Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la classification du cyclone Dean en catastrophe naturelle, les aides à la reconstruction des filières agricole et touristique, le projet de développement régional de la Guadeloupe et sur l'annonce d'un plan d'action pour la lutte contre la pollution des sols par les pesticides, Basse-Terre le 4 janvier 2008.

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Circonstance : Visite en Guadeloupe et à la Martinique du 3 au 5 janvier 2008-déclaration à Basse-Terre (Guadeloupe) le 4

Texte intégral

Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les magistrats,
Mesdames et messieurs les chefs de service,
J'avais promis, lors de ma visite avec Christian Estrosi au mois d'août, de revenir avant la fin de l'année 2007 pour vérifier que les engagements de l'Etat, s'agissant des dégâts commis par le cyclone Dean, avaient bien été tenus. Je suis obligé de reconnaître que je n'ai pas parfaitement respecté mes engagements puisque l'année 2007 est terminée. Mais, en même temps, en venant au début de l'année 2008, ça me donne l'occasion, d'abord, de vous souhaiter à tous une excellente année, mais ça me donne aussi l'occasion de vous démontrer, en commençant au fond l'année politique par un voyage en Guadeloupe et en Martinique, l'importance que le Gouvernement accorde à l'outre-mer et en particulier à la Guadeloupe et à la Martinique.
Je ne suis pas venu tout seul puisque je suis venu avec quatre excellents ministres.
Michel Barnier, le ministre de l'Agriculture, qui fait aujourd'hui un travail remarquable pour préparer la révision de la politique agricole commune et qui a pour lui l'immense avantage d'avoir une longue expérience politique, mais en même temps d'avoir été commissaire européen, ce qui nous donne aujourd'hui une force considérable pour préparer cette mutation si importante de la politique agricole commune.
Avec Christian Estrosi, que je n'ai pas besoin de vous présenter, qui ne ménage pas sa peine pour être en permanence à l'écoute de l'outre-mer, à tel point d'ailleurs qu'on ne sait jamais où il est. Je pense que rarement un ministre de l'Outre-Mer a été aussi actif et aussi présent.
Avec Luc Chatel, qui vient de faire voter par le Parlement une loi très importante pour favoriser la concurrence et faire pression sur des situations, parfois, en matière de fixation de prix qui ne sont pas normales et qui sont liées à des protections, à des monopoles, à des vieilles habitudes dont on a oublié les raisons, mais dont les dégâts sur l'augmentation des prix sont bien réels.
Puis enfin, je suis heureux d'avoir avec moi le ministre des Sports, Bernard Laporte. Lui aussi, je n'ai pas besoin de vous le présenter, c'est une figure médiatique. Il est au service de la politique du sport dans notre pays et j'ai voulu qu'il vienne avec moi, ici, notamment pour parler avec vous de tous les sujets importants en termes d'équipements et en termes de pratiques sportives des jeunes Guadeloupéens.
L'année 2007 n'aura pas beaucoup épargné les Antilles, du cyclone Dean à l'épidémie de dingue en passant par le séisme ou le terrible incendie de Pointe-à-Pitre. Je veux, avec tout le Gouvernement et avec le président de la République, vous dire que j'ai une pensée pour tous ceux qui ont souffert de ces éléments douloureux.
Je veux aussi saluer les hommes et les femmes de tous les services publics qui se sont mobilisés avec beaucoup de dévouement pour protéger nos concitoyens. On a l'habitude d'être souvent critique avec les services publics, ils n'en font jamais assez, la vérité c'est que lorsqu'on a besoin d'eux - et on vient encore de le constater avec ces évènements dramatiques - ils sont là avec tout le professionnalisme qu'on peut en attendre. Je veux leur dire que le Gouvernement est fier d'eux.
Aujourd'hui, je vous l'ai dit, je viens vérifier que les mesures pour effacer les conséquences du cyclone Dean ont été mises en oeuvre conformément aux engagements que j'avais pris ici le 23 août et à ceux du président de la République lorsqu'il a reçu tous les élus antillais à l'Elysée. Même si la Guadeloupe n'a pas été, heureusement, aussi touchée que la Martinique, elle a subi des dégâts importants. La mission interministérielle dépêchée très rapidement sur place les a évalués à 54 millions d'euros. Ce montant justifiait des mesures rapides d'aides dans le cadre de la solidarité nationale et de la solidarité européenne.
Tout d'abord, l'état de catastrophe naturelle a été constaté pour 21 communes de Guadeloupe. Le coût du cyclone pour les sociétés d'assurance est estimé à près de 200 millions d'euros pour les deux départements. Plus de la moitié de cette somme sera prise en charge par les pouvoirs publics à travers la Caisse centrale de réassurance. Le fonds de secours, géré par le secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, qui est l'expression de la solidarité nationale, nous a permis d'indemniser les particuliers, les entreprises à caractère familial et les collectivités territoriales.
J'avais fixé à 3 mois le délai d'engagement de ce fonds de secours. Ces délais ont été tenus grâce à la mobilisation exceptionnelle de tous les services. Le fonds de secours est intervenu en Guadeloupe à hauteur de 9 millions d'euros ; plus de 1 000 exploitants agricoles pêcheurs ou aquaculteurs, entreprises et particuliers, ont été indemnisés. Les collectivités ont obtenu, quant à elles, une aide de 4,5 millions d'euros pour plus de 150 dossiers acceptés.
Avec Michel Barnier, qui est venu lui-même sur place, nous avons porté une attention particulière à l'ensemble des filières agricoles. A notre demande, la Commission européenne a accepté de verser par anticipation l'avance de 50 % des aides du programme d'option spécifique pour l'éloignement et l'insularité.
Des aides du ministère de l'Agriculture et de la Pêche ont permis de soutenir plus de 200 exploitations agricoles, les échéances des avances accordées à la filière banane ont été repoussées. Nous avons aussi accordé une attention toute particulière à la filière tourisme. Sous l'impulsion de Luc Chatel, des actions de relance de la destination ont notamment été lancées avec le soutien de l'Etat à hauteur de 2,4 millions d'euros. Enfin, comme prévu, un dossier de demande d'intervention du fonds de solidarité de l'Union européenne a été transmis à la Commission européenne.
Le Gouvernement a donc tenu ses engagements.
Cette action a été aussi éminemment partenariale. Je veux ici souligner le rôle déterminant, monsieur le président, du conseil régional, du conseil général et de chacune des communes.
Le Gouvernement, je le disais, a tenu ses engagements sur Dean, je veux aussi dire qu'il a tenu ses engagements pour la mise en place des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Elles auront les ressources nécessaires à l'exercice de leurs compétences et je m'y engage : ce sera neutre pour la région et pour le département de la Guadeloupe.
C'était l'objet de l'article 104 de la loi de finances rectificative qui répond ainsi à la préoccupation des élus. Il fixe un dispositif provisoire qu'il faudra de manière partenariale préciser.
Je disais, mesdames et messieurs, que l'Etat avait tenu ses engagements. Vous avez bien voulu, monsieur le président du conseil régional, rappeler qu'avant d'avoir la charge de conduire le Gouvernement de notre pays, j'avais eu des responsabilités locales : maire pendant 20 ans, président de conseil général, président de conseil régional. Alors, ça me permet de vous dire avec beaucoup de tranquillité que le désengagement de l'Etat, c'est quand même une vieille rengaine. Cela fait 25 ans que j'entends parler du désengagement de l'Etat.
Franchement, si l'Etat se désengageait depuis 25 ans, il ne resterait pas grand-chose dans les aides qu'il apporte aux collectivités locales. Non, la réalité, c'est que, depuis 25 ans, l'Etat n'a cessé d'augmenter ses concours aux collectivités locales et singulièrement aux collectivités d'outre-mer. Alors, naturellement, ça ne permet pas de répondre à tous les besoins ; et il y a, s'agissant des collectivités d'outre-mer, des besoins spécifiques qui doivent être pris en compte. Il y a des handicaps qui nécessitent un effort particulier, il y a aussi des retards qui ont été accumulés, je pense au plan sur la lutte contre les séismes. Cela fait deux ans qu'il y a des choses qui se sont faites et cela ne fait pas seulement deux ans qu'on sait qu'il y avait des risques de séisme en Guadeloupe et en Martinique.
Donc, il est normal que le président du conseil régional et que le président du conseil général et tous les élus que vous êtes ici réclament des aides supplémentaires de l'Etat. Mais, il est normal aussi que le Premier ministre dise que l'Etat ne peut pas continuer à emprunter pour payer les dépenses de fonctionnement. Ça c'est un point sur lequel moi je ne transigerai pas, je vous le dis : il faut avant la fin du quinquennat que nous ayons retrouvé une situation d'équilibre budgétaire comme d'ailleurs tous les grands pays modernes.
Nous sommes l'un des seuls pays aujourd'hui parmi les pays de l'Union européenne, en particulier en tout cas dans la zone euro, qui a gardé l'habitude de voter des budgets en déséquilibre. Ça fait 33 ans que la France a des budgets en déséquilibre. Ça veut dire que tous les jeunes Français qui ont moins de 33 ans n'ont jamais vu un budget en équilibre, donc ils pensent que ça peut toujours durer. Ceux qui ont plus de 33 ans, ils se disent que si ça a duré 33 ans, ça peut bien durer encore quelques années.
Il faut maintenant que nous nous engagions ensemble l'effort qui nous permettra de retrouver l'équilibre budgétaire, ce qui donnera d'ailleurs beaucoup plus de force à l'économie française, beaucoup plus de force à notre croissance, parce que cette dette pèse sur la croissance nationale. J'espère pouvoir être un jour dans la situation qui est celle de beaucoup de mes collègues chefs de gouvernement en Europe, que je rencontre aujourd'hui dans le cadre de la préparation de la Présidence française de l'Union européenne, et qui me confient qu'un de leurs soucis majeurs c'est de savoir à quoi ils vont utiliser les excédents budgétaires. Eh bien, lorsque le Premier ministre de la République française aura à connaître ces difficultés, je pense qu'il pourra manifester tout son bonheur.
Voilà, mesdames et messieurs, nous sommes en train de réformer notre pays. Nous sommes en train de le faire en profondeur et je sais que cette ambition, c'est aussi la vôtre. En 2007, nous avons déjà engagé une première série de réformes structurelles : les universités, les régimes spéciaux de retraite, le marché du travail. En 2008, nous allons aller beaucoup plus loin parce qu'il faut que la France atteigne une croissance stable et une croissance durable.
Il faut que nous gagnions la bataille du pouvoir d'achat. Il faut que nous gagnions la bataille de l'emploi. Il n'y a aucune raison pour que la France soit condamnée à avoir des chiffres en matière de chômage plus élevés que les autres pays européens. Il faut que nous gagnions la bataille de la lutte contre la précarité. Pour cela, nous allons continuer à libérer, partout où c'est possible, le fantastique gisement de talents et d'énergies que recèle notre pays et qui reste insuffisamment valorisés.
Nous voulons libérer le travail en allant vers la flexicurité, c'est-à-dire moins de règles et, en même temps, plus de sécurité dans les parcours professionnels, plus de souplesse pour que chacun puisse travailler plus facilement et plus de sécurité pour que chacun puisse construire son parcours professionnel en étant accompagné et aidé au moment où il en a besoin. Nous dépensons 23 milliards d'euros par an pour la formation professionnelle et moins de 20 % des Français en profitent. En général, ce ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin.
Nous voulons lever les freins de tout ordre qui empêchent la concurrence. Nous voulons que la concurrence se développe au service des consommateurs, au service des salariés, au service de notre dynamisme économique. C'est vrai outre-mer, et vous avez raison, monsieur le président Lurel, de souligner que la formation des prix est une difficulté. L'Observatoire des prix, récemment installé, a justement pour vocation d'y travailler.
Il faut aussi agir, c'est ce que fait le Gouvernement en baissant de manière adaptée le prix des médicaments et en engageant une réflexion avec les professionnels du secteur et les collectivités pour poursuivre ce mouvement de baisse. Je comprends naturellement les difficultés de chacun, mais il n'y a aucune raison à ce que les médicaments soient plus chers ici aux Antilles que sur le territoire métropolitain.
Il nous faut aussi reconstituer des marges de manoeuvre dans nos finances publiques. Nous ne pouvons pas, je l'ai dit, continuer à vivre à crédit sur les générations futures. Notre projet, c'est un projet pour la France, il n'y a pas pour l'outre-mer d'autres projets, même si, bien sûr - et c'est la raison de ma présence -, il faut tenir compte, dans ce projet, des spécificités de l'outre-mer.
Mesdames et messieurs,
La Guadeloupe, plus de 60 ans après son accession au statut de département, peut être fière du chemin parcouru. La démocratie locale y est solidement installée, ses collectivités sont désormais en charge de responsabilités élargies. Elle est dotée d'infrastructures modernes et de services publics performants. Le niveau de vie a progressé, l'espérance de vie est conforme aux standards européens, les jeunes générations ont accès à un enseignement de qualité. L'économie de la Guadeloupe a connu une véritable métamorphose, notamment avec le développement des services. Tous ces progrès ont été obtenus grâce à une politique active de transferts financiers et à une forte intégration à l'économie métropolitaine.
Je pense que ce modèle a répondu à une exigence légitime de solidarité et d'égalité. Mais aujourd'hui, il est incontestable que ce modèle s'essouffle. Pourquoi il s'essouffle ? D'abord, parce que les ressources publiques sont maintenant plus rares. C'est vrai pour l'Etat, c'est vrai pour les collectivités, c'est vrai pour les organismes de sécurité sociale, c'est vrai pour l'Europe. Et parce qu'en instaurant une relation économique quasi exclusive avec la métropole, en privilégiant les secteurs protégés de la concurrence régionale, en tirant la structure des prix vers le haut, ce modèle a aussi créé ses propres freins à l'emploi et à la réduction des inégalités.
Il faut donc donner aux économies d'outre-mer une capacité de développement plus autonome. C'est la stratégie du Gouvernement conformément aux engagements du président de la République. Il ne s'agit en aucun cas de renoncer à la logique de solidarité, il s'agit de permettre aux entreprises guadeloupéennes non seulement de consolider leurs positions sur le marché intérieur, mais aussi de relever le défi de l'export.
Cette stratégie ne peut être fondée que sur la formation, sur la recherche et sur l'innovation. Pour l'outre-mer, pour la Guadeloupe, c'est donc le pari de l'intelligence que nous voulons faire avec vous. C'est l'objet même de la loi de programme pour le développement économique et la promotion de l'excellence de l'outre-mer que préparent Michèle Alliot-marie et Christian Estrosi. L'avant-projet de loi sera transmis au Conseil économique et social et aux collectivités concernées d'ici au mois de février. Ce sera l'occasion de poursuivre avec tous les élus, avec tous les acteurs économiques, la concertation que Christian Estrosi a déjà engagée.
Cette loi correspondra, malgré le contexte financier tendu j'ai évoqué, à un effort financier, je le dis, supplémentaire de l'Etat pour l'outre-mer. Il n'y aura pas de désengagement, il y a aura un effort supplémentaire de l'Etat pour l'outre-mer dans la loi de programmation. Elle gardera le socle de la loi programme de 2003 - les défiscalisations, les exonérations de charges -, mais cette loi amorcera avec force un changement de méthode. Il s'agit de mieux utiliser les aides publiques en les orientant plus clairement vers les leviers d'un développement économique durable tout en supprimant ce que j'appelle les situations de rente.
Enfin, les marges de manoeuvre dégagées seront intégralement destinées à combler le déficit en logements sociaux et le retard dans les équipements publics de base.
Loin d'être un désengagement, monsieur le président Lurel, comme vous le craignez, le Gouvernement veut faire plus, mais il veut aussi faire mieux. Sur ce point, je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement prépare une baisse des subventions pour le logement social. La loi de finances pour 2008 en atteste avec une augmentation de 25 millions d'euros de la ligne budgétaire unique, et réorienter demain la fiscalisation vers le logement social et intermédiaire, c'est bien pour produire plus de logements et pour répondre, tout simplement, aux besoins. Je compte sur vous, monsieur le président Gillot, pour accompagner cet effort de l'Etat.
Cette promotion de l'excellence d'outre-mer se traduira notamment, mais je veux dire pas seulement, par la création des zones franches globales d'activités. Leur objectif, c'est simple, c'est la compétitivité des économies des départements d'outre-mer. Le moyen, ce sont des exonérations fiscales intégralement compensées par l'Etat. La cohérence restera assurée avec la loi de programme de 2003, les secteurs éligibles seront les mêmes que ceux de la défiscalisation avec, en outre, certains services aux entreprises.
Un taux d'exonération bonifié s'appliquera aux secteurs prioritaires identifiés par chaque département : le tourisme, les énergies renouvelables et l'environnement pour la Guadeloupe. Ce taux bonifié s'appliquera aussi aux entreprises éligibles situées à Marie-Galante, à La Désirade et aux Saintes dont chacun sait que la situation économique est plus difficile. Il s'appliquera aussi au secteur de la recherche et développement. Les zones franches globales compléteront les dispositifs traditionnels, la défiscalisation, les exonérations de charges, la TVA NPR notamment qui seront rendus, quant à eux, plus efficaces.
Mais je veux vous dire que l'outil fiscal ne sera pas à lui seul suffisant, il faut aussi des outils d'accompagnement. Je voudrais ce matin, devant vous, prendre trois exemples.
D'abord le tourisme, en identifiant parmi les secteurs prioritaires, en le positionnant dans le 2e étage des zones franches, les élus et les acteurs économiques ont fait un choix stratégique fort. Il faut que l'ensemble de la Guadeloupe y adhère pour que le levier fiscal soit efficace. Il faudra que la Guadeloupe parvienne à se différencier de la concurrence en enrichissant son offre, en développant des produits attractifs, y compris à l'intérieur des terres. Il faut qu'elle parvienne à mieux positionner la destination, y compris pour les bateaux de croisière, comme c'est le cas ici à Basse-Terre. Qu'elle restaure la confiance de sa clientèle, en améliorant la qualité, ce qui passe aussi par la mise en place de formations adaptées. On a vu à quel point les formations adaptées aboutissaient à d'excellents résultats dans ce domaine. Le Gouvernement veut contribuer à cette stratégie, il réunira prochainement à Paris tous les acteurs du tourisme ultramarin autour de Christian Estrosi et de Luc Chatel.
Deuxième exemple, c'est celui de la recherche et de l'innovation. La Guadeloupe dispose actuellement du pôle de recherche le plus important de l'outre-mer. La recherche agronomique est particulièrement développée, autour de l'Inra et du Cirad que je vais avoir l'occasion de visiter dans la matinée, et qui a conduit sa directrice générale, madame Guillou, à m'accompagner.
Les différents pôles de recherche guadeloupéens sont reconnus en matière de biodiversité tropicale, d'énergies renouvelables et de matériaux. Pourtant, la valorisation économique des compétences scientifiques présentes en Guadeloupe est tout à fait insuffisante aujourd'hui. C'est tout l'enjeu de votre pôle de compétitivité "Synergile" adossé, comme l'a décidé le Ciact du 5 juillet dernier, à un pôle métropolitain développant des thématiques similaires, le pôle "Capenergies". L'adossement répond à une approche pragmatique, il s'agit d'offrir au pôle de Guadeloupe une taille critique suffisante tout en lui donnant accès au financement spécifique.
Troisième exemple, c'est l'enseignement supérieur. Il faut lancer de nouvelles formations qui soient en cohérence avec le potentiel de développement de la Guadeloupe. Je veux vous dire que l'Etat est prêt à le faire avec les collectivités. Il y a d'abord l'idée de créer une école d'ingénieurs. Je pense que c'est une excellente idée, d'autant que vous voulez le faire en lien avec le pôle de compétitivité autour des problématiques énergétiques en milieu tropical.
C'est une idée tout à fait pertinente, l'Etat la soutiendra et s'engagera dans sa mise en oeuvre. Naturellement, vous savez que les écoles d'ingénieurs obéissent à des règles précises. Il faut un examen par la commission des titres d'ingénieurs et il faut, le cas échéant, étudier une intégration dans le contrat qui lie l'Etat à l'université Antilles-Guyane.
J'ai bien noté également, monsieur le président, l'idée de créer un IEP en Guadeloupe. Je vous propose que nous engagions sans attendre l'étude nécessaire à la fois sur le flux d'étudiants potentiellement concernés en ne s'arrêtant pas naturellement à la Guadeloupe et à la Martinique, mais en englobant toute la zone Caraïbes dans la réflexion qui sera engagée et à laquelle l'Europe aura apporté son soutien.
Mesdames et messieurs,
Il n'y a pas aujourd'hui de développement économique solide et durable sans excellence environnementale. Je pense que pour la Guadeloupe c'est une priorité absolue. Le Grenelle de l'environnement a débouché sur un programme spécifique pour l'outre-mer. Le premier défi consiste à progresser sur la voie de l'autonomie énergétique et combler les retards importants en termes d'infrastructures de base pour l'élimination des déchets et pour l'assainissement.
Le 2e défi, ce sont les risques naturels. Le plan séisme, annoncé en 2007, est lancé. C'est un effort de longue haleine, qui a été - je l'ai répété tout à l'heure - lancé bien tard et qui oblige donc aujourd'hui un rattrapage, qui engage tous les pouvoirs publics - l'Etat, l'Europe, les collectivités locales. Ensemble, dès 2008, nous allons démarrer les travaux sur un certain nombre d'établissements scolaires de Guadeloupe et nous devons poursuivre l'ensemble des diagnostics pour mettre en oeuvre ce plan.
L'enjeu environnemental, c'est aussi de diffuser de nouvelles pratiques dans tous les secteurs, c'est prendre à bras le corps le dossier des pesticides et, bien sûr, celui du chlordécone dont je souhaite vous parler.
La question de la pollution des sols par les pesticides, ça n'est pas une question nouvelle et je veux vous dire que ça n'est pas une question spécifique aux Antilles. A l'issue du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a donc décidé de mettre en place un plan de réduction de l'usage des pesticides sur l'ensemble de son territoire. C'est l'engagement de tout un pays, de la métropole comme de l'outre-mer.
Mais c'est vrai, la question du chlordécone suscite des inquiétudes plus spécifiques aux Antilles qui justifient que le Gouvernement lui accorde une plus grande attention. Depuis la découverte de la pollution, des rapports d'information ont été produits et de nombreuses actions ont été mises en oeuvre que les polémiques récentes ont eu tendance à occulter. Moi, je veux vous dire - et c'est l'engagement que je prends devant vous - que la transparence sera totale. La pollution des sols est avérée, elle pose une vraie difficulté pour les filières agricoles traditionnelles dont les Antilles ont besoin. L'impact sur la santé de cette pollution est encore trop largement méconnu. Il est à l'évidence totalement déplacé, comme le font certains, de parler d' "empoisonnement", mais il serait aussi totalement déplacé de nier tout impact sanitaire.
Après avoir présidé personnellement en octobre une réunion des ministres concernés, j'ai chargé le directeur général de la santé, le professeur Didier Houssin, de préparer un plan d'action sur 3 ans que je veux en quelques mots vous présenter.
Il comporte d'abord un premier volet qui consiste à renforcer la connaissance des milieux. Le laboratoire départemental de la Martinique et les laboratoires de Guadeloupe seront équipés pour effectuer directement les analyses qui sont encore réalisées en métropole. Il n'est plus acceptable qu'il faille transporter ces analyses en métropole, alors que nous parlons de développer ici en Guadeloupe un pôle d'excellence en matière de recherche.
Le deuxième volet, c'est diminuer l'exposition de la population et l'impact sur la santé avec plusieurs actions importantes. Tout d'abord, un arrêté sera publié prochainement pour abaisser les valeurs maximales des résidus pouvant être retrouvés dans les productions végétales et animales parce qu'il est très important de restaurer la confiance des consommateurs. Ensuite, nous allons renforcer les actions de sensibilisation sur les produits des jardins familiaux. Enfin, les programmes de recherche étudiant les effets sur la santé seront renforcés et pilotés par l'INVS et par l'Inserm au sein d'un comité scientifique.
Enfin, le troisième volet du plan vise à garantir une alimentation saine par un renforcement de la traçabilité des produits, mais aussi par un accompagnement des exploitations agricoles. Des actions spécifiques seront mises en oeuvre par le ministère de l'Agriculture pour accompagner, si nécessaire, la reconversion des terres et pour appuyer les programmes de promotion des produits. Le coût estimatif de ce plan d'action est de 36 millions d'euros. Je souhaite naturellement que les collectivités territoriales concernées puissent y participer dans leurs domaines de compétences. J'ai demandé au préfet de la Guadeloupe et au professeur Houssin de présenter le contenu détaillé du plan devant le groupe régional élargi le 21 janvier prochain.
Voilà, mesdames et messieurs, les messages que je voulais vous adresser à l'occasion de cette visite en Guadeloupe.
Je ne sous-estime aucune des difficultés qui peuvent être celles des Guadeloupéens au quotidien. Je ne sous-estime pas les enjeux que sont pour la Guadeloupe le maintien des filières agricoles traditionnelles, le rôle du secteur commercial et artisanal, la satisfaction des besoins en logements sociaux qui est une priorité absolue ou encore le renouvellement urbain. La satisfaction de tous ces besoins passe maintenant par un nouveau modèle de développement, par de nouveaux modes de création de richesses et de valeurs ajoutées.
Je crois que la Guadeloupe dispose de formidables atouts. Je veux dire, en mon nom et au nom du président de la République, que le Gouvernement a l'ambition de vous aider à les valoriser, que le Gouvernement a l'ambition de mettre toute son énergie au service de cette belle ambition : faire de la Guadeloupe une terre d'excellence.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2008