Texte intégral
Monsieur le Préfet de la Région de La Réunion,
Monsieur le Député Maire de Saint Denis,
Pendant longtemps, l'écologie s'est écarté de nos préoccupations. L'humanité paye, au prix fort, cette insouciance coupable.
La planète souffre, nous souffrons.
Il y a URGENCE car tous les rapports, toutes les études, toutes les constatations des scientifiques les plus réputés, sont unanimes à démontrer que la dégradation de notre environnement s'est fortement accélérée ces dernières années.
Chacun d'entre nous est source et chacun d'entre nous est victime de la pollution. Pourtant, les comportements individuels et les actions collectives sont lents à s'adapter.
A titre d'exemple, l'année 2007 aura vu la superficie des glaces de mer diminuer d'un million de km², l'équivalent de 2 fois la surface de la métropole. La cause le réchauffement climatique, la cause : l'homme.
Les français associent le plus souvent les questions environnementales et la préservation de leur patrimoine. Ils craignent la dégradation de leur environnement global et parallèlement ils ont des réticences fortes à réduire leur confort. L'individualisme prend toute sa dimension. Nous, les élus, les pouvoirs publics ne pourront agir efficacement que si les mentalités évoluent.
Ce Grenelle marque une évolution salutaire.
Son enjeu est primordial car il vise à définir la vision stratégique et prospective de la France.
Ce n'est pas une énième réunion sur le thème de l'environnement mais une véritable rupture avec les politiques trop frileuses de ces dernières années.
C'est la raison pour laquelle, conformément à son engagement, le Président de la République Nicolas SARKOZY a placé au coeur de ses priorités la protection de l'environnement.
Ce que nous faisons, aujourd'hui, n'est pas une goutte d'eau dans l'océan de l'inconscience collective mais, au contraire, l'aiguillon d'une réaction qui, de la France, doit se propager dans le Monde entier.
Bien souvent, au cours des siècles écoulés la France a montré la voie du progrès, de la modernité. Je suis convaincu que nous portons, aujourd'hui, devant l'humanité toute entière cette responsabilité. A nous, modestement, d'assurer cette mobilisation et cette réaction.
Aujourd'hui, je souhaite vous remercier, vous qui avez animé ces débats et qui avez fait de cette journée une occasion unique de réflexion sur ce thème si urgent, vaste et complexe qu'est l'environnement tant au plan national que local.
Quel Monde voulons-nous dans 10 ans, dans 20 ans, quel Monde désirons-nous léguer à nos enfants ?
Ces questions révèlent plusieurs enjeux essentiels, un enjeu économique d'abord. Dans son rapport de 2006, l'économiste britannique Nicolas STERN a montré que l'inaction pouvait coûter 20 % du PIB mondial par an, quand il suffirait d'investir 1 % de cette même richesse mondiale, dès aujourd'hui, pour apporter une solution au réchauffement climatique.
A Mexico, on estime à 1,5 milliard de dollars par an les pertes économiques imputables aux impacts de la pollution de l'air sur la santé !
A Jakarta, les ménages dépensent plus de 50 millions de dollars pour faire bouillir de l'eau pour boire !
Un enjeu social ensuite.
Nous sommes tous des citoyens, solidaires d'une même terre, d'une même humanité, par delà les conflits d'intérêts entre les peuples, par delà l'opposition entre le nord et le sud.
Les bouleversements climatiques, les catastrophes naturelles qui en découlent, les famines qui se multiplient, menacent aujourd'hui des millions, voire des milliards de vies humaines.
Un enjeu de santé publique enfin.
Qu'il s'agisse de pollution, de la nature ou de l'espace, ces questions ont toutes une dimension de santé publique très forte. L'exposition aux risques et aux pollutions sur certains lieux de travail, l'accès à la consommation, (les nuisances environnementales plus importantes dans les quartiers très urbanisés ou les moins favorisés) créent des déséquilibres majeurs.
Nous ne sommes pas dans le domaine des décisions de court terme, nous travaillons pour l'Après. Nous avons la charge de bâtir un futur dont nous ne verrons peut être pas le présent. Mais peu importe: une société en bonne santé, c'est celle dont le présent est envisageable parce qu'elle vit heureuse dans ses projets.
La santé est un élément majeur du capital social d'un territoire. A ce titre les interactions entre la santé des populations et leur environnement sont de plus en plus préoccupantes.
Nos activités et l'urbanisation croissante ont de multiples impacts sur notre environnement et nous pouvons déjà constater que certains d'entre nous et souvent les plus fragiles en subissent les conséquences. De nombreuses pathologies sont en effet reliées à des causes environnementales.
L'inquiétude quant à l'avenir est devenue collective. C'est une bonne chose.
Devons nous ignorer cette urgence écologique en niant la réalité ou en faisant semblant d'agir ?
Devons nous attendre passivement un accord international avant de prendre à notre tour les mesures nécessaires ?
Devons nous renoncer et invoquer la complexité du sujet pour demeurer simple spectateur et ne pas s'engager ?
A ces questions, la France a décidé de dire NON.
Sans audace, pas d'action,
Sans action, pas d'avenir durable.
Je suis convaincu que cette prise de conscience collective qu'incarne le Grenelle, aboutira à des propositions très pertinentes et très concrètes pour faire changer nos comportements.
Je voudrais, ici, sur l'île de la Réunion, que ces débats aboutissent à des propositions très concrètes.
Je vous le redis, nous sommes tous concernés par l'environnement et nous devons devenir des acteurs de sa préservation. En la matière, il n'y a pas de conflit entre intérêt général et intérêt particulier.
C'est tous ensemble que devons agir. Chaque geste en faveur de l'environnement compte.
Les espaces maritimes français constituent un immense Sanctuaire de 11 millions de km2 et la France a vocation à être un exemple mondial pour la protection de la biodiversité marine.
60% de toutes les espèces de baleine, cachalot, dauphin, phoque ou otarie sont présentes et vivent sous notre protection.
Ces mammifères marins sont parmi les espèces les plus vulnérables, trois d'entre eux figurant aujourd'hui sur la liste des 10 animaux en voie de disparition. Maints accords internationaux existent pour protéger ces mammifères et s'intègrent dans le cadre de la protection internationale de la biodiversité.
Il faut naturellement étendre ces accords, les élargir et les renforcer. Mais pour leur donner toute leur efficacité, il faut entrer dans une phase opérationnelle.
Ses 11 000 000 km2 d'espaces maritimes, qui s'étendent de l'Antarctique à l'atlantique nord en passant par les mers tropicales et la Méditerranée, la France maîtrise et gère la deuxième plus grande surface océanique du monde après les USA.
J'ai souhaité la création d'un Observatoire Biodiversité et Valorisation de l'Espace Maritime Français qui aura une première mission de renforcer et étendre l'expérience des Sanctuaires marins, en protégeant et valorisant toutes les espèces présentes, notre Outre Mer étant d'une richesse exceptionnelle pour les générations présentes et futures.
Ce nouveau modèle de fonctionnement opérationnel de protection et de valorisation doit servir de laboratoire pour toutes nos zones maritimes, en apportant une valeur ajoutée certaine par rapport à l'existant.
Les espaces maritimes français deviendront un Sanctuaire modèle de protection de toutes les espèces marines menacées de disparition.
La France, leader historique de l'océanographie, doit proposer, initier et appliquer une approche pragmatique, concertée, mais surtout opérationnelle pour donner l'exemple et prendre la tête du sauvetage de la planète bleue, en favorisant la coopération internationale, y compris Nord-Sud en faveur d'un développement durable, maîtrisé par le concert des nations.
L'Outre Mer français sera à la pointe de ce combat majeur dans le développement du « new deal » écologique proposé par le Président de la République à l'Assemblée Générale des Nations Unies.
Dans ce vaste élan, l'Outre-mer a toute sa place. Je dirai même qu'il occupe une place primordiale.
Car il contribue pour une large part, à la position privilégiée de la France sur la scène internationale. La richesse de ses terres et de ses eaux permet à notre Nation de siéger dans la quasi totalité des instances internationales de préservation de l'environnement et de porter son message.
Car l'Outre-mer, c'est :
- 97 % de la superficie des eaux maritimes françaises ;
- plus de la moitié des espèces de cétacés et pinnipèdes (phoques, otaries, morses..) existants qui vivent, se nourrissent ou migrent dans cet espace maritime ;
- 98% des vertébrés (380 espèces) et 96% des plantes vasculaires (3 450 espèces) ;
- 100 fois plus de poissons d'eau douce, 60 fois plus d'oiseaux, 26 fois plus de plantes et 3,5 fois plus de mollusques endémiques qu'en métropole;
- 14 des 17 éco-régions françaises ;
- l'un des 15 derniers grands massifs de forêt tropicale non encore fragmenté par les activités humaines ;
- le second lagon du monde.
Cette richesse est incomparable, et constitue un patrimoine unique au monde. Mais elle est fragile. 16.371 espèces animales et végétales sont menacées d'extinction. Les produits et biens issus des ressources biologiques sont nécessaires à nombre d'activités humaines, aussi diverses que l'agriculture, l'activité pharmaceutique, les pâtes et papiers, l'horticulture, le bâtiment et le traitement des ordures.
La vie sur terre dépend également d'une multitude de services écologiques variés, en nombre quasiment infinis, et surtout pour la plupart irremplaçables, qui pourraient disparaître si la biodiversité diminue : à titre d'exemple, il est impossible de remplacer le service de pollinisation des plantes qu'accomplissent les insectes et les oiseaux dans leurs déplacements quotidiens, et qui permet à de nombreuses plantes de se reproduire.
Cette fragilité est d'autant plus sensible dans les outremers que leurs situations présentent des caractéristiques qui leurs sont propres.
Les territoires ultramarins doivent faire face à tous les risques naturels connus, qui sont plus étendus dans leurs occurrences qu'en métropole : cyclones, éruptions volcaniques, séismes, tsunamis, crues torrentielles, inondations, glissements de terrain.
De plus, ces territoires pourraient être rapidement concernés par les conséquences du réchauffement climatique, notamment la montée des eaux marines. En Polynésie française, ceci pourrait conduire à devoir enregistrer les premiers exilés climatiques français.
Enfin, on ne peut nier que ces régions sont parfois très en retard en termes d'infrastructures concourrant à la protection de l'environnement, comme la gestion des déchets et l'assainissement des eaux. Ces problématiques sont d'autant plus aiguës à résoudre que le caractère insulaire de la majorité des outre-mers réduisent l'éventail des solutions possibles qui ne peuvent être mutualisées.
Il en est de même pour la production d'énergie majoritairement axée sur les carburants fossiles qui génèrent un double inconvénient : des rejets de gaz à effets de serre et la multiplication des risques de pollution marines lors du ravitaillement.
On ne peut donc dissocier la protection de la biodiversité de celle de protection des milieux dans lesquelles elle vit. Pour autant, on ne peut sanctuariser à l'extrême et rejeter toute idée de développement économique pour l'Outre-mer.
C'est dire que votre travail d'aujourd'hui revêt une importance capitale. Il va me permettre en effet, d'enrichir le projet de plan d'action Outre-mer que je vais proposer.
Ce projet, je l'ai conçu en fonction des solides atouts que possède l'Outre-mer, de ses potentialités fortes, et de sa situation géographique qui le prédispose à devenir un laboratoire grandeur réelle sur plusieurs sujets. Mon intention est claire : l'Outre-mer doit être une exemple ; il doit devenir la vitrine technologique avancée de la France, dans le domaine écologique.
7 domaines stratégiques ont donc été retenus pour ses collectivités : l'énergie, les déchets, les risques naturels, la gestion des ressources naturelles et de la biodiversité, les activités extractives, le domaine de l'eau et des pollutions, et le domaine de la santé.
Chacun de ces domaines a été décliné en un objectif stratégique défini à l'horizon de 2020, en plusieurs axes d'intervention, qui eux même se déclinent en propositions d'actions.
Ces domaines ont en commun l'impérative nécessité d'améliorer notre économie de la connaissance, et je suis résolument convaincu que l'Outre-mer peut contribuer à cette amélioration.
Qui mieux que vous peut répondre aux grands choix de production énergétique en milieu insulaire, pour ne prendre que ce seul exemple. J'étais hier à St André où j'ai pu constater l'engagement de la Réunion sur la valorisation des déchets verts dans la centrale thermique de bois-rouge, ou sur l'extension de la centrale hydraulique de rivière de l'Est, ou la ferme éolienne de St Rose, ou votre projet de développement de l'énergie solaire. Ces projets ou ces réalisations démontrent votre prise de conscience environnementale à l'égard de ce sujet crucial qu'est l'énergie. Nous avons donc beaucoup à apprendre de votre part, et ce Grenelle est une excellente opportunité de faire entendre votre voix.
Et je pourrais multiplier ces exemples sur bien d'autres sujets. L'essentiel, à mes yeux est cette possibilité unique existant en outre-mer, de dynamiser la recherche universitaire sur bien des domaines touchant à l'environnement.
Ces recherches seront aussi la clé d'un nouveau développement économique de chaque collectivité ultra- marine. Ce sont des nouveaux métiers et donc de nouveaux emplois qui sont en jeu. C'est la création de nouvelles entreprises qui se dessine à moyen terme. C'est une nouvelle affirmation de l'Outre-mer, de ses talents, de ses compétences, de ses savoir-faire, dans une économie mondialisée.
Ce seront aussi de nouvelles filières de formation que nous pourrons proposer à nos jeunes.
S'engager dans cette révolution de la protection de l'environnement, c'est contribuer à maîtriser son avenir, et dessiner un nouveau paysage économique et social de tous les territoires ultra marins.
Cette réunion du Grenelle de l'environnement m'est donc nécessaire pour affiner ce projet, et pour qu'ensemble nous le fassions vivre.
La phase de concertation qui s'est ouverte aujourd'hui, ne s'achève pas ce soir.
Elle va perdurer durant les prochains jours, les prochaines semaines, les prochains mois. C'est bien un processus de dialogue continu qui s'est ouvert aujourd'hui.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 octobre 2007