Déclaration de M. François Bayrou, président du Mouvement démocrate (MoDem), sur la loi électorale et le projet de loi de réforme des institutions, à l'Assemblée nationale le 22 mai 2008.

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Circonstance : Discussion générale en séance publique du projet de loi de réforme des institutions, à l'Assemblée nationale le 22 mai 2008

Texte intégral

La question qui se pose à nous, pourtant simple, n'est pas traitée. Quelle est-elle ? Tout simplement : où se trouve la racine du mal ? Car le mal, nous en avons tous posé le diagnostic, depuis longtemps et de façon réitérée. La marée de fauteuils rouges vides constatée un mercredi après-midi à 18 heures 15 alors même qu'est examiné un texte présenté comme l'un des plus importants de la législature est assez éloquente à cet égard. Où est donc la racine du mal ?
Dans la dépendance du pouvoir législatif par rapport à l'exécutif. Cette dépendance, qui vient de loin, a été encore renforcée par l'institution du quinquennat et la concomitance des élections présidentielle et législatives.
Tant que cette question sera éludée, la situation réelle ne pourra pas changer. Comme l'ont fait remarquer de nombreux constitutionnalistes, le problème n'est pas que le Parlement manque de pouvoirs - il en a même de nombreux - mais qu'il ne les exerce pas, le législateur se trouvant réduit au rôle d'exécutant de l'exécutif.
Tant que l'on ne remédiera pas à cette situation en modifiant la loi électorale et en faisant que le vote, conformément à la Constitution, soit effectivement égal, rien ne changera. Or, aujourd'hui, le vote n'est pas égal. Si vous votez à gauche à Neuilly-sur-Seine ou à droite à Saint-Denis, votre voix ne comptera jamais !
Si l'on veut que le vote soit égal, afin de rompre le cordon ombilical entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, il faut modifier la loi électorale. À défaut, ce texte ne sera qu'un leurre. Le partage de l'ordre du jour ne sera qu'une fiction s'il s'agit seulement de remplacer l'exécutif par un législatif continuant de dépendre de lui. Faire passer la maîtrise de l'ordre du jour de M. Karoutchi à M. Copé, quelle révolution ! (Rires et Exclamations sur divers bancs) Voilà au moins qui ne risque pas de faire trembler nos institutions ! De même, le contrôle des nominations n'est qu'une plaisanterie dès lors qu'une majorité des trois cinquièmes est requise pour que puisse s'exercer un veto. De fait, seul le parti majoritaire aura le droit de veto.
De ce mal, on nous donne une manifestation éminemment symbolique dans le droit de message du Président de la République au Parlement. Le Président de la République pourra s'adresser aux deux assemblées réunies en Congrès s'il estime avoir quelque chose à leur dire, mais sa situation de majesté l'empêchera d'entendre ce que la représentation nationale, elle, peut avoir à lui dire.
Cela est profondément choquant mais traduit parfaitement la réalité institutionnelle qui sortira de cette réforme.
Machiavel assure que « gouverner, c'est faire croire ». N'acceptons pas une réforme institutionnelle consistant à faire croire qu'on aura rééquilibré nos institutions alors qu'il n'en sera rien.source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 23 mai 2008