Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur le bilan de la loi handicap et le lancement d'un nouveau plan quinquennal de création de places en établissements et services pour les personnes handicapées, à Paris le 13 février 2008.

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Circonstance : Conclusion du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), à Paris le 13 février 2008

Texte intégral

Mon intervention d'aujourd'hui s'inscrit dans le contexte tout à fait particulier du troisième anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Au-delà des attentes, des observations et des critiques, le plus souvent justes et pertinentes, qui ont pu être formulées à l'occasion de cet anniversaire, je ne voudrais pas occulter un fait majeur. Cette loi est une loi fondatrice. Cinq millions de personnes handicapées et leurs familles sont directement concernées et elles ont pu, en dépit des difficultés, mesurer combien progressivement notre société est en train de porter un autre regard sur la différence, et en particulier sur le handicap.
Oui, depuis trois ans, nous pouvons convenir qu'il y a eu de grandes avancées pour les personnes handicapées et leurs familles et je voudrais en souligner cinq qui sont à mes yeux majeures :
La première, c'est la création des maisons départementales des personnes handicapées. Ces guichets uniques accueillent, orientent et accompagnent désormais les personnes et leurs familles dans toutes leurs démarches ;
La deuxième, c'est la création de la prestation de compensation du handicap. Elle permet à toutes les personnes handicapées de financer les aides humaines, techniques, animalières et tous les aménagements du logement nécessaires à leur pleine autonomie ;
La troisième, c'est la fixation de dates limites à la mise en accessibilité des lieux publics et des transports publics ;
La quatrième, c'est le droit, pour les enfants handicapés, d'être accueillis prioritairement à l'école ordinaire avec des moyens appropriés afin qu'ils puissent y exprimer toutes leurs capacités ;
La cinquième, c'est enfin le renforcement de l'obligation d'emploi des personnes handicapées, notamment à travers la création d'une obligation d'emploi dans la fonction publique comme au sein des entreprises. Même si, sur chacune de ces avancées, des améliorations significatives restent à apporter, il suffit de retourner quelques années en arrière pour voir la formidable dynamique qu'a créée la loi de 2005.
A cette date anniversaire, il me semble indispensable de faire avec vous le point sur l'application de la loi et notamment la parution de ses décrets d'application.
Pour mémoire, je souhaite rappeler que la mise en oeuvre de la loi a nécessité la publication d'un nombre considérable de textes d'application : plus de 120 décrets et arrêtés ont été pris en trois ans, en totale concertation avec le secteur, notamment à travers le conseil national consultatif des personnes handicapées. Ce travail a été titanesque : votre contribution y a été forte ; il est aujourd'hui en voie d'achèvement et je tenais à vous en exprimer toute ma reconnaissance, reconnaissance à laquelle j'associe la DGAS et le DIPH. L'été dernier, nous nous étions engagés à publier les derniers textes d'application pour le troisième anniversaire de la loi, à l'exception de ceux nécessitant une démarche au niveau communautaire : s'agissant des textes relevant de ma compétence, ce sera pratiquement chose faite. Quand ils relèvent d'autres ministères, je continue de mobiliser mes collègues du Gouvernement pour que les textes (essentiellement des arrêtés) relevant de leur compétence soient aussi pris dans les meilleurs délais.
A titre d'exemple, je voudrais citer le texte sur les centres relais d'appel d'urgence pour les personnes sourdes, dossier qui est resté longtemps en souffrance. Grâce à nos efforts, le dossier a été repris en main et nous avons obtenu de Matignon une reconnaissance claire de notre compétence pour le piloter. L'expérimentation va donc pouvoir commencer très prochainement, le CHU support est d'ores et déjà choisi : il s'agit de celui de Grenoble. Nous nous donnons un maximum de 24 mois pour parvenir à un maillage total du territoire.
Ces avancées se traduisent aujourd'hui par un certain nombre de progrès qui ont été rendus possibles par la mise en place de la loi, même si je reste consciente, comme je vous l'ai dit, des imperfections et du nombre de chantiers qui restent à achever.
Mais le travail qui est devant nous ne doit pas faire oublier ce qui a déjà été réalisé par un effort conjoint de l'Etat et des départements.
En effet il importe de rappeler que :
* Les maisons départementales du handicap ont toutes été installées dans les délais prévus par la loi (1er janvier 2006). L'Etat y consacre des moyens importants qui représentent en termes d'emplois 1 300 équivalents temps plein et plus de 120 millions d'euros en trois ans ;
* La prestation de compensation du handicap (PCH) bénéficie aujourd'hui à plus de 20 000 personnes handicapées. Elle améliore considérablement les sommes qu'elles peuvent consacrer à l'emploi d'une aide humaine. Son montant s'élève en moyenne à 1 300 euros, soit le double de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) ;
* Le nombre d'enfants handicapés accueillis à l'école ordinaire a augmenté de 20 % depuis le vote de la loi. 160 000 enfants ont été accueillis à l'école ordinaire lors de la dernière rentrée scolaire. Et l'Etat a accompagné cette démarche puisque 2700 AVS supplémentaires et 1250 places de SESSAD ont été mobilisés en 2008 pour donner à chacun de ces enfants l'accompagnement nécessaire ;
* La loi a donné une impulsion forte à l'emploi des personnes handicapées : même si beaucoup reste à faire, le nombre de demandeurs d'emploi handicapés a baissé de 10 % en trois ans. Au total, les contributions des employeurs qui n'atteignent pas le quota de 6 % de travailleurs handicapés permettent cette année de mobiliser 740 millions d'euros.
Voilà pour les résultats obtenus mais ils ne nous exonèrent pas de persévérer pour une mise en application exhaustive de toute la loi. C'est dans cette logique que les chantiers en cours vont continuer à mobiliser le Gouvernement.
Nous le savons, la loi, les règlements ne pourront pas tout à eux seuls. Au-delà des textes, il y a aussi les pratiques et pour les modifier, c'est la société toute entière qui doit se mobiliser et faire du handicap un enjeu du « mieux vivre ensemble ». Le gouvernement continuera donc avec ténacité à accompagner cette mutation. Mais il restera bien évidemment sensible aux inquiétudes exprimées par les associations.
En ce qui concerne, l'extension de la PCH aux enfants, j'ai bien entendu vos craintes sur le dispositif qui a été retenu. Toutefois je souhaite sur ce sujet réaffirmer une nouvelle fois mon attachement à la question de la compensation, qui est un des piliers de la loi de 2005. Oui, nous avons fait le choix d'un processus en deux étapes : une première étape dès 2008, prenant la forme d'un droit d'option entre AEEH et PCH, et une seconde étape, prenant la forme de l'ouverture totale d'une PCH rénovée aux enfants.
Mais ce choix n'a pas été fait pour pénaliser les familles. Compte tenu de l'état d'avancement du dossier lors de l'entrée en fonction du Gouvernement, il représentait la seule solution praticable et compatible avec le calendrier fixé par la loi. Nous avons donc choisi cette solution, afin de permettre un progrès immédiat pour les situations les plus difficiles, tout en ayant conscience qu'elle imposait un délai supplémentaire pour beaucoup de familles. Mais à terme l'égalité de traitement entre les familles sera respectée.
Pour permettre à la première étape d'être opérationnelle dans des délais compatibles avec la loi de 2005, nous avons voulu aller vite. Je sais que beaucoup d'entre vous s'en sont émus.
Je tiens à vous rassurer : la concertation reprendra toute sa place dans le cadre de la seconde étape. Je vous propose en effet de mettre en place un groupe de concertation qui devra faire des propositions pour s'assurer que la PCH rénovée permettra bien de prendre en compte l'ensemble des besoins spécifiques de tous les enfants, pour déterminer une ligne de partage entre les besoins pris en compte au titre d'une prestation familiale et au titre de la PCH et pour articuler ces deux prestations. Ses travaux seront naturellement conduits en cohérence avec ceux du groupe d'appui technique « compensation » constitué au sein du comité de suivi. Et je souhaite que le calendrier de cette seconde étape de l'ouverture de la prestation de compensation du handicap aux enfants puisse aboutir à une entrée en vigueur pour la rentrée 2009.
Comme cela vous a été précisé dans la note technique que je vous ai fait parvenir ce matin, je crois possible d'avancer sur plusieurs points qui vous préoccupent :
Pour tenir compte des familles recomposées, nous souhaitons ouvrir la possibilité de dédommager le nouveau conjoint du parent ayant à charge l'enfant ; Pour mieux prendre en compte le rôle des aidants familiaux, je propose de majorer significativement le dédommagement de l'aidant familial, pour le porter à la hauteur du complément de sixième catégorie de l'AEEH. Cette revalorisation substantielle, si elle est arbitrée dans le sens que je préconise, s'appliquera d'ailleurs quel que soit l'âge du bénéficiaire de la PCH, et bénéficiera donc également aux adultes.
Nous donnerons également la possibilité aux familles de demander le retour vers l'AEEH à tout moment, dès lors que la situation de l'enfant aura changé, et pas uniquement à la date d'échéance des droits. J'ai également bien entendu une de vos préoccupations majeures : il s'agit de la question de la prise en charge des besoins éducatifs. Cette question est en effet centrale dans le cadre de l'extension de la PCH aux enfants. C'est également un sujet complexe à plusieurs titres :
D'une part il suppose une définition partagée de ces besoins, afin de déterminer leur périmètre et leurs modalités de prise en compte, s'agissant notamment d'un partage entre une prestation familiale rénovée et la prestation de compensation. Une telle adaptation de la PCH nécessite à l'évidence des travaux préalables et une large concertation ;
D'autre part il exige également que des conséquences puissent être tirées concernant la prise en compte des besoins éducatifs au-delà de l'enfance, notamment s'agissant d'adultes atteints de handicap mental, psychique ou cognitif.
C'est pourquoi nous avons prévu de faire de ce travail sur les besoins éducatifs un point central des concertations sur la seconde étape de l'ouverture de la PCH aux enfants. Pour autant, je suis consciente de la nécessité d'apporter des réponses aux familles qui, aujourd'hui, faute d'une prise en charge adaptée pour leur enfant, supportent des charges éducatives qui dépassent de très loin celles de parents ordinaires.
C'est la raison pour laquelle je vous propose d'ouvrir, à titre transitoire et dans l'attente de travaux plus approfondis sur la définition, le périmètre et les modalités de prise en compte des besoins éducatifs, la possibilité d'une prise en charge au titre de la PCH des frais liés aux besoins éducatifs des enfants pour lesquels la décision d'orientation de la CDAPH reste aujourd'hui sans suite.
Deuxième chantier l'accessibilité : je souhaite le dire devant vous : les engagements pris cet été pour accélérer le chantier de l'accessibilité ont été tenus.
- Les diagnostics d'accessibilité seront échelonnés dès 2008 et seront accompagnés d'un échéancier des travaux à réaliser, pour permettre aux propriétaires de tenir le rendez-vous de 2015 fixé par la loi ;
- Le bilan de l'installation des commissions communales et intercommunales d'accessibilité demandé aux préfets nous parviendra dans les prochains jours ;
- Les communes vont pouvoir, comme prévu, déposer une demande de cofinancement des aménagements de leurs plages auprès du fonds interministériel d'accessibilité, le FIAH, doté en 2008 de 11 millions d'euros.
Mais je veux aller encore plus loin. Je veux réfléchir avec vous et l'ensemble des acteurs concernés aux moyens d'accompagner les propriétaires dans le financement des travaux et aux modalités d'un suivi précis des réalisations. Je compte sur vous pour m'aider à pousser plus avant ce vaste chantier.
Sur la question des ressources, dont je n'ignore qu'elle est au centre de toutes vos préoccupations, le Gouvernement tiendra les engagements pris par le Président de la République.
Pour cela, nous allons mettre en place une politique ambitieuse en faveur des bénéficiaires de l'AAH qui permette, grâce à un meilleur accès à l'emploi pour ceux qui le peuvent, de financer une amélioration des ressources pour tous.
Nous agirons simultanément sur quatre leviers :
- une revalorisation de l'AAH de 25 %, conformément à nos engagements tout en s'attachant à examiner la situation des personnes qui ne peuvent accéder à l'emploi au regard des ressources nécessaires pour vivre ;
- un travail d'harmonisation des droits pour les personnes relevant de statuts différents (invalidité, accident du travail...) ;
- une politique active de développement de l'emploi des personnes handicapées qui peuvent et veulent travailler ;
- une meilleure articulation entre revenus d'activité et prestation pour ceux qui accèderont à l'emploi, afin que personne n'y perde ; L'emploi des personnes handicapées constitue une priorité pour le Gouvernement. Pour atteindre les objectifs fixés par la loi, nous voulons mettre en oeuvre plusieurs mesures :
* nous souhaitons repérer systématiquement les personnes handicapées en capacité de travailler, afin de pouvoir leur proposer un programme personnalisé d'aide à l'accès à l'emploi ;
* nous aiderons au financement des travaux d'accessibilité des locaux professionnels, afin de lever d'éventuels freins au recrutement de travailleurs handicapés : dans ce but, les missions de l'AGEFIPH et du FIPHFP seront élargies à cette problématique ;
* nous voulons renforcer le recrutement dans les PME : l'AGEFIPH sera invitée à développer ses actions de conseil en recrutement en direction de ces entreprises ;
* nous souhaitons également améliorer le niveau de qualification des personnes handicapées, à travers la mise en place de plans régionaux d'accès à la formation professionnelle ;
* Enfin nous nous assurerons que l'accès à l'emploi se traduit bien toujours par une amélioration des ressources globales, grâce à une réforme de l'intéressement et des droits connexes.
Mais comment dresser un bilan de la loi de 2005 sans évoquer la question des MDPH ? Je suis, tout comme vous-même, parfaitement sensibilisée à l'iniquité territoriale à laquelle sont confrontées de trop nombreuses personnes. Certaines maisons sont exemplaires tandis que d'autres n'ont toujours pas trouvé leur rythme de croisière. Nous sommes face à des réalisations trop inégales, qui soulèvent un vrai problème d'équité de traitement. Les MDPH ont provoqué d'énormes attentes et les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Je veux engager très rapidement la concertation avec les conseils généraux et le monde associatif sur la question des personnels des maisons et l'évolution de leur statut. Ce chantier est pour moi absolument prioritaire. Enfin mon propos ne serait pas complet si je n'évoquais pas devant vous deux autres chantiers que je mets en résonnance l'un par rapport à l'autre : il s'agit du plan de création de places et du plan métiers Nous ne perdons pas de vue un second engagement pris par le Président de la République devant vous : je veux parler du lancement d'un nouveau plan quinquennal de création de places en établissements et services pour les personnes handicapées. Les grands axes de ce plan sont désormais tracés mais il ne m'appartient pas de vous les livrer.
Je puis cependant vous donner quelques indications :
1) En ce qui concerne les enfants par exemple, le plan traitera de l'offre de prise en charge pour les pathologies sous-dotées telles que l'autisme, le polyhandicap ou les troubles du comportement
2) Pour les adultes, outre le développement de nouvelles places pour les personnes les plus lourdement handicapées en MAS et en FAM, le plan s'attachera à développer l'aide à domicile afin d'assurer autant que faire se peut le libre choix entre établissement et domicile.
3) Enfin le plan abordera la question du développement de l'accueil temporaire et l'accueil de jour comme solutions de répit pour les familles, de même qu'il s'efforcera d'améliorer la prise en charge du handicap rare.
Pour permettre la mise en oeuvre de ce plan, comme pour bien d'autres aspects de la politique du handicap, nous aurons besoin de personnel en nombre suffisant, formé et qualifié. Pour trouver ces professionnels, j'ai présenté hier des priorités pour l'élaboration d'un plan des métiers au service des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes. Je ne reviendrai pas en détail sur ce plan qui va faire l'objet d'une expérimentation dans trois régions pilotes et dont l'objectif est de faire émerger les personnes-ressources dont auront besoin demain les personnes handicapées pour la prise en charge de leurs aides humaines. Il y a là, au-delà d'un gisement d'emplois non délocalisables considérable, un enjeu essentiel pour s'assurer que les personnes les plus fragiles de notre société seront traitées avec toute l'attention dont elles ont besoin.
Dans mon esprit, la création de places nouvelles ou de prises en charge supplémentaires à domicile ne peuvent s'envisager qu'accompagnée des moyens humains nécessaires ; il y a là, pour les années à venir, un formidable défi qu'il nous appartient de relever.
Je tiens sur cette problématique à saluer la contribution très positive du CNCPH à cette réflexion, notamment sur les volets relatifs aux nouveaux métiers. Nous avons en commun la volonté de continuer à construire ensemble le contenu de ces nouveaux métiers, leurs parcours d'accès, de formation et les passerelles qui les rendront attractifs, en lien, dans le champ du handicap, avec vos associations. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, j'ai souhaité que le CNCPH soit représenté au sein du comité national de pilotage du plan. Et je pense qu'il serait judicieux que votre conseil envisage de transformer le groupe de travail qu'il a constitué en un groupe de suivi de la montée en charge de ce plan des métiers.
Pour conclure, je souhaite vous confirmer que la première conférence nationale du handicap, prévue par la loi, aura lieu le 22 mai prochain. Elle marquera pour nous tous le point d'aboutissement de nos travaux et des concertations engagées. Elle sera l'heure des annonces concrètes sur les chantiers que nous avons ouverts au sein du comité de suivi. Je veux y associer tous les acteurs de la société, bien au-delà des professionnels du monde du handicap : l'entreprise, l'école, la culture... Pour la préparer, je compte d'abord sur vous tous, comme relais des attentes des personnes handicapées et de leurs familles. J'attends également beaucoup du comité de suivi que j'ai installé le 23 octobre dernier, et dont les groupes d'appui technique devront alimenter très concrètement cette journée en propositions d'ajustements et de réformes pour mieux faire vivre la loi de 2005.
La conférence doit être l'occasion d'une nouvelle impulsion donnée à la politique du handicap. Nous aurons tous à coeur de ne pas rater ce premier rendez-vous.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 20 février 2008