Texte intégral
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Procureur général, Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Messieurs les représentants des organisations syndicales,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d'intervenir aujourd'hui à l'occasion des 4es rencontres parlementaires sur les prisons. Je veux en remercier les initiateurs : Marylise Lebranchu et vous, Cher Philippe Houillon.
C'est vrai. La prison se réforme, la prison change. Nous ne sommes plus au stade des voeux. Nous ne sommes plus au stade des questions. Nous ne sommes plus au stade de la réflexion. Nous sommes au stade de l'action. La prison se réforme. C'est aujourd'hui une réalité.
La première loi pénitentiaire voulue par Albin Chalandon a été votée il y a plus de vingt ans.
Des travaux parlementaires de qualité ont montré la nécessité de réformer notre système pénitentiaire. Il y a eu les rapports des commissions d'enquête en 2000, l'une de l'Assemblée nationale présidée par Louis Mermaz sur la situation dans les prisons et l'autre du Sénat, présidée par Jean-Jacques Hyest, sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
Des réformes ont été envisagées. Elles n'ont pas abouti.
Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a effectué une visite en France du 27 septembre au 9 octobre 2006. Il nous a fait part d'un certain nombre d'observations. J'entends y répondre de façon concrète.
Dès mon arrivée au ministère de la Justice, j'ai voulu changer les prisons. Je suis allée sur place. J'ai rencontré des surveillants, des directeurs, des personnels d'insertion et de probation, des associations.
Le 11 juillet 2007, j'ai installé un comité d'orientation restreint présidé par Jean-Olivier VIOUT, Procureur général près la Cour d'appel de Lyon. Cette instance a été chargée de réfléchir à l'élaboration d'une nouvelle loi pénitentiaire. Elle regroupe des personnalités d'horizons divers.
Elles n'ont pas toutes la même vision de la prison. C'est en croisant les regards que l'on pourra faire évoluer les choses.
Le comité d'orientation a effectué un immense travail en quelques mois. Il m'a remis 120 propositions. Elles contribuent à alimenter la préparation du projet de loi pénitentiaire. Mes services conduisent en ce moment un important travail interministériel.
Le texte de loi sera présenté au Parlement dans le courant du prochain semestre. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que ce texte réformera en profondeur notre système pénitentiaire. Il n'y aura pas de demi-réforme. Il n'y aura pas de demi-mesure. Ce sera une réforme d'ampleur.
La prison de demain doit respecter davantage la dignité des personnes incarcérées (I).
Elle doit aussi devenir un lieu où se construit l'avenir des personnes incarcérées (II).
I - Il faut que la prison respecte davantage la dignité des personnes incarcérées.
La société a besoin de la sanction. La prison est la sanction ultime.
En même temps, la prison est la rencontre de détresses humaines : on y retrouve souvent des personnes sans repères sociaux, sans travail ni formation. Des personnes qui souffrent de dépendances ou de maladies.
C'est cela, la réalité de la prison. L'administration pénitentiaire ne gère pas des détenus. Elle prend en charge des hommes et des femmes qui accomplissent une peine privative de liberté. Leur privation de liberté doit s'effectuer dans le respect de leur dignité.
1) Le budget pour 2008 nous donne les moyens de mieux respecter la dignité des personnes incarcérées.
Le Parlement vient d'adopter le budget de la Justice. C'est un budget ambitieux. Il reflète la volonté du Gouvernement de moderniser la Justice. Les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire progressent de 6,4 % pour atteindre 2,4 milliards d'euros.
Vous l'avez entendu depuis ce matin : les prisons françaises souffrent de surpopulation et du caractère vétuste de certains établissements.
Actuellement, plus de 61.000 personnes sont incarcérées pour 50.000 places disponibles. Le taux d'occupation dépasse les 120 %. La situation dans les établissements d'Outre-mer est encore plus préoccupante.
Cette surpopulation touche bien évidemment les détenus. Ils souffrent de promiscuité. Leur droit à l'intimité ne peut pas toujours être respecté.
Les personnels des établissements en subissent aussi les effets. Leur travail est plus difficile.
Les tensions avec les détenus sont plus nombreuses. Il faut faire preuve de vigilance à chaque instant.
Cette situation est accentuée dans les établissements les plus anciens. Sur l'ensemble de nos établissements, près de 100 ont été construits avant 1912. Ces bâtiments ne sont plus adaptés aux exigences actuelles. Ils ne permettent plus d'assurer une prise en charge convenable des détenus. Les conditions d'hygiène sont insatisfaisantes.
C'est cette situation qu'a dénoncée le Président Robert Badinter. Il a raison de dire qu'elle est alarmante et parfois indigne de notre République.
Cette situation, nous voulons la changer.
Le budget prévoit la création de 1.100 postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire. Aucune autre administration de l'Etat ne bénéficie d'un tel effort.
Ces créations de postes contribueront notamment à l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires.
L'effort financier portera également sur l'immobilier. Sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes en 2008. Sept autres ouvriront en 2009.
La question de l'encellulement individuel demeure au coeur de nos préoccupations. C'est une question essentielle. Il n'est pas facile d'y répondre. L'encellulement individuel permet d'éviter la promiscuité. Il faut savoir aussi que beaucoup de détenus ne veulent pas être seuls. Je crois que la réponse à cette question doit être pragmatique. Elle passe par la construction de nouvelles places. Elle passe aussi par un meilleur accompagnement des détenus.
C'est pour cela que le Gouvernement a engagé un effort budgétaire significatif.
Mais créer des places en détention ne changera pas tout.
2) Respecter la dignité des détenus, c'est aussi leur reconnaître des droits et des devoirs.
La future loi pénitentiaire tiendra compte de cette nécessité.
Les règles pénitentiaires européennes nous offrent un cadre éthique et une charte d'action. Ces 108 règles contiennent des recommandations relatives aux conditions de détention des personnes détenues. La plupart d'entres elles sont déjà mises en oeuvre par la Direction de l'administration pénitentiaire.
Je pense par exemple à la création des unités de visite familiale pour le maintien des liens familiaux.
Dans ce cadre européen, l'administration pénitentiaire a mis en place un projet de développement des programmes de prévention de la récidive. Ces programmes complètent la prise en charge individuelle. Il s'agit de groupes de parole animés par des conseillers d'insertion et de probation. Ils aident les délinquants à réfléchir aux conséquences de leur conduite criminelle. Ils les amènent à mieux se connaître et à mieux se contrôler. Ces programmes permettent aux détenus de mieux reconnaître et d'éviter les situations qui précèdent le passage à l'acte. Un million d'euros sera consacré en 2008 à la mise en oeuvre expérimentale du dispositif.
La future loi pénitentiaire permettra d'aller encore plus loin. Des mesures concrètes seront prévues. Elles permettront aux personnes privées de liberté de bénéficier de droits élémentaires. Les personnes détenues pourront par exemple élire domicile à l'établissement pénitentiaire.
Cela permettra de faciliter les démarches administratives, notamment pour obtenir des documents d'identité.
La loi pénitentiaire permettra d'améliorer la situation des détenus les plus démunis.
Ces mesures concrètes s'accompagneront d'un meilleur contrôle des conditions de détention. C'est l'objet de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je suis particulièrement fière d'avoir porté ce texte devant le Parlement. Il permettra au contrôleur général d'avoir accès aux 6 000 lieux de privation de liberté. Il pourra s'assurer du respect des droits fondamentaux des personnes.
Le travail de l'administration pénitentiaire est exemplaire. Il s'effectue dans des conditions souvent difficiles. Je souhaite que ce travail s'exerce dans la plus grande transparence. Le décret d'application de la loi est aujourd'hui prêt. Nous sommes en train de le finaliser avec les autres départements ministériels. La création d'un contrôleur général est une grande avancée pour notre pays.
Comme vous le voyez, la prison se réforme. Il n'y a pas que les conditions de la détention qui doivent changer. L'amélioration de la prise en charge des détenus est notre objectif.
II - La prison doit devenir un lieu où se construit l'avenir des personnes incarcérées.
La prison est un temps d'isolement mais aussi un passage. Il arrive un jour où la personne condamnée va sortir de prison. Ce temps doit être utile. Il faut mettre à profit le temps de l'incarcération pour préparer le retour à la liberté.
C'est ainsi que nous pourrons faciliter la réinsertion des détenus et lutter efficacement contre la récidive.
1) Je souhaite tout d'abord que nous développions l'éducation, la formation et le travail en prison. Ce sera l'une des priorités de la loi pénitentiaire.
Cette loi reconnaîtra un véritable droit à l'insertion. Chaque détenu pourra bénéficier d'un parcours de mobilisation. Ces parcours offriront une remise à niveau scolaire. Ils proposeront également des formations professionnelles. Un repérage des détenus non francophones ou illettrés sera également assuré dans les établissements.
Une allocation égale à 15 % du RMI sera versée aux détenus les plus démunis qui suivent ces parcours. Toutes ces mesures sont à l'étude.
S'agissant du travail en détention, il faut le développer.
Chez certains de nos voisins européens, les détenus ont l'obligation de travailler. C'est le cas en Grande-Bretagne et en Allemagne. En pratique, ce n'est pas toujours possible. Ce principe se heurte souvent aux contraintes de la détention et aux réalités économiques.
La loi pénitentiaire incitera au travail des détenus. Des conventions seront passées entre l'administration pénitentiaire, les établissements et les partenaires. Les conditions de travail et de rémunération seront fixées par un acte qui établira un lien entre le chef d'établissement et la personne détenue. Nous y travaillons actuellement.
Je souligne à cette occasion le rôle essentiel que jouent les associations en matière de formation et d'apprentissage. Leur action complète celle des éducateurs et des collectivités locales. Leur concours est précieux.
2) Nous devons également développer les soins lors de la détention. Il faut que le temps passé en prison soit mis à profit pour se soigner. 24 000 détenus seraient atteints de troubles psychiatriques ou de dépression.
La loi du 18 janvier 1994 a été une réforme d'ensemble des soins en détention.
Elle a reconnu aux détenus un accès aux soins. Chaque établissement dispose d'une unité de consultation et de soins. 26 services régionaux permettent une prise en charge des pathologies psychiatriques.
La loi d'orientation et de programmation pour la Justice a créé les unités hospitalières spécialement aménagées. Elles sont destinées à accueillir, avec ou sans leur consentement, les détenus atteints de troubles mentaux. Ce sont des unités hospitalières implantées en établissement de santé. Les premières créations interviendront en 2009. Les lois du 5 mars 2007 et du 10 août 2007 ont également renforcé l'incitation aux soins.
L'offre de soins en détention a progressé.
Pourtant, en fin de peine, certains détenus sont encore particulièrement dangereux. Nous avons la crainte d'un nouveau passage à l'acte. Plusieurs rapports parlementaires se sont succédés sur la question de la dangerosité : le rapport du député Jean-Paul Garraud, le rapport des sénateurs Philippe Goujon et Charles Gautier.
Tous ces rapports ont conclu à la nécessité de mettre en place un dispositif permettant d'écarter de la société les délinquants les plus dangereux.
C'est l'objet du projet de loi sur la rétention de sûreté que j'ai présenté mardi à la commission des lois de l'Assemblée nationale. Les auteurs de crimes contre les enfants pourront être placés en centre fermé lorsqu'ils seront estimés encore dangereux : ce sont les centres socio-médico-judiciaire.
Les personnes y bénéficieront, de façon permanente, d'une prise en charge médicale et sociale. Leur situation sera réexaminée chaque année. Quand la rétention prendra fin, la personne pourra être soumise à des obligations particulières. Elle pourra être placée sous surveillance électronique mobile. Une injonction de soins pourra être ordonnée.
En cas de manquement à ces obligations, la personne pourra faire l'objet d'une nouvelle mesure de rétention. C'est un dispositif ambitieux. Il protégera mieux nos concitoyens.
3) Pour préparer l'avenir, il faut enfin mettre en place une politique ambitieuse d'aménagement des peines. Il faut éviter les « sorties sèches ». A l'heure actuelle, 10 % des personnes condamnées bénéficient d'un aménagement de peine. C'est 39 % de plus depuis un an.
2 307 personnes sont placées sous bracelet électronique ; 1 724 personnes sont sous le régime de la semi-liberté et 800 en placements extérieurs. Il faut aller plus loin.
Je souhaite notamment développer les libérations conditionnelles. Au cours du 1er semestre 2007, le nombre de libérations conditionnelles a augmenté de 6 % (3 113 contre 2 937 pour la même période de 2006).
En 2008, le budget du ministère de la Justice consacrera également 5,4 millions d'euros au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles. 3 000 bracelets seront disponibles.
Le décret du 16 novembre 2007 facilite les aménagements de peine. Il assouplit le régime des permissions de sorties pour favoriser la recherche d'un logement ou d'un emploi.
Enfin un million d'euros sera destiné au financement des associations qui accueillent des détenus.
Je salue à cette occasion l'action des associations qui accompagnent les condamnés tout au long de la mesure d'aménagement. Elles font un travail formidable. Nous leur devons beaucoup.
Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, la prison se réforme. C'est une réalité. Il y a encore beaucoup à faire. Vous pouvez compter sur ma détermination pour poursuivre l'effort engagé.
Je souhaite aussi pouvoir compter sur vous dans cet effort. La réforme des prisons ne doit pas être partisane. Elle ne doit pas se heurter à des considérations politiciennes. Je serai heureuse qu'elle puisse se faire de façon consensuelle.
La loi pénitentiaire reflétera la vison que la Nation a de ses prisons. Je souhaite qu'un véritable débat national ait lieu. Je souhaite que les parlementaires y prennent toute leur place et que les associations s'y expriment.
Nous sommes à l'aube de grands changements.
La loi pénitentiaire sera le fondement d'une nouvelle politique pénitentiaire. Elle façonnera notre conception de la détention pour les années à venir.
Elle sera l'image de la France, protectrice universelle des droits individuels.
C'est un moment important. Ne le manquons pas.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 14 décembre 2007
Monsieur le Procureur général, Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Messieurs les représentants des organisations syndicales,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d'intervenir aujourd'hui à l'occasion des 4es rencontres parlementaires sur les prisons. Je veux en remercier les initiateurs : Marylise Lebranchu et vous, Cher Philippe Houillon.
C'est vrai. La prison se réforme, la prison change. Nous ne sommes plus au stade des voeux. Nous ne sommes plus au stade des questions. Nous ne sommes plus au stade de la réflexion. Nous sommes au stade de l'action. La prison se réforme. C'est aujourd'hui une réalité.
La première loi pénitentiaire voulue par Albin Chalandon a été votée il y a plus de vingt ans.
Des travaux parlementaires de qualité ont montré la nécessité de réformer notre système pénitentiaire. Il y a eu les rapports des commissions d'enquête en 2000, l'une de l'Assemblée nationale présidée par Louis Mermaz sur la situation dans les prisons et l'autre du Sénat, présidée par Jean-Jacques Hyest, sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
Des réformes ont été envisagées. Elles n'ont pas abouti.
Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a effectué une visite en France du 27 septembre au 9 octobre 2006. Il nous a fait part d'un certain nombre d'observations. J'entends y répondre de façon concrète.
Dès mon arrivée au ministère de la Justice, j'ai voulu changer les prisons. Je suis allée sur place. J'ai rencontré des surveillants, des directeurs, des personnels d'insertion et de probation, des associations.
Le 11 juillet 2007, j'ai installé un comité d'orientation restreint présidé par Jean-Olivier VIOUT, Procureur général près la Cour d'appel de Lyon. Cette instance a été chargée de réfléchir à l'élaboration d'une nouvelle loi pénitentiaire. Elle regroupe des personnalités d'horizons divers.
Elles n'ont pas toutes la même vision de la prison. C'est en croisant les regards que l'on pourra faire évoluer les choses.
Le comité d'orientation a effectué un immense travail en quelques mois. Il m'a remis 120 propositions. Elles contribuent à alimenter la préparation du projet de loi pénitentiaire. Mes services conduisent en ce moment un important travail interministériel.
Le texte de loi sera présenté au Parlement dans le courant du prochain semestre. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que ce texte réformera en profondeur notre système pénitentiaire. Il n'y aura pas de demi-réforme. Il n'y aura pas de demi-mesure. Ce sera une réforme d'ampleur.
La prison de demain doit respecter davantage la dignité des personnes incarcérées (I).
Elle doit aussi devenir un lieu où se construit l'avenir des personnes incarcérées (II).
I - Il faut que la prison respecte davantage la dignité des personnes incarcérées.
La société a besoin de la sanction. La prison est la sanction ultime.
En même temps, la prison est la rencontre de détresses humaines : on y retrouve souvent des personnes sans repères sociaux, sans travail ni formation. Des personnes qui souffrent de dépendances ou de maladies.
C'est cela, la réalité de la prison. L'administration pénitentiaire ne gère pas des détenus. Elle prend en charge des hommes et des femmes qui accomplissent une peine privative de liberté. Leur privation de liberté doit s'effectuer dans le respect de leur dignité.
1) Le budget pour 2008 nous donne les moyens de mieux respecter la dignité des personnes incarcérées.
Le Parlement vient d'adopter le budget de la Justice. C'est un budget ambitieux. Il reflète la volonté du Gouvernement de moderniser la Justice. Les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire progressent de 6,4 % pour atteindre 2,4 milliards d'euros.
Vous l'avez entendu depuis ce matin : les prisons françaises souffrent de surpopulation et du caractère vétuste de certains établissements.
Actuellement, plus de 61.000 personnes sont incarcérées pour 50.000 places disponibles. Le taux d'occupation dépasse les 120 %. La situation dans les établissements d'Outre-mer est encore plus préoccupante.
Cette surpopulation touche bien évidemment les détenus. Ils souffrent de promiscuité. Leur droit à l'intimité ne peut pas toujours être respecté.
Les personnels des établissements en subissent aussi les effets. Leur travail est plus difficile.
Les tensions avec les détenus sont plus nombreuses. Il faut faire preuve de vigilance à chaque instant.
Cette situation est accentuée dans les établissements les plus anciens. Sur l'ensemble de nos établissements, près de 100 ont été construits avant 1912. Ces bâtiments ne sont plus adaptés aux exigences actuelles. Ils ne permettent plus d'assurer une prise en charge convenable des détenus. Les conditions d'hygiène sont insatisfaisantes.
C'est cette situation qu'a dénoncée le Président Robert Badinter. Il a raison de dire qu'elle est alarmante et parfois indigne de notre République.
Cette situation, nous voulons la changer.
Le budget prévoit la création de 1.100 postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire. Aucune autre administration de l'Etat ne bénéficie d'un tel effort.
Ces créations de postes contribueront notamment à l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires.
L'effort financier portera également sur l'immobilier. Sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes en 2008. Sept autres ouvriront en 2009.
La question de l'encellulement individuel demeure au coeur de nos préoccupations. C'est une question essentielle. Il n'est pas facile d'y répondre. L'encellulement individuel permet d'éviter la promiscuité. Il faut savoir aussi que beaucoup de détenus ne veulent pas être seuls. Je crois que la réponse à cette question doit être pragmatique. Elle passe par la construction de nouvelles places. Elle passe aussi par un meilleur accompagnement des détenus.
C'est pour cela que le Gouvernement a engagé un effort budgétaire significatif.
Mais créer des places en détention ne changera pas tout.
2) Respecter la dignité des détenus, c'est aussi leur reconnaître des droits et des devoirs.
La future loi pénitentiaire tiendra compte de cette nécessité.
Les règles pénitentiaires européennes nous offrent un cadre éthique et une charte d'action. Ces 108 règles contiennent des recommandations relatives aux conditions de détention des personnes détenues. La plupart d'entres elles sont déjà mises en oeuvre par la Direction de l'administration pénitentiaire.
Je pense par exemple à la création des unités de visite familiale pour le maintien des liens familiaux.
Dans ce cadre européen, l'administration pénitentiaire a mis en place un projet de développement des programmes de prévention de la récidive. Ces programmes complètent la prise en charge individuelle. Il s'agit de groupes de parole animés par des conseillers d'insertion et de probation. Ils aident les délinquants à réfléchir aux conséquences de leur conduite criminelle. Ils les amènent à mieux se connaître et à mieux se contrôler. Ces programmes permettent aux détenus de mieux reconnaître et d'éviter les situations qui précèdent le passage à l'acte. Un million d'euros sera consacré en 2008 à la mise en oeuvre expérimentale du dispositif.
La future loi pénitentiaire permettra d'aller encore plus loin. Des mesures concrètes seront prévues. Elles permettront aux personnes privées de liberté de bénéficier de droits élémentaires. Les personnes détenues pourront par exemple élire domicile à l'établissement pénitentiaire.
Cela permettra de faciliter les démarches administratives, notamment pour obtenir des documents d'identité.
La loi pénitentiaire permettra d'améliorer la situation des détenus les plus démunis.
Ces mesures concrètes s'accompagneront d'un meilleur contrôle des conditions de détention. C'est l'objet de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je suis particulièrement fière d'avoir porté ce texte devant le Parlement. Il permettra au contrôleur général d'avoir accès aux 6 000 lieux de privation de liberté. Il pourra s'assurer du respect des droits fondamentaux des personnes.
Le travail de l'administration pénitentiaire est exemplaire. Il s'effectue dans des conditions souvent difficiles. Je souhaite que ce travail s'exerce dans la plus grande transparence. Le décret d'application de la loi est aujourd'hui prêt. Nous sommes en train de le finaliser avec les autres départements ministériels. La création d'un contrôleur général est une grande avancée pour notre pays.
Comme vous le voyez, la prison se réforme. Il n'y a pas que les conditions de la détention qui doivent changer. L'amélioration de la prise en charge des détenus est notre objectif.
II - La prison doit devenir un lieu où se construit l'avenir des personnes incarcérées.
La prison est un temps d'isolement mais aussi un passage. Il arrive un jour où la personne condamnée va sortir de prison. Ce temps doit être utile. Il faut mettre à profit le temps de l'incarcération pour préparer le retour à la liberté.
C'est ainsi que nous pourrons faciliter la réinsertion des détenus et lutter efficacement contre la récidive.
1) Je souhaite tout d'abord que nous développions l'éducation, la formation et le travail en prison. Ce sera l'une des priorités de la loi pénitentiaire.
Cette loi reconnaîtra un véritable droit à l'insertion. Chaque détenu pourra bénéficier d'un parcours de mobilisation. Ces parcours offriront une remise à niveau scolaire. Ils proposeront également des formations professionnelles. Un repérage des détenus non francophones ou illettrés sera également assuré dans les établissements.
Une allocation égale à 15 % du RMI sera versée aux détenus les plus démunis qui suivent ces parcours. Toutes ces mesures sont à l'étude.
S'agissant du travail en détention, il faut le développer.
Chez certains de nos voisins européens, les détenus ont l'obligation de travailler. C'est le cas en Grande-Bretagne et en Allemagne. En pratique, ce n'est pas toujours possible. Ce principe se heurte souvent aux contraintes de la détention et aux réalités économiques.
La loi pénitentiaire incitera au travail des détenus. Des conventions seront passées entre l'administration pénitentiaire, les établissements et les partenaires. Les conditions de travail et de rémunération seront fixées par un acte qui établira un lien entre le chef d'établissement et la personne détenue. Nous y travaillons actuellement.
Je souligne à cette occasion le rôle essentiel que jouent les associations en matière de formation et d'apprentissage. Leur action complète celle des éducateurs et des collectivités locales. Leur concours est précieux.
2) Nous devons également développer les soins lors de la détention. Il faut que le temps passé en prison soit mis à profit pour se soigner. 24 000 détenus seraient atteints de troubles psychiatriques ou de dépression.
La loi du 18 janvier 1994 a été une réforme d'ensemble des soins en détention.
Elle a reconnu aux détenus un accès aux soins. Chaque établissement dispose d'une unité de consultation et de soins. 26 services régionaux permettent une prise en charge des pathologies psychiatriques.
La loi d'orientation et de programmation pour la Justice a créé les unités hospitalières spécialement aménagées. Elles sont destinées à accueillir, avec ou sans leur consentement, les détenus atteints de troubles mentaux. Ce sont des unités hospitalières implantées en établissement de santé. Les premières créations interviendront en 2009. Les lois du 5 mars 2007 et du 10 août 2007 ont également renforcé l'incitation aux soins.
L'offre de soins en détention a progressé.
Pourtant, en fin de peine, certains détenus sont encore particulièrement dangereux. Nous avons la crainte d'un nouveau passage à l'acte. Plusieurs rapports parlementaires se sont succédés sur la question de la dangerosité : le rapport du député Jean-Paul Garraud, le rapport des sénateurs Philippe Goujon et Charles Gautier.
Tous ces rapports ont conclu à la nécessité de mettre en place un dispositif permettant d'écarter de la société les délinquants les plus dangereux.
C'est l'objet du projet de loi sur la rétention de sûreté que j'ai présenté mardi à la commission des lois de l'Assemblée nationale. Les auteurs de crimes contre les enfants pourront être placés en centre fermé lorsqu'ils seront estimés encore dangereux : ce sont les centres socio-médico-judiciaire.
Les personnes y bénéficieront, de façon permanente, d'une prise en charge médicale et sociale. Leur situation sera réexaminée chaque année. Quand la rétention prendra fin, la personne pourra être soumise à des obligations particulières. Elle pourra être placée sous surveillance électronique mobile. Une injonction de soins pourra être ordonnée.
En cas de manquement à ces obligations, la personne pourra faire l'objet d'une nouvelle mesure de rétention. C'est un dispositif ambitieux. Il protégera mieux nos concitoyens.
3) Pour préparer l'avenir, il faut enfin mettre en place une politique ambitieuse d'aménagement des peines. Il faut éviter les « sorties sèches ». A l'heure actuelle, 10 % des personnes condamnées bénéficient d'un aménagement de peine. C'est 39 % de plus depuis un an.
2 307 personnes sont placées sous bracelet électronique ; 1 724 personnes sont sous le régime de la semi-liberté et 800 en placements extérieurs. Il faut aller plus loin.
Je souhaite notamment développer les libérations conditionnelles. Au cours du 1er semestre 2007, le nombre de libérations conditionnelles a augmenté de 6 % (3 113 contre 2 937 pour la même période de 2006).
En 2008, le budget du ministère de la Justice consacrera également 5,4 millions d'euros au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles. 3 000 bracelets seront disponibles.
Le décret du 16 novembre 2007 facilite les aménagements de peine. Il assouplit le régime des permissions de sorties pour favoriser la recherche d'un logement ou d'un emploi.
Enfin un million d'euros sera destiné au financement des associations qui accueillent des détenus.
Je salue à cette occasion l'action des associations qui accompagnent les condamnés tout au long de la mesure d'aménagement. Elles font un travail formidable. Nous leur devons beaucoup.
Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, la prison se réforme. C'est une réalité. Il y a encore beaucoup à faire. Vous pouvez compter sur ma détermination pour poursuivre l'effort engagé.
Je souhaite aussi pouvoir compter sur vous dans cet effort. La réforme des prisons ne doit pas être partisane. Elle ne doit pas se heurter à des considérations politiciennes. Je serai heureuse qu'elle puisse se faire de façon consensuelle.
La loi pénitentiaire reflétera la vison que la Nation a de ses prisons. Je souhaite qu'un véritable débat national ait lieu. Je souhaite que les parlementaires y prennent toute leur place et que les associations s'y expriment.
Nous sommes à l'aube de grands changements.
La loi pénitentiaire sera le fondement d'une nouvelle politique pénitentiaire. Elle façonnera notre conception de la détention pour les années à venir.
Elle sera l'image de la France, protectrice universelle des droits individuels.
C'est un moment important. Ne le manquons pas.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 14 décembre 2007