une relecture technique est encore en cours pour que le projet soit fin prêt pour être soumis à l'accord politique des chefs d'Etat et de gouvernement lors du Conseil qui aura lieu à Lisbonne, le sommet informel des 18 et 19 octobre. Nous espérons y avoir confirmation de l'accord politique. Je note d'ailleurs qu'au dernier Conseil informel des ministres des Affaires étrangères, qui s'est tenu début septembre au Portugal, il y a peu de sujets qui sont remontés au niveau politique.
Comme vous le savez, le principal problème réside dans le fait que nous avons les élections polonaises deux jours avant la tenue du Conseil européen. Des demandes ont été exprimées par la Pologne, notamment en ce qui concerne le compromis de Ioannina dans le Traité. Mais cette demande s'est heurtée au refus des 26 autres partenaires. Cela avait déjà été négocié au mois de juin. Nous espérons et nous aiderons à faire en sorte que nos amis polonais puissent trouver une voie de sortie raisonnable en ce qui concerne cette question. Sur d'autres points, notamment en ce qui concerne la Charte des droits fondamentaux, ils sont revenus à des sentiments plus raisonnables et ne souhaitent plus exclure son application dans son intégralité.
Les perspectives d'accord me paraissent assez importantes et nous sommes optimistes, avec la Présidence portugaise, pour trouver un accord au prochain Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement.
C'est particulièrement important. C'est une relance car les innovations sont particulièrement significatives dans ce traité. Elles le sont en ce qui concerne la politique étrangère, avec la mise en place du nouveau Haut représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité qui portera également le titre de vice-président de la Commission de façon à assurer davantage de cohérence et de coordination entre des services aujourd'hui éclatés entre la Commission et Conseil. La mise en place du Service européen d'action extérieure permettra d'agir de manière cohérente à l'étranger. Le Traité contient enfin des innovations institutionnelles dans le domaine de la PESD à travers la possibilité pour les Etats désireux de s'engager dans le développement de leurs capacités de former une "coopération structurée permanente", en complément aux coopérations renforcées traditionnelles.
Ce Traité ne sera pas sans conséquences sur le rôle de l'Union dans le monde. Je pense à l'institutionnalisation de l'Eurogroupe qui permettra à l'Union européenne de tirer un avantage politique du succès de l'euro. Vous savez tous que c'est une priorité constante de notre pays. Je pense au développement des politiques dans le cadre de la justice et des affaires intérieures à travers des procédures plus efficaces (majorité qualifiée). Nous espérons que nos amis britanniques, malgré leurs contraintes, seront assez raisonnables pour arriver à définir un système qui soit extrêmement opérationnel. C'est là aussi l'attente de tous nos partenaires dans ce domaine crucial. Nous sommes prêts à aider les uns et les autres jusqu'à un point où les concessions faites ne rendent pas le système inopérationnel. Je pense également à la suppression de la structure en piliers avec le maintien de la spécificité de la PESC.
C'est dans ce cadre institutionnel nouveau que l'Europe, c'est notre seconde conviction, s'affirme comme un acteur global.
L'Union européenne a atteint un stade de maturité qui lui permet de devenir une puissance globale, disposant d'une large palette d'instruments.
Le premier est celui qui a trait à la PESD. Elle est un succès. Des progrès importants ont été réalisés depuis la déclaration de Saint-Malo, et l'Union a conduit une quinzaine d'opérations au titre de la PESD.
La PESD, ce sont des structures mises en place progressivement depuis 1999 ; ce sont des moyens militaires et civils constitués sur la base d'objectifs de capacités ; ce sont aussi des opérations (quinze menées dans ce à ce jour dont quatre militaires sur l'ensemble des continents).
Aujourd'hui l'enjeu c'est la mise en oeuvre des instruments disponibles et la conduite d'opérations de plus en plus complexes compte tenu des attentes qui existent envers l'Union européenne.
Les premières opérations menées dans ce cadre permettent de tirer des enseignements pour aller plus loin. Dans le domaine des opérations, les relations entre l'Union européenne et l'OTAN ont été bonnes : deux des opérations militaires PESD ont été conduites avec des moyens de l'OTAN, en Bosnie-Herzégovine et en ARYM dans le cadre du mécanisme dit de "Berlin plus". Cela montre qu'il n'y a pas concurrence mais complémentarité entre les deux approches. C'est la conviction de tous les partenaires et de ceux qui sont opérationnels dans le cadre de cette politique. S'appuyer de manière réaliste, pragmatique sur l'un pour renforcer l'autre, tel est notre objectif défini par le président de la République, ce qui suppose un dialogue avec nos partenaires américains.
Le système alternatif au recours aux moyens de l'OTAN, c'est-à-dire le recours à une "nation-cadre" s'est également avéré bénéfique : il en va ainsi de la participation de l'Allemagne aux opérations menées au Congo en 2006 et nous espérons, en ce qui concerne la crise au Darfour et ses prolongements à l'est du Tchad, avoir le concours de plusieurs partenaires européens. C'est ce que nous sommes en train de négocier actuellement, bien évidemment sous l'égide des Nations unies.
Ce système a aussi montré ses limites, c'est pourquoi nous souhaitons qu'il soit renforcé. Ce sera l'une des priorités de la Présidence française. Nous devrons donc aller plus loin à travers l'activation d'un centre de planification et de conduite d'opérations permanent de l'Union européenne à Bruxelles.
Nous voyons là que nous sommes dans un domaine extrêmement important où les progrès doivent être sensibles, car cela répond à un besoin, une attente des opinions publiques dans un monde de plus en plus complexe et instable. L'Union, et je m'en félicite, dispose désormais d'une forte légitimité pour intervenir et développer cette politique européenne, à partir du moment où une bonne articulation avec l'OTAN est trouvée.
Mais l'influence de l'Union européenne ne se réduit pas à ces aspects de sécurité et de défense, à ces aspects politico-militaires.
La force de l'Union européenne, sa vraie capacité de projection repose sur son caractère polyvalent et sur le fait que les politiques communes, de plus en plus nombreuses, comportent toutes un volet externe qui contribue à l'influence de l'Union européenne dans le monde.
C'est le cas de la politique commerciale, où l'Union parle d'une seule voix face aux grands ensembles commerciaux. Pour notre part, notre vision est claire : nous n'avons pas peur d'un monde ouvert, de marchés ouverts, mais nous souhaitons que l'ouverture soit abordée sans naïveté, dans le respect du principe de réciprocité. Et je constate depuis quelques mois que nous sommes mieux entendus sur cette préoccupation dans le cadre de la défense des intérêts européens.
C'est le cas aussi de l'énergie et de la lutte contre le changement climatique, enjeu fondamental dans lequel l'Union européenne veut jouer un rôle exemplaire pour mieux peser sur l'élaboration des normes internationales.
C'est également le cas d'autres politiques qui ont des dimensions externes extrêmement fortes, comme l'immigration, la recherche et le développement. Toutes ces politiques de l'Europe ont des composantes externes, internationales et supposent des accords avec des pays tiers de plus en plus importants pour pouvoir fonctionner. Ce que je remarque c'est que seule l'Union européenne, parmi les organismes intégrés ou d'autres ensembles, peut mobiliser autant d'instruments à la fois.
Naturellement, l'état d'avancement de chacune de ces politiques est inégal mais il existe une tendance positive que nous souhaitons accompagner dans le sens d'une plus grande cohérence, de manière à ce que l'Union puisse recueillir tous les bénéfices de ses atouts.

Je souligne deux points dans ce cadre.
L'élargissement n'a pas remis en cause cette tendance et, à mon avis, l'a même renforcée. L'élargissement est un succès. Le nouveau Traité est ainsi le premier adopté à 27. Les nouveaux Etats membres ont été parmi les plus constructifs lors de la négociation des perspectives financières en 2005. Ils apportent un certain nombre de priorités, qui sont nouvelles, je pense par exemple à l'approvisionnement énergétique auquel ils sont tous très sensibles. Ils apportent aussi leurs problèmes, bien sûr. C'est une chance car cela conduit l'Union européenne à davantage s'investir sur des sujets nouveaux ou à réévaluer certaines de ces approches, par exemple envers la Russie. L'Union européenne essaye de trouver un partenariat solide, de moyen terme, avec la Russie. Il repose sur la nécessité qu'il y ait une reconnaissance de la Russie de la solidarité des 27 membres de l'Union européenne. Le fait que ce partenariat soit bloqué pour des questions bilatérales entre la Pologne et la Russie sur des questions alimentaires, et que l'Union ait manifesté sa solidarité et la manifeste encore aujourd'hui me paraît un fait extrêmement caractéristique de cette évolution.
Nous prenons désormais nos décisions à 27. Or une décision agréée a 27 à un poids par elle-même ; elle représente nécessairement un point d'équilibre et peut ainsi exercer une force d'attraction pour des pays tiers. Je note la demande de plus en plus importante des pays du voisinage de l'Union, à l'est et au sud, de s'associer aux décisions et aux politiques de l'Union européenne. Par là même, l'Union est un modèle. Elle est un modèle par elle-même, puisque toutes les autres expériences d'intégration régionale s'inspirent de l'Union européenne, avec naturellement des degrés d'avancement très inégaux...
Le succès de l'Union lui donne une crédibilité et un poids accru dans le monde puisqu'elle est par nature une "puissance délibérante" fondée sur la démocratie et le respect des valeurs fondamentales.
Elle est fondée sur le rôle primordial du droit. L'Union est avant tout une "puissance normative" ce qui contribue à lui donner un poids important dans un monde que nous voulons fondé sur le multilatéralisme.
Le mode de fonctionnement de l'Union européenne lui donne une légitimité, ce qui suscite de l'intérêt de nos partenaires : par exemple, la Chine peut être plus sensible aux positions européennes, plus équilibrées compte tenu de la diversité de l'Union qu'aux positions américaines plus unilatérales que ce soit sur l'environnement, le commerce, ou la lutte contre la contrefaçon.
Ayant conscience de ces deux éléments, en termes de modèle et de renforcement du rôle de l'Union élargie, il nous faut gérer l'attractivité à l'égard de ses voisins.
La première conséquence de l'attractivité de l'Union européenne, c'est l'élargissement. Le mouvement a été évident pour l'Europe centrale et baltique ; il est tout aussi naturel aujourd'hui pour les pays des Balkans occidentaux avec toutefois la nécessité pour ces pays de s'entendre et de résoudre les conflits, de lutter contre la criminalité organisée. Au-delà, le recours à l'élargissement ne peut pas être la seule réponse pour assurer stabilité de notre voisinage.
La question est désormais de savoir ce que nous pouvons faire des voisins de l'Union européenne sans être contraints pas l'alternative entre "adhésion" et "pas d'adhésion" ?
La politique de voisinage est une première réponse. Mais l'enjeu est de mettre en oeuvre une différenciation au profit des voisins les plus dynamiques, je pense au Maroc, au sud, à l'Ukraine, à l'est, et de favoriser la coopération régionale entre les Etats voisins. Ce n'est pas toujours facile. Il faut encourager un certain nombre de nos voisins à avoir des coopérations entre eux, je pense aux pays du Maghreb ou du Caucase.
C'est une tâche extrêmement lourde, c'est le sens du projet d'Union méditerranéenne que nous avons lancé. C'est d'avoir, avec les pays de la Méditerranée, qui pour nous est la seconde zone de solidarité après l'Europe, une union sur le modèle de la construction européenne tel qu'il s'est dessiné dans les années 50, qui puisse développer des solidarités de fait, des projets de coopération concrets qui intéressent au premier chef les pays de l'Union. Je pense à la sécurité maritime, à l'environnement, la propreté des eaux, aux questions de sécurité, à la démographie, au développement économique. Cela nous pousse à aller au-delà du partenariat euro-Méditerranée pour en donner une impulsion et une visibilité politique nouvelle, tout en faisant en sorte que les instruments qui ont démontré leur efficacité puissent perdurer et que d'une manière que nous aurons à définir ensemble, nous puissions associer l'ensemble de nos partenaires européens à cette aventure extrêmement exaltante et indispensable. La Méditerranée est la seule zone au monde à ne bénéficier d'aucune intégration régionale, d'aucun organisme de coopération. Toutes les autres zones connaissent des coopérations plus fortes que cette zone. Or c'est dans cette zone que se concentrent tous les troubles et les foyers de tensions.
L'Europe ne sera utile au monde que si elle est sûre d'elle-même et de ses missions. C'est pourquoi nous devons aussi donner un sens à son avenir en réfléchissant à ce qu'elle pourrait être dans les 20 prochaines années, à ce que seront ses politiques, ses relations avec ses voisins, sa place dans le monde. C'est le sens du Comité des sages proposé par le président de la République, que le président du Conseil de l'Union, M. Socrates, a bien voulu soutenir et qui a reçu le soutien de Mme Angela Merkel.
En conclusion, c'est donc sans tabou ni crainte pour ce que nous sommes que nous devons analyser la mondialisation : comment en tirer parti et y défendre nos intérêts ? Quelles sont nos responsabilités au niveau national ? Où et comment l'Union européenne doit-elle agir ? Cette démarche, j'en suis convaincu, renforcera l'Europe et reconstituera la confiance des Français en l'Union européenne. Une Europe ouverte et dynamique, apte en même temps à défendre ses intérêts et à protéger ses citoyens dans la mondialisation, sans bien sûr renoncer à peser sur son évolution, telle est la véritable vocation de l'Europe à venir. L'Europe doit sans cesse être en mouvement. La dynamique de la relance ne doit pas s'arrêter. C'est ainsi que l'Europe sera utile aux Européens. C'est ainsi, par son exemple et son action, qu'elle sera utile au monde.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2007