Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur les outils de la politique du logement au niveau national et local, notamment les plans locaux d'habitat, la gestion des aides à la pierre, les programmes de construction de logement, Paris le 13 mai 2008.

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Circonstance : Etats généraux du logement en Ile-de-France, à Paris le 13 mai 2008

Texte intégral

Monsieur le Préfet de région,
Monsieur le Président du Conseil Régional
Messieurs les Présidents des Conseils Généraux
Monsieur le Maire de Paris,
Messieurs les Préfets,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants des organisations professionnelles
Mesdames et messieurs
Presque 6 mois jour pour jour après avoir installé ces états généraux du logement en Ile de France, j'ai plaisir à vous retrouver pour la conclusion de vos travaux. Je vous remercie, Monsieur le préfet de région ainsi que vos collaborateurs d'avoir animé avec efficacité les groupes de réflexion. Je remercie également chacune et chacun d'entre vous d'avoir contribué à enrichir les travaux menés, faisant ainsi partager la collectivité régionale et la collectivité nationale du fruit de vos expériences diverses.
A l'écoute des comptes rendus qui ont été dressés par les présidents des groupes de travail, que je remercie pour leur implication personnelle, je suis frappée par la richesse de vos propositions qui vont alimenter le projet de loi sur la mobilisation en faveur du logement. Je suis heureuse également d'observer que, si vos propositions sont empreintes de réalisme, elles sont tout autant marquées par une volonté de remettre en cause certains schémas de pensée ; c'est aussi par la rupture que les problèmes du logement dans cette région trouveront une solution durable.
Mais, au-delà, je retiens de ces 6 mois de travail que vos débats ont permis de dégager des consensus sur un nombre important de propositions. A une époque marquée du sceau de l'individualisme, il est remarquable de constater que sur des problèmes d'intérêt général, il est encore possible d'aboutir à des diagnostics partagés et surtout à des propositions d'actions recueillant l'assentiment d'une large majorité. Soyez tous remerciés de cet effort collectif.
Je souhaite faire rapidement trois remarques générales avant de vous faire part de mes conclusions quant aux résultats de vos travaux.
Depuis un an que je suis ministre du logement et de la ville, je suis frappée par le fait qu'en matière d'aides à la pierre notamment, l'intervention égalitaire de l'Etat aboutit en quelque sorte à creuser les inégalités territoriales que connaît notre pays face à la crise du logement. Pour s'en convaincre, deux chiffres : la région Ile de France a programmé 24% des logements sociaux de toute la France, alors que depuis le début de l'année le nombre de dossiers déposés au titre du droit au logement opposable dans la région représente près de 70% du total. Je me garderai bien d'en tirer des conclusions hâtives, mais il est clair que toute politique du logement devra désormais s'attacher à résorber ces écarts par des mesures différenciées.
En second lieu je souhaite, à la lumière du rapport du groupe dédié aux spécificités régionales franciliennes, mettre en exergue le lien indissociable entre le logement et le développement économique. C'est un truisme de rappeler que si les salariés d'entreprise ne sont pas logés correctement et à distance raisonnable de leur lieu de travail, leur capacité productive en est affectée. C'est d'ailleurs au nom de cette évidence, qu'après la guerre, le patron des Lainières de Roubaix, M Prouvost a créé ce qui est devenu depuis lors le 1% logement financé par les entreprises. Aussi la nécessité de construire 60 000 logements par an s'inscrit-elle dans une perspective de développement économique de la région capitale qui demeure la locomotive du développement national.
Enfin je souhaite souligner que plusieurs rapports ont insisté à juste raison sur l'urgence d'une réflexion approfondie sur les outils de la connaissance en matière de logement et d'hébergement. Je constate que d'un côté la décentralisation via la généralisation des Plans Locaux d'habitat et les délégations de gestion des aides à la pierre, conduit inéluctablement les collectivités à se doter d'observatoires efficaces leur permettant de définir les besoins, puis de suivre l'impact des politiques locales qu'elles mettent en oeuvre. De l'autre, les enquêtes menées sur le plan national doivent être remaniées en profondeur afin de garantir la qualité de leurs résultats. Enfin, il est surprenant de relever que le logement n'a jamais vraiment donné lieu à des travaux académiques en matière d'économie à quelques rares exceptions notables. C'est pourquoi je vais prochainement saisir le conseil général des Ponts et Chaussées, associé à l'inspection générale des affaires sociales, afin que soient recadrés les termes de la connaissance et les outils qui lui sont propres, et afin d'obtenir des propositions d'actions adaptées au domaine du logement et de l'hébergement.
En matière de gouvernance, j'ai retenu de vos propositions qu'il fallait impérativement rendre opérationnel l'objectif de production de 60 000 logements par an. L'architecture que vous préconisez, est de renforcer le rôle du comité régional de l'habitat et parallèlement celui du préfet de région dans la définition d'objectifs pour des territoires à une échelle plus réduite que celui de la région. J'y suis pour ma part favorable. Dans ce cadre, le caractère opérationnel des PLH doit être renforcé, ce qui conduira par conséquent à faire des EPCI le pivot des politiques locales en matière de logements. C'est là d'ailleurs un schéma qui s'est rapidement imposé sur le reste du territoire national. D'ailleurs, tout cela va dans le sens du dernier conseil de modernisation des politiques publiques qui s'est prononcé en faveur d'une responsabilisation accrue des agglomérations.
Il est clair que je retiendrai certaines autres de vos propositions dans le projet de loi et notamment celles qui sont destinées à rendre obligatoire l'élaboration de PLH pour les communes isolées d'une certaine taille et rendre plus opérationnel le PLH dans la territorialisation des objectifs de production en matière de logement.
Une autre piste de réflexion me paraît devoir encore être approfondie. C'est la recherche de sanctions dans le cas où il n'y aurait ni traduction ni exécution des objectifs du PLH dans les PLU. S'agissant de l'articulation à développer entre l'agrément pour les locaux d'activités avec les politiques locales de logement, je ne puis qu'y être favorable. Mais si le président de la République a souhaité une refonte du code l'urbanisme, il reviendra à mon collègue, Jean-Louis Borloo, en charge de cette compétence de la conduire. J'y prendrai naturellement toute ma place compte tenu de l'importance que revêt le droit des sols dans la libération de foncier pour le logement.
J'ai déjà retenu dans le projet de loi un certain nombre de mesures reprenant vos propositions : que ce soit en matière de densification, qui me paraît d'ailleurs s'inscrire dans le souci d'éviter l'étalement urbain, d'élaboration de documents stratégiques et prescriptifs par l'Etat sur des territoires à enjeux forts à l'instar de directives territoriales d'aménagement simplifiées, d'association des partenaires privés aux opérations d'aménagement ou encore de transfert du droit de préemption urbain aux préfets dans le cas de communes déclarées en carence selon la loi SRU, ce sont autant de dispositions qui viendront compléter la boite à outils réglementaires qui existe déjà.
J'ai été sensible au fait que le groupe de travail sur le foncier reprenne à son compte l'idée d'aider les maires bâtisseurs. En la matière, en effet, je crois davantage à l'encouragement qu'à la sanction. C'est pourquoi je suis pour ma part favorable à une évolution du système de redistribution par la DGF, même si j'ai conscience des problèmes techniques que cela pose.
Je suis favorable aux orientations que vous préconisez d'une part pour donner la priorité à la production de logements neufs et d'autre part pour développer des produits adaptés aux besoins régionaux comme le PLS. J'ai par ailleurs d'ores et déjà repris des propositions comme celles portant sur le surloyer, l'extension du Pass Foncier au collectif afin de veiller à un équilibre avec le développement de la maison individuelle.
Je terminerai ce tour d'horizon en insistant sur plusieurs mesures qui me semblent s'inscrire dans la logique que nous impose collectivement le DALO. L'accompagnement social me paraît être sans conteste la grande priorité du moment pour réduire les risques de dérapage social inhérent à toute situation de précarité. Ce terme recouvre des acceptions très diverses et je souhaite entamer une réflexion spécifique sur ce sujet en liaison notamment avec les collectivités, en particulier les départements qui ont la compétence sociale.
Au-delà, je suis favorable aux mesures que vous préconisez en matière de desserrement des contingents de réservations de logements sociaux qui corsètent de plus en plus la gestion du parc social, la lutte contre la résorption de l'habitat insalubre, qui sera le pilier du programme de revitalisation des quartiers anciens dégradés que je porte dans le cadre du projet de loi de mobilisation pour le logement, ou le développement de l'intermédiation locative.
Vous avez évoqué, Monsieur le président, deux propositions qui ne figurent pas dans les rapports qui nous ont été présentés et auxquelles je souhaite néanmoins réagir.
S'agissant du syndicat mixte que vous appelez de vos voeux pour organiser les compétences en matière de logement dans la région, je pense que c'est là une mesure qui intéresse directement mon collègue Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé de la région capitale. Je doute fort cela dit, que l'ajout d'une nouvelle structure soit du moindre secours pour venir à bout de la difficile question de la répartition des compétences dans le domaine du logement et de l'hébergement.
Pour ce qui concerne votre volonté de porter la limite plancher de 20% à 30% en matière de logements construits sur le territoire de chaque commune, je suis prête à en débattre d'une façon générale. Je souhaite vous faire observer cependant que le seul respect de la norme actuelle de 20% minimum dans les communes concernées par la loi SRU nous conduirait dans la région à une valeur proche de 30%. Aussi cela me renforce dans la conviction que j'ai, de vouloir appliquer dans toute sa rigueur cette loi dans sa forme actuelle avant que d'aller au-delà.]
En conclusion je souhaite souligner à quel point votre réflexion a pu alimenter la mienne.
En effet, en novembre dernier, j'inscrivais le lancement de ces états généraux du logement et de l'hébergement dans une double logique :
- nationale bien sûr pour mobiliser les acteurs hexagonaux car que la crise que nous traversons est à bien des égards, générale ;
- régionale ensuite, parce que je suis convaincue que la politique du logement a vocation à s'articuler chaque jour davantage autour du développement local des territoires.
Vous avez pleinement relevé ces deux défis. Je vous en remercie et je vous invite à poursuivre cet élan et à le concrétiser dans l'action.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 14 mai 2008