Texte intégral
Monsieur le Sénateur-Maire, cher Michel,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les agents des services de l'Etat, des collectivités et des associations, qui vous investissez au quotidien dans la lutte contre l'habitat indigne avec une conviction et un professionnalisme immenses,
Madame la présidente du Pôle habitat indigne,
Mesdames, Messieurs,
En premier lieu et pour répondre à un propos de M. Le Senateur-maire, laissez moi vous dire que la dignité de l'Homme n'est pas dans le regard des autres : elle est. Elle n'est pas relative, elle n'est pas négociable. Elle ne dépend ni de la religion, ni de la couleur de peau, ni de l'état de santé. La dignité de l'Homme est, point.
En particulier, la dignité de l'Homme ne dépend pas des conditions matérielles de vie, en particulier de l'état du logement. Mais nous devons évidemment travailler sur ces aspects matériels pour donner à chacun des conditions de vie satisfaisantes. Cette démarche fonde en particulier la lutte contre l'habitat indigne et plus largement sous-tend toute notre politique en matière de logement.
Tout d'abord, je tiens à revenir sur quelques points qui fondent la politique de la lutte contre l'habitat indigne
L'importance du plan d'action de lutte contre l'habitat indigne est liée à la nécessité absolue de renforcer l'action publique dans ce domaine.
Je n'ai pas à vous convaincre des enjeux humains et sociaux du traitement de l'habitat indigne : c'est une question de droit et de respect de la dignité des personnes, comme je viens de le rappeler. Ces derniers jours, nous avons tous pu constater à quel point l'opinion publique réagissait avec sensibilité aux conditions de vie déplorables dans lesquelles vivent de nombreuses familles. Cette opinion publique attend de nous une vraie mobilisation.
Le traitement de l'habitat indigne prend en compte le bâti mais aussi les personnes. Notre action ne saurait se limiter à une démarche d'aménagement, d'opération immobilière. C'est une politique qui est faite pour les personnes, avec les personnes, et qui requiert leur accompagnement tout au long de la démarche.
J'ajoute que la lutte contre l'habitat indigne est une « ardente obligation » à la veille de la mise en oeuvre du « droit au logement opposable ».
Figurent, en effet, parmi les personnes dont le relogement peut être déclaré prioritaire par la loi DALO, « les personnes logées dans des locaux impropres ou présentant un caractère insalubre ou dangereux... ». Agissons donc avant que ces personnes n'aient à faire prévaloir leur droit. Certes, on ne peut tout connaître ni tout repérer, il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de situations, locatives en particulier, doivent être traitées par les outils spécifiques de police institués à cet effet qui obligent les propriétaires à prendre en charge le relogement. Il n'y a aucune raison pour que l'Etat, en prenant des logements sur le contingent préfectoral de logements sociaux, se substitue systématiquement aux propriétaires négligents ou indélicats pour reloger les personnes. L'accélération du plan d'action contre l'habitat indigne est donc un élément essentiel du bon déroulement du DALO et de la prévention de demandes de relogement.
Ma lettre circulaire aux préfets du 14 novembre dernier rappelle qu'il n'est pas admissible que subsistent des situations connues de logements insalubres, dangereux ou impropres à l'habitation, alors même que les arrêtés de police qui les frappent ont pour objet d'obliger les propriétaires à effectuer les travaux prescrits, à héberger ou reloger les occupants. En cas de défaillance, l'obligation est reportée sur les autorités publiques. Cela dit, des mécanismes efficaces de garanties permettent de récupérer l'argent dépensé par la collectivité en cas d'intervention publique. Il faut donc exécuter les arrêtés de police afin que les propriétaires assument toutes leurs responsabilité.
Ni l'opinion publique, ni les personnes reléguées dans un habitat dégradé ne comprennent la persistance de ces situations de déni du droit et l'impunité dont semblent jouir les « marchands de sommeil ». Il en va de la crédibilité de l'action publique ainsi que du respect des personnes et d'un Etat de droit. Il en va aussi du respect des règles qui régissent les rapports locatifs, mais aussi de l'équilibre économique et social du marché local du logement.
J'ai donc demandé aux préfets, comme aux villes, d'engager un plan d'urgence de travaux d'office, avec une obligation de résultat.
Je doute qu'il existe des départements épargnés par l'habitat indigne. Ils auront donc tous un programme à mettre en oeuvre.
Pour les accompagner, le Pôle de lutte contre l'habitat indigne constitue une cellule d'appui opérationnelle au service des préfets et des maires.
Vous serez confortés dans cette action contre les « marchands de sommeil » par la mobilisation du ministère de la justice : les parquets viennent de recevoir une circulaire de politique pénale pour mobiliser les procureurs et substituts dans la poursuite des infractions en matière d'habitat contraire à la dignité humaine. Des actions sont déjà en cours.
La lutte contre l'habitat indigne s'appuie sur de nombreux autres leviers : aides financières, négociation et médiation, aide aux propriétaires occupants ou bailleurs démunis pour monter leurs dossiers, soutien des occupants, appui juridique, accompagnement social lié à l'opération, remise sur pied de syndicats de copropriétaires inexistants ou défaillants, solutions d'hébergement ou de relogement compatibles avec les ressources des ménage. Tous ces leviers se combinent pour constituer une véritable ingénierie de projet.
En particulier, je vous invite à développer des logements sociaux financés en PLAI dont vous pourrez geler la convention afin de pouvoir les utiliser dans des « opérations tiroirs », avec un financement par de l'ALT.
Je souhaite insister sur la question de l'accompagnement social. Il est en effet indispensable que des travailleurs sociaux soit dédiés aux opérations de traitement de l'habitat indigne au sein des collectivités. Toute l'ingénierie est essentielle à la réussite de l'action. Je salue ici, notamment, le rôle des réseaux d'opérateurs de la fédération nationale des Pact-Arim et d'Habitat et Développement. Je salue aussi l'activité locale des sociétés d'économie mixte ; les SEM sont des partenaires de premier plan quand elles interviennent sur ce champ comme ici, à Saint-Etienne. Je pense d'ailleurs qu'au niveau national, un rapprochement entre le Pôle national d'habitat indigne et les réseaux des SEM serait utile.
Traiter l'habitat indigne, c'est aussi faire de la prévention sur des logements, locatifs ou non, qualifiés de « non décents ». Ces derniers peuvent rapidement devenir insalubres. Dans ce champs, le rôle des CAF et caisses de MSA est essentiel, et je me réjouis de leur participation active dans les processus locaux de traitement de l'habitat indigne ou non décent.
Prévenir l'indécence ou l'insalubrité, c'est aussi permettre aux locataires de faire valoir leurs droits, et d'abord de leur faire connaître leurs droits. Je salue à cet égard le rôle des agences départementales d'information sur le logement, les ADIL, qui apportent un conseil neutre et de qualité. Je regrette qu'une telle structure n'existe pas dans la Loire. Il faudra donc, ici comme dans les différents départements où il n'existe pas encore d'ADIL, que le Conseil général et l'Etat puissent se rapprocher sans tarder pour étudier la mise en place rapide d'une telle agence.
La lutte contre l'habitat indigne doit être un moteur pour lutter contre la précarité énergétique
Dans une démarche de développement durable, la politique de lutte contre la croissance des coûts de l'énergie font émerger un vrai problème social et de santé publique: la question des conditions de chauffage et de maîtrise des charges dans les logements anciens et vétustes est posée.
Si en la matière, l'investissement permet un retour sur investissement efficace, tous ceux qui ne disposent pas de trésorerie pour investir risquent de rester au bord du chemin. Ils seront pénalisés deux fois :
- une première fois parce qu'ils n'auront pas pu faire des travaux et vivront dans des conditions moyennes,
- une deuxième fois parce qu'ils devront payer cher, et de plus en plus cher, leur énergie.
Ce public est-il important ? Beaucoup de chiffres le laisse à penser :
- 3,4 millions de logements sont dépourvus de véritable chauffage,
- récemment, deux millions de personnes disaient avoir souffert du froid au moins 24 heures dans les 12 mois qui précédaient,
- 3,6 millions de personnes sont en dessous du seuil de pauvreté et dans l'incapacité de supporter une augmentation des charges.
Les chauffages de fortune vont se développer, avec tous leurs risques d'intoxication au monoxyde de carbone et de développement de l'humidité et d'insalubrité.
L'aide publique va avoir à jouer là un rôle essentiel. Elle est actuellement à l'étude dans la suite du Grenelle de l'environnement. Un groupe de travail présidé par Philippe Pelletier, président de l'Anah doit, notamment, formaliser des propositions. Je veillerai à ce que toutes les garanties soient prises pour accompagner les personnes les plus fragiles. C'est un enjeu social et de pouvoir d'achat.
Nous devons aussi prendre en compte les différents aspects de la qualité du logement. Il s'agit en particulier de l'accessibilité mais aussi de l'équipement des logements pour le très haut-débit, c'est-à-dire le développement de la fibre optique. Je ne vois pas pourquoi ces aménagements et ces équipements ne seraient réservés qu'aux riches !
Pour lutter contre l'habitat indigne, la méthode de travail est essentielle, elle nécessite un partenariat étroit entre tous les acteurs, à tous les niveaux hiérarchiques.
Un plan d'action de lutte contre l'habitat indigne implique, pour un territoire, une organisation du travail rigoureuse et partenariale. Ni les services de l'Etat, ni les collectivités territoriales, ni les professionnels de l'aménagement ou opérateurs, ni les associations, ni les travailleurs sociaux ou professionnels de santé, ni les organismes prestataires d'allocations familiales, ne peuvent à eux seuls, venir à bout des situations de vulnérabilité sociale que l'on rencontre dans l'habitat indigne. Tout le monde doit travailler ensemble, y compris avec les notaires, les syndics et les administrateurs de bien. Il faut un effort dans la conduite des projets, un professionnalisme de la part de toutes les parties prenantes.
J'incite les différents acteurs à organiser des structures de travail ad hoc au niveau départemental. Nombre de départements ont déjà mis sur pied divers formes de « pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne ». Leur coordination doit revenir aux préfets et aux services de l'Etat les plus concernés, en premier lieu les DDASS et les DDE, sans oublier les services propres des préfectures. Au niveau des agglomérations, le même type d'organisation doit être envisagée.
Ce type de démarche a été conduite à Saint-Etienne dans le cadre d'un protocole, signé en juin 2005 entre la ville et l'Etat. C'est un bon exemple d'une démarche de projet, dont le bilan d'étape apparaît on ne peut plus positif. Je regrette cependant que le recrutement d'un travailleur social au service du projet ait tardé car, l'expérience nous le montre maintenant, c'est très positif pour l'avancement de l'opération.
La mise en oeuvre des procédures en matière d'habitat indigne est, au premier abord, rebutante pour les services de l'Etat et des communes. C'est une telle haie d'obstacles que cela favorise parfois une certaine forme d'immobilisme public. C'est ainsi que perdurent ou prospérant des situations indignes. Un vade-mecum produit par le Pôle de lutte contre l'habitat indigne est disponible et mis en ligne sur internet. Je vous invite à le consulter. J'ai demandé à Nancy Bouché de poursuivre l'effort fait d'utilisation d'internet. En particulier, je souhaite que des espaces d'échange soient prochainement ouverts sur le site afin de pouvoir accompagner la constitution d'un réseau de personnes mobilisées sur l'habitat indigne.
Les écrits, même de qualité, ne remplaceront jamais l'échange et le soutien mutuel pour traiter des dossiers délicats. Je suis très favorable au développement - encore embryonnaire - de réseaux de « personnes ressources », notamment dans les services de l'Etat, ou d'initiatives de type du Réseau technique régional de lutte contre l'habitat indigne de PACA. Je sais qu'un réseau a été initié en Rhône-Alpes sous l'impulsion du préfet de région : il devrait porter en 2008 un plan de travail et contribuer au développement effectif du traitement de l'habitat indigne dans cette grande région.
Le pôle de lutte contre l'habitat indigne joue un rôle essentiel pour la vie de ces réseaux. Je vais prochainement proposer une nouvelle lettre de mission à sa présidente afin de conforter son action. Elle élargira l'intervention aux enjeux de sécurité dans les logements.
Le thème de travail aujourd'hui est celui des enjeux du traitement de l'habitat indigne dans les opérations de renouvellement urbain.
La France de 2007 ne connaît plus de zones massive d'habitat insalubre comme dans les années 1960. Grâce à une politique permanente d'amélioration de l'habitat, nous avons assez largement échappé au phénomène anglo-saxon de déshérence des centres urbains. L'insalubrité résiduelle est diffuse. Elle est cependant bien présente et accentuée dans certaines villes, frappées par des phénomènes de désindustrialisation et de situations sociales difficiles. Dans ces cas, il faut un investissement public renforcé.
Il y a des poches d'habitat indigne dans certains centres. Ces zones tombent souvent en déshérence par la vacance et la disparition des commerces et des services de la ville traditionnelle. Le recours aux seuls mécanismes « classiques » s'est avéré insuffisant. Pour traiter ces situations, il faut une intervention publique forte et l'élaboration d'un projet d'ensemble structuré. Il faut traiter l'habitat indigne dans une logique d'ensemble, avec le recours aux outils spécifiques de police de l'insalubrité ou du péril, la responsabilisation des propriétaires, auxquels l'aménageur ne doit pas totalement se substituer. C'est la philosophie des opérations programmées d'amélioration de l'habitat, les OPAH, de renouvellement urbain, qui permet d'organiser selon les types de situations à traiter les différentes procédures à mettre en place.
Le surplus apporté par l'ANRU dans les quartiers d'habitat privé qui présentent toutes les caractéristiques des zones urbaines sensibles doit faciliter des opérations de restructuration immobilière, en sus d'une action plus classique d'aide à l'aménagement urbain. De telles démarches ont été engagées par plusieurs villes, dans cette région, en Auvergne, à Mulhouse, en région PACA.
Prenons garde néanmoins à ce que ces opération ne créent de nouveaux phénomènes d'éviction de la population modeste.
Je précise à ce propos que la modification du « Malraux » n'est pas à l'ordre du jour. Cet outil fiscal est nécessaire pour permettre le financement des opérations. Sa mise en oeuvre dans une stratégie cohérente, en particulier par les sociétés d'économie mixte, comme à Saint-Etienne, garantit la qualité des réalisations.
Les besoins et les souhaits de la population modeste doivent être pris en compte au nom du maintien de la cohésion et de la mixité sociale. Sur ce point, j'ai demandé, en particulier à l'Anah de me faire des propositions de travail en permettant le financement d'opérations d'aménagement de coeur d'îlot. La signature ce matin de la convention entre l'établissement public d'aménagement de Saint-Etienne et l'Anah s'inscrit d'ailleurs dans cette dynamique.
Mesdames et Messieurs,
Vous aurez compris toute l'importance que je porte à la lutte contre l'habitat indigne. J'en fais une priorité de mon action. Je vais avoir besoin de toutes vos compétences de toute votre énergie pour répondre au formidable enjeu qui nous est posé qui prend en compte à la fois des enjeux urbains et sociaux.
Je sais pouvoir compter sur vous. Vous pouvez compter sur moi.
Je vous remercie.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 8 janvier 2008