Interview de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, à "Canal Plus" le 28 juillet 2008, sur le contenu du projet de loi de mobilisation sur le logement et ses priorités notamment en terme de construction de logements et d'accession à la propriété des plus modestes.

Prononcé le

Média : Canal Plus

Texte intégral

T. Joubert & S. Chironi T. Joubert : Vous présentez aujourd'hui en Conseil des ministres l'avant-projet de loi de mobilisation sur le logement, avec quatre priorités donc : construire plus de logements, favoriser l'accession des plus modestes à la propriété, permettre l'accès aux HLM à plus de personnes, et lutter aussi contre l'habitat indigne. Mais c'est un texte qui provoque déjà la colère des associations d'aide aux plus démunis, puisque ces associations dénoncent clairement des régressions par rapport aux lois déjà existantes, notamment en matière de logement social, sur les modalités d'expulsion. Est-ce que vous avez prévu de revoir clairement votre copie ?

Non, je n'ai pas prévu de revoir la copie. Il est possible de l'amender, comme tous les textes de loi, bien sûr, mais quant à dire que c'est un texte de régression, c'est absolument faux. Je pense que les associations n'ont pas vu globalement le texte et se sont focalisées sur un ou deux articles qui si, ils étaient seuls effectivement, pourraient poser problème, mais aujourd'hui, c'est une vision globale du logement, dans laquelle la chaîne du logement est solidaire, de l'hébergement à celui qui est très bien logé, effectivement, on fait tomber quelques idéologies. Mais comment peut-on imaginer que C. Boutin qui, toute sa vie politique a tourné son action vers les plus fragiles, pourrait avoir des attitudes qui ne seraient pas sociales ? Ça, c'est inacceptable !

S. Chironi : Vous allez les recevoir ces associations ?

Bien sûr, bien sûr...

S. Chironi : Est-ce que c'est pour écouter leurs revendications ? Est-ce qu'elles peuvent espérer vous faire bouger sur certains points ?

Bien sûr, mais j'ai toujours pratiqué le dialogue, donc je les recevrai à la fin août, comme je m'y étais engagée. Vous savez, le rapport Pinte, que j'avais demandé avec le Premier ministre sur les problèmes de l'hébergement, n'a pas pu être rendu pour des questions d'agenda et aussi des problèmes familiaux de monsieur Pinte. Je ne pouvais pas prendre des mesures du rapport Pinte dans le texte où j'aurais été très discourtoise par rapport au travail du député Pinte. Donc on regardera quelles sont les mesures qui peuvent être introduites. Le texte n'est pas figé, mais quant à dire que c'est un texte de régression et de faire un front, ça, ça me semble vraiment très excessif.

T. Joubert : Est-ce qu'on va vers un affaiblissement de l'obligation de construction de logements sociaux, cette fameuse loi SRU ?

Mais pas du tout, mais pas du tout !

T. Joubert : Les 20 % de logements sociaux, c'est vrai qu'on a peut-être l'impression qu'il y a une remise en cause dans cette loi...

Pas du tout ! Si vous voulez, le problème de la remise en cause, c'est l'idéologie. Oui, le logement social, et la loi SRU sera appliquée et est appliquée de façon stricte. L'accession populaire à la propriété, le président de la République veut que la France devienne à 70 % propriétaires, nous avons donc conçu un concept qui permette aux personnes qui sont dans les logements sociaux de pouvoir devenir propriétaires. Grâce...

T. Joubert : Mais du coup, il y a moins de logements en location...

Mais pas du tout ! Mais au contraire, ça fait autant de logements en location, c'est en plus la propriété. Ce sont les mêmes personnes qui passent du logement locatif à la propriété. Tous les Français espèrent devenir propriétaires...

T. Joubert : Mais tous les Français n'ont pas les moyens de devenir propriétaires...

Ah, mais ça, je vous dis très clairement que le concept n'est pas fait pour les plus démunis. Pour les plus démunis, il est prévu dans la loi d'obliger les communes à construire des places...

S. Chironi : A construire du logement social ?

... des places d'hébergement, par tranche de 1.000 habitants...

T. Joubert : Alors justement, d'hébergement et pas de relogement. Un hébergement, c'est quoi ? C'est un sous-logement ?

Non, l'hébergement, c'est pour celui qui est SDF, qui est à la rue, qui n'a rien, et qui étant désocialisé ne peut pas arriver dans le logement ordinaire, qui a besoin d'être accompagné. Donc l'hébergement, c'est cela, il faut en construire davantage, car il en manque. Mais il n'y a pas d'attitude discrétionnaire des uns par rapport aux autres, effectivement, l'accession populaire à la propriété, c'est un logement social, ça, c'est la véritable révolution.

T. Joubert : Une des mesures dans le cadre de ce projet, on en parlait, c'est donc cette maison qu'on a présentée comme "la maison à 15 euros par jour". En 2008, a priori, seulement 5.000 maisons de ce type auront été construites et vendues en France...

Ecoutez, déjà 5.000 - vous dites "seulement" -, c'est déjà beaucoup ! Il y a 2.000 dossiers qui ont été déposés en trois mois, du 15 avril à maintenant. J'ai la possibilité d'avoir 20.000 logements de ce type jusqu'en 2009, et nous étendons, compte tenu du succès de la maison pour 15 euros, ce concept à l'appartement, au collectif, de façon à ce qu'on puisse devenir propriétaire d'un appartement. C'est accessible aux familles modestes et aux classes moyennes.

T. Joubert : Mais 15 euros par jour, ça fait tout de même 450 euros par mois...

C'est le prix d'une location sociale.

T. Joubert : Oui, pour les personnes les plus démunies, c'est un budget qu'ils n'ont peut-être pas pour se loger...

Mais je ne conteste pas, ce n'est pas du tout pour ce public-là. Mais ce public-là n'est pas du tout abandonné, je vous dis : il y a des obligations de construction d'accueil pour les personnes les plus démunies, de façon à pouvoir les accompagner socialement et qu'elles puissent rentrer - j'espère, un jour - dans le logement social, voire devenir propriétaires. Mais ce n'est pas le même public, ça ne touche pas les plus démunis, bien sûr, l'accession populaire à la propriété.

S. Chironi : Comment seront financées ces mesures, C. Boutin ?

Elles seront financées par le budget de l'Etat, et vous savez aussi, par la ponction qui sera faite sur le 1 %. Il y a 800 millions qui sera demandé, et demandé au 1 % logement, tout comme le monde économique avait participé au lendemain de la guerre à la reconstruction de notre pays, eh bien, aujourd'hui, nous sommes dans une situation où il manque des logements, il est demandé au monde économique et au 1 %, aux partenaires sociaux, de participer à cette action de reconstruction. Donc le budget est tout à fait là pour pouvoir financer toutes ces actions...

T. Joubert : Mieux utiliser l'argent du 1 % logement, effectivement... S. Chironi : Ce n'est pas ce que disent toutes les associations...

Mais les associations, elles n'ont pas les détails de toutes les négociations, vous savez.

T. Joubert : Les partenaires sociaux non plus. Sur l'utilisation du 1 % logement, ils ne sont pas très d'accord avec vous...

Ah, mais bien sûr, qu'ils ne le soient pas, c'est normal. Vous savez, quand on vous prend 800 millions, ce n'est quand même pas très facile, je les comprends d'une certaine manière.

T. Joubert : Un mot peut-être sur le Gouvernement, puisque c'est aujourd'hui le dernier Conseil des ministres. Est-ce que le Gouvernement et les ministres partent en vacances avec le sentiment d'un bon travail accompli ces derniers mois ?

Je pense qu'il y a eu beaucoup de réformes, le président de la République est actif, s'est engagé, il met en place ce qu'il avait dit pendant la campagne, moi-même, ce projet de loi rentre tout à fait dans les engagements du président de la République. On a eu la belle réussite de la réforme des institutions, ce magnifique 14 juillet avec 43 chefs d'Etat...

T. Joubert : D'une voix d'avance la réforme de la Constitution...

Excusez-moi, je n'ai pas compris...

T. Joubert : Une voix d'avance pour la réforme de la Constitution, le beau succès est un succès relatif...

Oui, mais enfin, 60 %... Vous oubliez de dire qu'il y a 60 % des parlementaires qui ont signé, qui ont voté, ce n'est pas...

T. Joubert : Aux trois cinquièmes...

Oui, eh bien c'est quand même pas mal 60%, c'est quand même une très forte majorité. Il y a beaucoup d'élus qui aimeraient être élus à 60%.

T. Joubert : Juste un mot sur vos vacances : vous partez ?

Oui, bien sûr, j'espère, cet après-midi ou demain matin...

T. Joubert : Les informations du Parisien sont bonnes ?

Ah, je ne sais pas, je ne l'ai pas lu encore...

T. Joubert : Croisic ?

Croisic, absolument...

T. Joubert : Croisic. Parfait. Je vous souhaite de bonnes vacances alors !

Merci beaucoup !

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juillet 2008