Texte intégral
Les élections municipales vont avoir lieu dans moins d'un mois. Le Nouveau Centre sera présent dans le Sud à Aix-en-Provence, Marseille, Nice avec Rudy Salles, Nîmes avec Yvan Lachaud, Agen avec Jean Dionis du Séjour, Castres avec Philippe Folliot, Toulouse ; dans l'Est à Dijon, Lyon, Besançon, Nancy, Strasbourg, Mulhouse, Reims ; dans le Nord à Valenciennes avec Valérie Létard, à Hem avec Francis Vercamer ; dans le Centre à Blois avec Nicolas Perruchot ; à Paris aussi avec Pozzo di Borgo, au Chesnay avec Christian Blanc, à Meudon avec Hervé Marseille, à Issy-les-Moulineaux avec André Santini, à Drancy avec Jean-Christophe Lagarde ; dans l'Ouest à Brest, Rennes, Bordeaux, Caen, Deauville avec Philippe Augier, Châtellerault avec Jean-Pierre Abelin...
Ces élections vont nous donner les moyens de constituer le maillage, le tissu conjonctif dont notre parti a besoin. Ces élections sont le semis d'une nouvelle terre que nous avons labourée et préparée depuis six mois.
Ces élections municipales sont une chance extraordinaire pour donner du corps - j'allais dire de la chair - à notre parti dans chaque département, permettre à nos militants de trouver un lieu d'accueil, de discussion, de débat... mais aussi un moyen de mettre en oeuvre ce à quoi nous croyons : la liberté, la responsabilité, la confiance dans l'homme de porter son destin collectif.
Enfin, ces élections vont être pour nous la chance du plus beau des engagements en politique : la vie locale, la responsabilité locale, le sentiment de construire et de bâtir.
Au-delà de ce tissu local, notre travail de maillage se justifie aussi par une vraie conviction, politique et pour ainsi dire philosophique, en faveur de la décentralisation et des libertés locales.
Vouloir une vraie décentralisation, faire vivre les territoires, c'est pour nous une manière de prendre position sur des questions essentielles touchant à la conception de l'unité de la République, à la lutte contre les inégalités, à l'approfondissement de la démocratie locale, au degré d'autonomie financière des collectivités ou encore aux nécessaires adaptations de la fonction publique territoriale.
Bien plus, la décentralisation engage un véritable débat philosophique, chargé de résonances politiques, philosophiques et historiques. La décentralisation interpelle nos traditions, nos institutions, nos habitudes, nos valeurs.
Dans notre Histoire de France, dans le patrimoine de nos valeurs héritées, il y a l'idée de la république une et indivisible. Il y a aussi une culture politique fondée sur l'idée de la citoyenneté transcendant les appartenances géographiques, culturelles et sociales. Il y a aussi le principe fondamental de la liberté, qui est pour une large part indissociable de l'égalité, cette égalité étant elle-même constitutive de l'unité nationale. tout cela fait notre modèle, politique et social, français.
Et bien, la décentralisation ne va pas mettre à mal ce modèle français, elle va lui redonner l'oxygène qui lui manque aujourd'hui. La société française aspire à davantage de liberté et de créativité, elle tourne le dos aux schémas de développement imposés depuis Paris. La décentralisation constitue précisément le cadre institutionnel qui lui garantira la confiance, la responsabilité, la liberté.
La décentralisation, c'est plus de liberté et plus de responsabilité
La décentralisation se situe en fait au carrefour du libéralisme et de la démocratie chrétienne. Le libéralisme est décentralisateur, car la décentralisation est une des conditions et en même temps une des formes de la liberté.
C'est remettre l'individu au devant de la société : il n'est plus un simple membre d'un corps social dont la volonté générale peut tout régler. Ainsi Benjamin Constant, en 1815, remarquait que ce n'est pas en supprimant les intermédiaires entre l'Etat et l'individu qu'on préserve la cohésion sociale.
Au contraire, ce sont les communes, les collectivités locales, qui peuvent être un moyen de tisser les liens sociaux entre les individus. Il l'expliquait ainsi : « Les liens particuliers fortifient le lien général, au lieu de l'affaiblir. Dans la gradation des sentiments et des idées, on tient d'abord ) sa famille, puis à sa cité, puis à sa province, puis à l'Etat. Brisez les intermédiaires, vous n'aurez pas raccourci la chaîne, vous l'aurez détruite. »
La décentralisation, c'est la responsabilité de l'individu, condition de son bien-être
Tocqueville rapporta des Etats-Unis un autre argument libéral en faveur de la décentralisation. Il a en effet été réconcilié avec la démocratie grâce notamment à ce principe de décentralisation qu'il a retrouvé en Amérique. Il a pris conscience que cette forme locale de la démocratie était moins favorable à la tyrannie de la majorité que ne l'était la démocratie française, telle qu'il la vivait.
De fait, les institutions locales sont capables de garantir un meilleur apprentissage de la liberté ; elles peuvent aussi permettre à l'individu un épanouissement de son intérêt privé, tout en développant son sens de l'intérêt commun. La décentralisation est ainsi le meilleur rempart contre la tyrannie de cet Etat central, tutélaire et paternel, qui finirait par réduire le citoyen à un état de servitude où il doit tout attendre de la société. Tocqueville écrit ainsi : « La société est-elle obligée, comme on le croit chez nous, de garantir l'individu et de faire son bonheur ; plutôt sa seule obligation n'est-elle pas de donner à l'individu des moyens faciles et sûrs de se garantir lui-même et de se créer une existence heureuse ? » La première idée conduit à un pays centralisé, où l'Etat s'occupe de tout, tandis que la seconde suppose des collectivités locales fortes et responsables, laissant les libertés individuelles s'épanouir. Si cette seconde notion est plus difficile dans son application, elle me paraît la seule vraie. C'est la seule compatible avec l'existence de la liberté politique, c'est la seule capable de faire des citoyens et même des hommes.
La décentralisation n'est pas contraire à l'unité nationale, c'est même l'aboutissement de la République
Même les penseurs les plus attachés à l'unité de la Nation étaient de fervents défenseurs de la décentralisation. Un exemple ? Barrès - que je n'ai pas l'habitude de citer - voyait dans la centralisation administrative l'étouffement de toute velléité de liberté locale et individuelle, une bureaucratie toute-puissante qui écrasait la France sous le poids de Paris. C'était pour lui la faiblesse principale de notre pays : la France « s'épuise, se dessèche d'envoyer toute sa vie dans Paris qui se congestionne », qu'elle en est « anémiée ». Ancien député de Nancy, il défendait le principe que seul le transfert des pouvoirs de décision aux collectivités locales permettrait le triomphe de l'initiative individuelle et d'apporter des solutions aux grandes questions politiques et sociales que l'Etat centralisé est incapable de résoudre. Il voyait même dans la décentralisation un élément de la doctrine républicaine, « qui fut toujours comprise comme un acheminement vers le gouvernement direct ». La décentralisation était ainsi l'aboutissement de la républicanisation du pays : la conquête des libertés locales, sans lesquelles il n'y a pas de libertés du tout.
Vous le voyez bien, c'est tout un héritage politique et culturel, mais aussi un substrat philosophique, qui doit inciter notre pays à aller plus loin dans la voie de la décentralisation. Cette décentralisation est la condition indispensable d'un Etat fort, ramassé sur ses compétences régaliennes et sur son rôle de péréquation.
Il est temps de changer notre logiciel d'action publique, d'en finir avec ce centralisme hérité qui verrouille notre pays et bloque les initiatives individuelles.
Tout, actuellement, nous y incite : l'essoufflement de l'Etat, la faiblesse de ses moyens d'investissement, la persistance des injustices sociales, l'atomisation sociale contrebalancée par la quête d'identité qui anime nos concitoyens face aux inquiétudes d'un monde globalisé, tous ces signes militent en faveur d'une République moderne et décentralisée, en faveur d'un renouveau de nos pratiques, pour les rendre plus proches des citoyens. Mettons fin aux usines à gaz que nous avons créées par un chevauchement de compétences.
Les élus locaux, dont je suis, le constatent avec désolation : le système fiscal est à bout de souffle, les compétences croisées sont légion, le sentiment est généralisé que l'Etat n'a plus les moyens de ses politiques, que le compte n'y est jamais complètement.
Sur le fond, qui pourrait être opposé à un rapprochement des centres de décision pour une plus grande efficacité, pour des économies d'échelles, pour une répartition plus équitable de la richesse nationale ? à un rapprochement des centres de décision proche du citoyen et de ses intérêts ?
Jusqu'alors, la décentralisation s'est en grande partie faite par défaut, dans le soupçon, l'Etat paraissant mépriser les collectivités et les territoires devenant méfiants envers l'Etat, et sans réussir à convaincre les citoyens de son bien-fondé. La décentralisation, ce n'est pas l'Etat incapable de se réformer qui se retire sur la pointe des pieds. Ce n'est pas seulement un marchandage financier entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Cela signifie, de la part de l'Etat, de nouvelles pratiques : l'Etat doit écouter, déléguer certaines de ses compétences, s'écarter d'une logique hiérarchique au profit d'une logique de partenariat où l'autorité ne se décrète plus, mais se gagne et s'organise différemment. Dans certains secteurs, l'Etat doit être acteur, dans d'autres il doit être régulateur.
Je vois quatre conditions pour que la décentralisation telle que nous l'envisageons fonctionne :
- 1/ D'abord, il faut une clarification majeure des compétences, c'est-à-dire mettre fin aux compétences croisées, qui sont la source de duplications infinies des services. Quand une compétence est exercée par un échelon de collectivité, elle n'a pas le droit d'être exercée par quiconque. Si elle est exercée par l'Etat, elle n'est pas exercée par une collectivité locale. Au contraire, aujourd'hui, tout le monde fait tout, ce qui crée des complications, des lenteurs, une irresponsabilité générale, et in fine une inefficacité quasi-totale.
Par exemple, l'Etat a son service économique, la région a le sien, le département aussi, l'EPCI aussi, parfois même la commune, sans compter les nombreux comités de développement. Il existe donc cinq services, cinq administrations pour traiter le même dossier.
Et on pourrait en dire autant en matière de culture, de tourisme, de sport... Un chiffre le montre bien : l'évolution du nombre de fonctionnaires depuis 25 ans. La fonction publique d'Etat est passée de 2,1 millions de fonctionnaires en 1980 à 2,5 en 2005 ; la fonction publique territoriale, d'1 million en 1980 à 1,5 million ; la fonction publique hospitalière, de 700 000 à 900 000 fonctionnaires. C'est la fonction publique territoriale qui a accru la dépense publique.
L'Etat doit donc fixer comme première règle intangible l'interdiction des compétences croisées : une compétence n'est exercée que par une seule personne publique.
- 2/ Deuxièmement, il faut rendre la dépense responsable, c'est-à-dire attachée à la recette.
Depuis 1998, l'Etat crée une évolution dangereuse : les recettes propres des collectivités locales diminuent, par la substitution de dotations de l'Etat à des ressources fiscales locales - suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, de la vignette, exonérations et dégrèvements que l'Etat propose aux contribuables locaux...
Les chiffres le montrent : en 1998, la part des recettes propres par rapport aux recettes totales hors emprunts était de 60 % en 1998, elle est de moins de 36 % en 2006. Pour les départements, ce ratio est passé de 67 % à moins de 50 % en 2006. Et, face à cela, d'autres dépenses lourdes pour les collectivités locales sont montées en charge : la réhabilitation des collèges et des lycées, la gestion du RMI-RMA, l'aide aux personnes âgées dépendantes...
C'est ainsi que nous avons combattu la réforme de la taxe professionnelle, en refusant un mécanisme déresponsabilisant, dans la mesure où ceux qui ont géré avec rigueur sont sanctionnés, alors que ceux ayant des taux très élevés sont récompensés.
Les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales doivent être fondées sur la confiance mutuelle et organisées selon des règles claires et pérennes. Et la part des ressources propres doit être d'un montant tel qu'elle détermine la liberté des collectivités. C'est ni plus ni moins respecter l'esprit de la Constitution.
Donner davantage de responsabilités aux collectivités locales, c'est poser en principe l'équivalence entre les charges et les ressources transférées ; spécialiser l'impôt par collectivité ; donner aux collectivités territoriales une certaine liberté pour fixer le taux ou l'assiette des impôts ; mettre en place une évaluation préalable contradictoire des décisions pouvant impacter les finances des collectivités locales ; mettre en place une véritable péréquation, et permettre à la DGF de remplir un vrai rôle de correction...
Il ne s'agit pas de dépenser davantage, mais de retrouver une certaine flexibilité des recettes, afin de permettre aux assemblées territoriales de mener de véritables politiques locales, et pas seulement de gérer des dossiers pour le compte d'un Etat seul gardien de la norme.
- 3/ La responsabilité des présidents d'EPCI devant les électeurs.
Le développement et l'importance, démographique et budgétaire, des EPCI à fiscalité propre doivent nous conduire à ouvrir le débat de l'élection des délégués intercommunaux et des présidents au suffrage universel direct. C'est bien souvent la crainte que l'élection au suffrage universel direct ne transforme l'intercommunalité en supra-communalité, et donc ne conduise à la mort des communes, qui fait que cette idée trouve peu de soutien parmi les élus locaux. Mais aujourd'hui, les compétences de l'EPCI englobent la quasi-totalité des compétences communales, et même les polices spéciales peuvent lui être transférées ; elle est devenue un lieu de pouvoir politique et fiscal. Par conséquent, elle doit aussi être un lieu démocratique, sauf à perdre un jour sa légitimité.
Certes, l'autonomie fiscale des EPCI par rapport à leurs communes membres et le simple fait que les EPCI lèvent l'impôt, créent naturellement une responsabilité des délégués communautaires devant les contribuables, leurs électeurs.
Mais le lien entre les électeurs et les délégués communautaires est trop lâche quand ces délégués ne sont pas élus directement par les citoyens. Et le risque n'est pas seulement celui du déficit démocratique, il concerne également une insuffisance de contrôle de l'électeur contribuable sur celui qui lève l'impôt.
Il faudra bien un jour trouver un régime électoral qui donne aux présidents d'EPCI une responsabilité devant les électeurs.
- 4/ Dernière condition, il faut tirer les conséquences des lois de décentralisation et trancher le débat département/région.
Par exemple, à la DDASS du Finistère, il y a toujours environ 130 personnes, alors que ces services ont vu leurs fonctions réduites par les lois de décentralisation : ils ont perdu la protection de l'enfance et une partie du handicap au début des années 1980, une partie de l'hôpital avec les ARH, le versement du RMI, la politique du handicap, l'aide aux personnes âgées. Il leur reste l'aide sociale d'Etat, les demandes d'asile et l'hébergement d'urgence, mais ils sont toujours 130. Et la situation est la même dans les DDE et les DRIRE. Ces chiffres le montrent bien : des compétences ont été transférées aux départements et aux régions, les collectivités ont créé des postes, mais l'Etat en a toujours autant. C'est d'abord un gâchis humain, laissant un goût amer à des fonctionnaires qui ont fait le plus souvent leur travail consciencieusement, et pour qui on ferme l'horizon. Et c'est aussi un gâchis financier, bien entendu.
Cela implique aussi de reprendre le serpent de mer des échelons des collectivités locales. Peut-on vivre avec communes, EPCI, pays, départements, régions, Etat et Europe ? Nous avions proposé, à l'UDF, le regroupement département-région. C'est le moins que l'on puisse proposer pour rationaliser ce système complexe, coûteux, fait pour les initiés et certainement pas pour nos compatriotes.
Bruno Rémond, conseiller maître à la Cour des comptes, auteur en 2007 du rapport « La région, une France d'avenir », écrivant cet été dans Commentaire que la région devait être considérée comme le « pivot de l'organisation des pouvoirs publics, du niveau national au niveau local ». Ni Etat central, ni simple collectivité locale comme les départements et les communes, elle participe de l'un et des autres. Il propose notamment la disparition des départements dans les zones fortement agglomérées, par exemple la petite couronne de la région parisienne ou l'espace de la COURLY dans la région Rhône-Alpes, avec transfert des compétences des conseils généraux aux régions ou aux communautés urbaines. Il propose également de transférer aux conseils régionaux un pouvoir réglementaire leur permettant d'appliquer de manière diversifiée, sous réserve du contrôle de légalité, les textes législatifs régissant les politiques publiques ; par exemple, on voit tout l'intérêt d'une mise en oeuvre régionalisée liée aux spécificités locales pour la loi littoral ou pour la PAC - les petites exploitations fruitières et maraîchères du Sud-Ouest ne sont pas les grandes plaines céréalières du Bassin parisien ; autre exemple, cela permettrait plus de souplesse dans la gestion de l'apprentissage et de la formation professionnelle, selon un principe qui existe déjà en Alsace et dans les départements mosellans.
Regardons chez nos voisins européens : partout où la décentralisation est effective, les résultats sont au rendez-vous, la dynamique économique et la création d'emploi se conjuguent avec le renforcement du pouvoir local. Pourquoi la France ferait-elle exception ?
Plusieurs secteurs importants ont tout à gagner de la décentralisation. D'abord, la formation professionnelle, l'apprentissage et l'enseignement supérieur. En effet, face au chômage, des jeunes en particulier, la solution passe notamment par la mise en place d'une formation initiale et tout au long de la vie qui soit enfin adossée aux dynamiques économiques pourvoyeuses d'emploi. C'est là que les acteurs locaux ont tout leur légitimité.
Ensuite, l'action économique. Quand on regarde les pays et les régions qui connaissent la croissance - la Catalogne, la Bavière, le Pays basque, on voit aussitôt le lien entre croissance initiatives locales. Le Pays basque espagnol, dans les années 90, comptait 25 % de chômage, aujourd'hui, 4 %. Entre ces deux dates, il y a eu la régionalisation de l'action microéconomique, qui a permis de nouer des relations de proximité et de confiance entre les pouvoirs régionaux, les PME, les universités, les laboratoires de recherche. Les fameux clusters, que nous découvrons aujourd'hui avec les pôles de compétitivité, en sont nés. C'est à l'évidence au niveau local que peuvent se décloisonner le monde universitaire et le monde de l'entreprise. Quant à la belle idée des pôles de compétitivité, elle doit sûrement aller plus loin. Je rappellerai que, selon les régions, le coût de fonctionnement des DRIRE peut représenter jusqu'à 50 % de l'argent distribué ; comment, dans ces conditions, accompagner les initiatives locales ? Il est urgent de clarifier les responsabilités économies : à l'Etat de fixer les grands équilibres macro-économiques, de déterminer la norme et d'assurer la cohésion territoriale ; aux collectivités locales, d'abord la région, de définir des stratégies concertées en faveur du développement économique, en lien avec les entrepreneurs et es chercheurs.
Troisième secteur, le développement durable. C'est l'affaire de tous, et d'abord de nos comportements individuels, mais les collectivités locales sont en première ligne : en conditionnant les subventions et les aides au respect de l'environnement, en construisant pour les départements des collèges HQE, pour les régions des lycées HQE ; en utilisant leurs compétences en matière ferroviaire pour favoriser le fret, en lançant des programmes régionaux de maîtrise de l'eau ou de soutien aux énergies renouvelables.
Dernier point pour finir, la décentralisation doit être un facteur de démocratisation. Les Français veulent participer, être associés ; il faut les solliciter et avoir confiance. C'est d'ailleurs pour eux que nous voulons décentraliser les pouvoirs et les décisions au plus près du terrain ! Cela implique d'aller plus loin en matière de référendum local et de droit de pétition des citoyens.
La décentralisation organisée et équitable libérera l'Etat de ses faiblesses, tandis que l'Etat recentré délivrera l'organisation actuelle des pouvoirs locaux de ses blocages.
Un peu de politique, avant de finir. Ces élections municipales nous auront au moins donné le plaisir de voir le spectacle d'équilibriste que jouent les hommes du Modem. Quel grand écart, par exemple, entre la situation à Dijon, où le Modem fait liste commune avec le maire sortant PS François Rebsamen, et à Périgueux, où le Modem participe à la liste menée par Xavier Darcos, contre le PS. L'embrouillamini atteint son sommet à Lyon, où le Modem est divisé en 3 : la liste indépendante d'Eric Lafond, qui a reçu l'investiture du Modem ; 5 Modem sur la liste de Dominique Perben et 4 Modem sur la liste de Collomb. A Bordeaux également, Alain Juppé a reçu le soutien du Modem, tandis que la liste du candidat PS Alain Rousset compte également deux candidats MoDem. Autre situation embrouillée, à Corbeil-Essonnes, où François Bayrou s'est désolidarisé de la chef de file MoDem à Corbeil-Essonnes, Nathalie Boulay-Laurent, engagée sur la liste du maire sortant Serge Dassault.
Je finirai par Strasbourg, où une ancienne adjointe de l'UMP Fabienne Keller fera liste commune avec l'ex-porte-parole des Verts Yann Wehrling, qui est en rupture de ban avec son parti ; elle devra cependant faire face à une liste dissidente de militants du Modem. Je dis souvent que, à voir l'enchevêtrement de nos collectivités locales, une chatte n'y retrouverait pas ses petits, mais je crois que la stratégie du Modem est encore plus compliquée...
Notre souci est celui de la cohérence, de la clarté, de la lisibilité démocratique. C'est ce que les citoyens attendent de nous. Et c'est ce qu'une République décentralisée pourrait apporter à la France.
C'est parce que nous sommes attachés à l'unité nationale et à notre Etat que nous sommes partisans de la décentralisation. La décentralisation renforcera la République, elle accroîtra l'efficacité de l'action publique en lui donnant plus de souplesse et de proximité. Finalement, c'est une mesure d'intérêt général, qui redonnera à la France le souffle dont elle a besoin. Elle s'inscrit dans le droit fil de l'histoire de notre République et de la conquête des libertés individuelles.
Le président de la République, dans ses voeux aux Français, a appelé à une « politique de civilisation ». Je pense qu'une politique de civilisation digne de ce nom est d'abord une politique de citoyenneté juste. Elle implique de grandes politiques publiques ; une vision du développement social et territorial fondée non sur des discriminations « positives » sectorielles, mais sur la libération des énergies locales et sur des politiques efficaces et responsabilisantes, pour dynamiser les territoires, restaurer l'égalité des chances et créer les conditions d'une véritable identité commune.Source http://www.le-nouveaucentre.org, le 18 février 2008
Ces élections vont nous donner les moyens de constituer le maillage, le tissu conjonctif dont notre parti a besoin. Ces élections sont le semis d'une nouvelle terre que nous avons labourée et préparée depuis six mois.
Ces élections municipales sont une chance extraordinaire pour donner du corps - j'allais dire de la chair - à notre parti dans chaque département, permettre à nos militants de trouver un lieu d'accueil, de discussion, de débat... mais aussi un moyen de mettre en oeuvre ce à quoi nous croyons : la liberté, la responsabilité, la confiance dans l'homme de porter son destin collectif.
Enfin, ces élections vont être pour nous la chance du plus beau des engagements en politique : la vie locale, la responsabilité locale, le sentiment de construire et de bâtir.
Au-delà de ce tissu local, notre travail de maillage se justifie aussi par une vraie conviction, politique et pour ainsi dire philosophique, en faveur de la décentralisation et des libertés locales.
Vouloir une vraie décentralisation, faire vivre les territoires, c'est pour nous une manière de prendre position sur des questions essentielles touchant à la conception de l'unité de la République, à la lutte contre les inégalités, à l'approfondissement de la démocratie locale, au degré d'autonomie financière des collectivités ou encore aux nécessaires adaptations de la fonction publique territoriale.
Bien plus, la décentralisation engage un véritable débat philosophique, chargé de résonances politiques, philosophiques et historiques. La décentralisation interpelle nos traditions, nos institutions, nos habitudes, nos valeurs.
Dans notre Histoire de France, dans le patrimoine de nos valeurs héritées, il y a l'idée de la république une et indivisible. Il y a aussi une culture politique fondée sur l'idée de la citoyenneté transcendant les appartenances géographiques, culturelles et sociales. Il y a aussi le principe fondamental de la liberté, qui est pour une large part indissociable de l'égalité, cette égalité étant elle-même constitutive de l'unité nationale. tout cela fait notre modèle, politique et social, français.
Et bien, la décentralisation ne va pas mettre à mal ce modèle français, elle va lui redonner l'oxygène qui lui manque aujourd'hui. La société française aspire à davantage de liberté et de créativité, elle tourne le dos aux schémas de développement imposés depuis Paris. La décentralisation constitue précisément le cadre institutionnel qui lui garantira la confiance, la responsabilité, la liberté.
La décentralisation, c'est plus de liberté et plus de responsabilité
La décentralisation se situe en fait au carrefour du libéralisme et de la démocratie chrétienne. Le libéralisme est décentralisateur, car la décentralisation est une des conditions et en même temps une des formes de la liberté.
C'est remettre l'individu au devant de la société : il n'est plus un simple membre d'un corps social dont la volonté générale peut tout régler. Ainsi Benjamin Constant, en 1815, remarquait que ce n'est pas en supprimant les intermédiaires entre l'Etat et l'individu qu'on préserve la cohésion sociale.
Au contraire, ce sont les communes, les collectivités locales, qui peuvent être un moyen de tisser les liens sociaux entre les individus. Il l'expliquait ainsi : « Les liens particuliers fortifient le lien général, au lieu de l'affaiblir. Dans la gradation des sentiments et des idées, on tient d'abord ) sa famille, puis à sa cité, puis à sa province, puis à l'Etat. Brisez les intermédiaires, vous n'aurez pas raccourci la chaîne, vous l'aurez détruite. »
La décentralisation, c'est la responsabilité de l'individu, condition de son bien-être
Tocqueville rapporta des Etats-Unis un autre argument libéral en faveur de la décentralisation. Il a en effet été réconcilié avec la démocratie grâce notamment à ce principe de décentralisation qu'il a retrouvé en Amérique. Il a pris conscience que cette forme locale de la démocratie était moins favorable à la tyrannie de la majorité que ne l'était la démocratie française, telle qu'il la vivait.
De fait, les institutions locales sont capables de garantir un meilleur apprentissage de la liberté ; elles peuvent aussi permettre à l'individu un épanouissement de son intérêt privé, tout en développant son sens de l'intérêt commun. La décentralisation est ainsi le meilleur rempart contre la tyrannie de cet Etat central, tutélaire et paternel, qui finirait par réduire le citoyen à un état de servitude où il doit tout attendre de la société. Tocqueville écrit ainsi : « La société est-elle obligée, comme on le croit chez nous, de garantir l'individu et de faire son bonheur ; plutôt sa seule obligation n'est-elle pas de donner à l'individu des moyens faciles et sûrs de se garantir lui-même et de se créer une existence heureuse ? » La première idée conduit à un pays centralisé, où l'Etat s'occupe de tout, tandis que la seconde suppose des collectivités locales fortes et responsables, laissant les libertés individuelles s'épanouir. Si cette seconde notion est plus difficile dans son application, elle me paraît la seule vraie. C'est la seule compatible avec l'existence de la liberté politique, c'est la seule capable de faire des citoyens et même des hommes.
La décentralisation n'est pas contraire à l'unité nationale, c'est même l'aboutissement de la République
Même les penseurs les plus attachés à l'unité de la Nation étaient de fervents défenseurs de la décentralisation. Un exemple ? Barrès - que je n'ai pas l'habitude de citer - voyait dans la centralisation administrative l'étouffement de toute velléité de liberté locale et individuelle, une bureaucratie toute-puissante qui écrasait la France sous le poids de Paris. C'était pour lui la faiblesse principale de notre pays : la France « s'épuise, se dessèche d'envoyer toute sa vie dans Paris qui se congestionne », qu'elle en est « anémiée ». Ancien député de Nancy, il défendait le principe que seul le transfert des pouvoirs de décision aux collectivités locales permettrait le triomphe de l'initiative individuelle et d'apporter des solutions aux grandes questions politiques et sociales que l'Etat centralisé est incapable de résoudre. Il voyait même dans la décentralisation un élément de la doctrine républicaine, « qui fut toujours comprise comme un acheminement vers le gouvernement direct ». La décentralisation était ainsi l'aboutissement de la républicanisation du pays : la conquête des libertés locales, sans lesquelles il n'y a pas de libertés du tout.
Vous le voyez bien, c'est tout un héritage politique et culturel, mais aussi un substrat philosophique, qui doit inciter notre pays à aller plus loin dans la voie de la décentralisation. Cette décentralisation est la condition indispensable d'un Etat fort, ramassé sur ses compétences régaliennes et sur son rôle de péréquation.
Il est temps de changer notre logiciel d'action publique, d'en finir avec ce centralisme hérité qui verrouille notre pays et bloque les initiatives individuelles.
Tout, actuellement, nous y incite : l'essoufflement de l'Etat, la faiblesse de ses moyens d'investissement, la persistance des injustices sociales, l'atomisation sociale contrebalancée par la quête d'identité qui anime nos concitoyens face aux inquiétudes d'un monde globalisé, tous ces signes militent en faveur d'une République moderne et décentralisée, en faveur d'un renouveau de nos pratiques, pour les rendre plus proches des citoyens. Mettons fin aux usines à gaz que nous avons créées par un chevauchement de compétences.
Les élus locaux, dont je suis, le constatent avec désolation : le système fiscal est à bout de souffle, les compétences croisées sont légion, le sentiment est généralisé que l'Etat n'a plus les moyens de ses politiques, que le compte n'y est jamais complètement.
Sur le fond, qui pourrait être opposé à un rapprochement des centres de décision pour une plus grande efficacité, pour des économies d'échelles, pour une répartition plus équitable de la richesse nationale ? à un rapprochement des centres de décision proche du citoyen et de ses intérêts ?
Jusqu'alors, la décentralisation s'est en grande partie faite par défaut, dans le soupçon, l'Etat paraissant mépriser les collectivités et les territoires devenant méfiants envers l'Etat, et sans réussir à convaincre les citoyens de son bien-fondé. La décentralisation, ce n'est pas l'Etat incapable de se réformer qui se retire sur la pointe des pieds. Ce n'est pas seulement un marchandage financier entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Cela signifie, de la part de l'Etat, de nouvelles pratiques : l'Etat doit écouter, déléguer certaines de ses compétences, s'écarter d'une logique hiérarchique au profit d'une logique de partenariat où l'autorité ne se décrète plus, mais se gagne et s'organise différemment. Dans certains secteurs, l'Etat doit être acteur, dans d'autres il doit être régulateur.
Je vois quatre conditions pour que la décentralisation telle que nous l'envisageons fonctionne :
- 1/ D'abord, il faut une clarification majeure des compétences, c'est-à-dire mettre fin aux compétences croisées, qui sont la source de duplications infinies des services. Quand une compétence est exercée par un échelon de collectivité, elle n'a pas le droit d'être exercée par quiconque. Si elle est exercée par l'Etat, elle n'est pas exercée par une collectivité locale. Au contraire, aujourd'hui, tout le monde fait tout, ce qui crée des complications, des lenteurs, une irresponsabilité générale, et in fine une inefficacité quasi-totale.
Par exemple, l'Etat a son service économique, la région a le sien, le département aussi, l'EPCI aussi, parfois même la commune, sans compter les nombreux comités de développement. Il existe donc cinq services, cinq administrations pour traiter le même dossier.
Et on pourrait en dire autant en matière de culture, de tourisme, de sport... Un chiffre le montre bien : l'évolution du nombre de fonctionnaires depuis 25 ans. La fonction publique d'Etat est passée de 2,1 millions de fonctionnaires en 1980 à 2,5 en 2005 ; la fonction publique territoriale, d'1 million en 1980 à 1,5 million ; la fonction publique hospitalière, de 700 000 à 900 000 fonctionnaires. C'est la fonction publique territoriale qui a accru la dépense publique.
L'Etat doit donc fixer comme première règle intangible l'interdiction des compétences croisées : une compétence n'est exercée que par une seule personne publique.
- 2/ Deuxièmement, il faut rendre la dépense responsable, c'est-à-dire attachée à la recette.
Depuis 1998, l'Etat crée une évolution dangereuse : les recettes propres des collectivités locales diminuent, par la substitution de dotations de l'Etat à des ressources fiscales locales - suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, de la vignette, exonérations et dégrèvements que l'Etat propose aux contribuables locaux...
Les chiffres le montrent : en 1998, la part des recettes propres par rapport aux recettes totales hors emprunts était de 60 % en 1998, elle est de moins de 36 % en 2006. Pour les départements, ce ratio est passé de 67 % à moins de 50 % en 2006. Et, face à cela, d'autres dépenses lourdes pour les collectivités locales sont montées en charge : la réhabilitation des collèges et des lycées, la gestion du RMI-RMA, l'aide aux personnes âgées dépendantes...
C'est ainsi que nous avons combattu la réforme de la taxe professionnelle, en refusant un mécanisme déresponsabilisant, dans la mesure où ceux qui ont géré avec rigueur sont sanctionnés, alors que ceux ayant des taux très élevés sont récompensés.
Les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales doivent être fondées sur la confiance mutuelle et organisées selon des règles claires et pérennes. Et la part des ressources propres doit être d'un montant tel qu'elle détermine la liberté des collectivités. C'est ni plus ni moins respecter l'esprit de la Constitution.
Donner davantage de responsabilités aux collectivités locales, c'est poser en principe l'équivalence entre les charges et les ressources transférées ; spécialiser l'impôt par collectivité ; donner aux collectivités territoriales une certaine liberté pour fixer le taux ou l'assiette des impôts ; mettre en place une évaluation préalable contradictoire des décisions pouvant impacter les finances des collectivités locales ; mettre en place une véritable péréquation, et permettre à la DGF de remplir un vrai rôle de correction...
Il ne s'agit pas de dépenser davantage, mais de retrouver une certaine flexibilité des recettes, afin de permettre aux assemblées territoriales de mener de véritables politiques locales, et pas seulement de gérer des dossiers pour le compte d'un Etat seul gardien de la norme.
- 3/ La responsabilité des présidents d'EPCI devant les électeurs.
Le développement et l'importance, démographique et budgétaire, des EPCI à fiscalité propre doivent nous conduire à ouvrir le débat de l'élection des délégués intercommunaux et des présidents au suffrage universel direct. C'est bien souvent la crainte que l'élection au suffrage universel direct ne transforme l'intercommunalité en supra-communalité, et donc ne conduise à la mort des communes, qui fait que cette idée trouve peu de soutien parmi les élus locaux. Mais aujourd'hui, les compétences de l'EPCI englobent la quasi-totalité des compétences communales, et même les polices spéciales peuvent lui être transférées ; elle est devenue un lieu de pouvoir politique et fiscal. Par conséquent, elle doit aussi être un lieu démocratique, sauf à perdre un jour sa légitimité.
Certes, l'autonomie fiscale des EPCI par rapport à leurs communes membres et le simple fait que les EPCI lèvent l'impôt, créent naturellement une responsabilité des délégués communautaires devant les contribuables, leurs électeurs.
Mais le lien entre les électeurs et les délégués communautaires est trop lâche quand ces délégués ne sont pas élus directement par les citoyens. Et le risque n'est pas seulement celui du déficit démocratique, il concerne également une insuffisance de contrôle de l'électeur contribuable sur celui qui lève l'impôt.
Il faudra bien un jour trouver un régime électoral qui donne aux présidents d'EPCI une responsabilité devant les électeurs.
- 4/ Dernière condition, il faut tirer les conséquences des lois de décentralisation et trancher le débat département/région.
Par exemple, à la DDASS du Finistère, il y a toujours environ 130 personnes, alors que ces services ont vu leurs fonctions réduites par les lois de décentralisation : ils ont perdu la protection de l'enfance et une partie du handicap au début des années 1980, une partie de l'hôpital avec les ARH, le versement du RMI, la politique du handicap, l'aide aux personnes âgées. Il leur reste l'aide sociale d'Etat, les demandes d'asile et l'hébergement d'urgence, mais ils sont toujours 130. Et la situation est la même dans les DDE et les DRIRE. Ces chiffres le montrent bien : des compétences ont été transférées aux départements et aux régions, les collectivités ont créé des postes, mais l'Etat en a toujours autant. C'est d'abord un gâchis humain, laissant un goût amer à des fonctionnaires qui ont fait le plus souvent leur travail consciencieusement, et pour qui on ferme l'horizon. Et c'est aussi un gâchis financier, bien entendu.
Cela implique aussi de reprendre le serpent de mer des échelons des collectivités locales. Peut-on vivre avec communes, EPCI, pays, départements, régions, Etat et Europe ? Nous avions proposé, à l'UDF, le regroupement département-région. C'est le moins que l'on puisse proposer pour rationaliser ce système complexe, coûteux, fait pour les initiés et certainement pas pour nos compatriotes.
Bruno Rémond, conseiller maître à la Cour des comptes, auteur en 2007 du rapport « La région, une France d'avenir », écrivant cet été dans Commentaire que la région devait être considérée comme le « pivot de l'organisation des pouvoirs publics, du niveau national au niveau local ». Ni Etat central, ni simple collectivité locale comme les départements et les communes, elle participe de l'un et des autres. Il propose notamment la disparition des départements dans les zones fortement agglomérées, par exemple la petite couronne de la région parisienne ou l'espace de la COURLY dans la région Rhône-Alpes, avec transfert des compétences des conseils généraux aux régions ou aux communautés urbaines. Il propose également de transférer aux conseils régionaux un pouvoir réglementaire leur permettant d'appliquer de manière diversifiée, sous réserve du contrôle de légalité, les textes législatifs régissant les politiques publiques ; par exemple, on voit tout l'intérêt d'une mise en oeuvre régionalisée liée aux spécificités locales pour la loi littoral ou pour la PAC - les petites exploitations fruitières et maraîchères du Sud-Ouest ne sont pas les grandes plaines céréalières du Bassin parisien ; autre exemple, cela permettrait plus de souplesse dans la gestion de l'apprentissage et de la formation professionnelle, selon un principe qui existe déjà en Alsace et dans les départements mosellans.
Regardons chez nos voisins européens : partout où la décentralisation est effective, les résultats sont au rendez-vous, la dynamique économique et la création d'emploi se conjuguent avec le renforcement du pouvoir local. Pourquoi la France ferait-elle exception ?
Plusieurs secteurs importants ont tout à gagner de la décentralisation. D'abord, la formation professionnelle, l'apprentissage et l'enseignement supérieur. En effet, face au chômage, des jeunes en particulier, la solution passe notamment par la mise en place d'une formation initiale et tout au long de la vie qui soit enfin adossée aux dynamiques économiques pourvoyeuses d'emploi. C'est là que les acteurs locaux ont tout leur légitimité.
Ensuite, l'action économique. Quand on regarde les pays et les régions qui connaissent la croissance - la Catalogne, la Bavière, le Pays basque, on voit aussitôt le lien entre croissance initiatives locales. Le Pays basque espagnol, dans les années 90, comptait 25 % de chômage, aujourd'hui, 4 %. Entre ces deux dates, il y a eu la régionalisation de l'action microéconomique, qui a permis de nouer des relations de proximité et de confiance entre les pouvoirs régionaux, les PME, les universités, les laboratoires de recherche. Les fameux clusters, que nous découvrons aujourd'hui avec les pôles de compétitivité, en sont nés. C'est à l'évidence au niveau local que peuvent se décloisonner le monde universitaire et le monde de l'entreprise. Quant à la belle idée des pôles de compétitivité, elle doit sûrement aller plus loin. Je rappellerai que, selon les régions, le coût de fonctionnement des DRIRE peut représenter jusqu'à 50 % de l'argent distribué ; comment, dans ces conditions, accompagner les initiatives locales ? Il est urgent de clarifier les responsabilités économies : à l'Etat de fixer les grands équilibres macro-économiques, de déterminer la norme et d'assurer la cohésion territoriale ; aux collectivités locales, d'abord la région, de définir des stratégies concertées en faveur du développement économique, en lien avec les entrepreneurs et es chercheurs.
Troisième secteur, le développement durable. C'est l'affaire de tous, et d'abord de nos comportements individuels, mais les collectivités locales sont en première ligne : en conditionnant les subventions et les aides au respect de l'environnement, en construisant pour les départements des collèges HQE, pour les régions des lycées HQE ; en utilisant leurs compétences en matière ferroviaire pour favoriser le fret, en lançant des programmes régionaux de maîtrise de l'eau ou de soutien aux énergies renouvelables.
Dernier point pour finir, la décentralisation doit être un facteur de démocratisation. Les Français veulent participer, être associés ; il faut les solliciter et avoir confiance. C'est d'ailleurs pour eux que nous voulons décentraliser les pouvoirs et les décisions au plus près du terrain ! Cela implique d'aller plus loin en matière de référendum local et de droit de pétition des citoyens.
La décentralisation organisée et équitable libérera l'Etat de ses faiblesses, tandis que l'Etat recentré délivrera l'organisation actuelle des pouvoirs locaux de ses blocages.
Un peu de politique, avant de finir. Ces élections municipales nous auront au moins donné le plaisir de voir le spectacle d'équilibriste que jouent les hommes du Modem. Quel grand écart, par exemple, entre la situation à Dijon, où le Modem fait liste commune avec le maire sortant PS François Rebsamen, et à Périgueux, où le Modem participe à la liste menée par Xavier Darcos, contre le PS. L'embrouillamini atteint son sommet à Lyon, où le Modem est divisé en 3 : la liste indépendante d'Eric Lafond, qui a reçu l'investiture du Modem ; 5 Modem sur la liste de Dominique Perben et 4 Modem sur la liste de Collomb. A Bordeaux également, Alain Juppé a reçu le soutien du Modem, tandis que la liste du candidat PS Alain Rousset compte également deux candidats MoDem. Autre situation embrouillée, à Corbeil-Essonnes, où François Bayrou s'est désolidarisé de la chef de file MoDem à Corbeil-Essonnes, Nathalie Boulay-Laurent, engagée sur la liste du maire sortant Serge Dassault.
Je finirai par Strasbourg, où une ancienne adjointe de l'UMP Fabienne Keller fera liste commune avec l'ex-porte-parole des Verts Yann Wehrling, qui est en rupture de ban avec son parti ; elle devra cependant faire face à une liste dissidente de militants du Modem. Je dis souvent que, à voir l'enchevêtrement de nos collectivités locales, une chatte n'y retrouverait pas ses petits, mais je crois que la stratégie du Modem est encore plus compliquée...
Notre souci est celui de la cohérence, de la clarté, de la lisibilité démocratique. C'est ce que les citoyens attendent de nous. Et c'est ce qu'une République décentralisée pourrait apporter à la France.
C'est parce que nous sommes attachés à l'unité nationale et à notre Etat que nous sommes partisans de la décentralisation. La décentralisation renforcera la République, elle accroîtra l'efficacité de l'action publique en lui donnant plus de souplesse et de proximité. Finalement, c'est une mesure d'intérêt général, qui redonnera à la France le souffle dont elle a besoin. Elle s'inscrit dans le droit fil de l'histoire de notre République et de la conquête des libertés individuelles.
Le président de la République, dans ses voeux aux Français, a appelé à une « politique de civilisation ». Je pense qu'une politique de civilisation digne de ce nom est d'abord une politique de citoyenneté juste. Elle implique de grandes politiques publiques ; une vision du développement social et territorial fondée non sur des discriminations « positives » sectorielles, mais sur la libération des énergies locales et sur des politiques efficaces et responsabilisantes, pour dynamiser les territoires, restaurer l'égalité des chances et créer les conditions d'une véritable identité commune.Source http://www.le-nouveaucentre.org, le 18 février 2008