Texte intégral
Monsieur le Président, cher René,
Monsieur le Président de la Fédération, cher Jean-Marie,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Merci de votre accueil. Merci de vos voeux pour une année chargée. A mon tour, laissez-moi présenter à chacun d'entre vous et à votre groupe, Crédit Agricole, les miens pour 2008.
Merci René, de tes propos chaleureux. Enfin, merci pour votre indulgence. Les impératifs de mon emploi du temps ne m'ont pas permis de respecter l'engagement que j'avais pris de conclure votre matinée et donc de laisser la seule convivialité animer ce déjeuner.
Oui, Monsieur le Président, 2008 va être une année cruciale pour notre agriculture avec des rendez-vous communautaires importants sous présidence française. Oui, j'ai de la volonté par tempérament d'abord. Mais j'ai de la volonté parce que j'ai de l'ambition pour notre agriculture dont j'ai la responsabilité au sein du gouvernement :
* non pas pour défendre un secteur qu'il faudrait protéger,
* mais parce que ce secteur est aujourd'hui au centre du jeu.
Ne pas saisir cette opportunité pour refonder certains principes de notre politique agricole serait irresponsable. Je serai responsable et je vais utiliser les échéances pour bouger les lignes et adapter nos outils. Je ne serai pas sur la défensive, je ne défendrai pas le statu quo, parce qu'il ne prépare pas l'avenir.
1. L'agriculture est revenue au centre du jeu, ce sera le premier point de mon propos.
L'agriculture est au coeur de la redistribution des cartes que tu as décrite tout à l'heure, René. Elle n'est pas condamnée au déclin au nom d'une activité millénaire dépassée, elle n'est pas une activité du passé. Cette conviction, je l'avais, en arrivant rue de Varenne il y a plus de 6 mois. Dans l'exercice de mes responsabilités locales au conseil Général, nationales en tant que Ministre de l'Environnement puis Ministre des Affaires étrangères et européenne en tant que Commissaire en charge de la politique régionale, j'ai pu mesurer que l'agriculture est à la fois là où se trouvent les défis de demain, elle est également là où se trouvent les préoccupations de nos concitoyens. Aujourd'hui, cette conviction est une réalité largement partagée .Et j'en veux pour preuve :
* le rapport de la Banque Mondiale qui, 25 ans après le dernier, redécouvre le rôle de l'agriculture pour sortir de la pauvreté et pour enclencher le développement du reste de l'économie des pays les plus pauvres,
* j'en veux également pour preuve le rapport annuel du Forum économique mondial qui place l'insécurité alimentaire au même rang que l'insécurité financière et la qualifie comme une des 4 menaces majeures de notre époque. Les deux autres menaces doivent aussi nous faire réfléchir sur le mode de développement de notre agriculture : la hausse des coûts énergétiques, et le risque de rupture des chaînes d'approvisionnement fragilisées par la dépendance accrue des pays et des entreprises. Espérons que le Sommet de Davos à la fin du mois permette de dégager des solutions concertées au niveau mondial.
* enfin, les articles dans la presse économique et dans la grande presse consacrent le grand retour de l'agriculture.
Tout cela illustre ce que certains appellent le nouveau paradigme de l'agriculture :
* un doublement de la demande alimentaire d'ici 2050, conséquence des perspectives démographiques sans oublier l'impact sur les comportements alimentaires de la montée des pays émergents,
* la multiplication des risques sous l'effet du développement des échanges et du réchauffement climatique,
* l'émergence d'un nouveau mode de développement de l'ensemble de nos économies faisant de l'écologie une des composantes de la croissance de demain.
Notre horizon, ce sont des prix des matières premières, dont les matières premières agricoles, à la hausse, alors qu'en 20 ans les prix agricoles ont été, en France, divisés par 2. J'en tire un double constat et trois enseignements :
* le double constat
Vous l'avez souligné dans votre intervention, Monsieur le Président, la caractéristique des prochaines années c'est la grande volatilité des prix sur les marchés face à la recrudescence des risques de nature diverse, mais ce sera aussi plus de concurrence,
* un premier enseignement
Notre agriculture doit produire plus et produire mieux, sans complexe, sans état d'âme. Produire plus pour répondre au défi alimentaire, produire mieux pour répondre au défi environnemental. Notre agriculture devra donc être compétitive, durable, contractualisée avec ses débouchés. Ce double défi ne pourra être relevé que par la mobilisation de la recherche pour conjuguer performance économique et efficacité écologique. Je souhaite que le débat qui va s'ouvrir au Parlement sur les OGM soit de ce point de vue utile,
* le deuxième enseignement
L'agriculture, parce que c'est notre alimentation, parce que c'est la solution à la faim dans le monde, ne peut être soumise aux seules lois du marché. La nouvelle donne légitime des politiques publiques à l'égard de ce secteur qui constitue un actif stratégique pour notre pays et l'Union européenne. L'agriculture n'est pas un problème, elle est une solution. Mais dans le même temps, elle exige leur profond renouvellement.
* le troisième enseignement
L'indépendance et la sécurité alimentaire doivent, dans ce contexte, devenir pour l'Union européenne un objectif majeur. Il ne sera effectif que si l'Union affiche sans se cacher la préférence communautaire. L'alimentation des européens et leur cadre de vie ne doivent pas être laissés à la spéculation financière et au moins disant sanitaire ou environnemental. Au contraire, l'Union doit porter à l'OMC une préférence européenne renouvelée. Au-delà des tarifs douaniers qu'il faut préserver, ce sont des normes sanitaires, environnementales, c'est également le respect de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire des règles d'origine qu'il faut défendre. Nous n'avons pas à nous excuser de préférer l'Europe. Et ce n'est pas du protectionnisme
2. Notre politique agricole doit s'adapter dans ses objectifs et ses instruments. Ce sera la deuxième partie de mon intervention.
Nous sommes servis par le calendrier puisque 2008 est l'année du bilan de santé de la PAC. Nos leviers d'action, nos moyens sont essentiellement communautaires, ne nous y trompons pas. Pour l'illustrer, j'aime citer deux chiffres : 10 milliards d'euros en provenance du budget européen et seulement 1 milliard sur mon propre budget pour accompagner le secteur agricole, dont l'essentiel est la contrepartie de la politique communautaire. Mon ambition est donc de tirer parti au mieux de ce calendrier en y inscrivant ma stratégie :
* tout d'abord, j'ouvrirai, lors du Conseil Informel des Ministres de l'agriculture que j'organise à Annecy, les 21, 22 et 23 septembre prochains le débat sur la PAC de l'après 2013. Je connais le pas de temps des décisions communautaires et 2009 sera une année communautaire neutralisée avec les élections européennes et le renouvellement de la Commission. Si l'on n'y prend pas garde, la PAC risque d'être la variable d'ajustement des discussions budgétaires qui vont s'intensifier dès 2010. C'est également la raison pour laquelle j'ai engagé le tour des capitales européennes. J'aurai rencontré chaque Ministre de l'Agriculture dans son pays avant la présidence française. A chacun de ses déplacements, j'en ai déjà réalisé 12, c'est une stratégie d'alliance que je tisse et une diplomatie agricole que je construis.
* ensuite, j'inscrirai le bilan de santé dans le mouvement. Je ne serai pas le Ministre du statu quo. Je ne serai pas celui qui s'oppose à tout, je serai celui qui inscrit la politique agricole dans son temps et dans son monde. Je ne renverrai pas les questions de fonds à 2013.
* enfin, je réviserai l'ensemble de nos dispositifs d'accompagnement nationaux et j'adapterai l'organisation de mon Ministère.
Vous l'avez donc compris, le bilan de santé de la PAC ne se réduit pas pour nous, contrairement à ce que semble penser la Commission, à un taux de découplage, à un niveau de modulation ou encore à un plafonnement des aides, en un mot à des ajustements à la marge dans la continuité.
Ma divergence majeure avec les propositions de la Commission, porte sur le constat qu'elle dresse. Elle sous-estime ce qui va pourtant constituer le nouveau cadre de l'exercice de l'activité agricole : la volatilité des prix sur des marchés plus instables et la montée des risques.
Dans ce contexte, mes priorités rejoignent, Monsieur le Président, vos propres axes de réflexion. Elles sont en débat dans le cadre des Assises que j'ai installées le 5 septembre dernier et auxquelles vous êtes associés.
Tout d'abord, ma première priorité est de refonder une politique de prévention et de gestion des risques. Elle passe par une palette d'instruments :
* elle reposera sur des outils communautaires de gestion de marchés. Il n'y a aucune fatalité à abandonner tous les mécanismes qui ont fait preuve de leur efficacité. Par contre, il faut les adapter. Ainsi, la suppression des quotas laitiers n'est pas irrecevable en tant que telle : les questions, ce sont la localisation des bassins de production et notre capacité à rester un grand pays laitier,
elle reposera également sur la responsabilisation des agriculteurs et des filières dans la gestion des risques. C'est le sens du mémorandum sur l'adaptation du droit de la concurrence que je vais présenter demain au Conseil des Ministres et transmettre à la Commission européenne. Mon ambition est d'introduire des dispositions sécurisant juridiquement et financièrement les interventions des opérateurs sur les marchés, lors du bilan de santé,
* elle reposera aussi sur le développement de l'assurance récolte. Je souhaite progressivement limiter l'accès au fonds de calamités aux cultures non assurables et inciter à l'assurance récolte par un soutien plus fort aux secteurs agricoles les plus exposés aux risques, notamment les fruits, les légumes et la viticulture. Mon ambition est d'inscrire cette politique dans le bilan de santé de la PAC par le financement d'une partie des primes d'assurance dans le cadre du premier pilier. Dans la perspective de l'après 2013, la PAC ne doit pas se réduire aux seules aides découplées,
* elle reposera sur la création d'un fonds sanitaire. Il indemnisera les pertes directes liées aux abattages et complétera les moyens mobilisés par les professionnels pour faire face aux pertes économiques indirectes. Dans ce domaine, je souhaite également inscrire ce fonds dans le bilan de santé de la PAC et le cofinancer
* elle reposera enfin sur le développement de l'auto assurance. Mon ambition est d'améliorer les dispositions de la déduction pour aléa afin de la rendre plus attractive. Cette épargne de précaution doit être mobilisable pour faire face aux aléas classiques de l'entreprise.
La concertation va s'ouvrir avec vous sur ces principes qui vont profondément renouveler notre politique de gestion des risques qui doit ainsi gagner en efficacité.
Ma seconde priorité est de consolider notre politique agro-alimentaire et agro-industrielle. Le développement des IAA est un enjeu industriel majeur, il constitue une pièce maîtresse de notre stratégie pour une agriculture durable et participe au rayonnement international de la France. Je connais votre engagement pour accompagner ce secteur. Nous devons :
* renforcer la contractualisation entre l'agriculture et les entreprises agroalimentaires pour localiser dans les territoires l'activité et l'emploi,
* développer l'innovation en incitant les PME à investir dans la recherche-développement,
* soutenir l'exportation et l'internationalisation des entreprises avec le souci de faire émerger les champions de demain,
* consolider la filière des biocarburants : nous préparerons d'autant mieux la seconde génération que nous serons performants sur la première,
* faciliter la prise en compte des préoccupations de santé et des enjeux environnementaux par les entreprises,
* améliorer l'attractivité des métiers dans un secteur qui a des gisements d'emploi.
Ma troisième priorité, c'est assurer les conditions de la pérennité des entreprises agricoles. Notre agriculture : sa diversité et sa richesse, repose sur les hommes et les femmes qui ont fait le choix d'être paysans dans nos territoires. Je vous rejoins, Monsieur le Président, le financement de la reprise des entreprises est essentiel. A cet égard, je peux vous dire que l'installation est au coeur de ma politique et je suis d'accord avec votre analyse : les prêts JA sont un outil efficient. Ma difficulté, c'est le coût de cette politique dans un contexte de renchérissement des taux d'intérêt. Je vous rappelle que la politique d'installation, cofinancée dans le cadre du second pilier, c'est plus de 350 millions d'euros par an.
La seconde difficulté pour pérenniser les entreprises agricoles, et vous l'avez relevé c'est le foncier : sa disponibilité et son coût. En tant que savoyards, René, nous avons concrètement mesuré depuis longtemps l'acuité de cette question. J'ai confié une mission au conseil Général sur le bilan des outils que nous avons mis en place dans les différentes lois. Par ailleurs, je vais demander aux préfets d'engager un débat avec les associations départementales d'élus et la profession agricole pour définir une charte. Je suis très intéressé par vos réflexions et les propositions que vous pourrez porter dans le cadre des Assises.
Ma quatrième priorité, c'est maintenir une activité de production dans les territoires. Et je rejoins vos interrogations sur l'avenir des productions animales. Si nous n'y prenons pas garde, elles risquent d'être laminées aussi bien par le découplage des aides au niveau communautaire que par l'augmentation du coût de l'alimentation animale.
Je demanderai dans le cadre du bilan de santé que l'on évolue d'une politique de soutien vers des politiques d'orientation des productions animales. A cet égard, je vais proposer, et j'en ai discuté avec Mariann FISCHER BOEL, que l'on distribue différemment les aides du premier pilier. Un prélèvement sur toutes les aides couplées et découplées doit permettre de soutenir les productions sensibles : la production ovine, la production de lait en montagne, compte-tenu de la suppression des quotas laitiers et l'agriculture biologique. Je suis prêt à aller plus loin sur d'autres productions. J'ai ouvert ce débat dans le cadre de la concertation qui va démarrer dans les départements.
Mon autre préoccupation, c'est la production porcine qui prend de plein fouet la hausse du prix des matières premières. J'ai obtenu de la Commission à la fin de l'année dernière les restitutions qui vont permettre de désengorger le marché et dont les effets vont se faire sentir dans les semaines qui viennent. Je vais d'ailleurs demandé au Conseil des Ministres de la semaine prochaine que le bilan en soit tiré pour envisager leur renforcement. Par ailleurs, au-delà des mesures d'urgence qui ont été notifiées aux départements à la fin de la semaine, je vais ouvrir, avec l'ensemble des acteurs de la filière, la concertation pour définir un véritable plan qui s'inscrive dans la durée.
Ma dernière priorité, c'est anticiper au mieux 2013 en améliorant la lisibilité et la légitimité du soutien à l'agriculture. J'ai acquis une conviction : compte-tenu du paiement unique à l'hectare dans les 10 nouveaux Etats-membres et du choix de plusieurs Etats-membres en faveur d'une régionalisation, la réforme en 2013 pourrait se traduire par une uniformisation du soutien à l'hectare. J'ai ouvert ce débat avec la profession agricole dans les départements.
Tu avais raison, René de parler d'année chargée. Mais je souhaite surtout que 2008 soit une année porteuse de renouvellement et de perspectives pour un secteur qui redevient stratégique pour notre pays, pour l'Europe , pour la planète. Je veux créer le débat sur une attitude offensive pour notre agriculture dans les départements, au sein du gouvernement, dans les instances européennes pour ne pas rater le rendez-vous de la présidence française.
source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 janvier 2008
Monsieur le Président de la Fédération, cher Jean-Marie,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Merci de votre accueil. Merci de vos voeux pour une année chargée. A mon tour, laissez-moi présenter à chacun d'entre vous et à votre groupe, Crédit Agricole, les miens pour 2008.
Merci René, de tes propos chaleureux. Enfin, merci pour votre indulgence. Les impératifs de mon emploi du temps ne m'ont pas permis de respecter l'engagement que j'avais pris de conclure votre matinée et donc de laisser la seule convivialité animer ce déjeuner.
Oui, Monsieur le Président, 2008 va être une année cruciale pour notre agriculture avec des rendez-vous communautaires importants sous présidence française. Oui, j'ai de la volonté par tempérament d'abord. Mais j'ai de la volonté parce que j'ai de l'ambition pour notre agriculture dont j'ai la responsabilité au sein du gouvernement :
* non pas pour défendre un secteur qu'il faudrait protéger,
* mais parce que ce secteur est aujourd'hui au centre du jeu.
Ne pas saisir cette opportunité pour refonder certains principes de notre politique agricole serait irresponsable. Je serai responsable et je vais utiliser les échéances pour bouger les lignes et adapter nos outils. Je ne serai pas sur la défensive, je ne défendrai pas le statu quo, parce qu'il ne prépare pas l'avenir.
1. L'agriculture est revenue au centre du jeu, ce sera le premier point de mon propos.
L'agriculture est au coeur de la redistribution des cartes que tu as décrite tout à l'heure, René. Elle n'est pas condamnée au déclin au nom d'une activité millénaire dépassée, elle n'est pas une activité du passé. Cette conviction, je l'avais, en arrivant rue de Varenne il y a plus de 6 mois. Dans l'exercice de mes responsabilités locales au conseil Général, nationales en tant que Ministre de l'Environnement puis Ministre des Affaires étrangères et européenne en tant que Commissaire en charge de la politique régionale, j'ai pu mesurer que l'agriculture est à la fois là où se trouvent les défis de demain, elle est également là où se trouvent les préoccupations de nos concitoyens. Aujourd'hui, cette conviction est une réalité largement partagée .Et j'en veux pour preuve :
* le rapport de la Banque Mondiale qui, 25 ans après le dernier, redécouvre le rôle de l'agriculture pour sortir de la pauvreté et pour enclencher le développement du reste de l'économie des pays les plus pauvres,
* j'en veux également pour preuve le rapport annuel du Forum économique mondial qui place l'insécurité alimentaire au même rang que l'insécurité financière et la qualifie comme une des 4 menaces majeures de notre époque. Les deux autres menaces doivent aussi nous faire réfléchir sur le mode de développement de notre agriculture : la hausse des coûts énergétiques, et le risque de rupture des chaînes d'approvisionnement fragilisées par la dépendance accrue des pays et des entreprises. Espérons que le Sommet de Davos à la fin du mois permette de dégager des solutions concertées au niveau mondial.
* enfin, les articles dans la presse économique et dans la grande presse consacrent le grand retour de l'agriculture.
Tout cela illustre ce que certains appellent le nouveau paradigme de l'agriculture :
* un doublement de la demande alimentaire d'ici 2050, conséquence des perspectives démographiques sans oublier l'impact sur les comportements alimentaires de la montée des pays émergents,
* la multiplication des risques sous l'effet du développement des échanges et du réchauffement climatique,
* l'émergence d'un nouveau mode de développement de l'ensemble de nos économies faisant de l'écologie une des composantes de la croissance de demain.
Notre horizon, ce sont des prix des matières premières, dont les matières premières agricoles, à la hausse, alors qu'en 20 ans les prix agricoles ont été, en France, divisés par 2. J'en tire un double constat et trois enseignements :
* le double constat
Vous l'avez souligné dans votre intervention, Monsieur le Président, la caractéristique des prochaines années c'est la grande volatilité des prix sur les marchés face à la recrudescence des risques de nature diverse, mais ce sera aussi plus de concurrence,
* un premier enseignement
Notre agriculture doit produire plus et produire mieux, sans complexe, sans état d'âme. Produire plus pour répondre au défi alimentaire, produire mieux pour répondre au défi environnemental. Notre agriculture devra donc être compétitive, durable, contractualisée avec ses débouchés. Ce double défi ne pourra être relevé que par la mobilisation de la recherche pour conjuguer performance économique et efficacité écologique. Je souhaite que le débat qui va s'ouvrir au Parlement sur les OGM soit de ce point de vue utile,
* le deuxième enseignement
L'agriculture, parce que c'est notre alimentation, parce que c'est la solution à la faim dans le monde, ne peut être soumise aux seules lois du marché. La nouvelle donne légitime des politiques publiques à l'égard de ce secteur qui constitue un actif stratégique pour notre pays et l'Union européenne. L'agriculture n'est pas un problème, elle est une solution. Mais dans le même temps, elle exige leur profond renouvellement.
* le troisième enseignement
L'indépendance et la sécurité alimentaire doivent, dans ce contexte, devenir pour l'Union européenne un objectif majeur. Il ne sera effectif que si l'Union affiche sans se cacher la préférence communautaire. L'alimentation des européens et leur cadre de vie ne doivent pas être laissés à la spéculation financière et au moins disant sanitaire ou environnemental. Au contraire, l'Union doit porter à l'OMC une préférence européenne renouvelée. Au-delà des tarifs douaniers qu'il faut préserver, ce sont des normes sanitaires, environnementales, c'est également le respect de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire des règles d'origine qu'il faut défendre. Nous n'avons pas à nous excuser de préférer l'Europe. Et ce n'est pas du protectionnisme
2. Notre politique agricole doit s'adapter dans ses objectifs et ses instruments. Ce sera la deuxième partie de mon intervention.
Nous sommes servis par le calendrier puisque 2008 est l'année du bilan de santé de la PAC. Nos leviers d'action, nos moyens sont essentiellement communautaires, ne nous y trompons pas. Pour l'illustrer, j'aime citer deux chiffres : 10 milliards d'euros en provenance du budget européen et seulement 1 milliard sur mon propre budget pour accompagner le secteur agricole, dont l'essentiel est la contrepartie de la politique communautaire. Mon ambition est donc de tirer parti au mieux de ce calendrier en y inscrivant ma stratégie :
* tout d'abord, j'ouvrirai, lors du Conseil Informel des Ministres de l'agriculture que j'organise à Annecy, les 21, 22 et 23 septembre prochains le débat sur la PAC de l'après 2013. Je connais le pas de temps des décisions communautaires et 2009 sera une année communautaire neutralisée avec les élections européennes et le renouvellement de la Commission. Si l'on n'y prend pas garde, la PAC risque d'être la variable d'ajustement des discussions budgétaires qui vont s'intensifier dès 2010. C'est également la raison pour laquelle j'ai engagé le tour des capitales européennes. J'aurai rencontré chaque Ministre de l'Agriculture dans son pays avant la présidence française. A chacun de ses déplacements, j'en ai déjà réalisé 12, c'est une stratégie d'alliance que je tisse et une diplomatie agricole que je construis.
* ensuite, j'inscrirai le bilan de santé dans le mouvement. Je ne serai pas le Ministre du statu quo. Je ne serai pas celui qui s'oppose à tout, je serai celui qui inscrit la politique agricole dans son temps et dans son monde. Je ne renverrai pas les questions de fonds à 2013.
* enfin, je réviserai l'ensemble de nos dispositifs d'accompagnement nationaux et j'adapterai l'organisation de mon Ministère.
Vous l'avez donc compris, le bilan de santé de la PAC ne se réduit pas pour nous, contrairement à ce que semble penser la Commission, à un taux de découplage, à un niveau de modulation ou encore à un plafonnement des aides, en un mot à des ajustements à la marge dans la continuité.
Ma divergence majeure avec les propositions de la Commission, porte sur le constat qu'elle dresse. Elle sous-estime ce qui va pourtant constituer le nouveau cadre de l'exercice de l'activité agricole : la volatilité des prix sur des marchés plus instables et la montée des risques.
Dans ce contexte, mes priorités rejoignent, Monsieur le Président, vos propres axes de réflexion. Elles sont en débat dans le cadre des Assises que j'ai installées le 5 septembre dernier et auxquelles vous êtes associés.
Tout d'abord, ma première priorité est de refonder une politique de prévention et de gestion des risques. Elle passe par une palette d'instruments :
* elle reposera sur des outils communautaires de gestion de marchés. Il n'y a aucune fatalité à abandonner tous les mécanismes qui ont fait preuve de leur efficacité. Par contre, il faut les adapter. Ainsi, la suppression des quotas laitiers n'est pas irrecevable en tant que telle : les questions, ce sont la localisation des bassins de production et notre capacité à rester un grand pays laitier,
elle reposera également sur la responsabilisation des agriculteurs et des filières dans la gestion des risques. C'est le sens du mémorandum sur l'adaptation du droit de la concurrence que je vais présenter demain au Conseil des Ministres et transmettre à la Commission européenne. Mon ambition est d'introduire des dispositions sécurisant juridiquement et financièrement les interventions des opérateurs sur les marchés, lors du bilan de santé,
* elle reposera aussi sur le développement de l'assurance récolte. Je souhaite progressivement limiter l'accès au fonds de calamités aux cultures non assurables et inciter à l'assurance récolte par un soutien plus fort aux secteurs agricoles les plus exposés aux risques, notamment les fruits, les légumes et la viticulture. Mon ambition est d'inscrire cette politique dans le bilan de santé de la PAC par le financement d'une partie des primes d'assurance dans le cadre du premier pilier. Dans la perspective de l'après 2013, la PAC ne doit pas se réduire aux seules aides découplées,
* elle reposera sur la création d'un fonds sanitaire. Il indemnisera les pertes directes liées aux abattages et complétera les moyens mobilisés par les professionnels pour faire face aux pertes économiques indirectes. Dans ce domaine, je souhaite également inscrire ce fonds dans le bilan de santé de la PAC et le cofinancer
* elle reposera enfin sur le développement de l'auto assurance. Mon ambition est d'améliorer les dispositions de la déduction pour aléa afin de la rendre plus attractive. Cette épargne de précaution doit être mobilisable pour faire face aux aléas classiques de l'entreprise.
La concertation va s'ouvrir avec vous sur ces principes qui vont profondément renouveler notre politique de gestion des risques qui doit ainsi gagner en efficacité.
Ma seconde priorité est de consolider notre politique agro-alimentaire et agro-industrielle. Le développement des IAA est un enjeu industriel majeur, il constitue une pièce maîtresse de notre stratégie pour une agriculture durable et participe au rayonnement international de la France. Je connais votre engagement pour accompagner ce secteur. Nous devons :
* renforcer la contractualisation entre l'agriculture et les entreprises agroalimentaires pour localiser dans les territoires l'activité et l'emploi,
* développer l'innovation en incitant les PME à investir dans la recherche-développement,
* soutenir l'exportation et l'internationalisation des entreprises avec le souci de faire émerger les champions de demain,
* consolider la filière des biocarburants : nous préparerons d'autant mieux la seconde génération que nous serons performants sur la première,
* faciliter la prise en compte des préoccupations de santé et des enjeux environnementaux par les entreprises,
* améliorer l'attractivité des métiers dans un secteur qui a des gisements d'emploi.
Ma troisième priorité, c'est assurer les conditions de la pérennité des entreprises agricoles. Notre agriculture : sa diversité et sa richesse, repose sur les hommes et les femmes qui ont fait le choix d'être paysans dans nos territoires. Je vous rejoins, Monsieur le Président, le financement de la reprise des entreprises est essentiel. A cet égard, je peux vous dire que l'installation est au coeur de ma politique et je suis d'accord avec votre analyse : les prêts JA sont un outil efficient. Ma difficulté, c'est le coût de cette politique dans un contexte de renchérissement des taux d'intérêt. Je vous rappelle que la politique d'installation, cofinancée dans le cadre du second pilier, c'est plus de 350 millions d'euros par an.
La seconde difficulté pour pérenniser les entreprises agricoles, et vous l'avez relevé c'est le foncier : sa disponibilité et son coût. En tant que savoyards, René, nous avons concrètement mesuré depuis longtemps l'acuité de cette question. J'ai confié une mission au conseil Général sur le bilan des outils que nous avons mis en place dans les différentes lois. Par ailleurs, je vais demander aux préfets d'engager un débat avec les associations départementales d'élus et la profession agricole pour définir une charte. Je suis très intéressé par vos réflexions et les propositions que vous pourrez porter dans le cadre des Assises.
Ma quatrième priorité, c'est maintenir une activité de production dans les territoires. Et je rejoins vos interrogations sur l'avenir des productions animales. Si nous n'y prenons pas garde, elles risquent d'être laminées aussi bien par le découplage des aides au niveau communautaire que par l'augmentation du coût de l'alimentation animale.
Je demanderai dans le cadre du bilan de santé que l'on évolue d'une politique de soutien vers des politiques d'orientation des productions animales. A cet égard, je vais proposer, et j'en ai discuté avec Mariann FISCHER BOEL, que l'on distribue différemment les aides du premier pilier. Un prélèvement sur toutes les aides couplées et découplées doit permettre de soutenir les productions sensibles : la production ovine, la production de lait en montagne, compte-tenu de la suppression des quotas laitiers et l'agriculture biologique. Je suis prêt à aller plus loin sur d'autres productions. J'ai ouvert ce débat dans le cadre de la concertation qui va démarrer dans les départements.
Mon autre préoccupation, c'est la production porcine qui prend de plein fouet la hausse du prix des matières premières. J'ai obtenu de la Commission à la fin de l'année dernière les restitutions qui vont permettre de désengorger le marché et dont les effets vont se faire sentir dans les semaines qui viennent. Je vais d'ailleurs demandé au Conseil des Ministres de la semaine prochaine que le bilan en soit tiré pour envisager leur renforcement. Par ailleurs, au-delà des mesures d'urgence qui ont été notifiées aux départements à la fin de la semaine, je vais ouvrir, avec l'ensemble des acteurs de la filière, la concertation pour définir un véritable plan qui s'inscrive dans la durée.
Ma dernière priorité, c'est anticiper au mieux 2013 en améliorant la lisibilité et la légitimité du soutien à l'agriculture. J'ai acquis une conviction : compte-tenu du paiement unique à l'hectare dans les 10 nouveaux Etats-membres et du choix de plusieurs Etats-membres en faveur d'une régionalisation, la réforme en 2013 pourrait se traduire par une uniformisation du soutien à l'hectare. J'ai ouvert ce débat avec la profession agricole dans les départements.
Tu avais raison, René de parler d'année chargée. Mais je souhaite surtout que 2008 soit une année porteuse de renouvellement et de perspectives pour un secteur qui redevient stratégique pour notre pays, pour l'Europe , pour la planète. Je veux créer le débat sur une attitude offensive pour notre agriculture dans les départements, au sein du gouvernement, dans les instances européennes pour ne pas rater le rendez-vous de la présidence française.
source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 janvier 2008