Texte intégral
Q - Le Kosovo s'apprête à déclarer son indépendance. Un premier mot, Monsieur le Ministre.
R - Je souhaite bonne chance aux Kosovars. Nous n'avons pas défini notre position, nous verrons demain puisqu'il y a, à Bruxelles, une réunion des ministres des Affaires étrangères. Je souhaite bonne chance à mes amis Serbes. Je crois qu'il ne faut pas prendre les choses au tragique, c'est difficile, c'est un choix très difficile, mais il n'y a pas eu d'avancée dans la négociation, il n'y a pas eu de possibilité de se parler, malgré deux ans de négociations. Alors, on verra bien.
Je pense que c'est le début, difficile sûrement, d'une accession kosovare à l'existence indépendante. Mais, pour les Serbes, je suis sûr que c'est le début, surtout pour la jeunesse serbe, d'une venue vers l'Union européenne. Je pense qu'il n'y avait pas d'autre solution, bien que, encore une fois, je ne sois pas sûr des positions qui seront prises demain à Bruxelles. Mais ne prenons pas cela comme un événement tragique, un fracas, une déchirure, un découpage. C'est l'expression de deux peuples, on verra.
Q - A titre personnel, cela doit vous faire plaisir quand même ?
R - Je pense qu'il faut considérer cela - encore une fois, il n'est pas acquis que l'Union européenne ait une attitude unitaire - comme un succès en tout cas de la communauté internationale, des voix que l'on appelle multilatérales, donc de l'ONU. Ca n'est pas long, vous savez, 8 ans, 9 ans. Regardez ce qui se passe ici.
Il y a eu des guerres, des malheurs, des choses épouvantables qui se sont passées dans cette région difficile des Balkans. Là, je crois que ce sera un évènement qui mettra fin à certaines souffrances.
Q - Il y a un refus russe de la décision des Kosovars...
R - Oui. Il y a des refus d'autres pays aussi, ce sont leurs affaires, il y en a qui refusent parce qu'ils pensent que c'est un précédent. Moi, je crois que tout vaut mieux que de se déchirer et se faire la guerre.
Q - Il n'y a pas un danger de crise en Europe ?
R - Mais il y avait une crise déjà en Europe, il y a un danger de la régler, je trouve donc que c'est un danger très positif.
Q - Pensez-vous que l'élimination de Mougnieh fasse craindre des représailles ici en Israël ? Nasrallah a émis des choses très graves.
R - Je ne sais pas. Vous savez, il y a un cycle de représailles et d'assassinats dans cet endroit du monde qui devrait s'arrêter et je souhaite qu'il s'arrête. De toute façon je pense que l'assassinat n'est pas la méthode de règlement politique du conflit.
Q - Un journal israélien a annoncé ce matin qu'on pourrait voir la libération de Gilad Shalit dans les prochains jours, en tout cas un accord sur sa libération. Est-ce que vous en savez plus, puisque Gilad Shalit est aussi français ?
R - Absolument, il est français et nous en parlons à chaque fois et nous tentons à chaque fois de le faire libérer. Je serais très heureux que ce que vous venez de nous dire puisse arriver, je l'espère infiniment. Je ne sais pas si cela fait partie d'un accord plus général. Je souhaite qu'il y ait un accord pour Gaza, que les points de passage soient réouverts, que la population de Gaza souffre moins et je souhaite également que les fusées ne tombent plus sur Israël, bien entendu, et l'un ne va pas sans l'autre. Si Gilad Shalit peut sortir, je serai particulièrement heureux, pas seulement parce qu'il est un citoyen français mais aussi parce qu'il est prisonnier depuis longtemps et que nous souhaitons tous sa libération.
Q - Vous n'avez pas de détails supplémentaires ?
R - Je n'en ai pas pour le moment et je vous assure que si j'en avais je ne vous les donnerai pas.
Q - Ehud Barak vous a t-il parlé des check-points ? Vous a t-il dit qu'il allait les enlever ?
R - Non, il n'a pas dit cela. Ce que je lui ai dit, c'est qu'il y avait, semble-t-il, une démarche qui venait de l'Autorité palestinienne et qui avait reçu l'assentiment de la Ligue arabe, de l'Union européenne, je crois des Américains aussi, et puis aussi de la conférence des pays islamiques, cela fait beaucoup !
Ce n'est pas à moi de dire qu'Israël doit négocier avec le Hamas. Mais si, profitant de ce mouvement, de cette proposition, qui vient d'une partie de la communauté internationale, on pouvait régler le problème du passage, je crois qu'Israël pourrait en bénéficier, qu'à cette occasion il pourrait y avoir une entente : que, d'un côté, les roquettes cessent de pleuvoir sur Israël, parce que ce n'est pas supportable et, d'un autre côté, que les Palestiniens, qui souffrent terriblement dans la partie de Gaza, puissent bénéficier d'une vie non pas normale mais améliorée.
Q - Et pour la Jordanie ?
R - C'est différent. Sur les check-points j'ai demandé et affirmé, puisque je crois qu'on l'avait vérifié, que rien n'avait bougé depuis trois mois, deux mois et demi en fait, depuis ma dernière visite et la Conférence de Paris avec des projets qui comportaient certainement la liberté de mouvement en Cisjordanie ou au moins une amélioration de la liberté de mouvement.
Alors, le ministre de la Défense s'en est étonné car il m'avait promis que les choses bougeraient et nous avons pris deux engagements : lui, de faciliter, sur deux projets, l'un pour la station d'épuration d'eau à Gaza et l'autre pour la construction qui créerait beaucoup d'emplois dans la région de Naplouse, une construction de maisons. J'ai dit que je reviendrai, et que tous les deux nous irions voir ce qui a été fait pratiquement pour la levée de ces check-points dans ces deux cas.
Q - Lui avez-vous parlé du projet français, qui consiste à construire un centre culturel français à Gaza, qui nécessite l'entrée de camions transportant du ciment ?
R - Pour le moment, je voudrais l'entrée de camions transportant du ciment pour la station d'épuration. Or, il n'y a que 40 tonnes qui sont rentrées alors qu'il en faut des centaines et des centaines. Voilà, nous avons conclu là-dessus, qu'on allait, j'espère, faciliter le passage de ces camions.
Enfin, je pense que la station d'épuration, c'est-à-dire avoir de l'eau potable, ne pas craindre les épidémies, qui d'ailleurs ne toucheraient pas seulement les gens de Gaza mais aussi les habitants d'Israël, et ne pas polluer aussi l'ensemble de l'environnement, cela me paraît plus important, malgré l'importance que j'accorde au centre culturel français bien sûr.
Q - Des camions humanitaires ont transporté des explosifs vers Gaza...
R - Oui. Eh bien cela arrive de temps en temps, que voulez-vous que je vous dise ?
Il y a toujours quelqu'un qui utilise à mauvais escient la Croix Rouge ou l'humanitaire...
Q - C'est quand même beaucoup d'humour pour une chose très grave ! C'est très grave pour Israël, Monsieur le Ministre.
R - Vous n'avez vu que cette guerre, Monsieur, moi j'en ai vu plein.
Vous auriez du reconnaître que c'est hélas l'habitude.
Q - Mais tout de même est-ce que l'Europe doit quand même faire quelque chose pour contrôler les camions qui rentrent dans Gaza ?
R - Vous voudriez que l'Europe contrôle les camions humanitaires maintenant ? Ce n'est pas à nous de contrôler les camions humanitaires, sauf s'il y a un accord, c'est exactement de que je viens de dire. Donc, s'il y a un accord de contrôle et que l'Europe y souscrit, nous contrôlerons aussi les camions, mais jusque là nous ne les contrôlons pas.
Q - Un mot sur le cas de Salah Hammouri. Vous avez vu sa mère hier, vous deviez en parler aujourd'hui aux autorités israéliennes. Quelle est la position que vous défendez ?
R - Oui, en effet, j'en ai parlé et je vais encore en parler.
Q - A propos des négociations, Monsieur le Ministre, est-ce que la négociation concernant Jérusalem a été évoquée ? Les Palestiniens affirment que la négociation a déjà été engagée.
R - Je sais que les deux responsables, c'est-à-dire le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien, parlent de tout. Ils n'ont pas encore abordé tous les sujets, et cela n'est pas à moi de dévoiler ce que je connais à peine. Ils sont plutôt satisfaits de leurs conversations, comme d'ailleurs sont plutôt satisfaits de leurs conversations les deux autres, qui en parlent, c'est-à-dire Tzipi Livni et Abou Ala. Laissons-les sur leur satisfaction, qui nous conforte beaucoup. Est-ce suffisant ? Je ne le crois pas, mais c'est un point très important. Ils sont contents, cela continue, même si, en dessous, il devrait y avoir des conversations techniques et des groupes de travail qui, j'espère, arriveront très vite.
Pour le moment, même si on n'est pas content de ce qui se passe au niveau des check-points, de la circulation en Cisjordanie, il faut constater que les choses ne sont pas arrêtées, même si c'est un creux, même si cela n'est pas très enthousiasmant pour le moment, même s'il n'y a pas de soutien populaire, les choses avancent et cela ne fait que deux mois et demi. Alors, espérons que cela ira plus vite.
Q - L'équipe de la Conférence des donateurs, vous avez dit que vous n'en étiez pas très satisfait ?
R - Moi ? La Conférence des donateurs ? 7,7 milliards de dollars.
Q - Non, cela n'a pas donné de résultats sur le terrain ? L'argent ?
R - L'argent nous l'avons, les projets nous les avons. Ce qui nous navre un petit peu, c'est qu'ils ne soient pas mis en application maintenant. C'est pour cela que je réponds aux check-points, évidemment si vous n'avez pas de liberté de mouvement, c'est très difficile de mettre au point, non seulement les camions de ciment qui arrivent et même la circulation des hommes. Si vous allez à votre chantier et qu'il faut 4 h pour y aller, cela n'est pas possible.
Q - Monsieur le Ministre, une question de politique intérieure. M. de Villepin, M. Bayrou et Mme Royal ont signé un appel à la vigilance républicaine. En tant que ministre d'ouverture, vous en pensez quoi ?
R - Cet appel, je n'en pense rien. Il est très surprenant dans sa composition et je tiens comme très intéressante la façon dont ils ont dit - comme j'étais en Palestine au moment où ils l'ont dit - que la politique extérieure devait respecter le droit des peuples.
Q - Vous êtes un ministre d'ouverture ?
R - Je suis un ministre ouvert.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2008