Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur les orientations du projet de loi de finances pour 2008 et les axes de réflexion du gouvernement : redressement des comptes de l'Etat, association des collectivités locales à cet effort de redressement, nouvelle gouvernance des finances locales, Paris le 25 septembre 2007.

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Circonstance : Comité des finances locales à Paris le 25 septembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi un honneur de vous présenter pour la première fois, avec ma collègue Michèle Alliot-Marie, le projet de loi de finances pour 2008.
Même si cet exercice est dorénavant traditionnel, il s'agit toujours d'un rendez vous très important tant votre Comité a acquis une expertise reconnue dans le domaine des finances locales. C'est également un moment d'échanges privilégiés entre le Gouvernement et les représentants des collectivités territoriales avant la discussion parlementaire.
Toutefois ces échanges ont pu être marqués par une méfiance réciproque, rendant le débat très difficile. Telle n'est pas ma conception des choses.
En tant que ministre en charge des comptes publics dans leur ensemble, je veux être très clair avec vous : il serait vain pour moi de vouloir améliorer la situation de l'État aux dépens des collectivités locales ; mais à l'inverse, les efforts considérables auxquels s'astreint l'État n'ont de sens que si ses partenaires participent eux aussi à l'objectif de redressement de nos finances publiques, qu'a réaffirmé le Président de la République sur la durée de la Législature.
C'est donc une nouvelle gouvernance des finances locales qu'il nous faut à présent bâtir ensemble. Et c'est aussi dans ce cadre que s'inscrit le projet de loi de finances pour 2008.
I - Le PLF 2008 poursuit l'effort de redressement des comptes de l'État.
Comme sous la précédente Législature , les dépenses de l'État restent encadrées par une « norme de dépense ». Cette norme est un outil de pilotage essentiel :
Il a permis de maîtriser de façon durable les dépenses de l'État : ainsi, depuis 2003, les dépenses du budget général ont-elles progressé à un rythme égal ou inférieur à l'inflation. Il s'agit là d'un effort très important, puisque au sein même des dépenses du budget général, certaines dépenses, sur lesquelles le Gouvernement n'a pas de marge d'action à court terme, ont des dynamiques plus rapides que l'inflation. Je pense à la dette et aux pensions, qui sur la période à venir, vont augmenter en moyenne de plus de 4 % par an.
La norme de dépense permet également de déconnecter l'évolution des dépenses et des recettes et donc de ne pas dépenser plus quand les rentrées fiscales sont supérieures.
Par conséquent, le Gouvernement a décidé de renforcer l'outil de pilotage que constitue la norme de dépenses en élargissant son périmètre aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et de l'Union européenne, ainsi qu'aux taxes affectées à des opérateurs.
L'objectif en norme élargie que le Gouvernement se fixe pour 2008 est de « 0 volume ». Cet objectif est ambitieux. Pour mémoire, sur la période 2002-2007 les dépenses de l'État ont été stabilisées en volume, au sens de l'ancienne norme, mais ont cru de 0,7 % en volume par an au sens de la norme élargie.
L''objectif de "0 volume" en 2008 correspondra à une progression du budget général de 5,5 Mdeuros. Compte tenu de la croissance mécanique de la dette et des pensions de 3,5 Mds euros, l'ensemble des autres charges de l'État (y compris les prélèvements sur recettes) ne progressera pas de plus de 2 Mdeuros.
II - Le PLF 2008 associe les collectivités locales à cet effort de redressement, tout en respectant les engagements de l'État
L'enveloppe des concours financiers de l'État sera dorénavant indexée sur l'inflation .
Conformément aux conclusions des travaux de la conférence nationale des finances publiques de janvier 2006, rappelées dans le rapport du conseil d'orientation des finances publiques de janvier dernier, il était devenu nécessaire de rendre compatible l'indexation des dotations aux collectivités locales avec les objectifs de maîtrise des dépenses que s'impose l'État.
Je viens de vous indiquer en effet à quel point l'élargissement de la norme de dépenses représentait pour l'État un effort supplémentaire de maîtrise de ses propres dépenses. Comme je vous l'ai dit aussi, cet effort ne prend son sens que s'il est partagé par l'ensemble des acteurs de la dépense publique.
C'est pourquoi le taux d'indexation du contrat de stabilité des dotations aux collectivités territoriales doit être aligné sur le taux d'inflation, soit 1,6 % afin de correspondre strictement à l'objectif de « 0 volume » que s'impose l'État.
Mais ce contrat ne reflète qu'une partie de l'effort financier de l'État envers les collectivités locales. Je rappellerai juste que la dotation du FCTVA augmente à nouveau de + 10 % pour atteindre 5,2 Mdeuros en PLF 2008. Il en va de même pour les dégrèvements d'impôts locaux pris en charge par l'État qui augmentent de + 15 % pour s'élever à 16 Mdeuros.
Ainsi, avec la seule progression du FCTVA et des dégrèvements, la charge pour l'État progresse de + 2,5 Mdeuros entre la LFI 2007 et le PLF 2008.
Le PLF 2008 respecte les obligations de compensation des transferts de compétences .
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu que le financement des transferts de compétences qu'elle mettait en oeuvre était assuré par un transfert de fiscalité de l'État.
Comme l'a indiqué Michèle Alliot-Marie, le financement de la montée en charge des compétences transférées dans le passé (transfert des personnnels Techniciens et Ouvriers de Services essentiellement) est bien pris en compte dans le PLF 2008, pour les départements (via la TSCA) et les régions (via la TIPP).
Je souhaiterais juste ajouter deux précisions :
- en ce qui concerne les départements, le PLF 2008 améliore aussi le mode de calcul de la compensation attribuée aux départements au titre du RMI.
En effet, la loi de finances pour 2004 leur a attribué une fraction de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) qui était calculée sur la base de trois carburants : le gazole, le super sans plomb et le super dit avec additif anti-récession ou « ARS ». Or, ce dernier carburant n'est quasiment plus mis en vente, de telle sorte que les recettes de TIPP afférentes sont quasiment nulles. Pour que les départements ne soient pas pénalisés, le gouvernement a décidé que leurs fractions de TIPP seraient dorénavant calculées, comme pour les régions, sur la base du gazole et du super sans plomb seulement.
Il devrait en résulter une progression d'environ 28 Meuros du montant de TIPP attribué en 2008 aux départements au-delà de leur droit à compensation.
- en ce qui concerne les régions, j'ai décidé de remanier à compter de 2007 le circuit financier de versement de la TIPP aux régions pour répondre à leurs attentes d'une meilleure lisibilité et leur permettre de suivre avec précision le montant des recettes qui leur sont transférées. J'en ai informé le Président de l'Association des Régions de France.
III - Le PLF 2008 s'inscrit ainsi dans le cadre d'une nouvelle gouvernance des finances locales
Les collectivités locales ont toute leur place dans l'effort de redressement des finances publiques .
Je sais que certains s'étonnent parfois que l'on demande aux collectivités locales de participer au redressement des finances publiques.
Leur situation financière est en effet globalement saine, elles ne sont pas endettées de manière significative et leur besoin de financement pèse de 0,1 à 0,2 point de PIB dans le déficit public.
Mais la réalité est plus complexe :
1/ Les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales sont trop liées pour adopter une vision totalement étanche. Je rappelle que sur 190 Mdeuros de recettes locales, près de 90 Mdeuros proviennent de l'État au titre de la fiscalité transférée, des différentes dotations ou de la prise en charge par l'État de la fiscalité locale. Comment examiner les comptes de l'État en faisant abstraction de transferts aussi massifs ?
2/ Le Président de la République a pris l'engagement d''assainir dès à présent nos comptes publics, avec l''objectif de revenir à l''équilibre avant 2012 si la croissance le permet. L'effort doit donc être partagé entre les grandes composantes de la sphère publique : État, administrations sociales et collectivités locales.
3/ Enfin, même si les collectivités locales sont globalement bien gérées, des tendances assez inquiétantes se font jour, comme l'ont illustré très récemment les rapports de M. Pierre Richard, de la Cour des Comptes sur l'intercommunalité ou encore de l'observatoire de la décentralisation du Sénat :
Les dépenses publiques locales, hors effet de la décentralisation, augmentent plus vite que le PIB depuis 25 ans puisqu'à périmètre de compétences constant. Elles ont ainsi cru de + 40 % depuis 1996, soit presque deux fois plus vite que les dépenses publiques totales : or la décentralisation n'explique qu'une faible part de cette dynamique.
Les dépenses de personnel ont cru très fortement ; avec + 510 000 agents en 20 ans, la hausse des effectifs locaux a été supérieure à celle cumulée de l'État et des hôpitaux. Or, cette hausse se concentre à 75 % au niveau communal, pourtant exempt de transfert de compétences de l'État. La raison est à chercher du côté de l'intercommunalité qui a trop souvent additionné ses effectifs à ceux des communes sans dégager les économies d'échelles attendues.
Face à cette hausse constante des dépenses de fonctionnement, l'autofinancement des collectivités locales stagne. Toute relance de l'investissement local pousse ainsi à l'endettement, comme on le constate ces dernières années, ce qui est très préoccupant dans un contexte de montée des taux.
Je le dis ici très clairement : il m'apparaît dangereux de conserver durablement un tel dynamisme de la dépense locale, et notamment au niveau communal et intercommunal qui n'a pourtant pas été impacté par la décentralisation ces dernières années.
Une nouvelle gouvernance qui associe plus étroitement les collectivités locales aux décisions les concernant.
Mais la nouvelle gouvernance que le Gouvernement appelle de ses voeux ne relève pas d'une vision comptable des finances locales.
S'il est impératif de poser aujourd'hui la question de la soutenabilité du rythme des dépenses locales, cet exercice sur les dépenses ne peut être conduit indépendamment de celui sur les recettes, qu'il s'agisse de la réforme des dotations de l'État ou de celle de la fiscalité locale.
Le Président de la République a appelé de ses voeux une réforme de la taxe professionnelle et une révision des valeurs locatives cadastrales. Je sais que les grandes associations nationales d'élus se sont concertées pour leur part, après l'avis rendu par le Conseil économique et social en décembre dernier, et formulerons leurs propositions sur la réforme de la fiscalité locale dans les semaines qui viennent.
Avec Michèle Alliot-Marie et Christine Lagarde, je serai extrêmement attentif à ces propositions.
Il nous faut en effet bâtir ensemble un système fiscal reposant sur le principe simple de responsabilité et de lisibilité pour que la fiscalité locale soit plus juste et garantisse aux collectivités territoriales les conditions de leur autonomie financière. Une fiscalité locale moderne et plus équitable pourra alors être payée par le contribuable local et ne plus être en prise en charge en grande partie par l'État comme c'est le cas aujourd'hui.
Plusieurs exercices sont devant nous pour tracer les contours de cette nouvelle gouvernance.
La conférence des exécutifs locaux qu'a annoncée le Premier ministre devra être un lieu de débat permanent entre l'État et les représentants des collectivités territoriales sur les orientations à mettre en oeuvre pour donner aux élus locaux les moyens de mieux maîtriser leurs dépenses, dans un sens de plus grande responsabilité. Cette enceinte permettra d'associer les collectivités territoriales aux décisions de l'État qui impactent aujourd'hui les budgets locaux, qu'il s'agisse de la question des normes et autres réglementations inflationnistes ou encore de la question des négociations salariales dans la fonction publique territoriale.
Par ailleurs, dans le cadre de l'exercice de révision générale des politiques publiques, le Premier ministre a chargé M. Alain Lambert , d'une mission de réflexion générale sur le champ local autour de trois thèmes :
comment améliorer les répartitions de compétences pour éviter les chevauchements et les doublons entre l'état et les collectivités territoriales et entre ces dernières?
comment alléger les contraintes que fait peser l'État sur les collectivités territoriales dans l'exercice de leurs compétences et comment mieux les associer aux décisions qui les concerne ?
comment réformer les finances locales pour donner de meilleurs outils de maîtrise de leurs dépenses aux élus locaux et comment associer ceux-ci à la maîtrise globale des finances publiques.
Ces thèmes reprennent, des préoccupations qui ont souvent été évoquées par votre comité. M. Lambert doit rendre son rapport le 15 novembre prochain au comité de modernisation présidé par le président de la République et par le Premier ministre.
Votre comité sera bien entendu lui aussi, un interlocuteur privilégié de l'État sur tous ces sujets et sera associé à la mise en oeuvre des orientations qui seront fixées par le président de la République.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les orientations du projet de loi de finances pour 2008 et les axes de réflexion du gouvernement que je tenais à vous présenter aujourd'hui.
Les idées directrices en sont la responsabilité et la lisibilité.
Responsabilité de l'État dans la maîtrise de ses dépenses comme dans le nécessaire respect de l'autonomie des collectivités locales pour l'exercice de leurs compétences.
Mais aussi responsabilité des collectivités locales, elles mêmes, dans la poursuite de cet effort collectif qui s'impose à notre Nation toute entière pour atteindre les objectifs de redressement de nos finances publiques auxquels elle a souscrit sur la scène internationale.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 27 septembre 2007