Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "Europe 1" le 3 mars 2008, sur la crise du MEDEF liée à l'affaire Gautier-Sauvagnac, sur la hausse des prix, sur les évasions fiscales au Liechtenstein et les fraudes sociales.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- Bonjour E. Woerth.

R.- Bonjour.

Q.- Dans l'affaire de l'UIMM, soyons direct, qu'est-ce que le Gouvernement va faire ?

R.- Il faut aider L. Parisot à faire toute la clarté sur cette affaire. On voit bien que l'UIMM a besoin de se reprendre, qu'il y a beaucoup de sujets qui sont, le moins qu'on puisse dire pas clairs et qu'on a besoin d'un Medef, d'une UIMM qui est une des fédérations du Medef en bon ordre de marche. Nous en avons besoin dans les négociations avec l'UNEDIC et partout...

Q.- Qu'est-ce qui vous paraît le plus choquant dans cette histoire ?

R.- Il n'y a plus beaucoup de choses qui sont choquantes, mais c'est notamment le manque de transparence, c'est probablement l'emploi de fonds à des fins mal déterminées et qu'il faut évidemment déterminer. Il y a une enquête judiciaire en cours, il faut que cette enquête aboutisse très vite. Il faut aussi que L. Parisot puisse aérer la maison, il faut que le Medef retrouve toute sa place. Vous savez, c'est l'image des entreprises derrière, il ne faut pas s'y tromper, c'est l'image des chefs d'entreprise et des entreprises et on a besoin des chefs d'entreprise pour réformer la France. On en a besoin en tant que partenaire social, on est en train de faire ANPE-UNEDIC, la présidence de l'UNEDIC c'est le Medef, Monsieur de Virville vient de démissionner. Donc, on ne peut pas rester dans des situations comme celle-là, aussi fragile et aussi chahutée.

Q.- Donc c'est une crise sérieuse qui frappe le monde de l'entreprise, on voit bien que la présidente du Medef, L. Parisot, se bat pour mettre au pas, si je puis dire, l'UIMM. Comment vous l'aiderez ?

R.- On va l'aider en lui donnant tous les moyens de faire la clarté. D'abord la justice c'est l'Etat, donc la justice travaille là-dessus. Je sais que les conditions de départ de Monsieur Gautier-Sauvagnac sont contestées, donc il faut là aussi regarder sur le plan du droit. C'est d'abord un problème de droit interne : c'est entre un salarié et puis son employeur. Et puis s'il faut aider L. Parisot à faire le clair, le net, le précis dans cette affaire-là, j'imagine que le Gouvernement - dans le cadre de ses moyens, on est dans un Etat de droit - le fera.

Q.- F. Hollande vous demandait hier, un, d'annuler le pacte fiscal et le pacte qu'il appelle « d'omerta », et deuxièmement d'exiger de l'UIMM qu'elle dise enfin la vérité.

R.- Il faut dire la vérité évidemment, il faut aussi que ce pacte - je ne sais pas ce que c'est que ce pacte, enfin il y a un contrat, un contrat de travail et un salarié, et puis il y a eu un employeur...

Q.- Comment vous le qualifiez ?

R.- Moi ce que je n'aime pas, c'est qu'on parte avec des indemnités de départ quand les choses ont échoué. C'est comme quand un chef d'entreprise laisse son entreprise au bord du gouffre et part avec des indemnités, les gens ne peuvent pas comprendre. Les gens ont du mal à joindre les deux bouts, comme on dit, et en même temps il y a des gens qui partent avec des indemnités qui sont inacceptables. C'est un problème de justice, c'est un problème... on a du mal à vivre dans un pays en demandant aux gens de faire des efforts, quand d'autres visiblement n'en font pas, donc ça crée beaucoup, beaucoup de tension, beaucoup de jalousie, beaucoup d'aigreur, et ça ce n'est pas bon du tout pour le climat dans un pays.

Q.- Oui, surtout à une semaine des élections qui sont importantes...

R.- Mais ce n'est pas que une semaine des élections, Monsieur Elkabbach, moi je pense qu'il ne faut pas juger en fonction des élections, il faut juger vraiment en fonction de... voilà, on a besoin d'un pays qui soit à l'aise avec lui-même.

Q.- Continuons, E. Woerth. Est-ce que vous chercherez à connaître le montant du trésor de l'UIMM et ses origines, et en même temps où sont allés les 19 milliards, peut-être davantage, versés...

R.- J'espère que ce ne sont pas des milliards.

Q.-... les millions, des millions d'euros versés en liquide et qui en a profité ?

R.- On devra établir qui, comment, dans quelles conditions, et ça c'est le travail de la Justice. Il y a une instruction judiciaire en cours, donc les juges répondront à ces questions...

Q.- Oui mais est-ce qu'il faut s'attendre à des contrôles...

R.-...Ce n'est pas au Gouvernement de se substituer au juge, heureusement d'ailleurs.

Q.- D'accord, mais est-ce qu'il faut s'attendre à des contrôles et des redressements fiscaux et à quel moment ?

R.- Evidemment qu'il y aura du fiscal après. La justice fait son travail et puis nous verrons bien ce qu'elle dit. Et puis après, il y aura évidemment l'enquête fiscale, du travail pour les contrôleurs fiscaux. Evidemment c'est toujours le cas, c'est comme ça que ça se passe et ça se passera comme ça.

Q.- D. Gautier-Sauvagnac reste délégué général de l'UIMM. Cela ne vous regarde pas directement mais est-ce que ça vous semble normal ?

R.- Non, c'est vrai que ça ne me regarde pas vraiment directement mais ça ne regarde pas le Gouvernement, ça regarde l'organisation même du Medef et sa plus puissante fédération, c'est-à-dire l'UIMM. Maintenant, c'est vrai qu'on peut se poser des questions sur le fait qu'untel ou untel - moi je ne jette la pierre à personne et on attendra que la clarté se fasse - mais c'est évidemment souvent incompréhensible de la part de nos concitoyens, c'est évidemment... voilà, c'est incompréhensible pour beaucoup qu'on puisse à un moment donné être mis en question, et que de l'autre on continue à exercer ses fonctions. Mais ça c'est au MEDEF de résoudre cette crise interne, il faut vraiment vite résoudre cette crise interne...

Q.- S'il y arrive, s'il y arrive. Mais c'est l'impunité de la puissance, je parle de l'UIMM, jusqu'à présent.

R.- Vous voyez qu'il n'y a pas d'impunité d'ailleurs, parce que toutes ces personnes se retrouvent sur le devant de la scène, dans des situations extrêmement difficiles. Donc c'est...

Q.- Mais qu'est-ce qu'il a fallu de temps !

R.- Le temps, il n'y a pas d'impunité aujourd'hui en France, je voudrais quand même le dire, on ne serait pas là pour en parler à ce micro, Monsieur Elkabbach.

Q.- Oui, mais il a fallu du temps !

R.- Il faut toujours un peu de temps certainement, mais au moins ça se fait. Il y a des années, ça ne se passait pas.

Q.- Autre sujet, E. Woerth, Le Parisien cite en détail les résultats de l'enquête de la Direction générale de la Concurrence : les prix ont augmenté de 11 à 18 %, une hausse plus modérée que l'annonçait l'institut de la consommation. Les prix ont donc augmenté !

R.- Les prix ont augmenté évidemment beaucoup, vous connaissez les indices. Alors en moyenne ou en glissement évidemment, ça ne donne pas les mêmes chiffres, mais enfin en glissement de janvier à janvier, c'est plus de 2,5, donc c'est beaucoup, c'est énorme. En moyenne c'est moins, c'est ce qui sert à calculer habituellement l'inflation...

Q.- Mais c'est trop ou pas.

R.- C'est évidemment trop, on est dans une période d'inflation, une inflation sur les produits alimentaires notamment, les produits de base, ceux qui vont évidemment remplir les caddies...

Q.- Que ferez-vous ?

R.- Dans les Intermarchés...

Q.- Que ferez-vous ?

R.- Les supermarchés, un peu partout.

Q.- Que ferez-vous ?

R.- Eh bien ! Il faut remettre... d'abord il faut bien comprendre d'où ça vient, il faut bien mettre à plat tout ce qui relève de l'organisation de la chaîne de distribution. Moi j'étais au Salon de l'agriculture il n'y a pas longtemps, le Président a notamment noté ça, quand vous voyez le prix du porc - j'ai vu le président de la Fédération porcine - quand vous voyez que les prix du porc s'effondrent et que le jambon augmente, c'est qu'il y a évidemment un problème quelque part dans la distribution.

Q.- Le prix de la salade aussi.

R.- Et deuxième point, le prix des salades, j'étais sur le marché de Chantilly, on a parlé du prix des salades et je suis allé dans un supermarché vendredi, j'ai regardé tout le rayon de pâtes alimentaires, je pensais qu'il n'y avait qu'une seule catégorie de pâtes qui avait augmenté, en réalité le blé dur fait que l'ensemble des pâtes ont augmenté de 20, 30 ou 40 %. Donc il faut rétablir la concurrence. La seule façon de faire c'est un, rétablir la concurrence - L. Chatel, C. Lagarde s'y emploient - ; et deuxième point, c'est aussi de mieux organiser les filières de distribution et de production. Et on voit bien par exemple qu'il n'y a plus de jachères en France, avant il y avait des champs, vous vous promeniez en France, il y avait des champs où il n'y avait plus rien, il n'y avait plus de cultures. Et on voit bien qu'aujourd'hui, on est dans un monde où il n'y a pas assez de cultures, il n'y a pas assez de production alimentaire, donc les prix sont tendus et flambent, il faut donc continuer à produire. Donc l'agriculture française, elle a évidemment de beaux jours devant elle, ça c'est une bonne nouvelle par contre.

Q.- Oui, on en a beaucoup parlé sur Europe 1, ces nouvelles liées à l'agriculture, on les suit. J. Arthuis vous met peut-être sur une piste ; dans Le Parisien ce matin, le président de la Commission des finances du Sénat dénonce les pratiques de 5 grandes enseignes nationales, il paraît qu'elles demandent à leurs fournisseurs de verser une redevance soit disant destinée au développement international de leur groupe, ils les versent dans des sociétés qui sont en Suisse. Si c'est vrai, est-ce que vous allez enquêter E. Woerth ?

R.- Non mais ça on va voir. Monsieur Arthuis, qui est le président de la Commission des finances du Sénat me recevra bientôt pour parler d'une autre affaire... plutôt du fiscal dans son ensemble...

Q.- On y arrive, on y arrive.

R.- Donc, on va en parler. S'il a des informations sur telle ou telle pratique, nous verrons bien, moi je ne sais pas. En tout cas, moi je ne veux pas mettre en cause tel ou tel pays, vous pouvez très bien avoir de l'argent dans un autre pays qui est tout à fait légal, déclaré en France, etc...., donc on verra les pratiques. Moi, je vois simplement que sur la grande distribution, il y a beaucoup de questions qui se posent, je vois même que la grande distribution se pose des questions souvent sur elle-même, quand je vois un certain nombre de publicités. Donc il faut que les choses soient claires et il faut vraiment que le Gouvernement - et nous allons puissamment y contribuer - il faut vraiment que nous mettions très au clair l'ensemble de la chaîne de distribution. On ne peut pas avoir des producteurs qui se plaignent sans arrêt et des distributeurs, dont on considère à un moment donné probablement que les marges sont trop élevées.

Q.- E. Woerth, l'homme qui veut voudrait- le pourra-t-il - lutter contre les fraudeurs, les tricheurs, les magouilleurs. Bon ! Il y a autre chose, près de 200 Français pratiquent, c'est vous qui l'avez dit, l'évasion fiscale, déjà au Lichtenstein, votre évaluation a provoqué un choc dont l'effet n'est pas terminé. Vous en avez trop dit, E. Woerth, ou pas assez. D'abord ces 200, ça représente quelle somme, quel montant ?

R.- Ecoutez, la somme que représente cette liste d'actifs en fait transférés au Lichtenstein, à un titre ou à un autre, nous sommes en train de vérifier, représente à peu près 1 milliard d'euros. Donc voilà, c'est à peu près la contre-valeur... la valeur de ces actifs. Alors après, est-ce que c'est de l'argent qui a été transféré légalement ? C'est possible, vous pouvez en avoir informé le Fisc français, vous pouvez être résident... vous pouvez être Français et résident du Lichtenstein, c'est tout ce que nous devons vérifier, il faut plusieurs semaines pour le faire...

Q.- Comment ?

R.- J'ai mis en place une équipe au sein de la Direction nationale des Enquêtes fiscales, qui dépend de la Direction générale des Impôts, de 15 personnes qui travaillent sur cette liste pour éclaircir, pour éplucher, pour regarder ce qu'il y a derrière. Avant d'établir... vous savez, c'est très long d'établir des faits, ce n'est quand même pas... on est dans une République sérieuse, donc il faut du temps pour regarder les choses...

Q.- Oui, mais quand vous dites il y aura des contrôles personnels, est-ce que ça veut dire que les contrôles... vous attendez que la justice intervienne pour que les contrôles aient lieu ?

R.- Non, les contrôles... non, non, pas du tout. Dans le domaine fiscal, il faut juste savoir comment ça marche parce qu'après, on ne comprend plus rien, c'est que d'un côté, les services fiscaux établissent des faits, et pour établir des faits il faut être sûr de ce que... Par exemple sur cette liste, mais c'est vrai pour tout, il faut établir des faits, il faut contrôler, nous le faisons, nous sommes en somme à la première partie seulement : établir la réalité de cette liste, établir la réalité des situations qui sont derrière. Après, nous passerons au contrôle fiscal lorsque le Fisc l'aura jugé nécessaire, et nous n'avons pas un Fisc particulièrement indulgent...

Q.- Mais est-ce que...

R.- Vous l'admettrez, et après, il y a une commission de déontologie, la Commission de Contrôle des Infractions fiscales, avant de déposer plainte devant la justice, lorsque c'est pénal. Et lorsqu'il y a fraude fiscale, lorsque la fraude est avérée et volontaire, il y a évidemment pénal, et donc ça ira jusqu'en justice lorsque le Fisc et la Commission...

Q.- Ça va prendre du temps, du temps !

R.- Non, ça ne prendra pas beaucoup de temps, on peut... enfin, il ne faut pas non plus faire n'importe quoi, vous voyez...

Q.- Oui, mais est-ce que ça veut dire que certaines de ces 200 personnes concernées peuvent encore vous échapper, disparaître de la liste ou se repentir ?

R.- Mais c'est une liste à un moment donné, donc la situation fiscale des uns et des autres lorsqu'elle est établie, lorsqu'on prend les comptes bancaires, etc., lorsque le Fisc fait le travail qu'il doit faire en ayant l'ensemble des informations sur les comptes d'une personne, on voit bien l'historique, donc il ne sert plus à rien de retirer de l'argent.

Q.- E. Woerth, sur les 200 personnes recensées, vous dites : « il n'y a pas d'éléments saillants ». On ne comprend pas, ça veut dire que ce sont 200 personnes banales, des n'importe qui ?

R.- Non mais j'ai dit qu'il n'y avait pas de noms connus, pas de noms saillants, parce que je vois fantasmer si vous voulez... je vois tout de suite les fantasmes qui se créent chez les uns et chez les autres. C'est des personnes qui ont décidé à un moment donné d'extraire des actifs de France pour les amener dans un paradis fiscal qui s'appelle le Lichtenstein, nous avons connaissance de ces noms par le biais du fisc anglais, nous n'avons pas payé cette liste. Et donc nous sommes en train de mener les contrôles nécessaires, nous irons jusqu'au bout, ça ira au pénal quand c'est nécessaire, les redressements seront faits. Je vous rappelle que le redressement dans ce cas-là pour les pénalités, les abus de droit ou les fraudes, c'est l'ensemble des impôts qui ont été extraits + 80 % de la somme + les pénalités de retard, donc c'est considérable déjà en termes financiers. Et après, on risqué la prison.

Q.- A quoi ressemblent les 200 personnes ?

R.- Je n'ai pas ici à le dire, vous savez, le secret fiscal est quelque chose de très important...

Q.- Oui, mais les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée vont venir voir les listes des 200...

R.- Oui mais on ne lâche pas en pâture... Monsieur Elkabbach, on ne lâche pas en pâture comme ça des noms, ça c'était probablement la tradition d'autres époques, ce n'est pas l'époque d'aujourd'hui, nous sommes parfaitement clairs...

Q.- On ne vous demande pas... je ne vous ai pas demandé des noms, vous ne les auriez pas donnés...

R.- Eh non !

Q.- Mais ce n'est pas ça, c'est le profil...

R.- Et d'ailleurs, j'aurais du mal à m'en souvenir.

Q.- Non, non, mais c'est qui, quel genre ? Ce sont des ménages, des particuliers, des chefs d'entreprise, des artistes...

R.- Mais je ne sais pas encore, il n'y a pas la profession sur ces listes, vous savez ce n'est pas une liste détaillée, ce n'est pas l'annuaire téléphonique. Donc nous sommes en train... les 15 personnes qui sont dans la cellule de vérification de cette liste en provenance de personnes ayant extrait des fonds vers le Lichtenstein, ces personnes sont en train d'être vérifiées et vous le saurez le moment venu dans le cadre du contrôle fiscal, du secret fiscal.

Q.- Est-ce que je peux vous demander s'il est vrai - parce que je le lis ici ou là, mais encore en tout petits caractères - que les manipulations sur la TVA représenteraient un montant beaucoup, beaucoup plus élevées que le milliard du Lichtenstein ?

R.- Vous êtes bien informé, c'est probablement un des cancers de la fraude. Aujourd'hui, les carrousels de TVA, c'est-à-dire des marchandises qui tournent un peu partout dans les pays d'Europe à des fins uniquement fiscales, pour que des fausses sociétés se voient rembourser par des Etats de la TVA - donc on va directement piquer l'argent dans la poche des Français ou des Anglais ou des Allemands - ça, ça représente plusieurs milliards d'euros, plus de 10 milliards d'euros probablement au niveau européen, probablement 1 à 2 milliards, peut-être même plus au niveau français. On doit lutter activement contre ça, c'est très complexe...

Q.- Les carrousels de la TVA ?

R.- Les carrousels de TVA, c'est-à-dire que carrousel, ça tourne comme un manège : on fait tourner de la marchandise...

Q.- Mais uniquement de la marchandise, parce que la marchandise est en général moins virtuelle ?

R.- Elle tourne en général moins vite que les flux financiers qui sont derrière et c'est même parfois virtuel. Nous sommes en train d'essayer de lutter contre ça, moi j'appelle à la création d'un organisme qu'on pourrait appeler par exemple « EUROFISC », c'est-à-dire un organisme doté de pouvoirs juridiques, qui viendrait s'inscrire dans le cadre des organismes de l'Union européenne et qui lutterait contre, d'une manière générale, la fraude fiscale dans son ensemble, la TVA mais aussi ce que nous venons de voir pour les transferts d'actifs dans des pays à paradis fiscal. Je suis allé voir les Anglais il y a un mois sur le sujet, je dois voir les Allemands dans peu de temps, et donc je suis en train de prendre... le président de la République et le Premier ministre en sont bien informés, ils sont évidemment d'accord.

Q.- Vous êtes passionné. C'est vrai que l'Espagne est à son tour touchée, l'Italie aussi, l'Allemagne a frappé la première et le plus fort et elle s'engage contre l'évasion fiscale, et ce soir à Hanovre, la Chancelière Merkel et Monsieur Sarkozy vont probablement en discuter, on peut leur dire d'avancer vers l'EUROFISC. Est-ce que je peux vous demander le montant des fraudes connues en France, si vous l'avez ?

R.- Oui, enfin le nombre...

Q.- Et en Europe !

R.- C'est à peu près... en Europe je ne sais pas, en France ça doit être aux alentours de 7 milliards d'euros qui sont les redressements faits par le Fisc français sur des entreprises ou sur des particuliers. Il y a 50.000 contrôles fiscaux à peu près chaque année, 5.000 contrôles fiscaux approfondis sur des personnes physiques, 5.000 parce qu'il faut beaucoup de temps. Donc vous voyez, le Fisc français n'est pas indulgent, j'entends parfois un certain nombre de dirigeants de l'opposition monter sur leurs grands chevaux, et c'est le maire de Chantilly qui vous le dit...

Q.- On a envie de vous demander qu'il soit encore plus dur...

R.- Ils montent sur leurs grands chevaux et puis ils se font désarçonner immédiatement, tout simplement parce que... D'appeler à encore plus de rigueur, je suis bien d'accord, mais le Fisc français n'est vraiment pas indulgent et il a raison, le Fisc français est là pour lutter contre l'argent qu'on pique dans la poche des Français pour indûment le mettre dans d'autres. Donc, nous irons jusqu'au bout sur toutes les affaires, et je veux une politique fiscale, de contrôle fiscal mais également de contrôle sur les abus dans le domaine social, fraude aux prestations familiales, aux prestations sociales, je veux aller le plus loin possible parce que c'est injuste, c'est vraiment injuste. On ne peut pas demander des efforts aux gens et en même temps, en même temps avoir un pays dans un certain nombre de cas qui fraudent. Donc, la France n'est évidemment pas une France de fraudeurs, il y a d'autres pays qui sont beaucoup plus touchés que nous, mais on doit être de plus en plus déontologiques, de plus en plus moraux...

Q.- Vous dites la fraude sociale, c'est combien ?

R.- C'est plusieurs dizaines de milliards d'euros aussi, fraude aux prestations sociales, souvent il y a des gens qui s'organisent. Vous voyez bien, des boîtes à lettres dans des immeubles qui n'existent pas, c'est de la fraude aux allocations logement, et donc ça c'est insupportable. Les Caisses d'allocations familiales, les URSSAF doivent combattre tout cela, et je crée une Délégation interministérielle de lutte contre la fraude, pour lutter contre cela à la demande du président de la République.

Q.- Le montant de la fraude, c'est l'équivalent d'un point de croissance !

R.- Ah c'est plus qu'un point, c'est malheureusement plus qu'un point de croissance. Evidemment, c'est un peu facile de dire ça comme ça, parce que si vous luttez contre la fraude, ça fait baisser les choses, etc. Mais c'est évidemment beaucoup.

Q.- Dernière question, on a été long mais c'est à la fois de l'enquête fiscale et policière. L. Fabius et F. Hollande sont persuadés que vous avez promis à Bruxelles un plan sérieux - je ne veux pas dire de rigueur, vous diriez non - un plan pour combler les trous de votre budget. Au nom du devoir de vérité, est-ce qu'ils ont raison Monsieur Woerth ?

R.- Mais... Fabius ne sait plus où il habite. Fabius quand il était ministre, il a baissé les impôts, il les a raugmentés...

Q.- Pas de polémique...

R.- Non mais quand même...

Q.- Polémique électorale.

R.- Il a voulu tuer l'Europe à un moment donné en mentant aux Français, enfin tout ça c'est très gentil mais je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de sérieux derrière tout cela. Nous, on a un budget qui est sérieux, on a une trajectoire, comme on dit, de finances publiques qui est sérieuse, que le président de la République a lui-même présentée, avec l'idée d'être en 2012 à l'équilibre des finances publiques. Ça c'est un plan sérieux, c'est un plan de gestion des finances de la France...

Q.- Vous dites qu'il y aura un plan de gestion ri... enfin...

R.- Mais nous avons déjà... mais nous avons déjà. Lorsque nous disons que nous ne remplaçons pas un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite, quand nous disons que nous devons maîtriser les dépenses et diviser par deux le rythme d'évolution de la dépense publique, c'est un plan de gestion. On doit gérer les finances françaises...

Q.- La rigueur...

R.- Les finances, et nous, nous le faisons... nous l'avons fait dès l'élection du président de la République et nous le ferons également. L'équilibre des finances à 2012, c'est ça l'objectif Monsieur Elkabbach.

Q.- Oui, la rigueur a commencé et ils ne s'en étaient pas aperçus !

R.- Ils ont déposé - c'est une marque, c'est un modèle, c'est une marque déposée par les socialistes - le mot que vous venez de présenter parce que tous ces plans-là, c'est les plans de 1983, les socialistes sont experts en la matière mais sont experts aussi en échec.

Q.- C'est un plan qui a de la barbe. Merci, merci d'être venu, E. Woerth, bonne journée.

R.- Merci.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 mars 2008