Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
J'accorde une grande importance à notre rencontre d'aujourd'hui. Pour certains d'entre vous, ce n'est pas un premier contact, puisque je me suis déjà exprimée devant les directeurs régionaux au début de l'été. J'ai aussi eu l'occasion de rencontrer plusieurs d'entre vous lors de mes déplacements, et à chaque fois j'ai pu mesurer combien les services déconcentrés de l'Etat jouaient un rôle indispensable auprès des populations.
Ce rôle, je tenais d'abord à vous féliciter pour la façon dont vous l'exercez, en faisant face à des exigences multiples, compte tenu à la fois du nombre important des donneurs d'ordre et d'un contexte de réforme budgétaire et de réforme de l'Etat qui ne simplifie guère l'exercice de vos missions.
Je pense en particulier aux changements opérés sous la précédente législature, qui ont notablement affecté le champ d'exercice de vos missions : la loi de décentralisation d'août 2004, qui a renforcé les compétences sociales des Conseils généraux, la décentralisation du RMI-RMA, ou encore la loi du 11 février 2005 sur le handicap.
1. Mais si j'ai voulu vous rencontrer aujourd'hui, c'est aussi pour vous détailler les grands chantiers qui s'ouvrent et pour lesquels je compte sur vous et sur vos services.
Vous le savez, cette époque de l'année est celle des grandes décisions budgétaires. Le Projet de loi de finances était présenté hier au conseil des ministres et c'est lundi dernier qu'a eu lieu la présentation du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat. Le PLFSS pour 2008 s'inscrit naturellement dans la feuille de route qui nous a été fixée par le Président de la République, tant sur les personnes handicapées que sur les personnes âgées.
L'Objectif global de dépenses médico-social s'établit à 8,05 %. Il se répartit de la façon suivante : 11 % pour les personnes âgées et 5,67 % pour les personnes handicapées.
S'agissant des personnes handicapées, le Président de la République nous a d'abord invités, Xavier Bertrand et moi-même, à mettre en oeuvre un plan quinquennal en faveur des établissements et services pour enfants et adultes handicapés, afin d'améliorer l'offre de places.
Une meilleure offre, c'est d'abord plus de places nouvelles : le PLFSS 2008 constitue un premier pas dans ce sens, avec 2.200 places supplémentaires en établissements et services pour enfants, et plus de 4.900 places nouvelles en établissements et services pour adultes.
S'agissant des enfants, nous avons notamment voulu mettre l'accent sur l'accompagnement à la scolarisation en milieu ordinaire, avec la création de 1 250 places supplémentaires en SESSAD.
Pour les adultes, nous poursuivons trois objectifs : résorber les listes d'attente, développer les solutions de répit pour les familles et permettre le libre choix entre domicile et établissement. Pour cela, nous créons 2 600 places de MAS / FAM, 225 places d'accueil temporaire et 2 100 places de SAMSAH / SSIAD.
Mais il ne s'agit pas seulement de créer plus de places, encore faut-il veiller à leur qualité, notamment en les adaptant à des problématiques aujourd'hui insuffisamment prises en compte : ainsi, je veux que l'effort soit porté en priorité sur le polyhandicap, l'autisme et les troubles graves du comportement. A cet effet, parmi les 2.200 places supplémentaires en établissements et services pour enfants, 300 seront réservées aux enfants autistes, 150 aux enfants polyhandicapés et 300 places seront créées en ITEP.
S'agissant de l'autisme, nous avons d'ailleurs confié, avec Xavier Bertrand, une mission prospective à Patrick Gohet, visant à définir les modalités de prise en charge les plus adaptées aux demandes des familles. Je veux aussi préparer nos établissements au défi du vieillissement des personnes handicapées : nous devons, par conséquent, aider à la médicalisation des foyers de vie : 500 places seront concernées dès 2008.
Second aspect de notre feuille de route dans le domaine du handicap : rendre effectives les ambitions de la loi du 11 février 2005. Le PLFSS 2008 y contribue, à travers l'extension de la prestation de compensation aux enfants. Nous donnons aux familles un droit d'option entre les compléments d'AEEH et la PCH, ce qui permettra aux parents d'enfants lourdement handicapés de bénéficier, dès les prochains mois, d'une meilleure prise en charge des frais qu'ils engagent pour l'accompagnement de leur enfant.
Comme vous le savez, la loi de 2005 a prévu un dispositif d'accompagnement spécifique pour les personnes atteintes d'un handicap psychique à travers la création des groupes d'entraide mutuelle (GEM). En dépit des efforts de la DGAS, des blocages administratifs qui m'irritent profondément ont considérablement retardé la délégation des 20 Meuros de crédits correspondants. Ces délégations vont vous parvenir dès cette fin de semaine. Je demande impérativement aux DRASS de les répartir sans délai entre les DDASS pour que les GEM reçoivent enfin leurs moyens de fonctionnement.
Merci sur ce dossier de montrer que l'Etat déconcentré sait montrer sa réactivité.
S'agissant des personnes âgées, ce PLFSS se donne les moyens de faire davantage pour leur prise en charge, avec 650 millions d'euros de mesures nouvelles.
En permettant aux personnes âgées dépendantes qui le souhaitent de rester à leur domicile aussi longtemps que possible, ce projet de loi de financement poursuit l'effort de création de places de Services et soins infirmiers à domicile (SSIAD). L'accélération amorcée l'année dernière se poursuivra en effet en 2008 : là où les créations de places s'élevaient à environ 4.000 par an entre 2004 et 2006, nous serons en mesure de financer la création de 6.000 places cette année, et le même nombre en 2008.
Favoriser le maintien à domicile implique aussi de développer l'accueil de jour et l'hébergement temporaire, notamment pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. En 2008 seront donc financées 2 125 places d'accueil de jour et 1.125 places d'hébergement temporaire.
Le fait que désormais les frais de transport des personnes vers les accueils de jour sont désormais pris en charge devrait inciter les porteurs de projets à les réaliser concrètement, d'autant que le plan Alzheimer à venir devrait mettre l'accent sur ce type de services. En second lieu, comme le maintien à domicile n'est pas toujours possible pour les personnes âgées les plus dépendantes, nous allons accélérer de manière significative le rythme d'autorisations de création d'établissements, en finançant la création de 7.500 nouvelles places d'EHPAD en 2008 (contre 5.000 cette année) et en poursuivant leur médicalisation ainsi que leur adaptation, notamment architecturale, à l'accueil des personnes atteintes de troubles du comportement. Enfin, la nouvelle tarification permettra de prendre en compte non seulement la charge de travail liée à la dépendance, mais également la charge en soins médicaux et techniques requis par les résidents, avec pour conséquence un renforcement de la présence en personnels auprès des personnes.
Ces moyens nouveaux vont aussi nous permettre de poursuivre l'augmentation des ratios d'encadrement soignant et la diversification des compétences dans les EHPAD, avec la création dans ces établissements d'environ de 10.000 emplois soignants supplémentaires. Il s'agit en effet d'adapter les EHPAD à la prise en charge de la grande dépendance, ce qui n'est pas sans lien avec la volonté du Président de la République de faire de la maladie d'Alzheimer une grande cause nationale de son quinquennat.
Le PLFSS 2008 est également l'occasion de mettre en oeuvre un plan efficace d'activation des réserves de la CNSA pour lever les blocages au développement des services médico-sociaux. Comme l'a évoqué Xavier Bertrand, cette activation prendra la forme d'un soutien financier à l'investissement dans les EHPAD. En effet, la question de l'aide à l'investissement est primordiale :
- d'une part, pour maîtriser le reste à charge des usagers qui atteint un niveau difficilement supportable (plus de 1.500 euros par mois en moyenne pour une retraite moyenne des personnes du 4ème âge d'environ 1.100euros) ;
- d'autre part, pour adapter le bâti aux normes de sécurité et d'incendie et répondre aux attentes croissantes de la population en termes de modernisation et de rénovation de ces établissements.
J'ajoute que l'investissement constitue un enjeu important en termes d'emplois : le plan d'aide à l'investissement 2006 de la CNSA a démontré que 1 euros d'aide génère 4 euros d'investissement. Ainsi, un plan d'au moins 250 millions d'euros permettra 1 milliard d'euros de travaux, soit 15.000 emplois pendant 3 ans. En étendant les mesures d'aides à l'investissement de la CNSA aux places nouvelles, le PLFSS 2008 assure enfin le maintien d'un rythme suffisant de créations de places agréées à l'aide sociale à coté d'un secteur privé commercial dynamique qui bénéficie lui d'autres sources de financement.
Vous le savez, l'ensemble de ces mesures est à replacer dans la perspective des travaux engagés sur le cinquième risque. C'est dans ce cadre que devra s'envisager la poursuite de l'amélioration de la réponse aux besoins des personnes en perte d'autonomie et la solvabilisation de cette réponse.
Sur ce sujet de la dépendance et la maladie d'Alzheimer, le Président de la République s'est exprimé longuement, le 21 septembre dernier, et la remise des propositions de la commission Ménard -prévue au premier novembre- sera suivie d'une phase de débat.
Il s'agit là d'un enjeu majeur pour notre société. Notre pays connaît actuellement une évolution profonde de la longévité et de la dépendance : d'ici 10 ans, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans passera de 1 million à 2 millions. Et nous savons la part que représentent les personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées dans cette population.
C'est d'ailleurs tout le sens du chantier dont nous avons la charge sur le cinquième risque de protection sociale.
Et sur ce point notamment, je sais que votre expérience de proximité de ces questions est irremplaçable, c'est pourquoi je souhaite vous dire aujourd'hui combien je suis intéressée par toute contribution à ces réflexions que pourrait me communiquer la conférence des DRASS et des DDASS..
J'aimerais également dire un mot des conventions tripartites, en commençant par souligner le chemin parcouru, grâce en particulier à l'engagement des services déconcentrés : plus de 450.000 places d'EHPAD sur 600.000 sont maintenant conventionnées, et depuis 2001, ce sont presque 1,4 milliard d'euros qui ont été engagés, et 38.000 emplois soignants, créés. Cependant, le rythme de conventionnement semble marquer le pas, et je tiens à vous dire mon inquiétude face au très faible nombre d'établissements qui ont signé la convention tripartite depuis le début de l'année. Par ailleurs, le déploiement de la tarification « Pathos », qui apporte aux EHPAD d'importants moyens en tenant compte de la charge en soins, est encore très lent et inégal, d'où il résulte que trop de crédits demeurent inemployés dans vos enveloppes, alors même que les besoins sont immenses.
Je sais bien que ces retards ne sont pas seulement de votre fait, et je n'ignore pas les multiples difficultés que vous rencontrez sur le terrain. Face à celles-ci, je tiens précisément à saluer les méthodes employées par certains départements, qui ont déjà achevé le conventionnement initial et se sont engagés résolument sur la tarification Pathos ; et je compte organiser rapidement un échange de bonnes pratiques entre les différents départements. Mais cet échange n'a d'intérêt que s'il est tourné vers l'avenir, c'est-à-dire vers la mise sur pied de missions d'appui auprès des services, afin de débloquer les situations les plus délicates. Mes collaborateurs s'impliqueront naturellement dans ce dispositif, qui pour être efficace, devra associer l'ensemble des partenaires concernés.
J'ajouterai qu'afin d'éviter à l'avenir la non-consommation des enveloppes qui nous pénalise, je dois le souligner dans la préparation des arbitrages budgétaires, je souhaite suivre attentivement l'engagement effectif des moyens sur le terrain. C'est dans cette optique que vous avez fait parvenir à la CNSA vos objectifs de signatures de convention tripartite et de tarification pathos pour la fin 2007 ; et c'est au vu de ces objectifs et de leur mise en oeuvre effective, que seront attribués les moyens, en privilégiant naturellement les départements les plus dynamiques. Vous pouvez compter, dans cet effort, sur le soutien du gouvernement, et nous allons vous donner les outils juridiques permettant d'inciter fortement les établissements non encore signataires à passer leur convention tripartite. C'est dans cet esprit que le PLFSS 2008 prévoit de geler à leur niveau de 2007 les dotations des établissements disposant déjà de crédits d'assurance-maladie, et d'appliquer une tarification forfaitaire d'ordre public aux établissements non médicalisés.
Des instructions seront préparées par la DGAS pour fixer les modalités de mise en oeuvre de ces décisions lorsqu'elles auront été votées par le Parlement.
2. Je veux maintenant aborder devant vous un certain nombre de questions dont je sais qu'elles sont au coeur de vos préoccupations car elles touchent au rôle des DRASS / DDASS et à leur place dans l'administration déconcentrée de demain.
Je l'ai déjà mentionné au début de mon intervention. Un certain nombre de textes se sont traduits par un transfert important de compétences vers les collectivités locales. Et il est vrai que les chantiers ouverts aujourd'hui risquent de ne pas être sans incidence sur l'organisation territoriale de l'Etat.
Tout d'abord, je crois pouvoir dire que ce ministère est au coeur de l'effort de modernisation de l'Etat. Ses politiques vont être passées au crible de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), en novembre 2007 puis en avril 2008. Nous savons d'ores et déjà que le statu quo n'est plus de mise. Ce processus est important car si nous voulons un Etat qui conserve ses missions, il faut que cet Etat soit mieux organisé pour les accomplir. C'est pourquoi je compte m'impliquer personnellement dans cette démarche, avec Xavier Bertrand. En tant que chefs de services déconcentrés, qui avez su mener de nouvelles activités, vous avez toute votre place dans ce processus, et je suis à votre écoute pour envisager avec vous les modalités de mise en oeuvre les plus économes de moyens. Je vous engage à faire preuve d'audace dans les propositions que vous ferez remonter auprès des préfets.
La RGPP s'articule avec la revue d'activités coordonnée par la Secrétaire Générale avec les directions locales et centrales : l'une et l'autre constituent le cadre adéquat pour revoir nos missions et nos process.
Je pense en particulier aux améliorations pouvant découler de la forte interministérialité des politiques dont vous êtes chargés, avec la dispersion des compétences des DDASS et de la DGAS entre plusieurs ministres, à l'articulation entre cette administration et la CNSA, ainsi qu'à l'impact de la création d'un 5ème risque de la protection sociale.
Je pense aussi aux aménagements nécessaires s'agissant des dispositifs actuels ; je rends hommage au travail de fonds engagé par madame Bonnet-Galzy, secrétaire générale sur toutes ces questions d'organisation. Deuxième question, le fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Comme vous le savez, les rapports Blanc et Gohet ont mis en évidence les difficultés de mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005. Je présiderai un comité de suivi de la loi du 11 février 2005. Animé par Patrick Gohet en lien avec l'Association des départements de France, ce comité sera organisé en sous groupes qui travailleront sur les MDPH, la scolarisation des enfants handicapés, l'insertion professionnelle, le suivi des textes à paraître, l'accessibilité. Je souhaite que la conférence des Ddass y soit représentée.
L'une des questions les plus délicates sera de clarifier la question du positionnement et du statut des personnels qui ont vocation à rejoindre les MDPH. Dans cette affaire, j'ai le sentiment que personne ne se satisfait de la situation actuelle. Les conseils généraux regrettent de ne pouvoir assurer la gestion complète de ces agents. Les personnels craignent d'être oubliés dans la gestion de leur carrière professionnelle. Les DDASS sont présentes dans les Commissions départementales de l'autonomie des personnes handicapées sans pouvoir peser sur les décisions d'attribution, notamment celle de l'AAH alors que celle-ci relève du budget de l'Etat.
Nous sommes face à une politique où le partage des compétences n'est pas suffisamment clairement établi. Nous devons saisir l'audit de RGPP sur la gouvernance locale de la politique du handicap ainsi que la réflexion sur le cinquième risque pour résoudre ces contradictions en n'écartant aucune option. Ainsi, je n'écarte pas a priori l'idée de prévoir un droit d'option des personnels leur permettant d'entrée dans la fonction publique territoriale, mais je souhaite aussi que cela puisse se concilier avec un rôle d'expertise, d'évaluation et de stratège de l'Etat au plan local. Rien de cela ne se fera sans concertation.
Se posent également des questions comme celle de l'organisation de nos services autour du préfet, ou de la création des Agences régionales de santé (les ARS), qui aura nécessairement un impact fort sur le champ médico-social. Le comité de pilotage sur les Agences régionales de santé vient tout juste d'être installé par Roselyne Bachelot. Pour notre part, le pôle solidarité veillera à ce que l'éventuelle extension des compétences des ARS sur le secteur médico-social sous réserve d'une régulation très claire entre la ville et l'hôpital, de l'articulation avec la réflexion sur la cinquième branche, du positionnement des départements et des associations dans le dispositif.
En conclusion, j'aimerais vous dire mon engagement total pour assurer la pérennité de politiques que vous menez au quotidien. Cette continuité ne pourra être garantie que dans le cadre d'un Etat modernisé, un Etat qui sait où est sa vraie valeur ajoutée, et qui sait se centrer sur l'élaboration et le pilotage des politiques publiques, mais aussi sur leur suivi et leur évaluation a posteriori.
C'est dans cet esprit que devra être abordé l'ensemble des politiques que vous aurez à mettre en musique sur le terrain, et je me réjouis de pouvoir compter sur votre détermination.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 28 septembre 2007