Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur l'objectif de lutte contre l'habitat indigne, notamment par l'aide à l'amélioration des logements de propriétaires occupants très modestes, et sur celui de la garantie à l'accès au marché locatif, Paris le 15 mai 2008.

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Circonstance : Assemblées générales extraordinaire et ordinaire de la Fédération nationale Habitat et développement, à Paris le 15 mai 2008

Texte intégral

Monsieur le Président ,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
Mesdames et Messieurs les Conseillers Généraux,
Monsieur le Délégué Interministériel au Développement Durable ,
Monsieur le Président de l'ANAH,
Madame la Présidente du Pôle National de lutte contre l'habitat indigne,
Mesdames et Messieurs du réseau national Habitat et Développement,
Mesdames et messieurs,

Je suis heureuse d'être des vôtres pour cette assemblée générale de la Fédération nationale Habitat et Développement.
Vous le savez, j'ai fait de la lutte contre l'habitat indigne un axe primordial de mon action dans ce ministère.
J'ai fortement relancé le 14 novembre dernier la lutte contre l'habitat indigne en orientant l'action en premier lieu contre les « marchands de sommeil », c'est à dire vis à vis des « logeurs » indélicats, dans le secteur locatif et plutôt urbain.
Les préfectures et les services de l'Etat, avec l'aide du Pôle de lutte contre l'habitat indigne, ont engagé un travail de « rattrapage » sur les arrêtés déjà pris et d'amplification de leur action dont je ne peux que me réjouir. Les relations avec les communes se sont renforcées dans ce cadre puisque les maires sont compétents en matière de sécurité publique.
Cependant, l'aspect particulièrement révoltant de cette activité de « marchand de sommeil » ne doit pas masquer une autre forme diffuse et très peu visible d'habitat indigne, celle des propriétaires occupants (PO) très modestes vivant dans de très mauvais logements, souvent en milieu rural. Ces propriétaires sont, pour ainsi dire, condamnés à leur sort sans intervention publique et sociale : ils ne doivent pas être laissés seuls sur le bord de la route sous prétexte qu'ils sont silencieux.
C'est en leur nom que je veux saluer le travail de la Fédération Habitat et Développement . L'activité de la Fédération va certes très au-delà de cette préoccupation. Je tiens, Monsieur le Président, à saluer l'action générale, opérationnelle, de la Fédération et de ses réseaux départementaux au service de l'amélioration de l'habitat de ménages très modestes, notamment en milieu rural.
On sait ce que traiter ces situations de très grande pauvreté requiert d'énergie, de constance, de patience, de faculté d'écoute, d'attention sociale, mais aussi parfois d'imagination ... c'est le rôle des opérateurs et celui-ci est irremplaçable, tant par son efficacité opérationnelle que comme maillon de cohésion sociale.
Ces logements indignes occupés par leurs propriétaires, combien sont-ils ?
Les dernières données en notre possession, relatives à ce que nos experts ont baptisé le « parc privé potentiellement indigne » , données en cours de diffusion dans les départements, montrent un parc de logements répondant à ces termes, partagé à parts égales entre le secteur locatif et les propriétaires occupants. Ces derniers pèsent donc lourd et cette réalité est trop souvent mésestimée et méconnue.
L'action coercitive n'a guère de sens à leur égard et ce sont bien des actions financières, incitatives avec un fort accompagnement social, qu'il faut développer.
Pour aider ces propriétaires occupants, des outils ont fait leurs preuves : les «opérations programmées pour l'amélioration de l'habitat et les programmes d'intérêt général » - OPAH et PIG - qui, depuis plus de 30 ans, permettent d'apporter à des propriétaires privés une assistance indispensable sur les plans techniques, financiers et social non seulement pour réhabiliter leurs logements, mais aussi pour leur offrir ou conserver un milieu de vie : il n'y a pas de vie sans société locale, sans services, sans commerces.
Cette diversité des outils opérationnels doit être maintenue et perpétuée car elle permet l'adaptation aux spécificités locales : sans cette diversité, les aides publiques de toutes natures perdraient une grand partie de leur efficacité. J'y veillerai.
Pour toutes ces actions sous maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales, pour être efficace, il est indispensable de disposer d'opérateurs de qualité, professionnels. Dans ce domaine aussi, je veux saluer l'action de la FNHD, très présente dans ce métier si particulier et précieux.
Aussi je ne peux que souscrire en général aux 14 propositions de la Fédération sur le thème « lutter contre l'habitat indigne chez les propriétaires occupants » dans la note du 18 mars dernier qui m'a été remise par son Directeur Michel PELENC et qui traite des dispositifs opérationnels ainsi que de l'accompagnement social dans ces programmes. Ce travail est issu directement de notre Chantier National pour le Logement de Lyon de fin septembre 2007.
Mais, s'il y a lieu de nous féliciter de la réussite globale des opérations programmées, nous devons aussi reconnaître que les résultats en termes d'amélioration des logements des propriétaires occupants n'égalent pas ceux du parc locatif et la note du Chantier National nous le rappelle à juste titre. La mesure du traitement de ces logements montre des résultats encore insuffisants.
Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation qui nous place en-deçà des objectifs avancés par la mission PINTE. Et nous ne pouvons d'autant moins nous en contenter que s'ajoutent aujourd'hui de nouveaux défis, et tout particulièrement le risque de précarité énergétique très sensible avec une énergie chère dans des logements mal chauffés et mal isolés.
Je n'oublie pas enfin la nécessité d'adapter les logements existants au grand âge et au handicap.
Alors, que faire ?
En termes de méthode, pour mieux informer, sensibiliser, mobiliser les maîtres d'ouvrage, il est proposé qu'un chargé de mission « habitat indigne » soit nommé dans chaque préfecture. Les réponses apportées à ma circulaire du 14 novembre dernier montrent des résultats, certes encourageants mais encore insuffisants, et il m'apparaît effectivement souhaitable qu'un véritable « chef de projet », au niveau hiérarchique pertinent, soit en charge, dans chaque préfecture, de la coordination, voire de l'impulsion, des dossiers relatifs à l'habitat indigne et, en même temps, à la mise en oeuvre opérationnelle du droit au logement opposable.
Mieux informer, sensibiliser, mobiliser, c'est aussi produire des documents utiles à tous : dans cet esprit, j'ai demandé au Pôle national de lutte contre l'habitat indigne de rédiger une plaquette à destination des élus, présentant les principaux outils de la lutte contre l'habitat indigne, dans la suite du guide « Agir contre l'habitat insalubre et dangereux » à destination des professionnels. Ce travail est en cours.
S'agissant de l'amélioration des processus de production, les propositions faites touchent à la fois aux dispositifs opérationnels et à la solvabilisation des propriétaires pour effectuer les travaux requis.
Promouvoir les dispositifs opérationnels nécessaires est indispensable à toute action efficace, selon le cas, via une opération programmée pour l'amélioration de l'habitat (OPAH) de revitalisation rurale, un programme d'intérêt général (PIG), ou la mise en place d'une équipe de maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS) dédiée aux cas les plus lourds ; cela nécessite effectivement un renforcement de l'ingénierie de projet, notamment pour repérer et traiter l'habitat indigne dans toutes ses dimensions, notamment sociale.
Le dernier conseil d'administration de l'Anah a revalorisé les plafonds de subvention dans le secteur programmé intégrant un volet spécifique de repérage et de traitement de l'habitat indigne. Un référentiel des missions d'ingénierie spécifiques, à l'attention des maîtres d'ouvrage et traitant notamment de l'accompagnement social, devrait sortir très prochainement.
La récente circulaire de la DGUHC qui a mis à jour les conditions de mise en oeuvre des « MOUS Insalubrité » participe aussi à cette action.
Restent les questions de financement des travaux et de solvabilisation des propriétaires occupants modestes.
Avant tout, il faut bien avoir en tête les faibles ressources des propriétaires occupants aidés par l'ANAH. Le coeur de cible, ce sont bien les plus modestes. Toute opération doit être envisagée sous l'angle du « reste à charge » dont il est évident qu'il est très vite excessif pour eux. On n'imagine pas, par exemple, un propriétaire occupant, potentiellement bénéficiaire des aides de l'Anah, engager 100 ou 200 euros par mois de remboursement pour des travaux. Pour ces femmes et ces hommes, chaque euro compte : pour ce public, il va nous falloir améliorer notre capacité d'aide. La note de la fédération nous donne des pistes de travail précises et sérieuses à ce sujet. J'ai demandé à mon Cabinet qu'elles soient expertisées rapidement par notre administration centrale afin de passer le plus vite possible au stade opérationnel.

En ce qui concerne vos échanges de la seconde moitié de l'après-midi sur la mobilisation du parc locatif privé en sécurisant les bailleurs, je viens de recevoir le rapport sur la garantie des risques locatifs établi par Madame Sabine BAIETTO-BEYSSON de l'ANAH et de M Bernard BEGUIN d'Equité Generali France.
Pour sécuriser les rapports entre les bailleurs et les locataires, le risque locatif d'impayés demeure un verrou et ce, à double titre :

  • En premier lieu, le risque locatif écarte de l'accès au logement les ménages qui ne sont pas en mesure de satisfaire aux demandes de garanties le part des bailleurs. Les titulaires de CDD, de contrats à temps partiel, les jeunes en formation, les étudiants sont autant de victimes potentielles de discriminations dues à leur situation sociale, lorsqu'ils recherchent un logement
  • En second lieu, le risque locatif dissuade de nombreux bailleurs de mettre leur bien en location. Des dizaines de milliers de logements seraient ainsi « soustraits » d'un marché qui connaît pourtant une importante pénurie.

Dès sa convention sur le Logement, le 14 septembre 2006, le candidat Nicolas SARKOZY, avait annoncé sa volonté d'avancer sur le dossier de la GRL afin de « substituer une relation gagnant-gagnant entre les propriétaires et les locataires à la relation perdant-perdant actuelle ». Le 21 décembre dernier, à l'occasion de son discours de Vandoeuvre-les-Nancy, le président de la République, revenait sur le sujet et faisait part cette fois-ci de son souhait de voir la caution purement et simplement supprimée.
C'est la raison pour laquelle Christine Lagarde et moi-même, avons décidé de faire réaliser une expertise afin que puissent nous être présentés les systèmes d'assurances les plus adaptés à la sécurisation de la relation bailleur/locataire.
Nous devons au plus vite garantir à tous nos concitoyens qui le souhaitent l'accès au marché locatif. Nous devons au plus vite rasséréner les bailleurs qui tardent à remettre leur bien sur le marché. Nous voulons aussi rapidement pouvoir prévenir les expulsions locatives en cette année décisive du lancement du Droit au logement opposable.
Ce rapport a été porté à la connaissance des acteurs concernés et soumis à concertation. Le gouvernement devrait arrêter une décision en la matière avant la fin du mois de juin prochain.
Une dernière chose que je veux vous annoncer. Comme vous devez le savoir, depuis 5 ans, dans les quartiers fragiles, nous avons dynamité des barres vétustes, construit de nouveau logements, pour bien montrer qu'il y avait volonté de rupture. J'assume cet héritage que j'entends poursuivre. L'ANRU nous permet aujourd'hui de réaliser une politique de rénovation urbaine, avec des efforts encore jamais fournis dans ce pays, mais l'importance de ces efforts nous oblige à réfléchir à la politique de la ville dans son ensemble. Les quartiers à la périphérie de nos villes ne sont pas les seuls à avoir besoin de rénovation urbaine. Certains quartiers de centres anciens ont des habitats plus indignes que certains de ceux que nous démolissons actuellement en périphérie. Je vais engager un programme de requalification des quartiers anciens dégradés, s'appuyant sur l'outil qu'est l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), en lien avec l'ANAH, pour permettre une action plus complète sur ces secteurs fragiles de la ville. C'est un des éléments du projet que je prépare actuellement.
Voilà ce que je voulais vous dire à propos de l'action que nous menons ensemble pour que les plus démunis de nos concitoyens aient enfin tous accès à un logement décent.
Je vous remercie.

Source http://www.habitatdeveloppement.fr, le 29 mai 2008