Texte intégral
Madame Le Ministre, chère Christine,
Monsieur le Maire de Vaulx-en-Velin,
Mesdames, Messieurs les Préfets et responsables administratifs,
Mesdames, Messieurs les élus,
Et vous, responsables associatifs, acteurs de terrains et piliers de la politique de la ville,
Mes très chers amis,
Merci.
Merci tout d'abord, Monsieur le Maire de Vaulx-en-Velin, cher Maurice CHARRIER, de nous accueillir ce matin et d'avoir contribué, par votre engagement personnel, à la réussite de cette manifestation.
Merci à vous tous d'être là, aujourd'hui, et de montrer par votre présence massive que l'avenir de nos banlieues, l'avenir des habitants de nos villes est une priorité nationale.
Dès mon entrée au Gouvernement, alors qu'on me pressait de sortir un énième plan, un énième catalogue de mesures, j'ai voulu une autre politique.
Dès le Conseil des ministres du 7 septembre à Strasbourg, en présence de tous les membres du Gouvernement, je proposais de changer d'attitude et de méthode, de briser les tabous, d'agir en profondeur.
C'est pour cette raison que j'ai lancé les rencontres territoriales et que j'ai demandé à la jeunesse de ce pays de s'exprimer et de s'impliquer. Le blog que j'ai ouvert le 1er août 2007 a été un succès.
Au cours des six mois qui viennent de s'écouler, j'ai rencontré des dizaines de milliers de personnes sur leur lieu de vie, chez eux, ou dans les cages d'escaliers.
J'ai entendu de nombreux élus, responsables associatifs, spécialistes de la question des banlieues, sociologues et acteurs locaux.
J'ai entendu aussi les propositions d'associations, celles de Clichy sous Bois comme celles de Villiers le Bel, du Mirail, celles des femmes relais de Pantin et tant d'autres.
J'ai entendu les propositions des réseaux d'acteurs, de chefs de projets, de fonctionnaires territoriaux, de responsables de centres de ressources.
J'ai pris note de toutes les contributions :
* des propositions des membres du Conseil National des Villes
* des conclusions de l'association Villes et Banlieues.
* des contributions des Maires des grandes villes de France
* J'ai entendu les propositions des associations des Maires de France ainsi que celles des Présidents de Conseils Régionaux et Conseils Généraux.
* J'ai pris connaissance de l'avis du Conseil Economique et Social rendu récemment
* J'ai entendu les avis et les propositions des parlementaires, au Sénat comme à l'Assemblée Nationale.
* J'ai pris acte des constats de l'Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles. Ils sont édifiants.
* J'ai lu et relu les rapports successifs de la Cour des Comptes et leurs observations, leurs recommandations et j'ai intégré leurs injonctions.
Tous formulent des constats alarmants, tous appellent à un nouveau souffle, à une nouvelle politique.
S'il faut retenir un seul point commun entre toutes ces contributions, c'est qu'on ne peut plus continuer comme cela.
On ne peut plus se satisfaire de bricolages, de replâtrage et de pansements URGO.
Nous avons besoin d'une autre politique de la Ville, d'une politique de la ville qui colle à la France d'aujourd'hui. Qui colle à la République d'aujourd'hui. Une République métissée, fière de sa diversité. Une République qui a besoin de Mixité, de Respect, d'Egalité. Une République qui fait de ses quartiers populaires une force.
C'est l'ambition du Président de la République, Nicolas SARKOZY, c'est l'engagement du Premier ministre, François FILLON. C'est la responsabilité du Gouvernement.
Christine BOUTIN et moi même allons tout faire pour traduire dans les faits cette ambition.
C'est pourquoi :
* Je veux une politique de la ville fondée sur l'évaluation et la culture du résultat
* Je veux une politique de la ville qui cible les problèmes
* Je veux une politique de la ville qui engage fortement et réellement le droit commun
* Je veux une politique de la ville faite pour et avec les gens, pour mieux répondre à leurs besoins
* Je veux une politique de la ville « sur mesure » qui s'appuie sur l' expertise locale et qui fait la promotion des bonnes pratiques.
Car l'expérience nous a montré qu'une politique générale dilue tout et ne résout rien.
La Cour des Comptes sur ce sujet là nous a rappelé à l'ordre dans son dernier rapport.
Les 300 rencontres territoriales, les différentes consultations que j'ai engagées auprès de la jeunesse, les contributions recueillies sur les blogs, tout cela nous confirme dans cette volonté d'ouvrir une nouvelle page et de faire que l'espoir banlieue soit notre credo.
Cette nouvelle politique exige une dynamique de long terme, basée sur trois piliers :
I - Tout d'abord, une nouvelle gouvernance, à la fois au niveau national et au niveau local.
Au niveau local, je propose de faire du tandem préfet/maire le pivot de cette nouvelle gouvernance. Mon objectif est de faire du «sur mesure» en fonction des besoins des populations et des territoires.
Cela veut dire plus de pouvoirs pour les uns et les autres, plus de déconcentration de crédits, la possibilité d'agir vite et fort sur les augmentations de loyer injustifiées ou en faveur de la propreté du cadre de vie des habitants.
Ici, comme dans toute politique publique, la culture du résultat et de l'évaluation doit être au coeur de cette nouvelle gouvernance.
Cette évaluation ne doit pas se faire au lendemain d'une émeute, mais en permanence, avec des indicateurs précis et ciblés.
Ces indicateurs, ils doivent être suivis au plus haut niveau, par un Conseil Interministériel des Villes réformé, réuni régulièrement, en présence de tous les ministres concernés, au moins deux fois par an.
Ils doivent permettre de mesurer exactement l'efficacité de tous les services publics dans les quartiers. Ils doivent permettre de comparer le service rendu aux habitants des quartiers avec celui dont profitent ceux des autres quartiers.
C'est ça, mobiliser vraiment le droit commun. Ce n'est pas seulement le dire. C'est surtout le faire.
Qui, ici, peut dire, chiffres à l'appui, si le nombre de fonctionnaires pour 1.000 habitants est plus fort ou plus faible dans les quartiers qu'ailleurs ? Qui peut dire si les actions de terrain sont toutes efficaces ? Et d'après quels indicateurs ?
Il faut mesurer, évaluer et avoir le courage de rectifier le tir lorsque cela est nécessaire.
C'est valable à tous les niveaux : au niveau local comme au niveau national.
Je veux vous dire à vous, acteurs de terrain, élus de proximité et associations, que je me battrai à vos cotés.
Vous êtes le pivot de ma démarche.
Je me battrai pour la reconnaissance d'un vrai statut de l'élu local. Je me battrai pour que les associations puissent travailler dès cette année sans peur du lendemain, avec des conventions pluriannuelles d'objectifs, des financements sécurisés et des systèmes d'avances sur subventions qui évitent les agios bancaires.
La nouvelle gouvernance passe par là. Elle exige aussi, pour être efficace, que l'on se fixe des priorités.
II - Le second pilier, c'est le ciblage de l'effort public, pour plus d'efficacité.
Pour éviter le saupoudrage des crédits, il faut se concentrer sur l'essentiel : les quartiers prioritaires
Nous devons donner de la visibilité à ce que nous faisons, collectivement. Je veux mettre fin à ces dispositifs qui s'accumulent et à ces différents sigles que pointe la Cour des Comptes dans son rapport.
C'est pourquoi je propose de ne travailler que sur deux niveaux de territoires :
* Au premier niveau: les quartiers les plus difficiles, une centaine environ, qui nécessitent de la réparation et du suivi. C'est là qu'il faut concentrer nos moyens, en plus du travail fait partout dans le cadre des Contrats Urbains de Cohésion Sociale, qu'il faut consolider. Parce que je ne veux de quartiers ghettos. Parce que je ne veux de territoires perdus pour la République. Parce que je ne veux plus de trouille, dans nos quartiers populaires.
* Au second niveau: les quartiers qui rencontrent des fragilités et dans lesquels il faut faire de la prévention.
III - Enfin, aux côtés de la rénovation urbaine qui a été engagée depuis 2003 avec l'ANRU, je propose d'engager une véritable rénovation sociale des quartiers
Le 8 janvier 2008, le Président de la République a annoncé qu'il voulait poser la question de la ville, dans le cadre d'une politique de civilisation. En disant cela, il a rappelé que cette question « pèse lourdement sur la qualité de la vie, sur la convivialité, sur la sociabilité, sur la solidarité ».
Cela veut dire qu'il faut agir autant sur le bâti que sur les hommes et les femmes. Cela veut dire qu'il est vain d'opposer populations et territoires. Les deux sont liés.
Autant, il nous faudra amplifier la rénovation urbaine à travers un second programme ANRU, autant il faudra engager une rénovation sociale concertée et partagée de nos quartiers.
Dans ce cadre, je propose d'engager immédiatement trois axes de travail.
Première priorité :
L'emploi, la formation des jeunes et la lutte contre les discriminations.
Cette priorité, comme les autres, doit engager tous les acteurs : les collectivités locales, l'Etat, mais aussi le monde de l'entreprise.
Mon objectif c'est de ne laisser aucun jeune dans le désoeuvrement.
Je veux répondre à Carine, d'ARRAS, qui m'a dit à quel point il est difficile pour une mère seule de concilier un travail et l'éducation de quatre enfants, sans soutien d'aucune sorte. Je veux lui dire que je proposerai au Président de la République d'engager des actions ambitieuses et innovantes en faveur de la garde d'enfants à domicile dans les quartiers, pour permettre à toutes ces mères de famille de travailler et créer 2.500 emplois en trois ans, pour celles qui veulent valoriser leurs Acquis et leur l'Expérience.
Je veux dire à Mohamed de Nantes que j'ai entendu ses difficultés à créer sa propre entreprise, sans réseau, sans financement et avec sa seule conviction : qu'il a une bonne idée et un marché à conquérir.
Je proposerai donc un programme visant à créer et accompagner en cinq ans, 20.000 entreprises nouvelles dans les quartiers.
Je veux dire à Fatima, de Perpignan, qu'elle ne sera plus seule dans sa recherche d'emploi. Que le moment de la confiance est venu. Que tout sera fait pour que des jeunes comme elle aient une vraie formation et soient accompagnés personnellement dans leur recherche d'emploi.
Et je veux aussi dire à Michel, Directeur des Ressources Humaines d'une grande entreprise, que j'ai rencontré à Bercy, qu'il faut dépasser les a priori. Que, derrière le verbe, l'attitude et les codes vestimentaires, il y a dans ces quartiers des véritables pépites qui ne demandent qu'à se mettre à son service.
Je veux rapprocher ces recruteurs de tous ces jeunes qui ne connaissent pas toujours les codes de l'entreprise. Il faudra aller les chercher en pied de cité, les former, les coacher, leur payer le permis de conduire si nécessaire, pour qu'en contrepartie, ils entrent dans l'emploi durable et y restent.
Je proposerai des dispositifs précis dans ce domaine, pour créer plus de 45.000 emplois en trois ans, et réduire dans le même temps de 40% le chômage des jeunes en banlieue.
Seconde priorité :
La réussite éducative dans un parcours sécurisé pour chaque enfant des quartiers.
Mon objectif est d'agir d'une manière permanente sur tous les points de fragilité de l'éducation des jeunes, tout au long de leur parcours scolaire.
Sur ce point, je propose, de pérenniser les dispositifs de réussite éducative, d'en faire le pilier de la logique de l'éducation personnalisée.
Mais je propose aussi de créer un dispositif de repérage des jeunes en situation de décrochage scolaire, pour ne plus jamais les perdre.
Je propose, pour ces jeunes, de renforcer les dispositifs de seconde chance et, ainsi, de leur apporter une vraie réponse qui leur évite de se retrouver à 16 ou 18 ans sans perspectives d'avenir.
Les expériences qui ont été menées en la matière, telles que « Ecole 2ème Chance » et «Défense 2ème Chance » doivent être maintenues et développées, à Vaulx-en-Velin comme ailleurs.
Et quand je parle d'agir sur tous les points de fragilité, cela veut dire qu'il faut prendre en compte les questions de santé, de parentalité, de la famille, etc.
Je demande que chaque écolier, que chaque collégien, que chaque lycéen de ces quartiers soit suivi personnellement en cas de besoin, par des systèmes de tutorat généralisé, pour en tirer le meilleur et lui permettre d'aller jusqu'au bout de ses capacités.
Je veux mettre à leur disposition une banque de stages, dans les collèges et lycées prioritaires.
Je veux que l'excellence soit visible dans nos quartiers ; que l'on sache, enfin, que l'élite de demain viendra de là.
Mais dans certains quartiers et dans certaines communes rien ne pourra se faire sans désenclavement. Je fais de cette question ma priorité.
Troisième priorité :
La question du désenclavement
Le désenclavement est indispensable au développement économique et social d'un territoire. Pour des communes comme Clichy sous Bois et Montfermeil en Seine Saint-Denis, c'est même vital.
Je m'y suis rendue pour constater la galère dans laquelle se trouve ceux et celles qui souhaitent accéder au bassin d'emploi tout proche, ou tout simplement sortir de leur quartier.
Comment s'étonner des chiffres du chômage de ces deux communes, qui atteignent des sommets ?
Comment s'étonner des ravages de l'absence de mixité sociale, de l'entre soi ?
Comment s'étonner de la virulence des propos des jeunes du quartier des Bosquets, qui pensent que l'Etat comme les collectivités locales les ont oubliés ?
Je ferai tout pour sortir les projets de transports en commun des placards dans lesquels ils dorment depuis trop longtemps.
Je propose donc que dans le cadre du Grenelle de l'environnement, une priorité soit donnée au désenclavement des quartiers relevant de la politique de la ville, pour créer de la mobilité et offrir de nouvelles perspectives à leurs habitants.
Je propose aussi que, au delà des lignes de tram ou de bus à construire, les initiatives menées par les maires ou les associations pour désenclaver leurs quartiers, qu'il s'agisse de baisses de tarifs, d'augmentation des rotations ou de création de moyens de transport alternatifs, soient soutenues et encouragées.
Que dire de la sécurité, qui est un droit que réclame nos concitoyens des quartiers prioritaires ? Ils veulent, comme tout le monde, vivre dans la tranquillité. Ils veulent de l'apaisement, des relations respectueuses et harmonieuses avec ce service public qu'est la police nationale.
Il faut ouvrir une nouvelle page dans ce domaine. Sans oublier les difficultés, accepter de faire amende honorable et considérer qu'il n'y a pas d'un côté, que des voyous, et de l'autre, que des racistes.
Je propose, qu'au delà des propositions déjà formulées par Le Ministre de l'Intérieur, la police élargisse massivement son recrutement à la banlieue ; qu'elle vante ses missions, ses métiers ; qu'elle réinvestisse les cités, sans oublier sa fonction, mais en rappelant qu'elle est là pour protéger, autant que pour sévir.
Mais je demande aussi aux mères, aux pères, d'en finir avec l'omerta. A partir du moment où ils demandent de la sécurité, qu'ils refusent l'économie parallèle et l'argent facile ; qu'ils éloignent définitivement leurs enfants de toutes ces dérives, qui gangrènent tout un quartier.
IV. Toutes ces propositions n'ont de sens que si la solidarité locale joue pleinement son rôle.
Elles n'ont de sens que si l'on engage une véritable réforme de la fiscalité locale, vers davantage de solidarité partagée.
N'est-il pas grand temps de s'interroger sur la pertinence des dotations de péréquation ?
Tout le monde le dit : elles ne corrigent pas suffisamment les égoïsmes territoriaux.
Elles ne permettent pas à des élus de terrain, souvent démunis, d'offrir un même niveau de service public à leur population, aux quatre coins de notre pays.
Régler ce problème suppose des actions fortes.
Je propose d'engager avec les élus une réflexion sur la question de solidarité financière entre les communes.
Ainsi, si nous avons l'obligation d'aider les villes pauvres dont la population est en difficulté, nous avons aussi le devoir de demander aux les villes parmi les moins pauvres de s'occuper de leurs populations dans le besoin.
Parce qu'il y a une différence entre les villes pauvres et les villes où il y a des pauvres. Parce qu'une commune comme Clichy-sous-Bois ne peut être traitée comme une ville telle que Nantes, de même que la ville de Montfermeil ne peut être traitée comme la ville de Toulouse.
Ces priorités exigent une volonté politique forte.
Le 8 février, le Président de la République détaillera lui même les premières mesures phares de cette nouvelle politique.
Il prononcera un discours fort qui tiendra compte de notre contribution collective. Par son implication personnelle dans ce débat, le Président de la République fait de la question des quartiers populaires et de nos banlieues une priorité nationale.
Il veut faire de ces territoires le fer de lance de nouvelles conquêtes.
Par son engagement sans précédent contre les discriminations et pour la promotion de la diversité, il veut faire de ces territoires le vivier des compétences et des élites de demain.
Moi Fadela AMARA, fille d'ouvrier immigré, femme de gauche, militante laïque et féministe, je dis que cet engagement présidentiel m'a touchée. Il a emporté mon adhésion, et entraîné mon implication dans le combat mené par le gouvernement de François FILLON.
Laissez moi vous dire du fond du coeur que je m'appuie sur ces engagements pour briser les tabous, bousculer les convenances et les clivages, pour créer les conditions d'un véritable changement.
Un changement qui passe par l'espoir et l'élan que nous allons donner à nos quartiers.
Voilà, mes très chers amis, le message que je souhaitais vous transmettre au terme de ces six mois de travail communs en faveur de la politique de la ville.
L'abbé Pierre, qui nous quitté il y a tout juste un an, disait si l'on ne fait rien « il y aura chaque hiver le scandale des sans logis et chaque été la violence des banlieues ».
Notre rendez vous d'aujourd'hui, n'est pas une fin. C'est un début. Nous nous retrouverons régulièrement. Car cette nouvelle politique a besoin de notre mobilisation permanente.
Comme disait Victor Hugo « il vient une heure ou protester ne suffit plus ; après la philosophie il faut l'action».
Source http://www.ville.gouv.fr, le 23 janvier 2008