Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, sur les quatre traits principaux du projet de loi sur la contrefaçon : saisie, prévention, démantèlement des réseaux, réparation du préjudice, à l'Assemblée nationale le 2 octobre 2007.

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Circonstance : Discussion générale du projet de loi de lutte contre la contrefaçon à l'Assemblée nationale le 2 octobre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des lois,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La contrefaçon constitue un fléau majeur pour nos sociétés. L'ampleur, l'expansion, la diversité de ce phénomène nous conduisent à renforcer et adapter régulièrement le dispositif de lutte contre la contrefaçon que la France a mis en place depuis de nombreuses années, et qui a valeur de modèle pour nos partenaires européens.
La contrefaçon est en effet en pleine expansion, quantitative et qualitative : elle représente aujourd'hui jusqu'à 10 % du commerce mondial, pour un montant de profits illicites compris entre 250 et 400 milliards d'euros par an. La contrefaçon ne concerne plus seulement les biens matériels, mais aussi immatériels, comme les créations musicales ou artistiques, qui peuvent être piratées sur Internet. La contrefaçon est enfin en expansion géographique : aux zones désormais « traditionnelles » de la contrefaçon, en Chine, en Thaïlande ou à Taïwan, s'ajoutent désormais des pays comme le Pakistan, ou, plus proche de nous, la Turquie.
Or, la contrefaçon constitue un danger pour nos sociétés et nos économies. Elle est un danger pour la santé et la sécurité des citoyens, à travers par exemple les faux médicaments ou les faux jouets. Elle est un danger pour la recherche et l'innovation de nos entreprises - je vais y revenir dans un instant. Elle favorise le travail clandestin et les réseaux criminels. Elle constitue enfin et surtout un danger pour nos économies : en France, la contrefaçon serait responsable de la perte de 30 000 emplois par an.
Ce triste bilan montre à quel point le renforcement de notre lutte contre la contrefaçon est aujourd'hui indispensable. Ce renforcement doit s'exercer tout d'abord à travers les instances de mobilisation des partenaires publics et privés : j'ai ainsi réuni le Comité National Anti Contrefaçon (CNAC) le 11 septembre dernier, et nous lui avons fixé un programme de travail ambitieux. Je sais que le Président du CNAC, Bernard Brochand, aura à coeur de continuer sa mission avec autant de dynamisme qu'il l'a fait jusqu'à présent.
Mais le renforcement de la lutte contre la contrefaçon passe également par l'amélioration du cadre législatif et réglementaire.
Et tel est justement l'objet, Mesdames et Messieurs les Députés, du projet de loi que je vous présente aujourd'hui. Il vise en effet à transposer et mettre en oeuvre plusieurs textes de droit communautaire, et principalement la directive d'avril 2004 sur le respect des droits de propriété intellectuelle. Ce projet de loi conduira à une plus grande efficacité des services répressifs et judiciaires, et facilitera l'utilisation par les titulaires de droits de propriété intellectuelle des procédures civiles de lutte contre la contrefaçon.
Avant de résumer les principales dispositions de ce projet de loi, je souhaiterais rendre hommage au travail de préparation de grande qualité effectué par la Commission des Lois, dans un calendrier particulièrement contraint. Mes remerciements s'adressent en particulier à M. Philippe Gosselin, que je salue.
Permettez-moi de vous rappeler les quatre traits principaux de ce projet de loi :
- Premièrement, la preuve de la contrefaçon : dans ce domaine, le projet de loi étoffe et améliore la saisie contrefaçon, procédure emblématique de l'efficacité du système français.
- Deuxièmement, la prévention des effets néfastes de la contrefaçon : le projet de loi renforce les mesures provisoires qui peuvent être prononcées à l'encontre des contrefacteurs, et instaure des mesures conservatoires à l'encontre des intermédiaires, notamment de l'Internet. L'autorité judiciaire pourra désormais exiger le rappel des circuits commerciaux pour les marchandises contrefaisantes. Je me félicite d'ailleurs que les débats au Sénat aient conduit à ne plus limiter ces procédures aux contrefaçons commises à l'échelle commerciale. Pour le Gouvernement, la répression de la contrefaçon doit commencer au « premier euro ».
- Troisièmement, le démantèlement des réseaux de la contrefaçon : le projet de loi introduit sur ce point un droit d'information permettant, sous astreinte, d'obtenir des informations sur l'origine des marchandises contrefaisantes et leurs réseaux de distribution. Afin de faciliter ce travail de démantèlement des réseaux mafieux, le Sénat a souhaité d'ailleurs renforcer les pouvoirs d'intervention des douanes et des services judiciaires. Mais nous pouvons, comme le propose le Rapporteur, aller encore plus loin dans ce domaine, en particulier pour ce qui concerne l'échange d'informations entre les services répressifs.
- Quatrièmement, la réparation du préjudice de la contrefaçon : le projet de loi va permettre d'améliorer la réparation due aux titulaires de droits par la prise en compte, dans le calcul des dommages et intérêts, des bénéfices réalisés par le contrefacteur. Cette nouvelle disposition juridique représente un progrès essentiel : comment décourager la contrefaçon, si l''on ne fait pas payer ceux qui en sont responsables ?
La mise en oeuvre concrète de ces innovations procédurales sera facilité par la spécialisation du contentieux de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle : le Sénat a en effet décidé de concentrer le contentieux de la contrefaçon et de la validité des titres de propriété intellectuelle sur un nombre limité de tribunaux de grande instance, ce qui permettra de juger plus efficacement et plus rapidement les affaires de contrefaçon. Je me félicite de cette avancée, qui était attendue par les entreprises et les praticiens depuis de nombreuses années.
Le projet de loi comporte également des dispositions spécifiques au droit de la propriété industrielle applicable aux médicaments : est ainsi prévu l'octroi de licences obligatoires pour les brevets de produits pharmaceutiques destinés à être exportés vers des pays connaissant des problèmes de santé publiques. En traduisant dans notre droit une décision de l'OMC d'août 2003 et un règlement communautaire de mai 2006, le Gouvernement montre son attachement à permettre la fabrication à moindre coût de médicaments en faveur des populations les plus défavorisées, victimes de pandémies.
Naturellement, les médicaments en question continueront à être protégés par brevet. Un équilibre doit en effet être préservé entre les intérêts de nos entreprises sur notre marché national, et les besoins des sociétés en voie de développement. En particulier, ce nouveau dispositif ne doit pas faciliter une réimportation ou commercialisation sur le territoire français de produits sous licence obligatoire destinés initialement à des pays en voie de développement. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir, car le Rapporteur a émis sur ce sujet des propositions opportunes.
Avant de débuter l'examen du projet du Gouvernement, je souhaiterais, Mesdames et messieurs les députés, vous préciser, en quelques mots, comment cet impératif de lutte contre la contrefaçon s'inscrit dans le cadre plus global de notre politique de promotion de l'innovation. Les débats animés que nous avons eus la semaine dernière à l'Assemblée Nationale lors de la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'Accord de Londres l'ont bien montré : la promotion d'un système efficace de défense des droits de propriété intellectuelle au niveau européen est bel et bien indissociable de notre objectif économique de création de richesses et d'emploi.
L'innovation est en effet aujourd'hui le moteur de la croissance des économies. Et la protection de la propriété intellectuelle constitue un facteur déterminant du développement des entreprises, dont dépend la création de valeurs et d'emplois. La propriété industrielle est essentielle : elle permet de protéger et de valoriser les avantages compétitifs des entreprises innovantes, elle favorise les partenariats technologiques, elle représente également la plus grande partie des actifs immatériels des entreprises.
En sens inverse, la contrefaçon détruit l'innovation et prive les entreprises de la possibilité de valoriser leur créativité. Les atteintes portées aux titulaires de droits de propriété intellectuelle réduisent leurs capacités de croissance, leurs moyens d'investissement, elles limitent les créations d'emplois par les entreprises. Cette perte de chiffres d'affaires, de parts de marchés se double souvent d'un préjudice moral, d'une atteinte à l'image particulièrement néfaste à l'activité des entreprises sur le plan international.
Je voudrais aujourd'hui vous citer un exemple concret de ce lien entre innovation et défense des droits de propriété intellectuelle. Vous savez à quel point les industries du luxe illustrent notre créativité, notre faculté d''innovation et notre capacité à créer de la valeur ajoutée. D''après le Comité Colbert, elles représentent un chiffre d''affaires de 20 milliards d''euros réalisé à 82 % à l''étranger et contribuent à l''emploi de 115 000 personnes en France. Or, elles sont particulièrement touchées par ce véritable fléau économique que constitue la contrefaçon, tout simplement parce qu'elles ont réussi à développer des marques, des formes et des dessins mondialement connus. C''est ainsi que les produits de luxe ont représenté au 1er semestre 2007 près de 50 % de la valeur des saisies douanières. La contrefaçon qui les touche limite leur capacité d'innovation et leur faculté de création d'emploi. C''est pourquoi, sans pour autant négliger les autres secteurs d'activité qui sont eux aussi durement frappés, le Gouvernement entend développer les mesures suivantes pour mieux protéger l'industrie du luxe contre l'action des contrefacteurs :
- premièrement, une sensibilisation des consommateurs français sur le territoire national et dans leurs déplacements à l''étranger sur l''infraction que constitue l''achat de produits de luxe contrefaisants ;
- deuxièmement, une mobilisation des services chargés de la répression. Mais nous pouvons encore accroître nos efforts de contrôle dans ce domaine, et, je vous le dis clairement, nous allons le faire ;
- troisièmement, un renforcement de la coopération internationale. Nous allons ainsi réunir dès novembre avec nos homologues le Comité franco-italien, pour améliorer notre action conjointe de lutte contre la contrefaçon.
Je vous cite l'exemple du Comité franco-italien, car la lutte contre la contrefaçon se joue désormais pour l'essentiel au niveau européen et international. La contrefaçon est un phénomène qui par nature défie les frontières : une pratique de plus en plus répandue consiste par exemple, pour échapper aux contrôles, à fractionner les envois en petites quantités, par la voie postale ou le fret express.
C'est la raison pour laquelle, dans nos déplacements à l'international, Christine Lagarde et moi-même veillons à intégrer la contrefaçon dans nos échanges avec nos homologues. Ce fut par exemple le cas lors de mon déplacement aux Emirats, qui constituent comme vous le savez l''un des grands centres mondiaux de transit de contrefaçon. Et je ferai de même lors de mon déplacement à Hong Kong à la fin du mois, avec pour objectif de progresser vers la signature d''un accord douanier entre la France et Hong Kong. Si par extraordinaire je n'accordais pas toute l'importance voulue à ce sujet, les représentants du Comité Colbert, qui m'accompagnent très souvent dans mes déplacements, ne manqueraient d'ailleurs pas de me rappeler la priorité que constitue la lutte contre la contrefaçon pour nos entreprises.
Mesdames et Messieurs les Députés, en présentant ce projet de loi qui garantit aux titulaires de droits des procédures efficaces dans la défense de leurs titres de propriété industrielle, le Gouvernement entend dissuader les contrefacteurs, et assurer la confiance des entreprises dans la défense et l'exploitation commerciale de leurs innovations. En luttant contre la contrefaçon, le Gouvernement entend favoriser l'effort de recherche de notre pays.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 3 octobre 2007