Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "France 2" le 2 octobre 2007, sur le chantier de la rénovation de la fonction publique et sur les prévisions de croissance économique pour 2008.

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Média : France 2

Texte intégral

F. Laborde.- Bonjour à tous. Eh oui, avec E. Woerth, ce matin, nous allons parler justement Fonction publique, comptes publics et budget. Commençons par la Fonction publique. Bonjour. Bonjour. Et merci d'être avec nous ce matin. Hier, vous avez lancé ce grand, grand, grand chantier qui est la rénovation de la Fonction publique, qui est un chantier de longue haleine, si je puis dire, presque un an.

R.- Oui, on a lancé des conférences sur les valeurs de la Fonction publique. C'est quoi un fonctionnaire aujourd'hui ? Vous savez, le statut de la Fonction publique il date de 1946, donc ça fait 60 ans qu'on n'y a pas réfléchi, il faut vraiment réfléchir à tout cela. C'est quoi le service public, quelles sont les valeurs que porte l'engagement d'être au service du public ? Et puis aussi on va parler, tous les lundis on va lancer un nouveau cycle de discussions, du pouvoir d'achat, parce qu'il faut parler du pouvoir d'achat. On va parler des conditions de travail. Moi, je suis très sensible à l'idée qu'il faut, comme dans le privé, de plus en plus évoquer les problèmes de conditions de travail. Et puis aussi le dialogue social, parce qu'il y a un dialogue social qui est très archaïque et les syndicats eux-mêmes en conviennent. Donc, on va aller au fond des choses.

Q.- La Fonction publique, aujourd'hui, c'est 5,2 millions d'agents ?

R.- Oui, sur les trois Fonctions publiques.

Q.- Sur les trois Fonctions publiques.

R.- Hospitalière, Etat et puis collectivités locales.

Q.- Alors, avec des missions qui sont très différentes, parce que même dans la Fonction publique d'Etat, il y en a de très différentes, entre l'Education nationale, la Justice ou l'Intérieur, hospitalière et territoriale, là encore c'est des secteurs tout à fait différents.

R.- Il y a beaucoup de métiers différents et la Fonction publique est organisée, au moins la Fonction publique de l'Etat, en corps. Il y a 500 corps, il y en a eu à une époque 700 ou 900, ce qui donne un sentiment de rigidité, si vous voulez, dans la Fonction publique et le sentiment qu'ont aussi les fonctionnaires. Je pense que c'est un problème pour l'usager mais c'est aussi un vrai problème pour les fonctionnaires eux-mêmes.

Q.- Vous, vous dites « usager », vous ne dites pas « client ».

R.- Je dis « usager », parce que l'on est usager d'un service public...

Q.- Mais les syndicats sont attachés à une terminologie...

R.- Oui, je sais, mais éventuellement, on peut dire ça aussi.

Q.- Ils n'ont pas envie qu'on change « client » pour « usager ».

R.- On peut dire ça aussi, ça veut dire qu'il faut qu'il y ait un rapport de performance, en tout cas, entre le service public et l'usager. Et en même temps, donc, il y a 500 corps, il faut que l'on passe de plus en plus - mais je crois que là-dessus il y aura un consensus, il faut juste que l'on dise comment - à des métiers. Ce qui est très important, c'est de savoir quels sont les métiers de la Fonction publique.

Q.- C'est-à-dire que l'idée c'est de réduire le nombre, justement, de corps ?

R.- Oui, c'est de se dire que ce n'est pas la bonne façon d'organiser aujourd'hui la Fonction publique. Il faut mieux l'organiser par métiers. Alors, on va en discuter, savoir si c'est possible, dans quelles conditions. Nous, on a répertorié 200 métiers à peu près, vous en avez cité un certain nombre, il y a 200 métiers à peu près dans la Fonction publique et 8 ou 9 grandes filières. Par exemple la filière de la sécurité des biens et des personnes, eh bien c'est une filière, c'est un métier en lui-même. Il y a des professions...et les fonctionnaires, je pense, doivent mieux se retrouver dans un métier, qu'ils peuvent faire pour tel ou tel ministère, qu'importe, et donc ça accroît la mobilité. Il faut combattre les rigidités et accroître la mobilité parce que c'est l'intérêt des fonctionnaires, des usagers.

Q.- Et, ils sont demandeurs, les fonctionnaires, d'un changement de statut ou ils freinent des quatre fers ?

R.- Ils sont demandeurs, ils sont réformateurs. D'abord, ils ont le sentiment d'être pas bien considérés dans la société, c'est ce que l'on voit dans les sondages, et donc ils ont envie d'être mieux considérés, et vraiment il faut qu'ils soient mieux considérés. On doit être fier aujourd'hui d'être fonctionnaire et d'être au service du public. C'est un choix que l'on fait, c'est une vocation. Et en même temps, ils ont envie de réforme, ils ont envie de changer, ils n'ont pas envie que l'on change n'importe comment. La Fonction publique a beaucoup changé ces dernières années, ils ont envie de continuer à changer et d'accompagner la société. Eh bien il faut qu'on essaie de le faire, dans la concertation, dans le consensus, mais aussi, vraiment.

Q.- Les syndicats ont quand même des gros points de divergence, à commencer par le pouvoir d'achat. Eux, ils disent qu'ils ont perdu beaucoup, vous, vous dites : « ah ben quand même... ».

R.- C'est vrai.

Q.-...pas vraiment.

R.-...On se chamaille là-dessus. Il y a des chamailleries sur ce type de sujets, où en réalité les organisations syndicales prennent le point d'indice comme valeur essentielle de l'augmentation d'un fonctionnaire, alors que nous, on regarde l'ensemble de la rémunération d'un fonctionnaire. Ça ne donne pas les mêmes résultats si on prend une petite partie ou si on prend l'ensemble de la rémunération. Il faut sortir de ce type de débat qui ne mène à rien. Il n'y a pas, depuis 1998, d'accord salarial dans la Fonction publique. Ce n'est pas acceptable en tant que tel, ce n'est pas moderne comme dialogue social, donc il faut mieux... et pour dialoguer, il faut se mettre d'accord sur la façon dont on mesure, d'une certaine façon, l'augmentation, ce qu'il y a au bout de la feuille de paie. « J'étais l'année dernière fonctionnaire, je suis cette année fonctionnaire, est-ce que j'ai vu ou pas mon traitement augmenter ? »

Q.- Une augmentation.

R.- Et ça, il y a bien eu des augmentations, évidemment, et en 2007 il y a eu une série d'augmentations très importantes.

Q.- Les syndicats avaient annoncé un mouvement de grève pour le 18. Ils le maintiennent, à l'issue de cette première conversation ou pas ?

R.- Non, enfin, si j'ai bien compris, puisque j'ai lu tout cela aussi, donc, les syndicats ont remis une concertation au mois d'octobre et éventuellement d'appeler un mouvement, dont on doit déterminer d'ici le mois de novembre, je verrai bien. Moi, je crois que ce qu'il faut, c'est pouvoir continuer à discuter avec eux, lancer nos discussions de fond, ne pas édulcorer non plus ce qui peut fâcher. S'il y a un problème, il y a un évidemment un problème...

Q.- Ce qui peut fâcher, par exemple, c'est le nombre de fonctionnaires, mais vous allez maintenir, les 23.000 postes non renouvelés, vous les maintenez.

R.- Ce qui peut fâcher c'est... il y a un problème de pouvoir d'achat, comme il y a un problème de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires, comme pour l'ensemble de la société. On ne peut pas dire qu'il y a un problème de pouvoir d'achat dans le privé et pas dans le public. Donc, il y a un problème de pouvoir d'achat dans l'ensemble de la société française, il faut le traiter dans la Fonction publique aussi et j'ai bien l'intention de le traiter. Et puis il y a les effectifs. On va réduire, au fur et à mesure du temps, les effectifs de la Fonction publique d'Etat. Un fonctionnaire sur deux, partant en retraite, n'est pas appelé à être remplacé...


Q.- 23.000.

R.- 23.000 cette année, ce n'est pas tout à fait un sur deux, c'est plutôt un sur trois, et en même temps, il faut réformer les structures mêmes de l'administration et les politiques publiques avec les fonctionnaires.

Q.- Un mot sur le budget. La croissance, dans le budget, est établie à 2,25. C. Lagarde dit que l'on sera peut-être autour de 2, voire en dessous...

R.- C. Lagarde a dit ça pour 2007.

Q.- Oui, et pour 2008, vous pensez qu'on...

R.- Pour 2008, les prévisions de croissance qui seront intégrées au budget - pour faire un budget, il faut avoir une prévision de croissance - c'est 2,25. Il n'y a pas de raison aujourd'hui de considérer qu'on ne les atteindra pas.

Q.- Vous avez parlé d'une réserve de 7 milliards. Vous avez des tiroirs à double fond à Bercy, vous cachez...

R.- Non, non...

Q.-... un peu d'argent, comme ça, partout, tel l'écureuil...

R.- 7 milliards, vous trouvez que c'est un peu ? Non, c'est beaucoup. Non, vous savez que la loi d'organisation des finances publiques, elle permet qu'il y ait une réserve de précaution, ça veut dire qu'un budget c'est une prévision. Donc, quand vous prévoyez, dans votre budget personnel ou dans une entreprise, vous avez une réserve qui permet de faire face aux aléas. Evidemment, on ne sait pas exactement comment les choses vont se faire.

Q.- D'éviter la rigueur, par exemple.

R.- Eh bien de faire face à des dépenses supplémentaires. Un cyclone qui arrive, une augmentation de telle ou telle chose. Si par exemple, je vous prends un exemple, s'il y a plus d'heures supplémentaires, nous, on défiscalise, on décharge...

Q.- Plus d'activités.

R.- Plus d'activités, plus d'heures supplémentaires...

Q.- Plus de croissance.

R.- Plus de croissance..., on va aussi donner plus d'argent à la Sécurité sociale, pour compenser. Il faut bien prévoir tout cela pour ne pas faire en sorte qu'après il y ait une mauvaise surprise sur le solde budgétaire. Donc, c'est vraiment de la bonne gestion et après c'est réparti sur l'ensemble des lignes. L'année dernière, elle était d'à peu près 5 milliards, cette année on va faire à 7, parce que moi je veux de plus en plus sécuriser, il y a déjà trop de déficit, donc il ne faut pas de surprise là-dessus et ça met les gestionnaires de fonds publics, des ministères, sous tension, ils doivent mieux gérer, dans un univers plus contraint. C'est de la bonne gestion.

Q.- Cessions d'actifs : l'an dernier, l'Etat a vendu à peu près 16 milliards de participations...

R.- Oui, à peu près 15 à 16 milliards.

Q.- Cette année, ça sera quoi ? Moins de la moitié ?

R.- Ça sera inférieur, on verra en fin d'année, au bout du compte ce que cela donne, mais ça sera inférieur...

Q.- C'est quoi : 7 milliards ? 6 ?

R.- Non, non, c'est inférieur pour le moment. Les cessions d'actifs, c'est plutôt à C. Lagarde de vous donner les chiffres, mais c'est inférieur à cela. Pour un certain nombre de raisons. D'abord, parce que les marchés financiers ne s'y prêtent pas beaucoup, donc on ne peut vendre des participations que lorsque les marchés financiers sont possibles. Et puis aussi lorsque stratégiquement on considère que c'est une bonne idée, donc d'une année sur l'autre, ça peut beaucoup varier.

Q.- Merci beaucoup d'être venu nous voir ce matin, E. Woerth...

R.- Je vous en prie.

Q.-...de nous avoir parlé Fonction publique et Budget. J'ajoute que... voilà, je voulais vous dire que je portais ce petit badge, parce que c'est aujourd'hui la « Journée mondiale du dépistage du cancer du sein ». Voilà, et c'est pour toutes les dames qui nous regardent. Allez vous faire dépister, c'est important, ça permet d'abord de guérir et ensuite de faire faire des économies sur les soins. Voilà. Et nous, on est très content de vous avoir reçu ce matin. Très bonne journée à vous.

R.- Mais moi aussi. Merci.

Q.- Merci d'être venu et c'est à vous Thierry.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2007