Interview de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, à RMC le 2 juin 2008, sur l'annulation d'un mariage pour mensonge sur la virginité, les réflexions autour de la création d'un statut de beaux-parents dans le cadre des familles recomposées et les revenus des grands patrons.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Où va la France ? Nouvel invité sur BFM TV et RMC, X. Bertrand, ministre du Travail, ministre de la Famille, enfin ministre de beaucoup de choses. X. Bertrand bonjour.
 
Bonjour, J.-J. Bourdin.
 
Merci d'être avec nous. Parlons de la famille, l'annulation de ce mariage pour mensonge sur la virginité. "Je suis scandalisée", a dit hier R. Bachelot. R. Dati doit-elle saisir la Cour de cassation pour modifier le Code civil ?
 
Déjà, normalement, on ne commande pas une décision de justice. Mais là, comme cela a été fait...
 
Le garde des Sceaux l'a fait.
 
Mais là, attendez ! Elle est tout à fait dans son rôle R. Dati. Et ce qu'elle a dit également correspond tout à fait au rôle du garde des Sceaux. Et j'aimerais bien aussi que chacun puisse raison garder par rapport aux déclarations de R. Dati. Je crois que l'attitude par rapport aux propos de R. Dati qui ne me plaît absolument pas et qui est complètement, complètement déplacé.
 
A droite comme à gauche, dans la classe politique générale ?
 
Oui, parce qu'elle est dans son rôle. Elle n'a pas la tache la plus facile qui soit mais elle est là aussi sur les sujets où il y a beaucoup d'émotions pour redire les choses juridiquement. Maintenant, aujourd'hui, dire que l'on pourrait annuler un mariage parce qu'une jeune fille aurait menti sur sa virginité, cela semble insupportable pour tout le monde, c'est clair. Et moi qui suis aussi en charge de la famille, du droit des femmes, avec la secrétaire d'Etat, je vous le dis très clairement : il ne peut pas y avoir aujourd'hui dans notre droit la moindre faille, la moindre remise en cause ni du droit des femmes, ni du droit à leur intégrité. Maintenant, je crois aussi regarder un peu plus en détail. Je n'ai pas lu précisément, je crois qu'il faut aller plus loin sur cette affaire. Est-ce que c'est véritablement notre code civil qui ne serait plus adapté sur certaines dispositions ou est-ce que c'est le dossier en lui-même qui mérite que l'on regarde avec un peu plus d'attention ? Maintenant j'ai vu que les parlementaires - des parlementaires - avaient souhaité se saisir du sujet. Alors pour aller jusqu'ou ? A eux de le dire. Mais je pense qu'il faut que l'on ait toute clarté là-dessus parce qu'il ne peut pas y avoir la moindre remise en cause au XXI siècle du droit des femmes.
 
Justement, pour éviter toute discussion et pour éviter toute interprétation, modifier le code civil serait peut être la solution.
 
Oui, mais seulement quand il y a une décision, qui est en plus une décision d'un tribunal de première instance, pas de la Cour de cassation, avant de savoir si aussitôt il faut ouvrir le code civil et le modifier, regardons les choses, regardons les choses. Les parlementaires veulent le faire, je trouve que c'est une bonne initiative.
 
Une bonne solution !
 
C'est une des solutions...
 
Aller à la Cour de cassation ce n'est pas la bonne solution pour modifier le code civil ?
 
Sur ce sujet, il y avait des délais, parce qu'en plus c'est une affaire, si je ne me trompe pas, qui remonte à 2006. Je crois que le mariage avait été célébré en 2006. C'est bien cela.
 
Tout à fait.
 
Mais seulement, comme nous avons aujourd'hui une question de droit, avant de dire aussitôt "modifions le code civil" - vous savez, ce code civil il ne semble peut-être plus tout à fait moderne dans certaines dispositions, mais quand même, il a traversé différentes époques et si on doit le modifier, il faut le faire en regardant très bien les choses.
 
Parlons de la famille. Autre question : les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses. Je sais que vous préparez un statut des beaux-parents, du beau-père, de la belle-mère. Que va-t-il prévoir ?
 
C'est N. Morano qui travaille sur ce sujet en lien avec la chancellerie et avec R. Dati...
 
Et sous votre direction...
 
Sous ma direction, et puis bien évidemment, cela figurait noir sur blanc dans la lettre de mission que m'a confiée le président de la République. Cela figure dans ma lettre de mission et dans celle de R. Dati. L'idée c'est de pouvoir garantir des droits aux beaux-parents, c'est-à-dire de faire en sorte qu'il y ait bien sûr les parents ; les grands-parents ont eu d'avantage de droits reconnus mais les beaux-parents ce n'est pas encore aujourd'hui suffisamment reconnu.
 
Mais quels droits ?
 
C'est-à-dire notamment, s'il y a une séparation, est-ce que l'enfant puisse continuer à avoir un lien qui puisse être rétabli, et que du jour au lendemain, s'il y a une séparation, il n'y ait pas en plus une fracture psychologique pour les enfants. Voilà quelques unes des pistes.
 
Oui mais quels droits pourrait-on accorder, quel statut pourrait- (on accorder aux beaux-parents ?
 
J.-J. Bourdin, dès que le dossier est prêt, je reviens vous voir.
 
Vous ne voulez pas m'en dire plus ?
 
Non tout simplement, parce qu'on est aujourd'hui dans de très nombreux contacts avec les associations. Nous avons pas mal avancé pour voir justement comment aujourd'hui, après ce qui a été fait pour les grands-parents, les beaux-parents doivent voir aussi des avancés reconnus. Mais seulement, vous savez, je ne suis pas le champion du monde de l'effet d'annonce. Quand les choses sont prêtes, là je veux bien en parler. Donc, ils auront un statut ? Oui tout à fait. Mais là aussi, ce n'est pas une nouveauté. Cela avait été dit par N. Sarkozy pendant la campagne présidentielle. Cela fait partie aussi des évolutions de la société et donc des évolutions du droit.
 
Nous allons évidemment parler du projet de loi sur le temps de travail. Je rappelle aux auditeurs de RMC et aux téléspectateurs de BFM télé qu'ils peuvent poser leur question. Vous êtes avec nous après 9 heures. Vous allez répondre en direct aux auditeurs de RMC. X. Bertrand, je voudrais parler du revenu des patrons. Le PDG de Vallourec, fabriquant de tubes servant aux forages pétroliers, a encaissé, je donne la somme, 18 millions d'euros en 2007. PDG français le mieux payer l'année dernière. L'action Vallourec s'est envolée, parce que le prix du baril de pétrole s'est envolé. Il doit se lever très tôt et se coucher très tard dites moi, X. Bertrand, sans faire de procès d'intention. Que pouvez-vous faire ?
 
Dans le sujet ? Déjà quand on gagne beaucoup d'argent, on paye beaucoup d'impôts, ne l'oublions pas !
 
Ça on est d'accord, heureusement !]
 
C'est bien de le rappeler. Non mais c'est bien de le rappeler.
 
Il ne s'agit pas de faire la chasse à ceux qui gagnent beaucoup d'argent, X. Bertrand, vous l'avez compris. Il s'agit de voir qu'en 30 ans, l'écart entre la rémunération d'un PDG et le salaire moyen des Français passait de 40 à 350 fois plus. Voilà la réalité.
 
Alors plusieurs choses. Déjà quand on gagne beaucoup d'argent, on paye beaucoup d'impôts, et c'est normal. La deuxième chose, c'est que vous aurez pu parler aussi des parachutes dorés qui avaient défrayé la chronique.
 
Oui, Mme Russo, par exemple.
 
Est-ce que l'on sait que depuis le vote du texte du l'emploi et le pouvoir d'achat, ces parachutes dorés sont aujourd'hui beaucoup plus taxés. Je ne le crois pas et c'est bien de le rappeler. Autre principe, autre principe, si l'entreprise gagne de l'argent, qu'elle a de bons résultats, cela ne me dérange pas qu'un chef d'entreprise gagne de l'argent, mais seulement il faut aussi qu'on reste dans des écarts qui sont des écarts raisonnables et qu'en contrepartie, en contrepartie, les salariés eux y gagnent davantage. S'il y a justement des revenus importants, eh bien ce qui m'importe c'est qu'il y ait davantage d'intéressement et de participation pour les salariés.
 
Mais non attendez ! Vous allez revenir. Là, vous ne me répondez pas, X. Bertrand. Vous ne me répondez pas !
 
Mais non, attendez ! Il faut redoubler l'intéressement et la participation. Ce n'est pas un discours, je viens de vous dire très clairement ce que j'en pensais. Je veux, moi, que les salariés s'y retrouvent. Ce n'est pas seulement le patron ou quelques-uns dans l'entreprise.
 
Là, on est bien d'accord on va revenir sur l'intéressement et la participation...
 
Merci.
 
Mais, je vous posais la question : est-ce que vous pouvez faire quelque chose ou est-ce que vous êtes impuissant ?
 
Je ne fais pas de la politique ni pour être démagogue, ni pour être antipathique... Entre les deux, il y a de l'espace.
 
Mais il ne s'agit pas s'être un démagogue. Il s'agit de poser la question : est-ce que vous pouvez faire quelque chose face à ces salaires et revenus qui apparaissent énormes, exorbitants ?
 
Eh bien, notamment amener dans les assemblées générales d'actionnaires. Et on voit qu'une assemblée générale d'actionnaires, ce n'est plus "La vie est un long fleuve tranquille". On voit ce qui s'est passé dernièrement à la Société générale. Les actionnaires prennent davantage de pouvoir. Tant mieux. Les petits actionnaires aussi. Eh bien, il faut pouvoir expliquer dans une assemblée générale que tel chef d'entreprise va gagner tant. Je ne suis pas sûr avec la transparence qu'on pourra avoir les excès que l'on a pu connaître certaines années. Mais je vais aller plus loin aussi.
 
Enfin, Mme Russo s'est fait voter un parachute doré de 6 millions d'euros !
 
Et vous avez vu comment s'est passée l'assemblée générale des actionnaires. Je ne suis pas certain qu'à l'avenir, on puisse recommencer la même chose. Et si elle a son parachute doré, elle paiera effectivement...
 
Quel que soit le résultat de l'entreprise !
 
Elle paiera un maximum aussi, elle paiera un maximum, d'impôt et de taxation là-dessus. C'est le cas depuis 2007. C'est bien de le rappeler aussi. Et maintenant ce que je veux aussi vous dire, est-ce que c'est l'Etat qui fixe le montant des rémunérations ? Non, ni dans un sens ni dans l'autre.
 
Donc, vous êtes impuissant !
 
Non, pas impuissant, parce que c'est aussi au niveau européen que ces choses là se discutent. Et on n'a pas l'attention de rester les bras croisés. On ne fait pas de la politique pour rester sur une chaise les bras croisés. On se bouge. Pourquoi vous n'avez pas dit vous-même tout à l'heure que sur les parachutes dorés, on a voté les dispositions qui n'existaient pas avant. Pourquoi ? C'est pourtant la vérité. Pourquoi vous n'indiquez pas que pour réduire l'écart des salaires, on veut qu'il y ait plus d'intéressement et de participation.
 
Alors, pourquoi très franchement l'écart a été multiplié par dix ?
 
Parce qu'on n'a pas assez joué la carte de la rémunération des salariés. Pas assez. Il y a eu trop de rémunération des actionnaires. Parfois les investissements ont eu leur part mais pas assez la rémunération des salariés. Voilà pourquoi il faut aujourd'hui rééquilibrer. C'est le sens d'une meilleure répartition de la rémunération du capital et du travail. C'est dans cette voie-là qu'il faut aussi aller. Parce que vous pouvez très bien dire : on va fixer un problème, un plafond, on va fixer justement un nouveau plafond. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'il y ait un maximum de salariés qui gagnent davantage. Voilà notre logique du pouvoir d'achat.
 
On va parler des 35 heures, du temps de travail, parce qu'il faut des explications, on a besoin d'explications... Il est 8h44. [...]
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 juin 2008