Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur la politique de construction de logements et sur les mesures en direction des sans abri, Paris le 1er février 2008.

Prononcé le 1er février 2008

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation par la Fondation Abbé Pierre du rapport 2008 sur l'état du mal logement en France, à Paris le 1er février 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Délégué Général,
Mesdames, Messieurs, chers Amis,
Merci de m'accueillir aujourd'hui !
Mon intention était d'être présente dès la première heure et de pouvoir participer à l'ensemble de vos échanges. Malheureusement, j'ai été requise toute la matinée par le Premier Ministre pour le séminaire gouvernemental sur le rapport de la Commission pour la libération de la croissance sous la présidence de Jacques ATTALI. Il est trop tôt pour que j'en fasse le moindre commentaire public car son contenu fera non seulement l'objet d'un arbitrage interministériel, mais sera aussi largement débattu au Parlement. Toutefois, puisque ce rapport est désormais public, vous aurez certainement pris connaissance de sa proposition de « décision fondamentale » n°6 intitulée « mettre en place les infrastructures nécessaires et accroître l'offre et la qualité du logement social ». Cette proposition rejoint ce que je dis depuis bientôt 8 mois : tout ce qui permet d'augmenter la construction de logements y compris sociaux est bon pour la croissance française. Rien de nouveau sous le soleil ! « Quand le bâtiment va, tout va ! ».
Et de ce point de vue, nous pouvons nous réjouir car les résultats de la construction en 2007 sont excellents. Avec 435 000 nouveaux logements commencés en France, l'année 2007 est la plus forte année de production depuis la fin des années 1970, en hausse de plus de 1 % par rapport à 2006. La dynamique de production de logements sociaux se maintient à un très haut niveau avec un financement de plus de 100 000 nouveaux logements. L'offre nouvelle de PLUS et de PLS représente 80 000 logements à la fois pour la construction de logements mais aussi pour des résidences sociales ou des foyers pour les personnes âgées ou handicapées. En 2006, moins de 8 000 logements PLAI avaient été financés, l'an passé, ce chiffre est passé à 14 000.
Nous sommes en très bonne voie. Cette dynamique peut nous permettre de tendre vers les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République, à savoir 500 000 nouveaux logements chaque année, dont 120 000 logements sociaux ; des chiffres totalement inédits dans notre histoire !
Quelques mots en préambule sur le « Rapport annuel 2008 » de votre Fondation : je vous avoue honnêtement que je n'ai pas encore pu lire ses 293 pages. En revanche, j'ai examiné avec le plus grand intérêt l'excellente synthèse que votre Président m'a adressée. Je partage une grande partie de ses observations, à l'exception naturellement de sa dernière remarque dénonçant une « politique sans ambition » qui semble ignorer la volonté sans faille de notre gouvernement et tous les moyens mis en oeuvre.
Et c'est justement l'objet de ma venue aujourd'hui.
Cette réunion, ma présence ici à vos côtés, est naturellement pour moi un acte de reconnaissance et de foi dans le travail qui est le vôtre.
Mais nous fêtons, à quelques jours près, le premier anniversaire de la mort de l'Abbé PIERRE, qui considérait que son devoir était d'empêcher, je le cite, que « les consciences ne s'endorment ». Je suis venue vous dire que ma conscience ne s'est nullement endormie.
Le combat en faveur des sans abri - croyez-le bien - est le sujet qui me tient le plus à coeur dans le cadre de mes fonctions ministérielles.
Quoi qu'on en pense, quoi qu'on veuille, à notre époque, un homme sans résidence, n'est plus tout à fait un homme. C'est pourquoi, « donner un toit à chacun », est pour moi une affaire d'éthique. Non pas une éthique qui se réduirait à la moralité du devoir mais une éthique de la reconnaissance mutuelle de l'égale dignité de toutes les personnes qui habitent ce pays.
Le jour où l'Abbé Pierre nous quittait, je venais d'être nommée rapporteur de la loi sur le droit au logement opposable. Je me suis battue pour que le principe de « non remise à la rue » des personnes accueillies en centre d'hébergement d'urgence soit adopté.
Aujourd'hui, c'est chose faite ! C'est un acquis irréversible. La France est sortie une fois pour toutes du dispositif « période estivale / période hivernale » qui se déployait pendant les grands froids pour se replier, à la manière d'une peau de chagrin, dès l'arrivée des beaux jours. Nous avons définitivement tourné le dos à la seule logique de l'urgence pour entrer dans l'ère de la pérennisation et de la stabilisation, avec en ligne de mire : le logement ordinaire pour tous !
Ce progrès faisant partie de notre droit positif, je comprends l'impatience que certains ont ressentie cet hiver avec les premiers grands froids, quand les mêmes situations d'urgence que les années passées ont resurgi, avec les mêmes problèmes d'hébergement.
Je demande pour autant à chacun de tenir compte du chemin parcouru.
Comme le disait Saint Exupéry : « dans la vie, il n'y a pas de solutions. Il y a des forces en marche. Il faut les créer et les solutions suivent ».
Même s'il reste beaucoup à faire, Mesdames, Messieurs, nous avons considérablement avancé.
L'année 2008 a commencé comme s'est terminée 2007, dans le foisonnement des initiatives.
Ces dernières semaines ont certes été marquées par l'interpellation du monde associatif, mais aussi :
- par le discours fondateur sur le logement du Président de la République du 11 décembre à Vandoeuvre,
- par la mise en route des commissions de médiation du DALO et le dépôt des premiers dossiers,
- par une relance sans précédent de la lutte contre l'habitat indigne,
- enfin, par la mission confiée par le Premier ministre au député Etienne PINTE le 20 décembre afin de garantir avec le monde associatif un dialogue de qualité.
Les choses bougent, les choses avancent...
Certains ont vu dans le droit au logement opposable une nouvelle contrainte ?
Je suis convaincue pour ma part, que le droit au logement opposable est le levier qui va nous permettre de relancer avec combativité la construction dans notre pays et donc à terme d'être capable de proposer un logement à chacun dans notre pays.
Son premier mérite aura été de me faciliter la tâche pour relancer la lutte contre l'habitat indigne. Cette action est désormais unanimement considérée comme un élément essentiel du bon déroulement du DALO et de la prévention des demandes de relogement.
Parmi les personnes dont le relogement peut être déclaré prioritaire par la loi DALO, figurent, en effet, « les personnes logées dans des locaux impropres ou présentant un caractère insalubre ou dangereux... ».
Chacun a bien compris qu'il valait mieux agir avant que ces personnes n'aient à faire prévaloir leur droit !
Ma lettre circulaire aux préfets du 14 novembre dernier rappelle qu'il n'est pas admissible que subsistent des situations connues de logements insalubres, dangereux ou impropres à l'habitation, alors même que les arrêtés de police qui les frappent ont pour objet d'obliger les propriétaires à effectuer les travaux prescrits, à héberger ou reloger les occupants.
En cas de défaillance, l'obligation est reportée sur les autorités publiques. Nous avons prévu des mécanismes de garanties redoutables qui vont permettre de récupérer sur les « marchands de sommeil » l'argent dépensé par la collectivité en cas d'intervention publique. J'ai donc demandé à ce que soient exécutés les arrêtés de police afin que les propriétaires assument toutes leurs responsabilités.
J'ai par ailleurs demandé aux préfets, comme aux villes, d'engager un plan d'urgence de travaux d'office, avec une obligation de résultat. Enfin, les parquets ont reçu une circulaire de politique pénale pour mobiliser les procureurs et substituts dans la poursuite des infractions en matière d'habitat contraire à la dignité humaine. Des actions sont déjà en cours.
J'ai décidé également - vous le savez - de lancer une action d'ampleur en faveur des quartiers anciens dégradés. C'est dans ces quartiers que se concentre une grande part de la misère de notre pays. Vous connaissez tous la spirale qui affecte ces poches urbaines prises dans un processus de déclassement : les habitants qui en ont la possibilité en partent, ne restent que ceux qui n'ont pas d'autre choix et arrivent ceux pour qui ce parc présente des solutions de logement souvent refusées partout ailleurs. Je vais lancer une véritable dynamique de requalification de ces quartiers en veillant à conserver toutes les populations modestes sur place. J'ai missionné l'ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine), son président Gérard Hamel et son directeur général Philippe Van de Maele pour me proposer, en liaison étroite avec l'Agence nationale de l'habitat un projet de cadre législatif pour ce programme.
Mais venons-en à l'actualité la plus récente. La Mission PINTE
Mardi dernier, le Premier Ministre, mon Collègue Martin HIRSCH et moi-même avons fait le point sur les avancées de la mission confiée le 20 décembre à Etienne Pinte. Ce parlementaire a été chargé d'étudier avec un collectif d'associations dont vous êtes, les moyens les plus appropriés pour que "plus personne ne soit contraint de dormir dans la rue".
Le Premier ministre a présenté les grandes lignes du plan d'action pluriannuel en faveur des personnes en situation de grande précarité. Elles comportent des mesures immédiates.
Un poste de préfet, placé sous l'autorité du Premier ministre, sera prochainement créé afin de coordonner sur le terrain "toutes les actions de lutte contre les problèmes des sans-abri".
Une nouvelle enveloppe de 250 millions d'euros est prévue pour 2008.
Les crédits nécessaires seront prévus les années suivantes pour l'application du plan pluriannuel.
Le plan pluriannuel vise plusieurs objectifs :
- mettre en place, sous l'égide des préfets, une politique de prévention des expulsions locatives en faisant systématiquement une enquête sociale. Les décisions d'expulsion pourront être suspendues dans le cas où aucune solution d'hébergement digne n'aura été trouvée ;
- réhabiliter les centres d'hébergement pour les humaniser ;
- engager un plan national sur 4 ans de traitement de l'habitat indigne ;
- créer un système d'assurance pour mieux garantir les bailleurs contre les risques locatifs.
Autres objectifs : se donner les moyens d'appliquer le droit au logement opposable.
D'abord en poursuivant le programme de création de places de maisons relais -j'y attache personnellement une très grande importance. Ensuite, en engageant une première tranche de 10 000 logements privés faisant l'objet d'une intermédiation locative -je compte sur votre action pour inciter les propriétaires privés à remettre en location leurs logements vacants. Enfin, en appliquant avec rigueur les dispositions sur l'obligation d'au moins 20% de logements sociaux : dans le cas où des communes refuseraient de mettre en oeuvre ces dispositions, les préfets pourront exercer un droit de préemption sur le parc existant.
S'occuper du logement et de l'hébergement des plus pauvres -vous le savez comme moi- c'est une aventure plus difficile que d'autres ; et pourtant c'est aussi grâce à elle que notre pays progresse. La place, l'effort que l'on fait en faveur des plus pauvres n'est pas un sujet compassionnel, il est le visage même de la société que nous voulons former ensemble. C'est ma conviction.
Vous pouvez compter sur mon engagement personnel et inoxydable en faveur de l'éradication du mal-logement qui nous réunit ce matin. Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 12 février 2008